Réflexions sur le fonctionnement des politiques de développement

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Réflexions sur le fonctionnement des politiques de
développement et des politiques économiques
En Algérie de 1967 à 1998.
Par M.L.Benhassine
Pourquoi un tel sujet de réflexion?
1) - Il s’agit de tenter de reconstituer d’une façon critique la marche des
politiques de développement et des politiques économiques que les pouvoirs
successifs ont appliquées pendant les trois dernières décennies en Algérie.
2) - Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de chercher à pénétrer et à saisir
les ressorts du fonctionnement ou du dysfonctionnement des activités
économiques et sociales qui ont été impulsées par ces politiques de
développement et ces politiques économiques.
3) - Ce n’est pas un bilan exhaustif des résultats quantifiés de ces activités que
nous voulons faire. Mais surtout faire ressortir les moments forts, indicateurs de
tendances caractéristiques et durables qui ont sous-tendu la marche, le
mouvement de la politique de développement et celui de la politique
économique.
4) - Nous pensons, à la différence de beaucoup d’économistes et de spécialistes
des sciences sociales, que compte tenu des grandes particularités des situations
dans les pays sous-développés, il est nécessaire de faire la distinction entre la
politique de développement et la politique économique.
5) - La distinction entre ces deux types de mesures ne signifie pas rupture entre
les modes de fonctionnement qui caractérisent chacune d’elles. Dans l’ensemble
des activités économiques et sociales, les mécanismes qui régissent la politique
de développement et ceux de la politique économique se rencontrent à différents
niveaux, mais peuvent ne pas coïncider. Ceci est explicable par la spécificité des
rapports économiques et sociaux des formations sociales sous-développées.
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Mais d’abord, quel sens donnons nous à ces deux termes?
I- Notre conception de la politique de développement et de la politique
économique.
Une politique de développement se caractérise par l’application sur le terrain de
l’ensemble des mesures politiques, économiques et sociales qui ont pour objectif
principal la transformation des rapports économiques et sociaux en vue du
dépassement des formes ou des restes de dépendance coloniale et des formes
pré- coloniales du retard. Le résultat de cette politique de développement est la
création de forces productives nouvelles et de rapports capitalistes productifs
modernes qui contrecarrent, marginalisent les formes de prédation et de
parasitisme, afin d’ouvrir les perspectives d’une croissance durable soucieuse du
bien être social.
La politique économique est l’ensemble des mesures politiques, économiques et
sociales décidées par l’Etat ou le pouvoir, mesures qui donnent un sens et une
orientation aux différents modes d’organisation des affaires, de répartition et de
redistribution des revenus. La politique économique peut déboucher sur un
accroissement quantitatif des principaux agrégats comptables d’une économie
sous-développée sans qu’il n’y ait dans le moyen et le long terme une
amélioration sensible des conditions de vie pour la majorité de la société.
La politique économique, face à une politique de développement précédemment
mise en application, peut à la faveur d’un changement d’équipes politiques
remplir la fonction de réorientation, de détournement et d’essoufflement
progressif des mesures de politique de développement appliquées sur le terrain.
Ces changements ne sont pas saisis d’une façon claire par l’analyse quantitative
et comptable. Pour les mettre en lumière il est nécessaire pensons-nous de
montrer les modes d’insertion de la politique de développement et de la
politique économique dans le fonctionnement de la formation sociale sous-
développée. Exercice peut être délicat, difficile. Mais il peut avoir le mérite de
nous éloigner des approches ou des appréciations normatives que nous sommes
enclins de faire quand il s’agit d’élaborer ou d’évaluer les résultats de ces
politiques.
Nous ne disons pas que politique de développement et politique économique
s’excluent l’une, l’autre. Une politique de développement peut se doter d’une
politique économique adéquate si la politique de développement veut concentrer
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ses efforts sur le processus d’investissement, tandis que la politique économique
peut mettre l’accent sur les modes de répartition, de redistribution des revenus et
de consommation.
Par contre, pensons-nous, il est fort difficile, dans une formation sociale sous-
développée, de faire émerger une politique de développement à partir d’une
politique économique existante. Les raisons explicatives de ce phénomène
peuvent être nombreuses. Mais nous en citons au moins deux qui nous semblent
plausibles :
a) - la mise en place d’une politique économique sans ouverture sur le
développement est l’indice de l’échec de l’accumulation du capital.
b) - Ce processus d’accumulation étant converti ou détourné vers les méandres
du processus d’enrichissement. Ce dernier est à distinguer du processus
d’accumulation. L’enrichissement pouvant résulter d’activités d’accaparement,
de prédation, de corruption et autres malversations courantes. Ce qui signifie
que l’ancrage des forces sociales qui font promouvoir cette politique
économique est composé de classes et couches sociales dont les intérêts
immédiats sont dans les sphères de circulation, de répartition et de redistribution
du capital et des revenus. Le profit échoue en quelque sorte dans des catégories
diverses de revenus. A la longue, le produit social public opère un mouvement
de spirale descendante qui fait que ce produit social, au lieu de se faire valeur,
c’est à dire de continuer à se faire valoriser par l’activité productive, tend à se
transformer en un ensemble de valeurs d’usage. C’est la contradiction entre
activités productives et activités diverses de circulation et de consommation qui
n’est pas politiquement résolue.
