PROTECTION SOCIALE Protection sociale, sécurité sociale, assurance sociale sont des notions très proches qui désignent les mécanismes mis en place dans de nombreux pays occidentaux après la Seconde Guerre mondiale, afin d'assurer des ressources régulières aux individus placés dans des circonstances particulières (maladie, chômage, retraite, etc.). L'organisation de la protection sociale connaît de grandes différences selon les pays. Ce sont les caractéristiques du système français de protection sociale qui sont ici présentées. 1. Qu'est-ce que la protection sociale ? 1.1 Définition Dans la vie courante des individus ou dans leur activité professionnelle, un certain nombre de risques concernant leur personne peuvent se produire. On parle de risques car il s'agit d'événements, comme la maladie, les accidents du travail ou le chômage, qui interviennent brutalement et qui ne sont pas dus aux individus eux-mêmes (ce n'est pas le cas, en revanche, d'une cessation volontaire de l'activité professionnelle). La réalisation de ces risques, qui entraîne des pertes de revenus, peut donc toucher n'importe quel individu. Comme il est apparu injuste que le hasard pénalise des individus qui n'étaient pas responsables de ce qui leur arrivait, l'idée d'une solidarité entre toutes les personnes s'est peu à peu imposée à partir de la fin du XIXe siècle. Des mécanismes se sont donc mis progressivement en place afin que ces individus reçoivent des ressources de remplacement. Ce principe de solidarité s'est ensuite étendu à d'autres événements de la vie courante qui n'étaient pas, à proprement parler, des risques, mais qui se traduisaient eux aussi par des pertes de ressources (maternité, famille nombreuse, retraite et vieillesse). La protection sociale désigne ainsi l'ensemble des institutions et des mécanismes, fondés sur l'idée d'une solidarité nationale, qui garantissent des ressources aux individus placés dans des circonstances particulières (maladie, accident, chômage, maternité, famille, vieillesse). L'expression de sécurité sociale est synonyme de protection sociale mais elle désigne plus spécifiquement les organismes et les institutions qui gèrent la protection sociale. La notion d'assurance sociale, dont l'origine remonte aux premières lois françaises sur les assurances sociales de 1928 et 1930, correspond aussi à la protection sociale mais elle met plutôt l'accent sur les mécanismes (les lois, la réglementation qui organisent le versement de ressources et décident des prélèvements). Enfin, l'Étatprovidence est une notion d'origine historique qui désigne aussi le système de protection sociale. 1.2 Les spécificités de la protection sociale La notion d'État-providence doit être maniée avec précaution car, en France, la protection sociale est indépendante de l'Etat (au sens strict de l'administration et des ministères) ainsi que du budget de l'Etat. En revanche, les organismes de sécurité sociale constituent, avec l'État et les collectivités locales, ce que l'on nomme les administrations publiques. Concrètement, cette indépendance des institutions de protection sociale signifie que ce ne sont pas les impôts qui financent les dépenses de protection sociale (c'est-à-dire les prestations sociales versées), mais des prélèvements spécifiques, différents des impôts des agents économiques et qui s'appellent des cotisations sociales. Rappelons que les cotisations sociales et les impôts forment les prélèvements obligatoires. Cette présentation de la protection sociale doit cependant être quelque peu nuancée car certaines dépenses du budget de l'État (donc financées par l'impôt) correspondent au versement de prestations sociales. Il s'agit par exemple du minimum vieillesse pour les personnes âgées sans ressources ou encore des allocations de chômage destinées à ceux qui n'ont pas versé de cotisations pour bénéficier de l'assurance chômage. Ces dépenses sociales de l'État correspondent au Principe de l'assistance. Cela signifie que la société reconnaît à chacun de ses membres le droit à un minimum de ressources même s'il n’a pas cotisé auparavant. La plus grande partie du système de protection sociale repose sur le principe de l'assurance (on verse des cotisations pour recevoir des prestations si certains événements se réalisent). Mais il faut noter quelques différences par rapport au système traditionnel de l'assurance (exemple de l'assurance automobile). Les