Efficacité de cette exposition qui prépare la scène 4 avec l’entrée en scène des précieuses.
Effet comique du jeu des questions rhétoriques dans la première partie de la scène, où les deux personnages semblent
tellement interloqués qu’ils n’osent pas exprimer leur sentiment. Ambigüité : amusement distancié et/ou colère et
humiliation.
Comique de la description des précieuses par leurs prétendants rebutés : effet de caricature.
Le spectacle de la représentation de soi : du mépris à la méprise
La pièce s’ouvre sur une situation de conflit qui joue sur l’image de soi et de son monde : rivalité de personnes (LG-DB / C-M),
d’ordre social (aristocratie-bourgeoisie/ valets-maîtres), de sexes (hommes/femmes), de culture (classicisme/préciosité ;
Paris/province)
Se dessine un projet cruel d’humiliation des jeunes femmes, mais aussi des valets, vers une mascarade baroque et farcesque
qui par le théâtre dans le théâtre montre une vision du moi fatalement théâtralisée.
Ces deux scènes proposent une multiplication des masques : les prétendants sont sincères dans leur dialogue privé, ce qui
dévoile le caractère orgueilleux et l’absence d’humour de La Grange : « j’en suis tout scandalisé », « deux hommes traités
avec plus de mépris que nous », « sans doute je l’y prends ». La noblesse de La Grange est une aristocratie de pouvoir et de
supériorité. Son ton hypocrite et hyperbolique ment courtois avec Gorgibus dans la scène 2 (« nous vous rendons grâce de la
faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos très humbles serviteurs. ») montre qu’il sait jouer le rôle du seigneur
honnête homme.
En écho, Gorgibus maîtrise aussi le code de la politesse : c’est en aparté qu’il retrouve une interjection familière (« ouais ! »)
et ne se montre pas dupe des formules de La Grange : « il semble qu’ils sortent mal satisfaits d’ici », le vb « sembler »
soulignant le jeu du paraître.
L’attitude de La Grange dans la scène 1 dévoile la personnalité sous le vernis social : il méprise ce qui sort de son rang.
Le personnage de Du Croisy est plus nuancé : silencieux dans la scène 2, il suit le projet de vengeance en spectateur curieux
(effet de mise en abyme) qui pose des questions sur la suite de l’action ! Il est aussi celui qui fait preuve d’humour et de
distance, donc plus proche du gentilhomme que son ami. « Regardez-moi un peu sans rire », « il me semble que vous prenez la
chose fort à cœur. »
On peut imaginer (travail du metteur en scène et des comédiens) plusieurs couleurs différentes à donner aux répliques du
début de la scène : colère, ironie, amusement, ton excédé.
Le comique repose davantage dans la présentation péjorative qui est faite des précieuses et des valets, à travers une
critique du narcissisme personnel et social. Le jeu théâtral est ici porté par le mime parodique. L’importance de la mise en
scène des absentes permet une variation sur le motif du portrait : mise en relief de la représentation du moi.
Expressions péjoratives : « deux pecques provinciales », « faire les renchéries », « donzelles ridicules », « un ambigu de
précieuse et de coquette », « leur sottise »
Comique de l’attitude des précieuses racontée par leur « victime » : jeu sur la reprise anaphorique de l’adverbe d’intensité
« tant » qui rythme l’accumulation de leur jeu de mépris (« je n’ai jamais vu tant parler à l’oreille (…) pu leur dire »). Les
précieuses ont joué à ignorer les règles élémentaires de la conversation, ce qui est d’autant plus drôle qu’il s’agit d’un des
plaisirs favoris des salons précieux ! Elles sont en représentation et ont parfaitement joué leur rôle de précieuses…sans
avoir conscience de leur ridicule. Double effet comique pour le spectateur.
Comique satirique qui vise la mode précieuse au-delà des personnes de Cathos et Magdelon, comme le montre la phrase « L’air
précieux n’a pas seulement infecté Paris (…) leur bonne part. », avec jeu sur la polysémie du mot « air » : qu’on respire
(métaphore filée), qu’on se donne, qui est à la mode. Cette satire vise aussi l’ensemble de la société qui accepte ces jeux de
dupes avec cette phrase qui sonne comme une sentence de moraliste « il n’y a rien à meilleur marché que le bel esprit
maintenant. » (cf valeurs de l’honnête homme dans le classicisme, être versus paraître). On voit aussi la violence de ces jeux
sociaux à travers le mépris de Mascarille pour les autres valets (« jusqu’à les appeler brutaux »), sorte d’emboîtement à
l’infini du mépris et du sentiment de supériorité dans la représentation de soi.
Le procédé de mise en abyme (théâtre dans le théâtre) annonce la suite de la pièce : « nous leur jouerons tous deux une
pièce qui leur fera voir leur sottise ». Le verbe jouer est à prendre au sens figuré et au sens propre, car La Grange va se
faire le metteur en scène de cette « pièce » en choisissant dès cette scène d’exposition le personnage principal, présenté
comme un comédien du jeu social : « vouloir faire l’homme de condition ». D’où l’efficacité de l’enchaînement avec la scène 2
qui nous propose une mascarade de politesse tout en enchaînant sur l’action avec l’apostrophe « Holà » de Gorgibus à
l’approche de Marotte. (scène3)
Eléments de conclusion :
Exposition rapide et efficace car farce en un acte. Dynamique de l’enchaînement de ces deux premières scènes par des
questions. Une entrée en matière qui installe le comique.