Iguana delicatissima Laurenti, 1768 Iguane des Petites Antilles

Iguana delicatissima Laurenti, 1768
Iguane des Petites Antilles
Systématique
Type : "Les figures de Séba et le ou les spécimens de la collection du Comte de Turu" (Daudin, 1802a; Brygoo,
1990a).
Localité-type : "In Indiis". Restreinte par Lazell (1973) à : "The Island of Terre-de-Bas, Les îles des Saintes,
département de la Guadeloupe, French West Indies" .
Restriction non valide (p. 5).
Synonymes et taxonomie : un travail ultérieur clarifiera ces problèmes.
Lazell (1973) a écrit que : "le type n'a jamais été désigné ; Laurenti ( 1 768) note du matériel déposé au Musée
de Turin". Etheridge (1982) a repris en l'aggravant l'erreur de Lazell (1973) en écrivant : "Holotype : Zool. Mus.
T@rino, non localisé" . En effet, la citation du Musée de Turin par Laze@1 (1973) n'est qu'une erreur de
traduction du nom de Tum. Laurenti a indiqué au début de son ouvrage que les collections du comte de Tum
étaient à Vienne. La famille des Thum (ou Tum) et Taxis a été une des grandes familles princières d'Europe qui
s'est vue confier le monopole des communications par les Habsburg dès le début du XVI' siècle. Les collections
du comte de '1'um ont malheureusement disparu (Anne-Marie Olher et Alain Dubois, comm, pers., janvier
1999).
Laurenti a fondé sa description d'lguana delicatissima d'une part sur les commentaires et les dessins de Seba
(1734) et d'autre part sur des individus des collections d@ comte de Turn. Dans sa description des iguanes, Seba
a insisté sur leurs Qualités gustatives.
Par exemple il a écrit, à propos de l'iguane représenté par le dessin 96.4 : "même sa chair passe pour être
délicieuse". Le nom de delicatissima vient du latin delicius (délicieux), le qualificatif delicatissima suggérerait
qu'il est meilleur qu'Iguana iguana. Lazell (1973) qui a étudié et goûté les deux espèces est de cet avis culinaire !
En raison de l'absence d'écailles coniques sur le cou, il a été appelé iguane à cou nu (Iguana nudicollis) par
Cuvier (1816, 1829).
Description-Diagnose
L' iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima) est plus petit et moins lourd que l'iguane vert ou iguane
commun (Iguana iguana). Ainsi, les mâles de l'iguane des Petites Antilles atteignent une taille de 43,4cm
(longueur du corps de l'extrémité du museau au cloaque) et un poids de 3540g, et les femelles 40, 1 cm et un
poids maximal de 2 650 g quand elles sont gravides (Reichling 2000 ; Day et al., 2000). La longueur totale ainsi
atteinte n'excède pas 140-150cm.
Du Tertre (1667) a donné une longueur atteignant 5 pieds. Il existe une grande variation dans la taille maximale
de cette espèce. Ainsi, à Chancel (Martinique), nous n'avons pas trouvé de mâles dépassant une longueur
maximale de 1 1 1 ,5 cm (LC = 33 cm) et un poids de 1 900 g (n = 36) et de femelles de plus de 108cm
(LC=30,5cm) et d'un poids de 1540g (n = 6 1 ) pour une femelle gravide. À Saint-Barthélemy, le plus long mâle
mesuré atteignait 129cm
(LC=38,5 cm) et un autre de 115cm (LC=36cm) pesait 2700g, soit 100g de plus que le précédent (n;5). Le mâle
présenté sur la photographie p. 129 a vécu plus de 15 ans (J.-C. Plassais, comm. pers., août 2000) et, à sa mort
accidentelle, il faisait 1 36 cm de longueur. Les femelles les plus longues mesurent 123 cm (LC=38,5 cm) et la
plus lourde, qui était gravide, pesait 3050g (n= 20). Néanmoins, cette population n'est peut-être pas
représentative de l'ensemble des iguanes de Saint-Barthélemy. En effet, elle bénéficie d'un apport alimentaire
(bananes, fruits divers . . . ) par les propriétaires du terrain où elle se situe notamment après les cyclones. À
Petite Terre, le plus long mâle mesuré atteignait 12lcm (LC = 39 cm) pour un poids de 2 450 g (n = 1 7) et la
plus grande femelle gravide mesurait 115cm (LC=33,5 cm) pour un poids de 1950g (n=35).
