Efficacité du topiramate dans le traitement de la dépendance à l`alcool

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Travail d’érudition
Le topiramate est-il efficace dans le traitement de la dépendance à l’alcool?
Par
Julie Robillard
Présenté à
Dr Martin Potter
Université de Montréal
UMF de la Baie-des-Chaleurs
Le 1er mai 2014
1
Table des matières
Résumé…………………………………………………………………………………………4
Introduction……………………………………………………………………………………..5
Objectif……………………………………………………………………………………….…5
Méthodologie…………………………………………………………………………………..5
Statistiques…………………………………………………………………………………….6
Résultats……………………………………………………………………………………….7
Efficacité du topiramate dans le traitement de l’alcoolisme……………………..7
Effet du topiramate sur les comportements obsessifs-compulsifs ……………11
Effets secondaires du topiramate………………………………………………….12
Discussion…………………………………………………………………………………….13
Efficacité du topiramate dans le traitement de la dépendance à l’alcool……..13
Validité externe………………………………………………………………………14
Effets secondaires du topiramate………………………………………….………16
Conclusions...…………………………………………………………………………………16
Figure 1. Effet du topiramate sur la probabilité relative d’une consommation
sécuritaire…………………………………..………………………………………………....17
Figure 2. Effet du topiramate sur les changements dans la consommation
d’alcool auto-déclarée par les participants………………………………………………...18
Figure 3. Effet du topiramate sur le pourcentage de jour de consommation
importante d’alcool…………………………………………………………………………...19
Figure 4. Effets du topiramate sur les comportements obsessifs-compulsifs
par rapport à la consommation d’alcool……………………………………………………20
2
Tableau 1. Effets du topiramate sur les scores psychopathologiques………………… 21
Tableau 2. Effets secondaires du topiramate.................................……………………….22
Références………………………………………………………………………………………23
3
Résumé
Les médicaments tentés à ce jour dans le traitement de la dépendance à l’alcool ont
montré des résultats mitigés. Ainsi, de nouvelles molécules sont étudiées. De par son
action diminuant la libération de dopamine au niveau du système nerveux central, le
topiramate inhiberait les effets gratifiant de l’alcool. Cette revue tente de déterminer
l’efficacité du topiramate dans le traitement de la dépendance à l’alcool. Trois essais
cliniques randomisés et deux essais ouverts qui ont été analysés. L’efficacité du
topiramate par rapport au placebo dans le traitement de la dépendance à l’alcool semble
être recevable. Cependant, la supériorité du topiramate par rapport au naltrexone
demeure à démontrée. De plus, le profil d’effets secondaires du topiramate pourrait
nuire à la compliance. Les avantages du topiramate quant au contrôle des
comportements obsessifs-compulsifs semble être une piste à explorer pour faire valoir
les avantages de cette molécule par rapport aux autres médicaments communément
utilisés dans le traitement de la dépendance à l’alcool.
4
Introduction
La dépendance à l’alcool est une des causes de morbidité et de mortalité prévisibles des
plus prévalentes. Elle est en cause dans l’émergence de troubles de santé mentale, de
troubles gastro-intestinaux, cause des blessures accidentelles, des cancers, des
troubles reproductifs et cardiovasculaires ainsi que des préjudices prénataux 2. De la
Prohibition aux techniques de conditionnement, en passant par les amphétamines et le
LSD, toutes les techniques et les molécules utilisées à ce jour dans le traitement de la
dépendance à l’alcool n’ont pas su répondre aux attentes11. La littérature concernant les
molécules les plus utilisées de nos jours, notamment le naltrexone et l’acamprosate,
montrent des résultats mitigés8.
Dernièrement, dans la foulée des avancées en génétique, il a été suggéré que la
susceptibilité à l’alcoolisme ainsi que la réponse au traitement pourrait être modulée par
des variantes génotypiques11. Ainsi, un seul et même médicament pour le traitement de
la dépendance à l’alcool ne sera probablement pas efficace chez tous les patients9.
C’est dans cette optique que les recherches élargissent leurs horizons afin d’identifier
des molécules susceptibles d’intervenir pour diminuer le désir de boire chez les patients
souffrant d’une dépendance à l’alcool.
