Les technologies quantiques à
l’épreuve de la micropesanteur
Une équipe de physiciens français (CNRS, Institut d'Optique Graduate School,
Observatoire de Paris, UPMC, Université de Bordeaux), soutenue par le CNES et
l’ESA, vient pour la première fois de comparer la chute libre de deux ondes de matière
de compositions différentes à l’aide d’un double interféromètre en micropesanteur.
Au-delà du tour de force technologique, cette expérience constitue le premier test de
l’universalité de la chute libre avec des objets quantiques en micropesanteur. Ces
résultats sont publiés dans Nature communications.
Dans l’ascenseur qu’imaginait Albert Einstein en 1908, un physicien, enfermé dans une
capsule subissant une accélération constante, observe une modification de la pesanteur et
donc de la chute libre des corps. C’est la conséquence directe du principe d’Équivalence,
principe fondamental de la gravitation, qui stipule notamment que la masse inertielle et la
masse gravifique sont égales. Ce principe justifie ainsi l’équivalence de la chute de corps de
masses ou de compositions différentes. Si ce principe est déjà largement vérifié avec des
objets de grande taille, il est aujourd’hui possible de le tester à l’échelle microscopique, avec
des atomes refroidis à quelques millionièmes de degrés au-dessus du zéro absolu au cœur
de capteurs inertiels quantiques.
À bord de l’Airbus « A310 zero-G » de la société Novespace, qui reproduit les conditions de
l’ascenseur imaginaire d’Einstein, l’équipe de chercheur a embarqué un double
interféromètre à ondes de matière permettant de tester l’université de la chute libre résultant
du principe d’équivalence. Ce type d’interféromètre est aujourd’hui utilisé et commercialisé
pour mesurer, au sol, les variations du champ de pesanteur avec une précision inégalée
(1 :1000000000, soit 100 fois plus petit que l’effet des marées). Un tel gravimètre quantique,
s’il est opéré simultanément avec deux atomes différents, permet de vérifier l’universalité de
la chute libre avec une précision équivalente. Mais pour atteindre et dépasser la précision
des meilleurs tests actuels (10-13) ou futurs (microscope, 10-15), il faut utiliser ces
interféromètres en l’absence de pesanteur. C’est cet environnement que simule l’Airbus
« A310 zéro-G » lorsqu’il décrit des paraboles dans le ciel.
L’utilisation d’un double accéléromètre quantique lors du vol parabolique oblige à surmonter
de nombreuses difficultés que l’on retrouve, à moindre échelle, dans les missions spatiales
en orbite autour de la terre. La rotation rapide de l’avion – correspondant ici à un tour par
minute – ainsi que les fortes vibrations liées au vol – jusqu’à un centième de la pesanteur,
limitent drastiquement les temps de mesure accessibles, ainsi que l’exactitude avec laquelle
la mesure peut être effectuée. Lors des campagnes de vol, l’équipe de chercheurs a pu
étudier en détail l’influence de ces perturbations, et mettre en œuvre les méthodes pour s’en
affranchir. Ils ont ainsi pu réaliser un premier test du principe d’équivalence en
micropesanteur avec des performances certes limitées, mais bien en dessous des limites
imposées initialement par l’avion.
Cette première réalisation est une étape fondamentale dans la longue marche vers une
future mission spatiale, qui viserait à repousser les limites de précision du test du principe
d’équivalence pour confirmer ou infirmer certaines théories alternatives à la Gravitation. Mais
c’est aussi la première fois qu’un tel niveau de performance est atteint avec un capteur
inertiel quantique en conditions réelles, performances qui égalent déjà, d’ailleurs, celles des
meilleurs accéléromètres embarqués dans les systèmes de navigation.