Dans les ravines humides de la Basse-Terre, les individus sont beaucoup plus imposants et le plus gros mâle que
nous avons mesuré atteignait 141,5cm (LC=41 cm) pour un poids de 3400g (n= 10) et la plus grosse femelle
130cm (LC=40cm) pour un poids de 2700g (n=15). Il en est de même à la Dominique et à la Martinique.
Schardt (1998a) a mesuré à la Désirade un mâle de 139cm (LC=38,7cm) et d'un poids de 2550g. Sa plus grosse
femelle atteignait 114,5cm (LC=33cm)etunpoids de 1900g.
Dans ce contexte, les iguanes de Chancel apparaissent très petits même par rapport à ceux de Petite Terre qui
vivent dans un milieu à peu près équivalent.
Iguana delicatissima est trapu. Cette caractéristique, associée à la coloration marron et un comportement
particulier, le fait ressembler superficiellement aux iguanes terrestres du genre Cyclura (Alberts, 2000) qui
habitent actuellement les Grandes Antilles, mais qui était peut-être aussi présent dans les Petites Antilles (p. 31).
Le genre Iguana se distingue morphologiquement des espèces du genre Cyclura (iguane terrestre ou de rocher),
par la présence d'épines gulaires sur le fanon (absentes chez toutes les espèces de Cyclura), et par la crête
épineuse continue s'étendant de la nuque à la queue alors que celle des Cyclura est séparée en trois régions
distinctes (n@ale, dorsale, caudale).
L'iguane des Petites Antilles peut être facilement distingué, quel que soit son âge, d'Iguana iguana, par un seul
détail moryhologique. Iguana delicatissima ne présente pas d'écaille (plaque) subtympanique élargie, alors
qu'Iguana iguana a une plaque subtympanique beaucoup plus grande que le tympan. D'autres caractères
morphologiques différencient les deux espèces.
Ainsi, la queue d'Iguana delicatissima est unie alors que celle d'Iguana iguana est annelée de noir. Les épines du
fanon (moins de 10 et en général moins de 8) ont plutôt une section circulaire et sont souvent recourbées chez
Iguana delicatissima alors qu'elles sont aplaties chez Iguana iguana. Ces épines se trouvent dans la moitié
supérieure du fanon chez I. delicatissima alors qu'elles s'étendent dans la moitié inférieure chez I. iguana.
L'angle antérieur du fanon est arrondi chez I. delicatissima et plutôt droit chez I. iguana.
Chez Iguana delicatissima, les écailles supralabiales et sublabiales sont bombées et alignées alors qu'elles sont
plutôt plates et forment une mosaïque chez Iguana iguana. Les seules exceptions à ces caractéristiques sont les
hybrides entre ces deux espèces trouvés aux Saintes, sur la Basse-Terre (Breuil, 2000b,c ; Day et al., 2000) et
sur la Grande-Terre (Breuil, 2000b,c). F@jffels (1997) a donné une assez bonne description des caractères
différentiant les deux espèces du genre Iguana.
Les hybrides présentent des phénotypes très variables, certains ressemblent par leur couleur et leur morphologie
à l'une ou l'autre espèce. Ainsi;un mâle de Terre-de-Bas des Saintes, de phénotype global delicatissima,
présentait une plaque subtympanique de grande taille et la rangée classique d'écailles supralabiales de cette
espèce. En revanche, des individus de la Basse-Terre et de la Grande-Terre possèdent un phénotype global
d'/garvn iguana avec une queue néanmoins peu annelée et une plaque subtympanique de taille plus réduite,
prolongée par 3 ou 4 écailles infralabiales bombées plus ou moins isodiamétriques
(Breuil, 2000c). La couleur est parfois originale, un mâle de la Basse-Terre (p.133) possède une
coloration globalement orange en plus des caractères cités précédemment et une femelle de la
Grande-Terre (p. 118) une couleur uniforme beige-brun. Un mâle de Grande-Terre présente une
coloration orange vermillon plus soutenue avec des marbrures brunes, un nombre d'épines
gulaires de 8-9, une série d'écailles labiales pratiquement isodiamétriques mais asymétrique entre
le côté droit et le côté gauche (p. 144) et une queue orange vermillon annelée de noir. Cette
couleur orange-rouge a été notée par les Saintois pour les iguanes du Chameau (partie
occidentale de Terre-de-Haut) que certains appellent iguanes rouges (Breuil et Sastre, 1993).
