Lait Rumeurs et vérités.

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On entend dire que le lait…
rumeurs, vérités
et actualités scientifiques
Le lait et les produits laitiers suscitent actuellement de nombreux débats et controverses. Mais qu’en
est-il réellement? Il devient nécessaire de rétablir la vérité à la lumière des données scientifiques et
médicales validées. Le défi relève de la santé publique.
Rencontre avec les professeurs philippe Goyens (huderf, métabolisme et nutrition), Jean-Yves
reginster (ULG, Département des sciences de la santé publique, Epidémiologie et Economie de la
Santé) et Yvon Carpentier (ULB, Altération des lipides) ainsi que le Docteur Anne Boucquiau
(Manager prévention à la Fondation contre le Cancer).
Le lait, un aliment complet
Par sa richesse en lipides, en glucides, en protéines de haute qualité nutritionnelle, en vitamines du
groupe A, B (B2, B9 et B12) et D, mais surtout en calcium, le lait est un élément-clé du schéma
alimentaire de la population belge. L’apport en calcium doit être optimalisé en fonction de l’âge.
Les 2/3 du calcium consommé proviennent du lait et des produits laitiers. Selon les dernières
recommandations du Plan national nutrition Santé (PnnS), il y a lieu de consommer quotidiennement
trois à quatre verres de lait ou de produits dérivés enrichis en calcium (450-600ml) et 20 à 40g de
fromage. Pour mémoire, un litre de lait contient 1.200mg de calcium. Le coefficient réel d’absorption
du calcium du lait, du yaourt et des fromages varie de 25 à 32%. Ce calcium est bien absorbé, car il
est présent sous une forme soluble, et cette absorption est renforcée par la présence concomitante
de lactose, de peptides et de phosphore.
Pourtant, 3,4% seulement de la population atteignent l’objectif de la pyramide alimentaire consistant
à consommer quotidiennement un minimum de 450g de produits laitiers. une consommation de
produits laitiers aussi faible balaie l’apport journalier recommandé de calcium, avec les
conséquences qui en découlent, en particulier pour le capital osseux.
Incontournable chez l’enfant?
Le lait maternel est l’aliment idéal pour couvrir les besoins nutritionnels de l’enfant en croissance.
Les préparations adaptées (laits infantiles, de suite ou de croissance) peuvent le compléter ou le
remplacer; elles ont une composition nutritionnelle très semblable au lait maternel. Le lait constitue
l’alimentation exclusive de l’enfant jusqu’à l’âge de 6 mois. Certains enfants (2 à 3%) présentent une
allergie à certaines protéines de lait, celle à la béta-globuline étant la plus fréquente. Cette allergie
débute avant l’âge de 6 mois; après avoir posé avec certitude le diagnostic, il sera proposé à ces
enfants des laits formulés avec des protéines partiellement ou totalement hydrolysées.
«Dans l’arsenal thérapeutique actuel, plusieurs formules de laits existent pour répondre à la quasitotalité des allergies aux protéines de vache, nous explique le Professeur Goyens, du département
métabolisme et nutrition de l’HUDERF. L’allergie aux protéines de vache évolue de façon tout à fait
positive chez la plupart des enfants. A l’âge de 3 ans, sauf rares exceptions, l’allergie aux protéines de
vache a disparu.»
Après 6 mois, la diversification alimentaire peut commencer. Le lait reste néanmoins l’aliment de
base. Le «lait 1er âge» est remplacé par du «lait 2e âge» (lait desuite). il est recommandé de donner
500ml/jour au moins de ce ‘lait de suite’ jusqu’à 1 an. Après 1 an, même si l’alimentation de l’enfant
est bien diversifiée, le lait reste un aliment à privilégier, toujours à raison d’au moins 500ml de lait
par jour; l’équivalent en produit laitiers peut également être donné. La diversité peut s’étendre à
toute la gamme des produits laitiers, en évitant de donner des produits écrémés aux petits. Le lait
entier est le plus adapté pour ces enfants, qui ont besoin d’acides gras pour leur développement.
Chez l’enfant de plus de 3 ans, les apports nutritionnels conseillés (AnC) en calcium augmentent.
