
Bertrand Weil - Relations soignantes et Médecine de la Personne – Ecole Supérieure Montsouris - Janvier 2012
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I) La relation technique : le « cure » par opposition au « care » anglosaxon
Par essence, le premier niveau de relation parentale est d’ordre technique : à la naissance, la
mère, les parents ou leurs substituts « soignants » (sages femmes, puéricultrices, nounous,…),
doivent « prendre soin » du nouveau né, assurer sa propreté, sa protection contre la chaleur ou
le froid, son alimentation, son sommeil, son confort, … C’est une relation indispensable à sa
survie physique. Elle n’est, toutefois, en rien suffisante pour permettre le développement
psychogénétique sain de la personnalité de ce nouveau né.
Dans la vie sociale, ce premier niveau de relation correspondrait à la situation d’un individu
fournissant à la demande de son employeur une prestation purement technique : vendre des
objets, ou un titre de transport, coiffer, confectionner un vêtement, …, sans prendre en
considération l’autre en tant que personne. Il s’agirait d’une bien mauvaise relation
commerciale. De son côté, l’employeur pourrait fort bien considérer son employé seulement
en tant qu’individu acteur subordonné et payé pour son travail : l’attitude irrespectueuse de
l’employeur pourrait fort bien être à l’origine de celle de son employé.
Ce niveau de relation purement technique n’est pas susceptible de créer du lien social ; elle est
négativement frustrante pour celui qui subi, pour ne pas perdre son emploi, ce type de relation
« impersonnelle ». L’autre, subalterne, employé, n’est vu que comme l’exécutant d’une tâche
lui incombant contractuellement et dont les sentiments ou l’existence en tant que personne
n’ont rien à faire dans la relation de travail. Le mal être ressenti par le subordonné, surtout
dans des entreprises en voie de restructuration, peut le conduire à une souffrance morale telle
qu’elle peut le mener jusqu’à la suicidance. On a pu le constater récemment dans de grandes
firmes où la gestion des ressources humaines, par trop inhumaine et impersonnelle, avait
contribué à diluer le sentiment d’appartenance, de compétences reconnues, de raison d’être ; à
faire perdre son sens au travail.
Dans l’exercice soignant médical, non médical, paramédical ou psychologique, une relation
purement technique mais conforme au consensus de procédure, conforme à « l’Evidence
Based Medicine » (EBM) très à la mode aujourd’hui, relèverait du « cure » anglo-saxon.
Le praticien se satisfait d’examiner, de prescrire, d’intervenir, chirurgicalement au besoin,
certes, de façon parfaitement pertinente, en rapport avec l’état de l’art et peut ainsi permettre
de rétablir l’état de santé de celui qui lui a été référé.
Il s’agit d’une prestation diagnostique, thérapeutique voire chirurgicale fournie sans
concernement affectif, sans prise en compte de l’autre en tant que personne en état de détresse
morale. C’est une attitude correspondant à « l’obligation de moyens » prescrite par la Loi. Ce
qui ne peut manquer de provoquer une frustration négative de celui, ou celle, soigné de la
sorte. Cette attitude ignore la demande implicite, voire explicite, par le patient d’un autre type
de relation plus personnelle et moins réfrigérante.
II) La relation fusionnelle et sa conséquence infantilisante
A l’opposé, et c’est le deuxième niveau de relation parentale, du fait d’un amour maternel
naturel, la mère et le nouveau né tissent une relation assez exclusive, s’associant à, et
complétant, la relation technique.
La mère et son bébé, dès les premiers jours de sa vie, développent une riche relation
sensorielle conduisant à de la satisfaction partagée. Particulièrement lors de l’allaitement au
sein ou de la tétée du biberon, lorsque la complétude de la relation fusionnelle avec sa mère