Il a été postulé que le topiramate pourrait être utilisé dans le traitement de la
dépendance à l’alcool en raison de son action permettant de diminuer l’activité
dopaminergique du système mésocorticolimbique 5, permettant ainsi d’inhiber les effets
gratifiant de l’alcool.
Objectif
L’objectif de cette revue partielle de la littérature est d’évaluer l’efficacité du topiramate
dans le traitement de la dépendance à l’alcool ?
Méthodologie
Les articles ont été sélectionnés sur MEDLINE à partir de la base de données EMBASE
comprenant les articles publiés entre 1996 et la 14e semaine de 2014. Les termes
5
utilisés pour la recherche étaient « topiramate AND alcoholism » ainsi que « Naltrexone
AND alcoholism ». Ces groupes de mots ont été combinés en ajoutant les limites
suivantes : articles parus dans les cinq dernières années, études sur les humains,
adultes de 18-65 ans. Suite à cette recherche, seulement un article comparait
directement l’efficacité du topiramate et du naltrexone 3. En utilisant la fonction « find
similar », deux autres articles sont ressortis1, 2. Aucun autre article comparant le
topiramate au naltrexone n’a pu être identifié dans la littérature.
Par la suite, la recherche a été élargie à la comparaison du topiramate versus un
placebo. Les termes « topiramate AND alcoholism » ont été utilisés et les mêmes limites
que dans la recherche précédente ont été utilisées. Deux articles ont pu être identifiés
de la sorte7, 10. En recherchant parmi les références de ces deux articles, deux autres
articles pertinents ont pu être identifié5, 6.
Un dernier article a été identifié 8 via les références mentionnées sur UpToDate dans la
rubrique sur la pharmacothérapie utilisée dans les troubles liés à l’alcool4 .
Un tri a été fait parmi les articles trouvés. Puisque deux des articles comparant
topiramate versus naltrexone provenaient du même groupe de chercheurs2, 3, un seul
n’a été retenu pour analyse 2. Pour mieux refléter la réalité de la pratique d’un médecin
agissant en première ligne, une étude fut rejeter car les sujets étaient en centre de
réadaptation fermé 7. Une étude fut rejetée car l’issue principale était le délai avant la
première rechute 1. Bien qu’une autre étude favorisant une approche d’abstinence plutôt
qu’une réduction des méfaits10 a été inclue dans cette revue, cette dernière a été
retenue en raison des informations complémentaires pertinentes qu’elle contenait. Elle
apportait un complément d’information et alimentait la discussion.
En sommes, dans cette revue brève, l’analyse de l’efficacité du topiramate dans le
traitement de la dépendance à l’alcool repose sur trois essais cliniques randomisés à
double insu et sur deux essais ouverts. Un essai ouvert compare le topiramate au
naltrexone, alors que toutes les autres études comparent le topiramate à un placebo.
Statistiques
Toutes les études choisies ont déterminé un seuil de significativité où P < 0,05.
6
Résultats
Efficacité du topiramate dans le traitement de l’alcoolisme
Ma, et al. 8 ont conçu un essai clinique randomisé à double insu comparant l’efficacité du
topiramate versus un placebo. Il regroupait 150 hommes et femmes de 21 à 65 ans
consommant 21 ou plus et 35 ou plus consommations par semaine respectivement pour
les hommes et les femmes. Les participants ont subi un test de toxicologie urinaire
démontrant une absence de narcotique ou de sédatif hypnotique. Les sujets présentant
des symptômes de sevrage importants, un problème de santé (démontré par un bilan
sanguin, une analyse d’urine, un électrocardiogramme ou la prise des signes vitaux),
une atteinte hépatique ou neurologique ont été exclus, de même que tous les sujets
présentant un diagnostic psychiatrique de l’axe I ou une dépendance autre qu’à l’alcool
ou à la nicotine. Le groupe topiramate recevait une dose optimisée sur huit semaines
jusqu’à 300 mg par jour. Tous les participants prenaient part à des séances de thérapie
comportementale visant l’adhérence au traitement.