Ceci peut constituer une hypothèse de travail que la suite viendra confirmer ou
infirmer. Elle peut jeter un éclairage sur les distances qui peuvent exister entre
les résultats de la politique de développement et ceux de la politique
économique.
II. Examen de la politique de développement et des politiques économiques,
1967-1997.
1. De 1967 à 1978-1979 a été appliquée une politique de développement qui
avait pour objectif principal, par le moyen des plans de développement, de
transformer l’économie algérienne en y implantant une industrie de base, en
procédant à des transformations des rapports de propriété au sein de l’agriculture
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et en maîtrisant le commerce extérieur à l’aide des institutions de l’Etat. Le
résultat final attendu ou rechercétant d’impulser, d’implanter une dynamique
de développement industriel qui crée une nouvelle articulation entre les secteurs
afin élargir le marché intérieur et accroître les moyens d’accumulation internes.
Le moyen financier initial de cette industrialisation et de ce type de
développement était la mobilisation des revenus des hydrocarbures.
2. L’autre objectif, qu’il était prévu d’atteindre dans le long terme, était de
rompre le cercle vicieux de dépendance dans lequel se trouvait l’économie, de
dépasser l’état d’une économie semi -coloniale, pour tenter de la transformer en
économie nationale.
3. De quelques résultats significatifs de cette politique de développement
1967 -1978-1979 :
Les taux de croissance de la production globale hors hydrocarbures ont été de
9,2% en moyenne en 1974-1977 et 14,1% en 1978 (Documents non publies)
pour la période 1969-1978, le taux d’épargne moyen a été de 36,54% et le taux
d’investissement moyen de 45,71% sans sacrifier la consommation par tête qui
s’est
accrue de 4,5% par an. La politique salariale a nettement favorisé le secteur
agricole : les indices du salaire et du pouvoir d’achat sont passés respectivement
de l’indice 100 en 1967 aux indices 256 et 146 en agriculture, 174 et 93,2 dans
le secteur non - agricole et 206 et 111,7 dans 111,7 l’administration en 1977. Le
taux de chômage est passé de 25% en 1967 à 23,5% en 1973 et 19%
en 1978. Selon la même source,(1) le taux de croissance de la production
intérieure brute totale (Publique et privée), en prix constants de 1974, a été de
7% l’an, entre 1969 et 1978. Le stock de la dette pour la même période a été :
Années
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Montant
944
1.260
1.550
2.991
3.412
4.593
6.085
8.902
13.687
16.510
Montant ( en MO de dollars US)
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Nous avons reproduit un ensemble de données qui nous permettront de faire une
analyse approfondie et comparée des différentes étapes de l’évolution
économique et sociale de l’Algérie.
Qu’en est-il de l’autre étape, celle de 1980 à 1994?
4. Politique de développement ou politique économique de 1980 à 1994?
L’idée directrice de l’ensemble des mesures entreprises, d’ordre politique,
organisationnel, économique, pendant cette étape, est de démanteler
progressivement, sous le couvert de réformes, l’orientation
‘’développementiste’’ qui a été imprimée à la société pendant la précédente
étape. Nous ne reprenons pas en détail cette logique du démantèlement (2).
Seulement quelques moments significatifs :
- l’application des mesures successives de restructuration des entreprises
publiques a eu pour résultat l’affaiblissement du secteur public.
- On a démantelé l’outil technique, on s’est attaqué à la mémoire de
l’entreprise par la dilapidation de l’expérience qui s’était accumulée, et on a
remplacé les cadres compétents et aguerris par d’autres plus obéissants et
dociles.
- On a gelé l’initiative des entreprises en les rendant directement
dépendantes des décisions des ministères de tutelle....Tout un vaste programme
qui bouleverse les superstructures politiques et idéologiques qui maintiennent et
orientent l’économie nationale, et dont le secteur public constitue la force
d’équilibre. Parce qu’il a émergé et s’est formé dans un long processus, qui est
lui même le résultat d’un consensus national. Il y a là, la première brèche faite à
ce consensus.
De quelques résultats importants de la période :
Pour pouvoir mesurer le passage de la politique de développement à la
politique économique qui cherche à banaliser l’effort social passé, tout en
banalisant du même coup à la fois sa propre démarche et aussi ses résultats, il est
utile de faire des comparaisons sur les modes d’investissement pendant les deux
étapes :
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