CONGRES DES VERTS MONDIAUX DAKAR 2012 Lieu : DAKAR (SENEGAL) Date : DU 29 MARS AU 01 AVRIL 2012 « L’Importance de préserver les forêts du Bassin du Congo et de la problématique de leurs rémunérations » Par Didace PEMBE BOKIAGA Co-représentant de l’Afrique auprès du Global Greens Coordination Député National République Démocratique du Congo Mars 2012 1 Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, Distingués invités, C’est pour moi un grand honneur et un réel plaisir de me retrouver parmi vous, à l’occasion de cet important Congrès des écologistes pour échanger et réfléchir ensemble sur « l’importance de préserver les forêts du Bassin du Congo et de la problématique de leurs rémunérations », à travers des efforts multiformes consentis par les pays détenant le deuxième bloc forestier tropical du monde dont la moitié, vous en doutez, se trouve en République Démocratique du Congo, mon pays. Qu’il me soit permis de remercier les organisateurs de cette rencontre et leur exprimer ma profonde gratitude pour l’attention qu’ils ont accordée à la question de gestion durable des forêts du Bassin du Congo. Avec ses 230 millions d’hectares de forêts dont 60% sont couvert des forêts denses et humides, le Bassin du Congo est le deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie. Sa préservation est donc essentielle pour la qualité de l’air que nous respirons et la stabilité du climat. Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, Distingués invités, Avec une superficie estimée à près de 135 millions d’hectares, la forêt de la République Démocratique du Congo contient l’une des plus riches biodiversités du monde avec quelques espèces phares parfois endémiques comme les rhinocéros blancs, les okapis, les zèbres, les bonobos, les gorilles des montagnes et j’en passe. En vue de préserver ces inestimables potentialités, la République Démocratique du Congo a érigé 9% de son territoire national en aires protégées, un taux qui sera porté à 15% dans un proche avenir. Parmi ces aires protégées, cinq ont été proclamées sites du patrimoine mondial par l’UNESCO. 2 Comme d’aucuns le savent, en plus des ressources forestières, la République Démocratique du Congo est arrosée par le bassin du fleuve Congo qui constitue l’un des plus importants réservoirs d’eau douce au monde. Inutile de rappeler ici que le maintien de ce bassin est largement tributaire de la présence du massif forestier de la cuvette centrale. Aussi, pensons-nous qu’il est plus que temps d’amorcer et d’approfondir le processus de gestion intégrée de toutes ces ressources naturelles géostratégiques et de ne jamais éviter tout débat y relatif. En dépit de ce potentiel énorme, ces forêts ne contribuent pas encore de manière significative au développement durable, à l’élimination de la pauvreté et à la réalisation des objectifs de développement convenus au niveau international, y compris ceux énoncés dans la Déclaration du Millénaire. A la base de ces faiblesses, s’inscrivent notamment l’instabilité politique, les guerres récurrentes, la mauvaise gouvernance, les difficultés de mise en œuvre de la préservation efficiente des forêts, le faible taux de valorisation des ressources naturelles, le manque criant de compensation des efforts consentis en faveur de la gestion durable des forêts. Pourtant, cet important massif forestier est susceptible de contribuer à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique dans la sous-région. Il est par ailleurs à même d’impulser, sur la base des services qu’il rend à l’environnement global, des liens avec la communauté internationale pour un partenariat constructif et mutuellement compensations. Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, Distingués invités, 3 bénéfique à travers des Après ce bref survol du contexte forestier de la sous région d’Afrique Centrale favorable à la préservation des écosystèmes forestiers, j’aimerais partager avec l’auguste assistance, ma vision par rapport aux différents enjeux en cours dans les débats internationaux autour des forêts et la problématique de compensation tant attendue par les pays en développement détenteurs d’écosystèmes forestiers les mieux nantis et les mieux gérés du monde, comme ceux de la sous région d’Afrique Centrale. Je me pencherai particulièrement, à cet égard, sur deux points à savoir : (1) la question du partenariat dans la préservation des forêts du Bassin du Congo ; (2) celle de la gestion durable des ressources naturelles diversifiées que ces forêts regorgent. Ces questions devraient, à mon sens, constituer une préoccupation hautement stratégique de la part de notre Réseau, au regard des menaces qui pèsent sur les équilibres écologiques tant au plan local qu’au plan planétaire, à la suite des graves crises écologiques du moment, dont les manifestations sont notamment le réchauffement planétaire, la sécheresse, la dégradation des terres, l’appauvrissement de la couche d’ozone, la perte de la diversité biologique. Le partenariat, disais-je, devrait être conçu comme un contrat entre deux ou plusieurs partenaires en vue de mettre conjointement en place des politiques bien conçues et des moyens requis visant la préservation efficiente des forêts du Bassin du Congo, de suivre en permanence leur état, et de planifier leur gestion. Les institutions étatiques restent cependant la plaque tournante dans ce type de partenariat, tandis que notre Réseau devrait venir en appui pour renforcer l’action gouvernementale à travers un lobbying très fort et permanent. 