1
Exposé de CRIMINOLOGIE le 20 mai 2005 :
Panorama des Etats qui prohibent les châtiments corporels :
causes, méthodes, résultats.
Exergue :
« L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que l’éducation fait de
lui. Il faut bien remarquer que l’homme n’est éduqué que par des hommes et par des hommes
qui ont également été éduqués ». E. KANT, Réflexions sur l’éducation (recueils de cours sur
l’éducation à l’Université de Konigsberg - 1776-1787).
Introduction :
Exposer un panorama des « Etats qui prohibent les châtiments corporels » pourrait se suffire
d’une présentation statique. En bons positivistes que nous sommes l’énumération des lois sont
suffisantes. De plus, il y a fort à parier (et à espérer) que l’ensemble de l’auditoire de la
communication suivante est déjà tout acquis à l’idée qu’aucunes formes de violences contre
autrui (et contre soi même) soit l’expression d’une vie humaine idéalement recherchée tant
individuellement que collectivement.
Néanmoins, pour l’étudiant qui se penche sur la question de la logique de la violence sur le
corps, il n’est pas possible de faire l’économie d’une recherche sur la notion précise du
châtiment corporel. Ce dernier étant, certainement, le plus ancien mode de contrôle social
pour assurer tout autant la transmission des valeurs considérées comme bienfaitrices (pour un
lieu et une époque donnés) à l’individu (dans la relation primitive de la famille, la tribu, le
clan) et du groupe politisé (dans la reconnaissance et la transmission d’un droit de punir au
Seigneur, au Roi, à l’Etat, () car va-t-on produire d’autres modes de relations collectives à
l’avenir ?).
2
Dès lors, que le châtiment corporel [et je suis obligé ici d’éluder et donc de simplement
souligner la dimension symbolique du rapport au corps dont la scarification ritualisé est aussi
un moyen d’exercer un contrôle communautaire] aura été dans toutes les sociétés, durant des
millénaires, un moyen reconnu de puissance privé (pour ne pas dire paternelle) et d’utili
publique (vous excuserez ici l’analyse anachronique) pour imposer une autorité souveraine,
une discipline du comportement et punir la déviance, il est impératif d’admettre que la
perspective d’une abolition de la violence (dans l’éducation avant tout en espérant que cela
porte des fruits sur l’avenir : ce que les études déjà tendent à montrer) est une idée
extrêmement neuve et fragile. Prétendre se raccrocher à la simple évidence que la violence est
un mal et ne peut être la source d’une éducation bonne, c’est fragiliser la lente transformation
socio-anthropologique dans laquelle s’engage nos sociétés qui s’appuient sur les droits de
l’homme (et de l’enfant plus récemment) pour construire un monde moins violent. Moins
violent dans le traitement du crime par l’Etat (abolition des peines afflictives et infamantes fin
XVIII° même si on s’interroge sur la réalité de la prison comme espace de traitements
inhumains et pas seulement de privation de liberté) mais aussi dans le droit de la sanction des
règles de vie en société (de la sphère publique ou privée).
Car, le défi n’est évidemment pas de souscrire à l’abolition des châtiments corporels ; encore
que la difficulté de savoir s’il existe des limites pour leur qualification n’est pas dénué de
fondements : couper le poing du voleur ? une fessée publique ? une gifle ? une mise à l’écart
dans le fond de la classe ? dans la chambre ? une privation de dessert (qui punit le corps dans
la frustration d’un plaisir espéré) ? Mais alors, ce n’est plus seulement le corps matériel, c’est
aussi le corps psychique : la menace d’un coup futur ? la menace de la privation de dessert ?
une vocifération agressive ? une injure ? une humiliation ? une ignorance ? une indifférence ?
etc. Dans l’art de faire violence l’homme ne connaît pas beaucoup de limite vous le savez
autant que moi. Le défi est de participer à chaque étage de la société à la mise en œuvre,
l’évaluation, l’analyse, la prospective des règles de vie en commun et de l’accompagnement
de leurs effectivités pour avancer vers l’objectif suscité. Ne nous leurrons pas nous en
sommes qu’aux prémices d’une mutation qui s’engage notamment à travers la mise en place
du droit international depuis 1945 et des avancées de toutes les sciences humaines et dures qui
bouleversent quelques peu notre vision du monde. Vision du monde que trop souvent
l’humain démontre qu’il a une propension à la certitude de l’explication.
3
Au-delà de ces considérations générales, il est proposé ici des pistes de réflexions pour
aborder la définition du châtiment corporel (I) puis exposer de façon plus didactique le
panorama des Etats engagés dans l’abolition des châtiments corporels (II).
I / Le châtiment corporel approche d’une définition et mise en
perspective
II / Etats et prohibition des châtiments corporels
I / Châtiment corporel : approche d’une définition et mise en
perspective
En discutant la définition du châtiment corporel et en mettant en évidence qu’il s’agit bien,
avant tout, d’un rapport de pouvoir entre les êtres (A) il est permis de survoler l’imbrication
historique du corps social qui va se constituer paradoxalement en reconnaissant, peu à peu, à
l’individu un droit de ne plus souffrir dans sa chair et dans sa psyché (B).
A / Définition et étymologie : l’éternelle recherche de la pureté
Source dictionnaire Petit Robert 1 (1986) :
Châtiment : verbe Châtier (du latin castigare de castus « pur » ; Cf. Chaste) : Peine sévère
infligée à celui que l’on veut corriger ; Voir : Punition, expiation, pénitence ; Châtiment
corporel voir : Correction, coup, supplice. Antonyme : Récompense.