assurances sociales reposent sur un principe de solidarité (il s'agit d'une redistribution des actifs vers les inactifs, des bien portants vers les malades, etc.), ce qui entraîne deux conséquences : les cotisations sont calculées en fonction des ressources des individus et non d'après le coût du risque (dans le cas contraire, les personnes âgées paieraient des cotisations exorbitantes tandis que les jeunes actifs, moins souvent malades, ne verseraient presque rien) ; les prestations versées sont calculées en fonction de ce coût du risque et non d'après les cotisations payées (dans le cas contraire, un individu ayant peu de revenus et donc de faibles cotisations ne serait guère indemnisé en cas de problème grave). Les assurances sociales se distinguent donc des assurances traditionnelles qui fonctionnent selon une logique libérale : l'individu doit se garantir volontairement grâce à son épargne contre les risques et il est seul responsable du choix entre la souscription à des assurances ou une autre utilisation de ses revenus. Ceci permet de comprendre alors la contrepartie du principe de solidarité de la protection sociale : le versement des cotisations est obligatoire. Dans le système de protection sociale, la couverture des risques, c'est-à-dire le versement de ressources de remplacement, n'est pas totale. Par exemple, les individus partant à la retraite ne reçoivent pas des pensions mensuelles égales à leurs anciens revenus, mais inférieures. Pour compléter les indemnisations, les assurés sociaux peuvent souscrire des assurances traditionnelles mais ils peuvent aussi adhérer à des mutuelles qui fonctionnent selon les mêmes principes que la protection sociale. 2. Cotisations et prestations sociales Pour offrir les différentes prestations, le système de Sécurité Sociale dispose de ressources, les cotisations. 2.1 Les cotisations Les cotisations sociales sont des versements réguliers effectués par les personnes appartenant à un régime de Sécurité sociale. La plus grande partie des cotisations sociales sont des versements réalisés à partir des revenus d'activité des individus (salaires et revenus du travail non salariaux). Prenons l'exemple des salariés dans une entreprise. À partir d'un salaire de base appelé salaire brut, les entreprises calculent des cotisations à la charge des salariés (le salaire brut se décompose donc en cotisations salariales et en salaire net) et des cotisations à leur charge propre (cotisations patronales). C'est cependant l'employeur qui verse les deux types de cotisations à l'organisme collecteur de toutes les cotisations qu'est l'Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales). La plupart des cotisations sont calculées d'après les salaires, mais elles ne sont pas strictement proportionnelles aux salaires puisqu'il existe un "plafond" au-delà duquel on ne prélève pas de cotisations. Exemple fictif : Cotisations pour l'assurance maladie : 3%. Plafond : 1 500€ par mois. Cotisations versées par un salarié recevant 3 000 € brut par mois : 3 000 X 3% = 90 € par mois. Cotisations versées par un salarié recevant 1 000 € brut par mois : 1 000 X 3% = 30€ par mois. Le déplafonnement des cotisations correspond alors à l'augmentation du plafond (les cotisations augmentent donc). Une partie des cotisations sont en outre déplafonnées puisqu'elles sont calculées sur la totalité du salaire brut. 2.2 Les principales prestations sociales Les allocations familiales sont des prestations versées mensuellement à tous les ménages qui ont au moins deux enfants à charge (jusqu'à 17 ans ou 20 ans dans certains cas). Les prestations sociales en matière de santé sont de deux sortes : d'une part indemnités journalières compensant la perte de revenus (il s'agit de versement en espèces que reçoit l'employeur pour maintenir le salaire de son employé malade) et d'autre part remboursements des dépenses de santé (versements en nature pour le médecin, les médicaments, l'hôpital, etc…). Les prestations sociales ne couvrent pas toujours la totalité des dépenses de santé puisqu'une partie de celles-ci reste à la charge de l'assuré (c'est le "ticket modérateur" que peuvent d'ailleurs rembourser les mutuelles). L'indemnisation du chômage comprend deux éléments : une allocation de base pour les chômeurs qui ont cotisé au régime de l'assurance chômage et des allocations (régime de la solidarité nationale) pour ceux qui n'ont pas