L’obtention d’une masse minérale optimale à la fin de la croissance exige des apports calciques
importants. La moitié de la masse calcique adulte est atteinte à 11-13 ans. A partir de cet âge,
l’accélération de la croissance et l’augmentation de la densité minérale osseuse qui caractérisent la
puberté impliquent une absorption quotidienne de calcium. Les objectifs du PnnS sont d’améliorer le
statut en calcium et en vitamine D durant l’enfance, afin d’assurer une bonne minéralisation osseuse
et une bonne croissance. Sur la base des résultats de fréquence alimentaire de l’enquête nationale
de consommation alimentaire, des recommandations remettant en avant le rôle des produits laitiers
ont été reformulées, notamment chez les nourrissons, les enfants et les adolescents.
il est possible et facile d’augmenter les apports en calcium, en proposant à chaque repas du lait ou
un produit laitier (yaourt, lait fermenté, fromage). Le Plan national nutrition Santé (PnnS)
recommande 3 à 4 produits laitiers par jour, en variant les sources. Pour une meilleure fixation du
calcium, il est aussi recommandé d’avoir des apports suffisants en vitamine D.
«Le lait maternel, les préparations infantiles, le lait de vache et les produits laitiers sont
incontournables pour l’alimentation de l’enfant. Les besoins en calcium ne peuvent pas être couverts
si les produits lactés ne sont pas apportés par notre alimentation, insiste le Professeur Goyens. Si l’on
étudie le métabolisme phospho-calcique de nos enfants, nous voyons des altérations qui vont mettre
en péril le squelette. Nous voyons aussi aujourd’hui des carences infra-cliniques en vitamine D, avec
des biologies avérées chez la majorité des enfants belges, surtout en période hivernale. Les pédiatres
ont aussi une part de responsabilité dans la prévalence de l’ostéoporose dans nos pays occidentaux.»
De plus en plus de parents remplacent le lait par des jus de châtaigne, d’amande, de soja,de brebis,
ou de riz. La composition de ces boissons végétales, abusivement qualifiées de «laits», ne correspond
pas aux besoins nutritionnels de l’enfant. Leur composition déséquilibrée et les carences (micronutritionnelles des boissons végétales sont reconnues et des études (1, 2) ont montré leur impact
négatif sur le développement de l’enfant, avec de nombreux cas décrits de carences vitaminocalciques ou protéino-énergétiques. «Clairement, l’exclusion des produits laitiers met gravement en
danger la santé des jeunes enfants», insistent les Professeurs Reginster et Goyens.
Par ailleurs, certaines études plus anciennes ont tenté de démontrer que le lait serait associé à
l’obésité de l’enfant. «Ces études ont été faites avec des laits en teneurs élevées en protéines, qui ne
correspondent plus du tout au profil nutritionnel des laits actuels; tout cela, c’est du passé», explique
encore le Professeur Goyens. Au niveau des lipides, l’enfant a besoin d’acides gras pour son
développement physique et psychique, les lipides couvrent leurs besoins en énergie, et on les retrouve
dans le lait. Si l’enfant a une alimentation équilibrée, adaptée en fonction de son âge, il est important
de maintenir une consommation de lait entier, pour maintenir un apport de lipides indispensable à
son métabolisme.
L’intolérance au lactose, qui est due à la chute d’activité génétiquement programmée de la lactase
intestinale, concerne environ 10% d’enfants occidentaux et s’exprime à partir de 5 ans par un
ballonnement, des douleurs abdominales et des selles liquides après l’ingestion de lait. Ces enfants,
dont le déficit enzymatique n’est jamais total, tolèrent bien les yaourts, les fromages affinés, mais
aussi de petites quantités de lait fractionnées dans la journée ou intégrées dans les préparations
culinaires.
Quel est le lien entre lait et cancer?
«Pour répondre à cette question, nous explique le Docteur Anne Boucquiau, il est important de
différencier les différents cancers; nos recommandations sont basées sur le dernier rapport WCRF
(World Cancer Reseach Fund) et les publications actuelles.» Avec les limites qui les caractérisent, des
études expérimentales chez l’animal, in vitro sur des lignées cellulaires et épidémiologiques chez
l’homme (10) ont suggéré l’existence de relations entre certains constituants du lait et cancer. Dans
l’état actuel des connaissances, on peut conclure que le lait et les produits laitiers n’augmentent pas
le risque de cancer du sein.