L’issue principale était la période de consommation sécuritaire. La définition
conservatrice du National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism aux États-Unis a
été retenue. Elle consistait en une consommation égale ou moindre qu’une
consommation par jour chez les femmes et égale ou moindre que deux consommations
par jour chez les hommes.
En moyenne, pour un suivi médian de 84 jours, la période de consommation sécuritaire
atteinte par le groupe topiramate et placebo était de 16,7 ± 20,9 jours et 8,9 ± 15,5 jours
respectivement. Le topiramate ne présentait pas d’avantage par rapport au placebo pour
une période de consommation sécuritaire de moins de quatre jours. Toutefois, pour
atteindre une période de consommation sécuritaire d’une durée supérieure, le
topiramate semblait être supérieur au placebo avec une probabilité relative d’une
consommation sécuritaire de 1.77, 3.37, 3.21 et 4,07 en faveur du topiramate à 7, 14, 21
et 28 jours respectivement. Bien que les probabilités relatives semblent orientées vers
une probabilité de consommation sécuritaire croissante avec le temps avec le
topiramate, graphiquement, on observait une tendance vers un effet plateau dès les
premiers quinze jours de consommation sécuritaire (figure 1).
7
Les auteurs ont également mis en évidence le fait qu’une consommation d’alcool
supérieure lors de l’entrée dans l’étude était liée à un risque accru d’échec d’atteinte
d’une consommation sécuritaire. Pour chaque consommation supplémentaire, la
probabilité d’atteindre une consommation sécuritaire pour une durée d’au moins sept
jours était diminuée de 8%; pour une durée de consommation sécuritaire de 28 jours,
cette probabilité était diminuée de 14% par consommation supplémentaire.
Dans un second essai clinique randomisé à double insu, Johnson et al. 5 ont étudié
l’efficacité du topiramate versus un placebo chez 150 sujets sur douze semaines. Les
critères d’inclusion et d’exclusion étaient semblables à ceux explicités précédemment8,
avec l’ajout d’un test urinaire de dépistage des amphétamines, un test positif entraînant
l’exclusion. La dose de topiramate était optimisée sur huit semaines jusqu’à un
maximum de 300 mg par jour. La consommation d’alcool était rapportée par les sujets
eux-mêmes. Les auteurs ont aussi tenté d’obtenir une mesure objective de la
consommation d’alcool en mesurant le taux de gamma-glutamyl transférase (GGT)
sérique. Les données ont été analysées par intention de traitement.
Les résultats démontrent l’efficacité du topiramate pour produire une réduction du
nombre de consommations par jour (-1,06 [-1,77 à -0,35]), du nombre de
consommations par jour pour chaque jour de consommation (-1,20 [-2,02 à -0,37]), du
pourcentage de jours de consommation importante (heavy drinking), une consommation
importante étant définie comme ≥ 5 consommations par jour pour les hommes et ≥ 4
pour les femmes (-14,90 [-22,58 à -7,22]), ainsi qu’une augmentation du pourcentage de
jours d’abstinence (11,62 [3,98 à 19,27]) (figure 2).
Bien qu’une tendance se dessinait pour confirmer une réduction du taux de GGT chez
les patients sous topiramate au fil des douze semaines de traitement, les résultats
demeuraient sous le seuil significatif (figure 3).
Le troisième essai clinique randomisé à double insu 6, conduit sur quatorze semaines a
été publié par le même auteur que l’essai clinique précédent 5 mais il se rapporte à une
cohorte de patients distincte. Il étudie un groupe de sujet plus nombreux (n= 371) et
hétérogène au point vue géographique que l’étude de 2003, permettant de corroborer
les trouvailles de cette précédente étude. Suite aux analyses par intention de traitement,
les résultats démontraient l’efficacité du topiramate à quatorze semaines pour produire
une réduction du nombre de consommations par jour pour chaque jour de
8
consommation (0,88 [0,25 à 1,51]), une diminution du pourcentage de jours de
consommation importante, une consommation importante étant définie comme ≥ 5
consommations par jour pour les hommes et ≥ 4 pour les femmes (8,44 [3,07 à 13,80]),
ainsi qu’une augmentation du pourcentage de jours d’abstinence (7,68 [12,49 à 2,8]) par
rapport au placebo. C’est après quatre semaines de traitement que le topiramate
permettait une diminution significative des jours de consommation importante en
comparaison au placebo (figure 3).