cotisé ou qui ont épuisé leurs droits. L'ensemble de ces prestations est géré par des organismes régionaux appelés Assedic (Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce), lesquels sont regroupés au niveau national dans l'Unedic (Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce) (Remarque : Pôle Emploi regroupe Assedic et ANPE). Les retraites, appelées aussi pensions, sont des prestations versées tous les mois aux personnes ayant cessé leur activité professionnelle et remplissant certaines conditions (âge, durée de cotisation par exemple). Selon les pays, les systèmes de retraites sont organisés selon deux modalités différentes (qui peuvent cependant coexister) : il s'agit des retraites par répartition (cas de la France) et des retraites par capitalisation. Dans le premier système, les pensions sont directement financées par les cotisations payées au même moment par les personnes actives. On répartit donc les cotisations de l'assurance-vieillesse entre tous les "ayant-droits", c'est-à-dire les retraités. Il est donc important de connaître la proportion d'actifs qui cotisent par rapport aux inactifs retraités. C'est le rapport démographique = nombre d'actifs occupés / nombre d'inactifs retraités. Dans un système de capitalisation, chaque actif épargne luimême afin de constituer des ressources pour sa période de retraite. 3. Le système de protection sociale en France Si les premières grandes lois sociales datent des années 30, c'est en 1945, à la Libération, qu'est créée la Sécurité sociale pour l'ensemble de la population. Cependant, la généralisation de toutes les prestations à tous les individus ne se fera que progressivement. La Sécurité sociale relève toutefois d'une organisation très complexe faite d'une multitude de "régimes", c'est-à-dire d'organismes spécialisés dans un type de prestations pour certaines catégories (les salariés, les marins, les agriculteurs, etc.). Le régime le plus important est le régime général des salariés, qui regroupe les deux tiers des cotisants. L'ensemble des cotisations et des prestations sont toutefois regroupées dans un compte de la Sécurité sociale où peut apparaître un déficit (prestations supérieures aux cotisations) lié essentiellement aux retraites et aux dépenses de santé. La Sécurité sociale, prise globalement, a toujours tendance à être, de nos jours, déficitaire. Cette évolution, qui résulte surtout de la croissance des dépenses de retraites et de santé, a nécessité des réformes successives qui s'inscrivent toutes dans la même direction (hausse des cotisations, allongement de la durée de cotisation pour la retraite, maîtrise des dépenses de santé). En définitive, la protection sociale couvre la quasi-totalité des individus contre les différents risques. Lorsque certains risques ne sont plus pris en compte par la protection sociale, on sort de la logique de l'assurance pour rentrer dans celle de l'assistance (financée par le budget de l'État, c'est-à-dire par la solidarité de la collectivité dans son ensemble). Deux exemples le montrent : les personnes âgées sans ressources et les retraités dont la pension se situe en dessous d'un certain seuil minimum reçoivent le minimum vieillesse; les chômeurs qui ne peuvent plus recevoir les allocations chômage perçoivent une allocation de solidarité, puis lorsque celle-ci cesse, le RSA, revenu social d’activité (ex RMI, revenu minimum d'insertion). Cette généralisation de la couverture sociale n'était pas prise en compte jusqu'à une date récente dans le mode de financement de la protection sociale qui reposait principalement sur les cotisations perçues sur les revenus du travail. Dans un souci de justice sociale, une contribution sociale généralisée (CSG) a été instaurée en 1990 afin d'obtenir un financement plus large de la Sécurité sociale, son principe étant : "à revenu égal, contribution égale". Représentant un faible pourcentage de tous les revenus (revenus d'activité, mais aussi revenus du patrimoine et revenus de remplacement), la CSG s'assimile à un impôt. Son taux est d'ailleurs décidé par le Parlement. Pour les salariés, il s'agit d'un impôt prélevé à la source, puisqu'il figure sur leur bulletin de paie et est retenu par l'employeur. Autre particularité : le produit de la CSG n'est pas affecté au budget de l'Etat, mais directement aux organismes de Sécurité sociale. La CSG se situe donc entre l'impôt et la cotisation.