Conférence du mardi 31 mars sur : « La stratégie de développement de la montagne Française » Propos de Monsieur Pierre Bretel, Délégué Général de l’Association Nationale des Elus de Montagne (ANEM). Thèmes abordés : Le changement climatique L’agriculture et la pastoralisation Le tourisme Les réformes Rappel : l’importance du territoire montagnard en France et son pouvoir politique Près de ¼ du territoire national est montagnard soit exactement 23% du territoire. Les principaux massifs sont les Alpes, les Pyrénées, le Massif Central, les Vosges, le Jura et enfin la Corse. Cela représente 48 départements, 12 régions et 6200 communes. Le changement climatique : L’impact du changement climatique a pour conséquence l’élévation de la température entre 1 et plus de 6° mais aussi des changements dans la pluviométrie. On peut prévoir une augmentation de la pluviométrie hivernale mais surtout l’installation d’un redoux qui ne garantirait plus l’enneigement en dessous d’une certaine hauteur. Ce sont donc principalement les stations de moyenne altitude vers 1500 mètres qui seront touchées et verront leur couverture neigeuse diminuer. D’après certaines études, à l’avenir sur les 450 stations des Alpes seule une centaine seront viables (en France, Autriche, Suisse…). L’atout de la France est d’être le pays qui a le plus de stations de haute altitude. La fonte des glaciers va aussi augmenter les risques d’avalanches ou de crues torrentielles. Au contraire, en l’été, on assistera à un stress hydrique et un plus grand risque d’incendie en forêt. Ces phénomènes sont à nuancer en fonction des massifs et d’une localité à l’autre, notamment grâce à la mise en place de certains plans d’actions locaux. L’agriculture et la pastoralisation L’agriculture en montagne est spécifique car elle concerne d’une part une agriculture souvent extensive à l’opposition de l’agriculture intensive réalisée dans les plaines et les plateaux, d’autre part, il s’agit bien souvent d’élevage en vue de produire du lait par opposition à la culture céréalière. Or si ce mode d’agriculture a longtemps été décrié du fait de ces rendements moindres, on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle représente un modèle d’agriculture durable. En effet, elle est extensive, protège la biodiversité et utilise peu d’engrais. Ces derniers temps, les aides de la PAC (Politique Agricole Commune) ont été redéployées au profit des montagnards ce qui est très positif. Cependant, il existe toujours un risque de désaffection de nos montagnes. En effet, les éleveurs notamment sont confrontés à de plus en plus de problèmes. D’une part, liée au réchauffement climatique, il y a une augmentation du nombre de maladies qui tuent le bétail et d’autre part, la réintroduction de certaines espèces comme les loups rend le travail des bergers plus difficile (surveillance accrue du bétail, mise en enclos) et plus dangereuse (risque d’attaque des loups). Certains éleveurs sont donc contraints à prendre des chiens pour parer aux attaques éventuelles des troupeaux mais ces chiens attaquent parfois aussi les touristes. Si les bergers partent alors la forêt se réinstalle et il y a alors une perte pour la biodiversité. De même, il y a une perte pour les touristes qui ne peuvent plus goûter aux produits locaux et cela entraîne même un surcoût puisqu’il faut alors couper l’herbe avant la saison hivernale et limiter ainsi les risques d’avalanche. Les services publics Pour que les montagnes Françaises ne se dépeuplent pas et qu’elles continuent d’être un lieu de vie, il est important que les services publics soit présents et à proximité. Des lois ou des projets de lois sur les hôpitaux ou sur la TNT ont donc toutes leurs importances. Par exemple, il est prévu l’accès à la TNT pour 95% de la population, il va sans dire que les 5 % de la population qui ne pourront pas avoir accès seront dans des zones peu accessibles comme la montagne. Si les habitants n’ont pas accès aux mêmes services, certaines activités économiques pourraient être défavorisées et changer de lieu d’activité (par exemple l’existence d’un réseau internet haut débit ou pour les habitants l’existence d’hôpitaux à proximité). Le transport et l’accessibilité De même, il est nécessaire que les communes montagnardes soient accessibles et que soient développés les réseaux de transport. C’est un facteur d’attractivité