Également, les auteurs ont tenté d’objectiver la compliance au traitement en mesurant
les taux sérique de topiramate. Avec une dose moyenne de 171,4 ± 107,6 mg, on
rapportait une corrélation significative (r = 0,71 ; P<0,001) entre la dose de topiramate
administrée et la concentration sérique mesurée. Par contre, aucune relation n’a pu être
mise en évidence entre le taux sérique de topiramate et le pourcentage de jours de
consommation importante d’alcool chez les patients ayant complétés l’étude (r = 0,04 ; P
= 0,72).
L’article de Paparrigopoulos, et al. 10 est le premier essai ouvert analysé. Il étudiait des
patients de 18 à 65 ans en bonne santé et n’abusant pas de drogues. Les patients
présentant un trouble de l’humeur ou un trouble anxieux en lien avec la dépendance à
l’alcool n’ont pas été exclus. Toutefois, les autres troubles psychiatriques de l’axe I ont
été exclus. Les participants ont suivi un protocole de sevrage d’une durée de sept à dix
jours avec du diazépam, puis une cure fermée de quatre à six semaines où les
participants ont été divisés en deux groupe : un sous-groupe recevant du topiramate
(max 75 mg /jour) et de la psychothérapie (n=30) et le second sous-groupe recevant de
la psychothérapie seulement (n=60). Un suivi des patients pendant seize semaines
évaluait la durée de la période d’abstinence lors du retour en communauté. La
psychothérapie consistait en des séances de thérapie cognitivo-comportementale sur
une période de quatre à six semaines précédant la collecte de données.
Cette étude a démontré un effet favorable du topiramate. Effectivement, 66,7% des
patients du groupe topiramate versus 85,5% du groupe contrôle ont rechuté (P = 0,043).
De plus, les patients sous topiramate sont demeurés abstinents significativement plus
longtemps que le groupe contrôle avec une médiane de dix semaines versus quatre
semaines. Cette étude n’a pas recueillie de donnée quant à la réduction des méfaits.
9
Le second essai ouvert a été publié par Florez, et al. 2. Il s’agit de la seule étude
analysée dans ce travail comparant le topiramate à une autre molécule, soit le
naltrexone. Elle a été conduite sur une durée de six mois. Les patients ont été recrutés
dans une clinique externe spécialisée dans le traitement de l’alcoolisme. Les 102
patients recrutés répondaient aux critères de dépendance à l’alcool de la classification
internationale des maladies (10e édition) publiée par l’OMS et avaient une
consommation d’alcool dépassant la consommation à faible risque déterminée par
l’OMS (soit 210 grammes et 140 grammes par semaine chez les hommes et les femmes
respectivement). Étaient exclus de l’étude les patients ayant un diagnostic psychiatrique
de l’axe I (autre que la dépendance à l’alcool) et ceux chez qui la situation sociale et
familiale ne permettait pas d’identifier une personne significative avec qui on pouvait
valider l’information reçue par le participant. Les patients nécessitant un sevrage ont été
sevrés à l’aide d’une benzodiazépine avant le début du traitement. Les patients ont été
randomisés au groupe topiramate ou naltrexone.
Le groupe naltrexone a reçu 50 mg une fois par jour sans augmentation subséquente.
Le groupe topiramate a reçu une dose initiale de 50 mg par jour, puis la dose
quotidienne a été augmentée de 50 mg à chaque quatre jours pour obtenir une dose
totale de 200 mg. Par la suite, si les patients rapportaient des «cravings», la dose était
augmentée de 50 mg chaque quatre jours jusqu’à 300 mg. Si cette dose était
insuffisante pour contrôler les «cravings», une autre augmentation suivant le même
modèle était prescrite jusqu’à une dose maximale de 400 mg par jour. Tous les patients
ont reçu de la psychothérapie.