Nous l'interprétons comme une marque de l'hybridation entre le vert d'Iguana iguana et le gris-
marron d'Iguana delicatissima. Ces - différents phénotypes suggèrent que les hybrides pourraient
éventuellement se croiser, dans certaines conditions, avec les espèces parentales à moins que la
prédominance d'un type de phénotype corresponde à celui de la femelle (Breuil, 2000c).
Les adultes de l'iguane des Petites Antilles présentent un dimorphisme sexuel pour quelques
caractères. Les mâles possèdent des épines nucales, dorsales, caudales et gulaires de taille
supérieure à celles des femelles ainsi que des écailles occipitales de plus grande dimension. Tous
ces caractères dimorphiques donnent un profil particulier aux mâles qui est mis en avant lors des
disputes territoriales. Chez les mâles dominants adultes, le corps et la queue sont marron-gris
foncé. Quand les mâles sont sexuellement actifs, les joues deviennent rosées et les écailles
occipitales charnues développent une légère couleur bleue. Le dessus de la tête présente deux
gibbosités molles de couleur gris-bleu. Un dépôt important de graisse forme les "bajoues" qui
donnent l'illusion d'une plus grosse tête et d'un profil triangulaire quand l'iguane est vu par-
dessus, comme dans les cas de combat frontaux et de hochements de tête (head-bobbing). Le
dimorphisme sexuel est beaucoup plus marqué dans les populations vivant dans les parties les
plus humides (Basse-Terre) de l'aire de répartition que dans celles habitant dans des îles plus
sèches les femelles âgées adoptent une couleur gris foncé, très semblable à celle des mâles
dominés (Petite Terre, la Désirade, Saint-Barthélemy).
Les nouveau-nés et les juvéniles sont vert brillant (vert pomme). Des marques blanches sur la
mâchoire inférieure, sur les épaules et souvent trois barres verticales blanches sur les flancs
forment des dessins qui cassent la silhouette. Les juvéniles ont aussi la possibilité d'assombrir
certaines parties du corps, leurs chevrons, ce qui améliore leur camouflage; de ce fait leur
couleur s'étend du vert uni au vert avec des taches brunâtres. Les changements ontogéniques de
coloration sont dus à une perte progressive des marques blanches et à une réduction significative
des capacités à changer de couleur. Chez les deux sexes, la coloration de la tête s'éclaircit jusqu'à
ce qu'elle soit claire (blanchâtre) et le corps reste vert uni. La couleur de la queue change
précocement, elle devient marron à l'extrémité et s'assombrit progressivement en remontant vers
le cloaque.
L'observation d'individus captifs (Jersey Wildlife Trust) indique que lorsque deux mâles sont
gardés ensemble au milieu de femelles, l'un devient dominant et prend les caractéristiques
physiques et la coloration de cet état. Quand le mâle dominant est retiré, le mâle le plus petit prend
les caractères dimorphiques et dichromatiques de la dominance (Day et Morton, 1993; Day et al.,
2000).
Répartition dans l'archipel Guadeloupéen
À Saint-Barthélemy, l'iguane des Petites Antilles est présent sur toute la superficie de l'île,
mais il est plus abondant dans la partie nord. Son effectif serait
de l'ordre de 300-500 adultes avec trois concentrations, l'une sur les hauteurs de Saint-Jean, l'autre à
l'anse des Cayes et la dernière à Corossol. Bengt Anders Euphrasen (1756-1797) a relaté dans son
séjour en 1788 à Saint-Barthélemy (in Tingbrand, 1995) qu' "Il y a bien des années, ce quadrupède
ou lézard était sur toutes les tables, mais à présent, depuis que le pays a été mieux défriché et mis en
culture, il devient rare, car les gens l'attrapent pour le manger, en particulier les nègres. On le
rencontre encore sur la petite île Fourchue; le plus grand parmi tous ceux que nous avons vu avait 2
pieds de long et valait un demi rixdale specie". Il était présent à l'îlet Frégate, à l'îlet Bonhomme ou
Chevreau dans les années 1960 (Lazell, 1973), mais il en a disparu à la suite de la destruction de la
végétation par les cabris (Day et Thorpe, 1992; Breuil, obs. pers. août 1996, 2000). Quelques
individus vivent encore à l'ilet au Vent à l'est de l'île Fourchue, à Petite Islette à l'ouest de cette île
(Breuil, 2000d). Deux terriers et des fèces ont été observés sur Fourchue (Breuil, 2000d), mais
aucun iguane; en revanche en août 2001 nous avons obser2 individus. Une petite population
(moins de 10 individus ?) se maintient donc encore sur Fourchue et ses deux satellites (Breuil,
2001b).
Sur l'île de Saint-Martin, Iguana delicatissima semble localisé à la vallée de Colombier et aux
mornes la délimitant nous n'avons vu qu'un seul individu en août 1996. Des témoignages
(juillet 1996 et avril 2000) des habitants indiquent que des iguanes (Iguana sp.) sont
régulièrement observés dans cette zone ainsi que dans la forêt humide du Pic du Paradis. II y a
quelques années, des Iguana delicatissima ont été capturés illégalement dans cette zone et sont
depuis élevés en Allemagne. L' espèce est absente de l'île Tintamarre et de l'îlet Pinel. Elle serait
à rechercher dans l'extrémité nord-est de l'île qui est une des rares zones qui n'a pas été trop
abîmée.
Avant nos prospections intensives (Breuil et Thiébot, 1994), la seule information concernant
la présence d'Iguana delicatissima sur la Basse-Terre était une donnée vague de Lazell (1973) à
Habitation Debout. Dans l'état actuel de nos connaissances, la répartition d'Iguana delicatissima
sur la Basse-Terre est la suivante :de Saint-Christophe (sud de Goyave) à la ravine du Grand
Carbet (dans cette région, il cohabite et s'hybride avec Iguana iguana) ; Pointe à Lézard (Philippe
Feldmann, comm. pers., avril 1995) et Plage de Clugny sur la côte Caraïbe (Alain Rousteau,
Fortuné Guiougou, comm. pers., février 1995). Nous avons pu vérifier (avril 1995, juillet 1997 et
août 1999) l'existence de cette espèce dans ces deux localités où elle se reproduit (nids observés à
Clugny en août 1999, 2000, 2001).
Sa présence aux îlets à Goyaves est rapportée par Underwood (1962), mais mise en doute par
Lazell (1973). Sur ces îlets, nous avons observé (1989, 1993) Iguana iguana ainsi que sur le
Rocher de Malendure (Pointe Batterie). Des iguanes sont régulièrement signalés au Morne
Deshaies, à Fort-Royal et à îlet à Kahouanne (obs. d'un terrier en août 1999), il est probable que
ces iguanes soient des Iguana delicatissima, mais la présence d'Iguana iguana est aussi attestée par
un individu trouvé écrasé sur la route dans cette zone (Breuil et Thiébot, 1994). La côte sous le
vent et la côte au vent de la Basse-Terre ont certainement eu un peuplement quasi continu
d'Iguana-delicatissima comme c'est le cas actuellement à la Dominique. La destruction de l'habitat
(p. 40) est un facteur de régression de l'espèce. La présence d'Iguana iguana sur la côte sous le
vent, entre des populations d'Iguana delicatissima est bien réelle ainsi que l'hybridation qui en
résulte (Day et Thorpe, 1996). Elle pourrait être due à une introduction d'iguanes capturés dans le
sud de la Basse-Terre et relâchés dans cette zone (Breuil et Thiébot, 1994).
Sur la Grande-Terre, Lazell (1973) a rapporté l'existence d'une population au Bois Eusèbe, mais
il a été impossible de la retrouver. En revanche, nous avons appris l'existence d'une introduction
d'Iguana delicatissima de la Désirade à Saint-François et leur présence nous a été signalée dans les
environs. Néanmoins, à la fin août 1999, nous avons découvert dans la région de Saint-François
des iguanes dans un reliquat de mangrove qui a échappé à la destruction. Sur les trois individus
observés, il y avait un mâle d'Iguana delicatissima, une vieille femelle d'Iguana iguana et un
individu atypique au phénotype Iguana iguana majoritaire que nous avons interprété comme un
hybride (Breuil, 2000b). En août 2000 et 2001, nous avons étudié cette petite population. Elle con-
tient au moins un mâle et une femelle delicatissima typiques, un mâle et une femelle iguana, des
hybrides (Breuil, 2000c) et quelques jeunes de moins d'un an aux phénotypes difficilement
interprétables (conditions d'observation défavorables). Compte tenu de la localisation de cette
population, il est peu probable qu'il s'agisse d'introductions. Iguana delicarissima a été introduit à
Gosier, et Breuil et Thiébot ( 1994) en ont observé un dans un jardin d'une zone Iguana iguana
est également présent.
Les collections du MNHN renferment des Iguana delicatissima dont l'origine est imprécise
(Martinique et Guadeloupe), mais aussi des individus -MNHN 2364, 2366, 2366A) récoltés en
Guadeloupe par L'Herminier. Ces individus ont été mentionnés par Duméril et Bibron (1837) et
envoyés par L'Herminier Fils.
Aux Saintes, les premiers Iguana delicatissima et Iguana iguana ont été collectés en 1914
(Dunn, 1934). Dans les années 1940-50 Underwood (1962) n'a vu, à Terre-de-Haut qu'Iguana
delicatissima. Dans les années 1960, les deux espèces y étaient présentes en grand nombre
(Lazell, 1973). Selon Lazell (1973), Iguana iguana occupe les parties sèches de l'archipel: îlet à
Cabrit, l'est et le centre de Terre-de-Haut, la Coche et Grand Ilet alors qu'Iguana delicatissima
fréquente Terre-de-Bas et la partie occidentale de Terre-de-Haut, c'est-à-dire les milieux les
plus humides. Dans les années 1970, Wijffels (1976) a mentionné la présence d'Iguana
delicatissima et d'Iguana iguana à Terre-de-Haut.
En supposant que les données de Lazell (1973) représentent la situation réelle dans les
années 1960, les observations réalisées aux Saintes depuis 1987 montrent que la situation a
bien changé. Iguana iguana a colonisé le Chameau et en a pratiquement éliminé Iguana
delicatissima. Au Carême 1995, en faisant le tour du Chameau, nous avons observé, dans de
mauvaises conditions, 5 Iguana delicatissima (peut-être hybrides). Tous les autres iguanes
déterminés sur le Chameau depuis 1992 sont des Iguana iguana (Breuil, 1996). Schardt (1998b)
n'a pas trouvé le moindre I. delicatissima à Terre-de-Haut en 1995. Sur Terre-de-Bas, il en est
de même : nous avons obserdes iguanes présentant les caractéristiques d'I. delicatissima
(couleur, forme de la tête, nombre d'épines gulaires), mais possédant une écaille subtympanique
typique d'Iguana iguana. (Breuil et Sastre, 1993; Breuil, 2000c). Inversement, d'autres individus
de Terre-de-Bas présentent plus une morphologie de type Iguana iguana avec quelques
particularités d'Iguana delicatissima (rang d'écailles isodiamétriques au lieu d'une mosaïque
comme chez Iguana iguana), mais la plupart des iguanes observés sont des Iguana iguana
typiques. Les iguanes de Terre-de-Bas considérés comme des hybrides d'un point de vue
morphologique se sont révélés l'être aussi d'un point de vue génétique (Day et Thorpe, 1996;
Day et al., 2000). Ainsi, les deux espèces s'hybrident et sont en compétition aux dépens
d'Iguana delicatissima, mais les modalités de la compétition et de l'hybridation ne sont pas
encore bien connues. Ce phénomène d'hybridation était déjà en cours dans les années 1960
comme l'a montré l'étude morphologique des iguanes collectés par Lazell dans les années
Soixante (Day et al., 2000). Schardt (1998b) a considéré qu'Iguana delicatissima a disparu de
Terre-de-Haut pour des raisons inconnues sans que personne ne s'en soit aperçu et il a suggéré
d'inventorier les iguanes de la Guadeloupe... ce que nous faisons depuis 1992!