Tout est dit ou presque dans cette définition du langage commun : le châtiment est l’archétype
de la vision dualiste du monde. Le bien/ le mal ; la vertu/ le vice ; l’eau/ le feu ; le paradis/
l’enfer.
« Le Seigneur sonde le juste comme l’impie, mais celui qui aime l’injustice, lui répugne. Sur
les impies, il fera pleuvoir le feu et le souffre ; un souffle brûlant sera leur partage ». Extrait
de la Bible, Psaumes 10 Confiance en la justice divine. (sans commentaires).
4
Dans la Bible le châtiment renvoi directement à la colère de Dieu. Ne pas se soumettre à la
Justice divine c’est en toute logique s’exposer à la peine expiatoire. Car les justes sont
reconnus et protégés. Notre civilisation européenne en matière de châtiment (pour éduquer les
enfants ou pour éduquer les peuples et la confusion est encore d’actualité) se rattachera pour
longtemps à cette révélation. Le corps étant le lieu de toutes les corruptions terrestres
(entendez les désirs) il devra souffrir pour expurger les pêchés qui empêchent l’homme de
s’élever vers Dieu (figure du père symbole de loi…).
Autres exemples dans la Bible :
Les Proverbes, traditionnellement attribués au roi Salomon, mais qui s'échelonneraient en fait
entre le Xe et le Ve siècle av. J.-C., considèrent non pas seulement comme utiles mais comme
indispensables les châtiments corporels :
- « Celui qui ménage les verges hait son fils ! Mais celui qui l'aime le corrige de bonne heure.
» (13, 23)
- « Tant qu'il y a de l'espoir châtie ton fils ! Mais ne va pas jusqu'à le faire mourir. » (19, 18)
- « La folie est ancrée au cœur de l'enfant, le fouet bien appliqué l'en délivre. » (22, 15)
C’est très intéressant de noter que le fouet (ou le martinet) est l’instrument chargé de symbole
permettant d’écarter (sur autrui ou sur soi même) les mauvais esprits [renvoi est fait au
dictionnaire des symboles].
L'Ecclésiastique, enfin, livre plus récent, qui date du début du IIe siècle avant J.-C., n'est pas
plus tendre que les Proverbes :
- « Fais lui courber l'échine pendant sa jeunesse, meurtris-lui les côtes tant qu'il est enfant, de
crainte que, révolté, il ne te désobéisse et que tu n'en éprouves de la peine. » (30, 12)
RENVOI A L’ARTICLE SUR DANTE !!!
Pour autant est-il possible d’entrevoir dans la volonté des Etats d’abandonner tout châtiment
corporel l’expression d’un pluralisme ? (…). Je laisse cette question à votre sagacité.
Source : www.ledroitcriminel.free.fr (Jean-paul DOUCET) :
CHATIMENT. - Le châtiment est une sanction, prononcée contre l’auteur d’une infraction
grave, qui tend à lui faire expier sa faute en lui rendant le sens de ses devoirs envers la
divinité, envers la société et envers autrui. Ses racines plongent aux anciens temps de la vie en
5
société, le criminel devait se purifier avant de pouvoir reprendre sa place dans son groupe
social.
Dans cette définition on peut s’interroger : qu’est-ce qu’une infraction grave ? le critère de
gravité est-il toujours valable pour classifier des infractions, des déviances réelles ou
supposées ? Mais il est intéressant de souligner l’importance de la volonté de remettre dans le
droit chemin l’auteur de l’acte considéré hors norme.
En tout état de cause, le châtiment est donc une peine, une sanction qui a pour objet de punir
le déviant, le contrevenant, le délinquant, le criminel, l’insurgé, le révolté, le rebelle,
l’insoumis, l’indiscipliné, toutes ces figures d’être en opposition ou en transgression des
règles qu’une Autorité (mandatée, imposée, reconnue, choisie, élue) va réaffirmer par le
pouvoir de la sentence pour garantir la stabilité du groupe social. Le châtiment corporel se
distingue donc de la vengeance privée et suppose l’intervention de la société pour produire la
référence et les limites à ne pas dépasser. Ce qui est complexe pour notre époque, car la
pluralité des sources de ce qui peut faire autorité s’entrecroisent (de la pyramide au réseau ?
renvoi de lecture François OST et Michel VAN DE KERCHOVE) ; et l’étau se resserre
autour de la famille nucléaire premier lieu de l’expérience du lien social.
Si l’on se penche sur l’étymologie du châtiment et de la vengeance, il est intéressant de
comprendre le lien indéfectible qui existe entre la dimension quasi tutélaire du châtiment et
l’ordre social que l’on souhaite imposé. Si la vengeance comme le châtiment a un contenu de
souffrance corporelle et psychique, elle ne concerne que deux parties.
Les grecs anciens ne s’y étaient pas trompés et nous avons vécu pratiquement jusqu’au XIX°s
sur la distinction suivante entre « kolasis » et « timôria ».
Ainsi le mot kolasis qui signifiait « émonder », « empêcher les arbres de croître » va désigner
de façon technique une « punition à fin préventive » pour éviter que l’homme se laisse
dominer par ses désirs incontrôlés ; dans la logique grecque celui qui est dans cet état
d’immoralité se dit « a-kolastos » « celui qui n’a pas subi de punition » ; l’akolastos ne se
serait jamais dégradé si en temps utile il avait été corrigé… cqfd.
Dans le mot « timôria », on retrouve « ôra » qui signifie « soin », « souci » et « timè » qui
désigne « la valeur d’existence reconnue ou attribuée à un homme par la société ». Le sens de
« timôria » est donc « le soin qu’un homme apporte à sa « timè ». La violation de la « timè »
1 / 45 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !