mais comme des paramètres exogènes. La construction néoclassique se heurte à des difficultés :
conceptuelles : La mesure de la PmK suppose que l’on connaisse la valeur de K. Mais le capital est une
collection de biens d’équipement produits à des périodes différentes, de nature différente, il faut le mesurer par
sa valeur monétaire. Or, pour exprimer cette valeur en unités monétaires, qui correspond à la somme actualisée
des revenus engendrée par la détention de capital, on a besoin de connaître la valeur de r, qui est déterminée sur
le marché des capitaux comme équilibrant le taux de préférence pour le présent et… la productivité marginale du
capital. On est donc en présence d’un raisonnement circulaire, pointé par les économistes de Cambridge comme
Joan Robinson.
empiriques : extrapolée à l’échelle macroéconomique, la fonction de production néoclassique permet de
rendre compte de faits stylisés de la croissance, comme le rattrapage progressif des pays riches fortement dotés
en capital par les pays pauvres, ou encore les « cycles réels d’affaires » (Kydland & Prescott) mais elle ne peut
rendre compte de l’existence de gains de productivité généralisés sur le long terme autrement que par un progrès
technique considéré comme un « résidu » dans le modèle de Solow :
δY/δt = F’K x δK/δt + F’L x δL/δt +
La croissance économique s’explique donc par l’accumulation du capital (F’K x δK/δt), l’accumulation du travail
(F’L x δL/δt ) et un résidu interprété comme la « productivité globale des facteurs »,
Les variations amples des gains de productivité à travers l’espace et le temps échappent alors au modèle
néoclassique : comment expliquer qu’aujourd’hui les gains de productivité soient spectaculaires en Chine et
pas en Afrique ? Comment expliquer le « paradoxe de Solow », c’est à dire que les gains de productivité se
soient ralentis dans les pays occidentaux à partir des années 80, en dépit de la diffusion rapide des nouvelles
technologies de l’information et de la communication ?
II) Les gains de productivité globale des facteurs sont conditionnés par l’efficacité productive de
l’entreprise
Lorsqu’on entre dans la « boîte noire de l’entreprise », les gains de productivité n’apparaissent plus comme des
paramètres exogènes, mais bien comme des sources stratégiques de profit, et renvoient à l’efficacité-X de la
firme (cf. Leibenstein)
A) Smith montre à propos de la manufacture d’épingles que la division du travail permet, en évitant les temps
morts, en limitant la circulation des individus, mais aussi et surtout en donnant l’occasion aux travailleurs
spécialisés d’acquérir par l’expérience une certaine dextérité dans l’exécutaion de leur tâche, des gains de
productivité conséquents. Le taylorisme et le fordisme amplifient, systématisent et perfectionnent cette division
du travail (double division du travail, chronométrage, convoyage des pièces).
B) La division du travail implique une coordination des tâches, une organisation du travail dont l’enjeu est de
gagner en productivité en optimisant la structure hiérarchique et la circulation des informations.
Les formes différenciées de l’organigramme de l’entreprise identifiés par Chandler et analysés par Williamson
facilitent ainsi les gains de productivité dans des contextes différents : une innovation radicale est ainsi plus
rapidement adoptée lorsque la chaïne de commandement est plus centralisée (forme U), alors qu’une gestion plus
décentralisée de la production (forme M) permet d’être plus réactif aux variations de la demande, et donc
d’éviter les invendus, de mobiliser à bon escient les facteurs de production dont la productivité s’accroît.
La circulation horizontale de l’information dans la firme J thématisée par Aoki à travers les dispositifs du
toyotisme (kanban, kaizen) favorise la réduction continue des coûts de production (cf. les « cinq zéros »), on
traque ainsi les gaspillages productifs, ce qui augmente la productivité globale des facteurs.
C) L’organisation optimale du travail doit s’accompagner d’incitations adéquates : Aoki souligne ainsi la
nécessité d’une structure d’incitations verticale dans la firme J. Ford avait d’ailleurs mis en place le « 5 $ day »
en même temps que la chaîne de production pour réduire le turn-over. Plus généralement, le modèle principal-
agent envisage l’effort productif du salarié comme déterminé de façon endogène par les incitations à l’effort. Le
salaire n’est alors pas la rémunération d’une productivité du travail, mais bien un outil incitatif qui stimule la
productivité. Dans le modèle du « tire-au-flanc » de Shapiro et Stiglitz, le principal combine le salaire et le
contrôle du salarié pour résorber l’aléa moral.
On peut cependant douter de la validité de cette conception behavioriste et opportuniste du travailleur. Akerlof
conçoit ainsi de façon alternative le salaire dans une relation don / contre-don. Beauvallet étaye les effets pervers
des dispositifs incitatifs, qui peuvent en tant que motivation du travailleur se substituer aux satisfactions