La consommation d’alcool était rapportée par les patients et leurs proches. Une rechute
était définie comme une consommation modérée causant des problèmes, une
consommation lourde ne causant pas de problème ou une consommation lourde
causant des problèmes. Une consommation modérée était définie comme étant moins
de 40 g d’éthanol par jour chez les hommes et moins de 30 g chez les femmes avec
moins de deux jours où une consommation plus importante était rapportée. Une
consommation lourde comprenait toute consommation excédant la limite de la
consommation modérée. L’analyse des données a été faite selon l’intention de
traitement.
10
Cette étude n’a pas réussi à démontrer une différence significative entre l’efficacité du
naltrexone et du topiramate pour le maintien de l’abstinence ni pour le maintien d’une
consommation modérée non-problématique. À trois mois comme à six mois, 45% et
47% des patients sous naltrexone et topiramate respectivement étaient abstinents (P =
0,865 et P = 0,516). Pour une consommation modérée non-problématique, la
comparaison des groupes naltrexone versus topiramate démontrait qu’à trois mois
62,7% versus 74,5% (P = 0,258) avaient atteint cet objectif. À six mois, 54,9% versus
72,5% (P = 0,068) des patients sous naltrexone et topiramate avaient une
consommation qui répondait aux critères d’une consommation modérée nonproblématique. Bien qu’on observe une tendance vers un taux de succès supérieur du
topiramate par rapport au naltrexone au fil du temps, la puissance de cette étude n’était
pas suffisante pour le confirmer statistiquement.
Effet du topiramate sur les comportements obsessifs-compulsifs
Dans l’étude de Johnson, et al. 5, les comportements compulsifs face à la consommation
d’alcool ont été évalués à l’aide d’un questionnaire ciblant la présence d’idées
obsessionnelles, l’automaticité de la consommation ainsi que l’impact de la
consommation sur la vie professionnelle ou le fonctionnement social. Le topiramate
procurait une diminution significative des idées obsessionnelles ainsi que des
comportements d’automaticité par rapport à la consommation d’alcool en comparaison
au placebo. De plus, le topiramate semblait réduire de façon significative l’impact de la
consommation sur le fonctionnement social (figure 4).
L’étude de Paparrigopoulos, et al. 10 évaluait également l’impact du topiramate sur les
symptômes dépressifs et anxieux ainsi que sur les comportements obsessifs-compulsifs
par rapport à la consommation d’alcool pendant une période de cure fermée de quatre à
six semaines. Bien que les deux groupes avaient démontré une réduction significative
des symptômes dépressifs et anxieux ainsi que des comportements obsessifscompulsifs (P <0,01 pour chacune de ces variables), cette réduction était
significativement plus importante dans le groupe topiramate (P <0,05). Toutefois, cette
évaluation ne s’appliquait qu’à la période où les patients étaient en cure fermée et
l’étude ne nous informe pas sur le maintien de cette tendance une fois les patients de
retour en communauté. De plus, bien que les deux groupes ont vu leur score de
11
fonctionnement global s’améliorer de façon significative au cours de l’étude, aucune
différence significative de fonctionnement n’a pu être identifiée entre les deux groupes
(tableau 1).
Dans l’étude de Florez, et al. 2, l’échelle Obsessive Compulsive Drinking Scale a été
utilisée pour évaluer les «cravings» d’alcool et les pensées obsessives reliées à l’alcool.
Une amélioration du score initial significativement plus importante a été notée dans le
groupe topiramate par rapport au groupe naltrexone autant à trois mois (P=0,02) qu’à
six mois (p= 0,021).
Effets secondaires du topiramate
Certaine études analysées ont recensé les effets secondaires rapportés par les patients
quant à la médication et l’impact possible de ces derniers sur la compliance au
traitement.
Johnson, et al. 5 rapportait que les effets secondaires qui étaient plus fréquents dans le
groupe topiramate par rapport au groupe placebo étaient les étourdissements (28% vs
10,7%), les paresthésies (57,3% vs 18,7%), un ralentissement psychomoteur (26,7% vs
12,0%), la perte de mémoire ou la difficulté de concentration (18,7% vs 5,3%) et la perte
de poids (54,7% vs 26,7%), bien que cette dernière différence se traduit de façon
modeste en terme quantitatif (-1,4 ± 0,39 vs +0,61 ±0,53 kg). Par contre, les effets
secondaires du topiramate n’ont pas été suffisamment importants pour causer un
abandon supérieur dans le groupe traitement. En effet, 46 des 55 patients sous
topiramate ont été capable de tolérer la dose maximale de 300 mg/jour. De plus, aucun
évènement indésirable secondaire à la médication n’a été rapporté.
Au contraire, Johnson, et al. 6 rapporte des effets secondaires causant un abandon
supérieur dans le groupe topiramate vs placebo (18,6% vs 4,3% ayant abandonné
spécifiquement en raison des effets secondaires de la médication). Mentionnons que le
titrage vers la dose optimale tolérée (jusqu’à 300 mg/jour maximum) s’est fait sur six
semaines dans cette étude contrairement à huit semaines dans l’étude de Johnson, et
al. 5. Les effets secondaires rapportés dans le groupe topiramate de façon
significativement plus importante que dans le groupe placebo étaient les paresthésies,
l’altération du goût, l’anorexie, une difficulté de concentration ou d’attention, de l’anxiété,
12
des étourdissements et du prurit. Les auteurs rapportent qu’une tendance se dessinait
suggérant une fréquence des effets secondaires supérieure avec une dose plus élevée
de topiramate (tableau 2).
Dans l’étude de Paparrigopoulos, et al. 10, les faibles doses de topiramate utilisées
démontraient un potentiel bénéfice de dose aussi faible que 75 mg par jour en deux
doses, permettant ainsi de réduire les effets secondaires. Le seul effet secondaire
rapporté de façon significativement plus importante dans le groupe topiramate versus le
groupe contrôle était la somnolence (23,3% vs 5,4%). Il n’y a eu aucun abandon dans
aucun des deux groupes.
L’étude de Florez et al.2 a utilisé une échelle de tolérabilité du traitement pour évaluer
les effets secondaires. Au-delà d’un seuil prédéterminé, la dose était diminuée de moitié.
Trois patients du groupe topiramate et aucun du groupe naltrexone ont atteint ce seuil.
Les effets secondaires de la médication rapportés étaient plus importants dans le
groupe topiramate à trois mois (25,5% vs 3,92% P = 0,002), l’effet secondaire le plus
important étant la perte de poids (7,84% vs 0% P = 0,003). Toutefois, à six mois, les
effets secondaires rapportés n’étaient plus significativement différents entre les deux
groupes.
Cette étude démontre aussi que les effets secondaires n’ont pas nui à la compliance au
traitement. Celle-ci a été évaluée via un questionnaire fait auprès du patient ainsi que
d’un proche et un décompte des comprimés a été fait. En excluant les abandons (12 et 7
participants pour les groupes naltrexone et topiramate respectivement), 93,3% et 93,6%
des participants dans les groupes naltrexone et topiramate respectivement rapportaient
une compliance au traitement de 100%. Le décompte des comprimés confirmait ces
données.
Discussion
Efficacité du topiramate dans le traitement de la dépendance à l’alcool
Les études présentées suggèrent que le topiramate a un effet positif sur la réduction de
la consommation d’alcool chez les patients souffrant d’une dépendance à l’alcool, autant
dans une optique de réduction des méfaits 5, 6, 8 que dans une optique d’abstinence 10.
13
Toutefois, l’article analysé comparant le topiramate au naltrexone 2 ne parvient pas à
démontrer une supériorité de l’efficacité du topiramate malgré une tendance qui se
dessine au cours des six mois sur lesquels l’étude a été conduite.
Dans le contexte où la supériorité du topiramate n’a pu être mise en évidence, ce
médicament présent-t-il des avantages autres sur le naltrexone? Cette revue partielle de
la littérature n’a su répondre avec certitude à cette question. Toutefois, mentionnons que
la réduction des comportements obsessifs-compulsifs supérieure avec le topiramate par
rapport au naltrexone 2, 5, 10 peut s’avérer être une piste intéressante pour le traitement
de patients au prise avec une dépendance à plusieurs substances. Effectivement,
l’article de Florez, et al. 2 fait mention d’une consommation de nicotine plus importante
dans le groupe naltrexone par rapport au groupe topiramate. Toutefois, les analyses
conduites dans cette étude ne permettent pas tirer de conclusion par rapport au lien
entre la médication et la consommation de nicotine. Également, le topiramate aurait
comme effet secondaire la perte de poids 2, 5, un élément qui peut être intéressant chez
certaines clientèles. Par contre, la perte de poids à long terme n’a pas pu être établie
dans les articles analysés. Florez, et al. 2 rapportent qu’après six mois de traitement, la
différence de perte de poids n’est plus significative entre le groupe topiramate et le
groupe naltrexone.
