Conséquentialisme = (déf.) Un agent doit
accomplir une action si et seulement si cette
action promeut le bien.
On dit généralement que cette définition
revient à poser que l’action juste (au sens
d’action qu’il faut accomplir) est celle dont les
conséquences sont les meilleures, et qu’elle
contient implicitement l’idée que ce que nous
devons faire, c’est le plus de bien possible, ou,
plus techniquement, de « maximiser » le bien.
Elle appelle plusieurs précisions.
1) Il faut entendre par « conséquences »
d’une action tous ses résultats et pas seulement
ses conséquences causales. Certains
conséquentialistes vont même jusqu’à affirmer
que la valeur de l’action elle-même doit être
prise en compte
. Ainsi, pour le
conséquentialiste, si une action a été accomplie
et qu’elle est loyale, le fait qu’elle soit loyale
peut très bien être considéré comme un résultat
ou une conséquence importante de l’action, et
compter à ce titre dans son évaluation morale
d’ensemble
.
2) On distingue habituellement entre le bien
ou l’utilité moyenne et le bien ou l’utilité totale.
Cette distinction permet de répondre à une
objection devenue classique, selon laquelle le
conséquentialisme, et plus particulièrement sa
version utilitariste, aurait pour conséquence que
notre devoir consiste à augmenter le plus
Voir Derek Parfit, Reason and Persons, Oxford,
Clarendon Press, 1986, p. 26 ; Philip Pettit,
« Consequentialism » dans P. Singer, (dir.), A
Companion to Ethics, Oxford, Blackwell, 1991 et
« Consequentialism » ; David Sosa, « The
consequences of consequentialism », Mind, vol. 102,
1993, pp. 110-122, pp. 102-3.
On objectera que le conséquentialisme devient
circulaire : ce qu’il faut faire serait de maximiser ce
qu’il faut faire. Pour répondre à l’objection David
Brink propose de considérer que n’importe quoi peut
être une bonne chose à promouvoir, tant que ce qui
est considéré comme tel ne se réduit pas à agir
comme il le faut : « The Separateness of Persons,
Distributive Norms and Moral Theory », dans R. Frey
et C. Morris, (dir.), Value, Welfare and Morality,
Cambridge, Cambridge University Press, 1993),
possible le nombre d’êtres humains, même si
cela implique que leurs conditions de vie se
détériorent
. En effet, même si dans les faits ces
personnes vivront assez misérablement, le
résultat sera globalement meilleur, comparé à un
monde dans lequel un petit nombre de personnes
bénéficient des vies meilleures. Il s’agit bien
d’une conséquence de la maximisation de
l’utilité totale. Mais si ce qui est exigé est la
maximisation de l’utilité moyenne cette
conséquence sera évitée
.
3) Une définition qui présenterait la
maximisation du bien comme un trait commun à
toutes les formes de conséquentialisme serait
erronée. En effet, il existe des versions non-
maximisante de cette doctrine, dans lesquelles
l’agent doit seulement faire en sorte que les
résultats de ses actes soient suffisamment bons
.
Dans nos délibérations instrumentales courantes,
si une solution nous satisfait, nous ne jugeons
pas nécessairement qu’il serait bon, rationnel,
utile, sensé, etc., de prolonger la délibération
pour trouver la meilleure solution possible. De la
même façon, dans nos délibérations morales, si
nous avons des raisons de trouver bonne la
solution à laquelle nous avons abouti, pourquoi
serait-il mieux de continuer la délibération afin
de trouver celle qui « produira le plus de bien
Voir Derek Parfit, Reasons and Persons, chap. 17 ;
Robert Audi The Good in the Right, Princeton,
Princeton University Press, 2004, pp. 154-155 ;
David Wiggins, « ‘The Right, the Good’ and
W.D.Ross’s Criticism of Consequentialism », dans
Anthony O’Hear, (dir.), Philosophy, the Good, the
True and the Beautiful, Cambridge, Cambridge
University Press, 2000, pp. 189-192.
On pourra objecter qu’en éliminant les plus mal
lotis, on augmente l’utilité moyenne. Mais comme
nous le verrons au chapitre suivant, un
conséquentialisme raisonnable doit postuler des
droits, comme le droit à la vie, dans le but de
préserver certains biens.
Voir Michael Slote, « Sastisficing
Consequentialism », Proceedings of the Aristotelian
Society, supp. vol. 58, 1984, pp. 165-76 et plus
généralement Michael Byron, (dir.), Satisficing and
Maximising. Moral Theorists on Practical Reason,
Cambridge, Cambridge University Press, 2004.