4 Ma perception, à ce stade, découle de l’intérêt que nous écologistes ici présents et la communauté internationale devraient porter à l’un des derniers massifs forestiers encore relativement intacts, et qui joue, en tant que puits, un rôle important dans le cycle mondial de carbone. Comme 2 ème poumon du monde après l’Amazonie, sa mauvaise gestion et sa destruction pourraient engendrer des conséquences incalculables à l’environnement global au cours de ce 21ème siècle. Pour le bénéfice des générations présentes et futures ainsi que celui de la Communauté internationale, des mesures ont été prises au niveau international en ce qui concerne notamment l’aménagement des ressources forestières et la certification forestière, qui constituent l’un des dix axes inscrits au Plan de Convergence sous régional. Cependant, tous ces efforts requièrent des moyens techniques et financiers conséquents dont les pays du Bassin du Congo ne doivent assumer seuls. C’est ici, à mon sens, que le principe de compensation trouve sa raison d’être de manière à permettre à ces pays, qualifiés de « bons élèves » par la communauté internationale, grâce à leurs faibles taux de déforestation et de dégradation des forêts, qui tourne autour de 4 à 5% par an, de bénéficier des apports financiers nécessaires de la part des pays dits « grands pollueurs » en vue d’assurer la préservation des forêts et, par conséquent, la réparation causée par les émissions des gaz à effet de serre dont les derniers pays cités sont annuellement responsables. C’est ici également que je souscris véritablement à la mise en œuvre des concepts émergeants dans le cadre du développement des usages alternatifs des forêts, dont notamment : (1) l’instauration des concessions de conservation ; (2) la déforestation évitée ; 5 (3) la rémunération des services environnementaux générés par les forêts dont la séquestration de carbone. Pour ce faire, il s’avère nécessaire de disposer d’institutions fortes et bien rôdées capables : (1) d’évaluer les stocks de carbone séquestrés ; (2) de déterminer les différents avantages à tirer des mécanismes de séquestration ; (3) de négocier de façon équitable des accords de payement ou de compensation y relatifs. A notre grand regret, des fonds dédiés aux pays émergents et en développement pouvant les inciter à assurer la mise en œuvre de la préservation des forêts, ces fonds disais-je, sont largement insuffisants et demeurent à ce jour au stade de promesses non encore tenues. Je citerai ici, à titre indicatif, le Fonds de démarrage, ou fast start, convenu à Copenhague en décembre 2009 lors de la quinzième Conférence des Parties (COP15), d’un montant de 30 milliards de dollars américains pour la période allant de 2010 à 2012 avec une répartition équitable entre les actions, visant la mitigation et l’adaptation aux changements climatiques. Il en est de même du fonds dit « Fonds Vert pour le Climat », adopté à Cancun en décembre 2010 lors de la COP16, dont le montant à mobiliser annuellement à partir de 2020 a été fixé à 100 milliards de dollars américains et qui n’inspire aucune garantie de décaissement au regard de la situation de crise financière mondiale alarmante du moment. Mon argumentaire repose également sur le fait que le calcul des services environnementaux reste encore complexe jusqu’ici, et qu’il en est de même des primes à payer à l’issue de la déforestation évitée. J’estime, que la problématique du manque à gagner à la suite de la non rémunération devrait 6 retenir l’attention de notre Réseau de manière à identifier, ensemble, les voies et moyens alternatifs nécessaires pour que les forêts des pays du Bassin du Congo, qui séquestrent davantage des gaz à effet de serre au profit des pays grands pollueurs, disposent de moyens d’actions conséquents. Je signale en passant que le potentiel en carbone de la biomasse aérienne des forêts du Bassin du Congo est aujourd’hui estimé à près de 45 gigatonnes, ce qui permet de les qualifier de deuxième poumon de la planète. Il y a donc une impérieuse nécessité de préserver cet acquis. Les Pays du Bassin du Congo restent ainsi à l’attente d’une solution durable face à leur préoccupation. Une priorité absolue devrait être accordée à la question de réduction de la pauvreté, dans la mesure où cette dernière demeure la seule garante de la préservation des forêts pour l’intérêt de la sous région et de la communauté internationale. A cet égard, notre Réseau devrait reconnaître que les pays du Bassin du Congo ont l’ultime droit de se développer en utilisant les ressources naturelles dont elles disposent. Ce qui, incontestablement, suppose un développement de l’agriculture extensive à grande consommation des espaces forestiers, une utilisation massive des bois pour les besoins locaux et de l’exportation, notamment en Asie où la demande est de plus en plus élevée de ce produit, une exploitation minière et pétrolière intense avec son cortège d’impacts négatifs sur l’environnement, une extension des centres urbains à la suite de la croissance démographique de l’ordre de 3% en moyenne dans la sous région et que sais-je encore. Pour contrer positivement cet élan, mon plus grand vœu est de voir notre Réseau mener un lobbying fort, de manière à pousser les partenaires au développement, particulièrement les pays grands pollueurs, à appuyer avec force les efforts déployés dans la préservation des forêts et la gestion durable 7 des forêts du Bassin du Congo. En termes clairs, des moyens conséquents devraient être mobilisés dès cette année 2012 ou l’année prochaine à cet effet. Notre lobbying fort, disais-je, aurait en définitive pour impact positif, un développement sobre en carbone et en biodiversité dans les pays du Bassin du Congo, et ce, pour le bien et le bénéfice de l’ensemble de la communauté internationale. Chers Ecologistes, chers Verts, aidez-nous dans ce combat ! Je vous confie cette problématique afin que la cause de la préservation et de la rémunération des forêts du Bassin du Congo soit entendue. Le sort de notre planète en dépend aussi. J’attends beaucoup de vous. Je vous remercie. 8