Validité externe
Les conclusions des études analysées ne sont malheureusement pas applicables à
toutes les populations présentant un trouble lié à l’alcool. Effectivement, en raison des
critères d’exclusion utilisés dans les études, les cohortes de participants sont plus en
santé et plus homogènes que les populations s’adressant aux médecins de première
ligne pour obtenir une aide pharmacologique pour contrôler une consommation d’alcool
problématique.
Les patients alcooliques présentent plus souvent qu’autrement des troubles de santé
physique liés ou non à la consommation d’alcool. Toutefois, toutes les études analysées
excluaient les patients présentant des troubles de santé aussi mineurs et fréquents que
l’hypertension artérielle ou des antécédents de lithiases rénales 5. Ajoutons qu’en
excluant les patients présentant une pathologie physique, on met à l’écart les patients
14
ayant subi les conséquences physiques de leur consommation abusive. Ainsi, les
résultats quant à l’efficacité, la sécurité et aux potentiels effets secondaires rapportés ne
s’appliquent pas à la majorité des patients rencontrés en pratique. De ce fait, le
jugement du clinicien est essentiel pour évaluer la pertinence et l’innocuité d’un
traitement pharmacologique au topiramate malgré l’absence d’étude supportant cette
décision.
L’exclusion des patients présentant des symptômes de sevrage importants, tel que
mentionné dans tous les protocoles des essais cliniques randomisés analysés 5, 6, 8,
résulte en l’exclusion des patients présentant un alcoolisme sévère. Toutefois, certains
essais ouverts 2, 10 ont tenté d’inclure des patients avec symptômes de sevrage et
nécessitant un protocole de sevrage supervisé médicalement. On peut supposer que
certains d’entre eux représentent le sous-groupe de patient présentant un niveau de
dépendance à l’alcool plus sévère ou encore une vulnérabilité aux symptômes de
sevrage. Les conclusions de ces études suggèrent que, dans cette population, le
topiramate offrirait un avantage par rapport au placebo pour le maintien de
l’abstinence10, mais que le topiramate n’est pas significativement supérieur au
naltrexone 2.
Il n’est plus à démontrer que les troubles psychiatriques et les troubles d’abus de
substances sont comorbides. Ainsi, l’exclusion des troubles psychiatriques de l’axe I,
incluant les troubles liés aux substances autres que l’alcool, réduit significativement le
spectre d’applicabilité des trouvailles des études analysées en excluant une proportion
importante de patients au prise avec une consommation problématique d’alcool. En ce
sens, il est intéressant de discuter de l’étude de Paparrigopoulos, et al. 10 qui a recueilli
des données par rapport aux indices de dépression et d’anxiété. Les auteurs ont
démontré un impact significativement positif du topiramate sur l’amélioration du score de
dépression et d’anxiété. Dans l’éventualité où une seule molécule pourrait être utilisée
pour le traitement de la dépendance à l’alcool et le traitement des troubles de l’humeur
ou des troubles anxieux, la compliance au traitement serait d’autant plus faciliter que les
chances de succès. Toutefois, notons que les patients qui ont été inclus dans ce
protocole ont été diagnostiqués avec un trouble de l’humeur ou un trouble anxieux lié à
la consommation d’alcool. Cette étude ne suggère pas qu’un trouble de l’humeur ou un
trouble anxieux primaire répondrait de la même façon au topiramate.
15
Effets secondaires du topiramate
Les données des études analysées montrent une tendance à l’augmentation des effets
secondaires en fonction de la dose de topiramate 10, mais aussi en fonction de la
rapidité avec laquelle les doses sont augmentées 5, 6. Cependant, il semble qu’avec une
utilisation à long terme, les effets secondaires s’estompent. C’est ce que suggère l’étude
de Florez, et al. 2 tenue sur une durée de six mois.
