
 
ailleurs dans Libres ensemble. L’individualisme dans la vie commune (2001) que la sphère 
familiale  s’est  mis  à  accorder  une  plus  grande  marge  de  manœuvre  à  ses  membres,  en 
particulier aux jeunes et aux femmes, qui ont gagné une remarquable autonomie matérielle 
en raison de leur participation croissante au marché du travail. Dans le même temps, la 
division sexuelle du travail domestique et parental présente une grande immobilité (Brousse, 
1999), qui contraste avec l’idéal d’égalité entre les sexes. L’idée de normalité sexuelle a été 
bousculée, avec les débats autour du PACS (partenariat civil enregistré), l’augmentation de 
la  visibilité  de  l’homosexualité,  l’émergence  du  thème  de  l’homoparentalité.    La 
médicalisation de la sexualité et de la vie en général a fortement crû depuis les année 1960 
(Aïach, Delanoé, 1998) : en témoignent par exemple le développement des médicaments de 
confort (Prozac, psychotropes, etc.), dénommés dans les pays anglo-saxons médicaments 
de « style de vie » (lifestyle drugs), et la tendance à l’effacement des distinctions entre effets 
pathologiques et effets normaux du vieillissement. L’épidémie de sida, dont l’histoire a déjà 
connu bien des phases (avec notamment l’arrivée des traitements en 1996), a eu un certain 
nombre d’effets sur la manière dont la sexualité était vécue, en particulier par les jeunes, les 
homosexuels, les personnes qui ont plusieurs partenaires. Les représentations explicites de 
l’activité  sexuelle  sont  devenues  abondantes  et  beaucoup  plus  diverses  qu’on  ne  le  dit 
souvent (littérature, cinéma, internet…), au point que le consensus établi de longue date sur 
la différence entre érotisme et pornographie a été remis en cause, et qu’il se produit de plus 
en  plus  fréquemment  des  expositions  involontaires  à  des  contenus  érotiques  (panneaux 
publicitaires,  télévision…).  Enfin,  alors  que  nos  sociétés  se  sécularisent  et  que  décline 
l’influence des institutions qui transmettaient des principes absolus
, les sources émettrices 
d’informations  et  de  normes  diffuses  en  matière  de  sexualité  se  multiplient :  médias, 
psychologie  vulgarisée,  école,  enquêtes  sur  la  sexualité,  campagnes  de  prévention, 
littérature…etc.  Toutes  ces  sources  atteignent  des  publics  divers,  mais  leurs  capacités 
d’imposition  et  de  contrôle  direct  des  comportements  sont  relativement  faibles,  dans  la 
mesure où elles ne sont pas associées à des appareils de contrôle et de sanction efficaces. 
 
Nous  nous  proposons  d’explorer  d’abord  l’évolution  des  normes  du    fonctionnement 
interpersonnel,  en  particulier  la  nouvelle  normativité  de  l’initiation  sexuelle,  les 
transformations de la norme  de fidélité, ainsi que  la force  et les  limites de la norme de 
réciprocité dans la sexualité conjugale, et les évolutions des relations homosexuelles. Dans 
 
   L’évolution des savoirs et des durées de  scolarité a  pour effet que  de plus en plus d’enfants atteignent des 
niveaux de scolarité supérieurs à ceux de leurs parents. 
 Guy Michelat et Jeanine Mossuz-Lavau montrent non seulement qu’il existe de grandes différences en matière 
normative  entre  catholiques  et  personnes  sans  religion,  mais  que  même  parmi  les  catholiques  les  plus 
pratiquants,  désormais  peu  nombreux,  la  discordance  entre  injonctions  de  l’Eglise  en  matière  de  sexualité  et 
attitudes personnelles est devenue importante (Michelat, Mossuz-Lavau, 2003).