C'est Iguana delicatissima qui est présent à la Désirade et non pas Iguana iguana comme l'a
indiqué Pinchon (1967), suivi par Bénito-Espinal (1978) qui a corrigé son erreur par la suite
(Bénito-Espinal, 1990). Les îles de la Petite Terre abritent une population phénoménale d'Iguana
delicatissima dont personne n'avait compris l'importance jusqu'à nos observations (Breuil et
Thiébot, 1994; Breuil, 1994; Breuil et al., 1994). La taille de la population a d'abord été évaluée
à 4000-6000 individus adultes durant l'été 1993 (Breuil et Thiébot, 1994). Son effectif est
variable et a atteint 12 000 individus (p. 124) avant l'été 1995 (Barré et al., 1997) et se situait en
1998-99 autour de 10000 individus (Breuil, 2000b; Lorvelec et al., 2000). Cette différence entre
les deux premières estimations est à relier d'une part à la chute probable des effectifs à la suite du
cyclone Hugo de 1989 (individus entraînés au large, destruction des pontes par la mer,
diminution des ressources alimentaires...) et d'autre part à une exploration très difficile de Terre
de Bas en 1993 jonchée par les troncs d'arbres (p. 124). Ces îles sont maintenant classées en
réserve naturelle depuis le 3 septembre 1998. Il est étonnant de noter à ce propos que Lazell
(1973) a écrit qu'il n'y avait aucun iguane à Petite Terre alors que sa présence était connue de
longue date des gardiens du phare et des pêcheurs de Saint-François et de la Désirade, mais les
fluctuations d'effectifs sont peut-être responsables de cette absence d'observation.
Ni Breton (1665, 1666), ni Du Tertre (1654, 1667) n'ont mentionné la présence d'iguanes à
Petite Terre alors que ces deux pères y ont indiqué la présence de phoques moines tropicaux
(Monachus tropicalis)
respectivement sous le nom d'ours de mer et de loup de mer ("couritou") qui était l'animal le plus
original de l'archipel. Les Caraïbes y chassaient ces animaux pendant la saison des pluies au
moment de leur migration. Il existe des traces d'occupation arawak datées entre 0 et 1200 après J.-
C. On pourrait alors se demander si les Amérindiens n'ont pas relâché des iguanes à Petite Terre
voire d'autres animaux (tortue charbonnière, agouti...), comme ils l'ont probablement fait à
Tintamarre pour ces deux dernières espèces (qui y sont toujours présentes), afin d'avoir de la
nourriture dans cette île sans eau. Du Tertre a indiqué qu'une des îles de la Guadeloupe était peu-
plée par des lézards (p. 33), il pourrait s'agir de Petite Terre. Les Caraïbes ont nommé Petite Terre
"Cayaoli" ce qui signifie d'après Breton (1665, 1666) : "varesque (varech), herbes de mer que les
tortues broustent, & que la vague jette sur le rivage de la mer", ce qui est un nom très approprié.
D'un point de vue quantitatif, la Dominique est supposée abriter la plus grande population
continue d'iguanes des Petites Antilles principalement à cause de l'importance des habitats
littoraux (Day et al., 2000) alors que les îles de la Petite Terre possèdent incontestablement la plus
grande densité de cette espèce, mais peut-être aussi une population d'effectif comparable à celle de
la Dominique (Breuil, 1994; Breuil et al., 1994 ; Barré et al., 1997 ; Lorvelec et al., 2000). En
revanche, certaines populations (BasseTerre, Grande-Terre, Fourchue) ont été réduites à un niveau
extrêmement bas dans des zones très limitées et de ce fait, leur survie à long terme est probléma-
tique (p. 131).
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