important pour les habitants mais aussi pour les touristes. Le tourisme Rappel : Sur les 6200 communes montagnardes, seules 350 sont concernées par le tourisme lié aux sports d’hiver et seulement une centaine de communes vivent principalement de cette activité. Or le tourisme possède des effets importants sur le milieu montagnard. En premier lieu, l’augmentation du prix du foncier a rendu impossible l’accès à la propriété pour une partie de la population montagnarde sur certaines destinations. En deuxième lieu, la création de Parcs nationaux a protégé la nature mais cela a aussi contribué à limiter les activités possibles. Il est tout d’abord nécessaire de repenser l’offre touristique à cause du réchauffement climatique et de ses effets mais aussi pour une meilleure durabilité et pérennité du tourisme en montagne. En effet, les activités proposées en montagne doivent être diversifiées et ne plus se baser uniquement sur le ski et les sports d’hiver. La diversification des ces activités permettra d’une part d’accueillir une clientèle plus large et aussi de baisser la saisonnalité et d’étaler la fréquentation touristique sur des périodes plus longues voire toute l’année. Cependant, le réchauffement climatique peut aussi être bénéfique en montagne. En effet, lorsque, l’été, la chaleur de certaines destinations touristiques ne sera plus supportable pour les touristes, alors ceux-ci se reporteront sur d’autres destinations. La montagne a alors des atouts à faire valoir. Ainsi, dès à présent, on voit certaines stations notamment spécialisées dans le thermalisme se reconvertir dans le bien être. Les formes de tourisme peuvent aussi se diversifier en montagne avec la création par exemple de l’agrotourisme. Petit à petit, il y a donc des changements, on assiste par exemple à une clientèle de plus en plus familiale et à une diversification des formes de tourisme ainsi que des activités proposées. Il reste tout de même certaines difficultés comme le logement du personnel saisonnier. En effet, c’est un véritable problème, au cours des années, les logements pour les saisonniers se sont dégradés sans que cela soit pris en compte dans le management des stations. Contrairement aux HLM urbains détenus ou gérés par des groupes, les logements des saisonniers sont détenus par des petits propriétaires. Il a été estimé qu’il y a environ 10 000 propriétaires possédant 1 million de logements à rénover. Or si les logements ne sont pas attractifs, cela n’incite pas les saisonniers à venir. Plusieurs solutions sont envisageables : soit de remettre en cause en partie le droit de propriété et de faire une exception pour les zones montagnardes en mettant en place des formes de préemption, soit d’accorder les permis pour les constructions de résidences à la condition que soient créés des logements pour les saisonniers. La résolution de ces problèmes dépend trop souvent de l’action locale. Les réformes : Pour répondre à ces différentes problématiques un document regroupant 21 propositions concrètes a été communiqué au gouvernement pour le Grenelle de l’Environnement.1 Ces propositions ont été faites suite à l’élaboration d’un rapport de l’ANEM s’appuyant sur les travaux d’une mission spéciale mise en place par le comité directeur en février 2006. De plus, certaines réformes portant sur le découpage du territoire ont une importance capitale pour les zones montagnardes. En effet, si les départements sont supprimés, il y aura alors un éloignement et une perte du pouvoir décisionnaire. Certains départements montagnards comme la Lozère possèdent peu d’habitants (environ 75 000). Si l’on rattache ce département à la région Languedoc Roussillon et que l’on supprime le niveau décisionnaire départemental, on s’apercevra très vite qu’économiquement ce territoire au faible nombre d’habitants n’aura plus aucun pouvoir décisionnaire. Les mesures prises au niveau de la région ne tiendront donc pas compte des particularités locales. Conclusion : L’avenir de la montagne Française se situe donc dans ses activités agricoles, pastorales et dans un tourisme plus diversifié et moins saisonnier. Cela nécessite la présence et l’aide des services publics pour le maintien et l’amélioration des conditions de vie et de travail. 1 Ce document est accessible sur la page 4 de la brochure intitulée « Au-delà du changement climatique » distribué lors de la conférence.