Bien que cette revue ne s’attarde pas sur la posologie du topiramate, il en ressort tout
de même que la tolérabilité de la médication semble dépendre du titrage de la dose.
Effectivement, un titrage jusqu’à 300 mg par jour sur six semaines a occasionné des
effets secondaires significativement importants6, alors qu’un titrage de la même dose sur
huit semaines a été bien tolérée5. De plus, un titrage rapide a occasionné un taux
d’abandon plus important6.
Conclusions
En somme, suite à cette brève revue non exhaustive de la littérature, l’efficacité du
topiramate par rapport au placebo dans le traitement de la dépendance à l’alcool semble
être recevable. Cependant, la supériorité du topiramate par rapport au naltrexone
demeure à démontrée. De plus, le profil d’effets secondaires du topiramate pourrait
nuire à la compliance, particulièrement en l’absence d’une stratégie de titrage progressif
de la dose. Les avantages du topiramate quant au contrôle des comportements
obsessifs-compulsifs semble être une piste à explorer pour faire valoir les avantages de
cette molécule par rapport aux autres médicaments communément utilisés dans le
traitement de la dépendance à l’alcool.
16
Figure 1. Effet du topiramate sur la probabilité relative d’une consommation
sécuritaire
Probabilité relative d’une consommation sécuritaire pour le groupe topiramate versus
placebo pour une période continue de consommation sécuritaire de 1 à 30 jours. Tirée
de Ma, et al. 8.
17
Figure 2. Effet du topiramate sur les changements dans la consommation d’alcool
auto-déclarée par les participants
a) Nombre de consommation par jour en fonction du temps pour les groupes
topiramate et placebo.
b) Nombre de consommations par jour de consommation en fonction du temps pour
les groupes topiramate et placebo.
c) Pourcentage de jour de consommation importante en fonction du temps pour les
groupe topiramate et placebo, une consommation importante (heavy drinking)
étant définie comme ≥ 5 consommations par jour pour les hommes et ≥ 4 pour
les femmes.
d) Pourcentage de jours d’abstinence en fonction du temps pour les groupe
topiramate et placebo.
Présenté sous forme de moyenne (écart-type). Tirée de Johnson, et al. 5.
18
Figure 3. Effet du topiramate sur le pourcentage de jour de consommation
importante d’alcool
Pourcentage de jour de consommation importante en fonction du temps pour les
groupes topiramate et placebo. Une consommation importante (heavy drinking) est
définie comme ≥ 5 consommations par jour pour les hommes et ≥ 4 pour les femmes.
Les valeurs sont présentées sous forme de moyenne (écart-type). Tirée de Johnson, et
al. 6
19
Figure 4. Effets du topiramate sur les comportements obsessifs-compulsifs par
rapport à la consommation d’alcool
Changements par rapport aux valeurs de référence (semaine 0) dans les différentes
variables du score de l’échelle de consommation obsessive-compulsive (Obsessivecompulsive drinking scale). Haut : Obsessions par rapport à la consommation d’alcool
dans le temps pour les groupes topiramate et placebo. Centre : Automaticité de la
consommation d’alcool dans le temps pour les groupes topiramate et placebo. Bas :
Interférences causées par la consommation d’alcool dans le temps pour les groupes
topiramate et placebo. Les valeurs sont présentées sous forme de moyenne (écarttype). Tirée de Johnson, et al. 5
20
Tableau 1. Effets du topiramate sur les scores psychopathologiques
Scores des différentes mesures psychopathologiques dans le groupe topiramate versus
placebo lors de l’évaluation finale (après 4 à 6 semaines de traitement). Mentionnons
qu’à l’intérieur d’un même groupe, tous les scores ont été améliorés au cours de l’étude
lorsqu’on compare l’évaluation initiale à l’évaluation finale. Ces données ne sont pas
présentées pour faciliter la compréhension du tableau. Adapté de Paparrigopoulos, et al.
10
.
21
Tableau 2. Effets secondaires du topiramate
Liste des effets secondaires rapportés par ≥10% des participants pendant le traitement.
Tiré de Johnson, et al. 6.
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Références
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