L’étiologie du cancer du sein est mal connue, mais les facteurs hormonaux et les antécédents
familiaux semblent prépondérants. L’alcool, l’excès calorique, la sédentarité et le surpoids après la
ménopause augmentent le risque. Ces facteurs prédisposants doivent avant tout faire l’objet de
toutes les attentions en terme de prévention. Les études (10) concluent également à l’absence de
relation significative entre la consommation de produits laitiers et le risque de cancer de l’ovaire.
Les études (10) confirment l’effet protecteur de la consommation de lait sur le risque d’adénome ou
de cancer colorectal, chez les hommes comme chez les femmes, avec une diminution du risque
estimé entre 15 à 20%. Cet effet protecteur serait principalement dû au calcium (anti-prolifération),
aux acides gras spécifiques, à la lactoferrine, à la chélatation des acides biliaires…Récemment, des
études (10) ont montré un effet protecteur du lait sur le cancer de la vessie.
Le dernier rapport du WCRF a indiqué qu’il n’y avait pas de lien entre la consommation de produits
laitiers à des doses normales et le cancer de la prostate. Néanmoins, il semble que la consommation
de produits laitiers et de calcium à doses élevées puisse augmenter modérément le risque de cancer
de la prostate. Selon le dernier avis de l’eFSA, cet effet n’apparaît que pour des apports supérieurs à
2g/jour; mais un apport de 2g est très rare et ne correspond absolument pas à la consommation
belge de produits laitiers. une actualisation du rapport du WCRF, prévue en 2015, permettra,
espérons-le, de lever cette ambiguïté.
L’iGF dans le lait de vache a été suspecté dans la survenue de ce cancer. De fait, l’iGF1 est
naturellement présent dans tous les laits de mammifères, y compris celui de la femme. Cependant,
les taux présents dans le lait de vache sont 10.000 à 1.000.000 fois inférieurs à ceux mesurés dans
notre organisme. il est difficile de concevoir que d’ajouter une unité d’iGF1 à 10.000 unités déjà
présentes puisse avoir un effet délètère sur notre santé. enfin, il convient de rappeler que
l’introduction d’hormones dans l’alimentation des vaches est interdite en europe. Les produits
laitiers ont été associés (positivement ou négativement ou pas du tout selon les études) au cancer de
l’estomac, du rein, de la vessie, des testicules, du poumon… Le nombre limité d’études et les
résultats contradictoires ne permettent aucune conclusion définitive.
Que pensez des études présentées avec beaucoup de bruit dans la presse?
«Toutes ces études sont hors contexte et manquent de rigueur scientifique, elles émanent de
quelques médecins ou de nutritionnistes peu scrupuleux, mais peuvent s’avérer dangereuses et
toxiques pour la santé de nos patients, explique le Professeur Reginster. Ainsi par exemple, certaines
études ont prétendu démontrer le lien entre calcium et augmentation de l’infarctus, alors que quand
on examine une de ces études on voit qu’elle ne porte que sur le calcium pharmacologique et non
sur le calcium alimentaire, et que cet effet disparaît lorsque le calcium est associé à la vitamine D et
lorsqu’on interroge plus précisément le patient. Il est plus facile de détruire que de construire… un
peu comme notre squelette! Il est extrêmement grave de réduire l’apparition du cancer à un seul
facteur nutritionnel: le cancer est une maladie multifactorielle, le lait n’est pas un carcinogène. Ces
études sont simplicistes et dangereuses!»
Aucun argument scientifique ne soutient la mise à l’index incompréhensible que subissent
actuellement le lait de vache et les produits laitiers en général. Ces produits très contrôlés sur le plan
de la contamination microbiologique et chimique constituent des aliments indispensables de notre
équilibre alimentaire. A tout âge de la vie, il est donc important de maintenir une consommation
équilibrée de lait et produits laitiers. Les recommandations du Plan national nutrition Santé (3 à 4
produits laitiers par jour) ne sont pas à remettre en cause.
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