A Anagogie (du grec anago – conduire vers le haut, élever). Méthode de la philosophie orthodoxe, supposant une connaissance synthétique (intuitivo-rationnelle, philosophicoartistique) basée sur la finalité de l’objet examinée (cf. synergisme) et sur les intentions du sujet pensant. Représente le niveau le plus élevé de l’exégèse biblique (de l’explication et de l’interprétation des textes bibliques), orientée vers l’éclaircissement du but spirituel de l’Ecriture Sainte. L’anagogie a connu son développement le plus important dans la tradition du christianisme oriental, en particulier dans les œuvres de Grégoire de Nysse et de Syméon le Nouveau Théologien. En Russie elle a été développée principalement grâce à l’œuvre de Maxime le Grec et son affirmation de l’ « esprit » de vérité, dans lequel l’homme vit « au moyen de tout son être ». A travers l’héritage de l’œuvre du Métropolite de Moscou Platon (Levchine), l’anagogie a acquis une signification métaphysique, en recevant un fondement ontologique à la fois transcendant et concret dans la reconnaissance (spécifique de la théologie négative) du « mystère » divin et du « mystère » ‘co-événementiel’ [so-bytijnoj] de l’homme dans leur non moins mystérieuse interdépendance. Tout cela présuppose le caractère antinomique de la connaissance anagogique, excluant de façon organique toute prétention fanatique à la possession d’une vérité absolue et universelle. Le centre de gravité se trouve transporté sur un processus anthropocentrique d’accession à un ‘événement co-existentiel’ [sobytie] concret du sujet connaissant qui se réalise grâce à l’intégralité interne de ses forces spirituelles : la volonté, la mémoire et la raison. Sur cette voie, on accède à la vérité personnifiée de « l’‘événement co-existentiel’ complet et vivant de l’homme » ou de son « esprit ». Le processus d’une telle connaissance commence, pour chaque homme, par la réminiscence des représentations innées de cet ‘événement co-existentiel’ perdu qui le faisait à l’image et à la ressemblance de Dieu ; ceci afin d’affirmer la volonté de retrouver la nature de l’homme, sujet connaissant, tel qu’il était au paradis, c’est-à-dire d’atteindre le but final de la philosophie orthodoxe. Les objets les plus divers du monde matériel entrent alors dans l’orbite de la connaissance, afin que soit découverte leur finalité métaphysique, orientée vers le maintien final et salutaire de l’ordre divin des choses. La condition d’une telle connaissance est le lien intuitif que le sujet connaissant entretient avec n’importe quel « objet » extérieur qui découvre par analogie le sens de l’existence du sujet conduit par la providence, et qui absorbe en lui les aspirations créatrices de l’étant. Les méthodes rationnelles de l’anagogie, dans la ligne 1 de son caractère antinomique, sont constamment limitées par la « loi de non contradiction de soi ». Ainsi se trouve affirmée la « folie » fondamentale de la raison humaine lorsque, sur la base du mystère apophatique de l’être divin et de sa vérité absolue, elle se tourne vers n’importe quel objet de la connaissance. Cette vérité conserve aussi son caractère inexpugnable lors de l’accession au but final de la philosophie orthodoxe qui ne découvre au plus que le caractère à la fois libre et nécessaire de la Trinité, mais non point son être propre. En même temps et grâce à cela une vérité personnifiée se révèle. Bien que de façon médiatisée, elle résout toutes les oppositions antinomiques dans une unité non fusionnelle de toutes les forces de l’âme, qui s’offrent à l’œil spirituel du sujet connaissant à travers une vision intuitive (foi). Cette dernière conditionne le caractère synthétique de l’anagogie métaphysique qui ne permet pas d’absolutiser l’un ou l’autre aspect de la connaissance humaine et de se mettre au service d’une « vérité » absolue et universelle au détriment de l’intégralité de l’expérience spirituelle de l’homme. La méthode radicale de métaphysique proposée par le métropolite Platon n’a pas bénéficié de développement conséquent, même de la part des représentants de la philosophie russe, qui se rattachaient directement à la confession de foi orthodoxe (par exemple, dans les travaux de Kireevski, Boukharev, Ern, etc..). Bibliographie : Ern V.F., Sočinenija (Œuvres), M., 1991 ; Karsavin L.P., Svjatye otcy i učitelja cerkvi (Karsavine L.P., Les Saints Pères et les Docteurs de l’Eglise), M., 1994 ; Gromov M.N., Maksim Grek (Maxime le Grec), M., 1983 ; Kalitin P.V., Raspjatie mirom (La Crucifixion par le monde), M., 1992. P.V. Kalitine (trad. M. Dennes) 2