Exposé de Peter Kyburz, secrétaire général de la SEC suisse, à l’occasion de la conférence
de presse « L’avenir prime sur l’origine » de jeudi 20 novembre 2008
Promouvoir le potentiel de tous les jeunes
En Suisse, la formation professionnelle est basée sur un modèle dont le succès est incon-
testable. Il est basé sur la promotion des jeunes professionnels dans le domaine pratique et
théorique. Ce système dual spécifique de formation professionnelle constitue un avantage
décisif sur le plan concurrentiel pour la place économique suisse, en particulier dans le
secteur commercial. En étant à l’origine des apprentissages sur le modèle dual, la SEC
Suisse, s’engage de toutes ses forces pour préserver cet avantage.
Cela signifie en tout premier lieu: il faut qu’un nombre suffisant de jeunes qualifiés et
motivés optent pour cette filière de formation. Cela signifie également que la formation
professionnelle doit d’une part rester attrayante par rapport à la formation purement sco-
laire et d’autre part exploiter tout le potentiel sous-jacent de jeunes. Ou en d’autres termes:
la formation professionnelle ne peut et ne doit pas permettre d’exclure de manière
plus ou moins délibérée certains groupes de jeunes en raison de leur origine.
L’économie suisse compte sur la promotion ciblée de toute future main-d’œuvre, quelle
que soit son origine. La société dans son ensemble compte sur son intégration dans
l’ensemble des processus de travail. En exclure certains groupes revient à amorcer une
bombe sociale.
Si le nombre de jeunes suivant une formation professionnelle régresse, on risque en outre
de devoir faire face à un manque main-d’œuvre au niveau de la formation profession-
nelle supérieure. L’économie suisse compte pourtant beaucoup sur une main-d’œuvre
bénéficiant d’une bonne formation et ayant suivi des cours de perfectionnement sur le plan
pratique et théorique.
«Avenir plutôt qu’origine» signifie en premier lieu: comprendre que la formation
professionnelle se coupe l’herbe sous les pieds si l’accès à la formation est plus dif-
ficile pour les jeunes issus de l’immigration car on risque de perdre ainsi un
énorme potentiel.
«Avenir plutôt qu’origine» signifie donc: comprendre que le risque de manquer de
main-d’œuvre ne peut être que pénalisant si un trop faible nombre de jeunes suivent
un apprentissage selon le modèle dual et qu’ils ne peuvent dès lors pas se perfec-
tionner ensuite dans le cadre d’une filière de formation professionnelle supérieure.
«Avenir plutôt qu’origine» signifie aussi: reconnaître où se situent les discrimina-
tions directes ou cachées, ouvertes et subtiles des jeunes issus de l’immigration –
et qui sont non seulement néfastes pour les jeunes concernés, mais aussi pour les
entreprises qui, en raison des craintes et appréhensions, se privent d’une main-
d’œuvre ayant un très fort potentiel en terme de valeur.
«Avenir plutôt qu’origine» signifie enfin: il faut entreprendre tout ce qui est en notre
pouvoir pour que, lors des processus de sélection des apprentis, on tienne compte
en priorité d’un large spectre de qualifications et non pas essentiellement de
l’origine des candidats.
«Avenir plutôt qu’origine» signifie en conclusion: il faut promouvoir l’équité lors de
l’attribution des places d’apprentissage et apporter ainsi sa contribution au désa-
morçage de la bombe à retardement sociale du chômage des jeunes.
La formation progresse
Les appels à une main-d’œuvre toujours plus qualifiée proviennent de partout; les
tâches à accomplir dans le cadre du monde du travail sont toujours plus complexes. Les
jeunes et les parents réagissent à cette pression et favorisent les formations purement
scolaires menant à un niveau élevé de qualifications.
La proportion de jeunes qui suivent de telles formations purement scolaire a fortement
progressé au cours de ces dernières années. Et cette évolution devrait se poursuivre.
L’Office fédéral de la statistique compte sur une croissance comprise entre 3% dans les
cantons essentiellement sub-urbains et même de 8% dans les cantons fortement urbanisés.
Les statistiques prévoient même un recul de la formation professionnelle duale. Celui-ci
devrait fortement varier selon les régions. Alors que l’on s’attend à une diminution de 2%
dans la grande agglomération zurichoise, celle-ci pourrait atteindre ou même dépasser 20%
dans plus de la moitié des autres cantons.
Des solutions transitoires sont nécessaires même s’il s’agit finalement de solutions
d’urgence
Sur le marché des places d’apprentissage, la situation s’est légèrement détendue, même si
20% des jeunes ayant achevé leur scolarité ne trouvent toujours pas une solution immé-
diate dans le système scolaire ou dans la filière des apprentissages. Ils ont pourtant à leur
disposition un large éventail de solutions de transition, allant de la dixième année scolaire
aux semestres de motivation. Cet éventail de possibilités est indispensable pour stimuler
les jeunes qui ne trouvent pas de débouchés directs et pour qu’ils ne se retrouvent sans
aucune solution satisfaisante.
Nombreux sont les jeunes engagés dans des filières passerelles à figurer finalement sur une
file d’attente. S’ils se retrouvent une année plus tard sur le marché des places
d’apprentissage, ils sont alors en concurrence directe avec les volées suivantes. Les solu-
tions transitoires financées par les pouvoirs publics rééquilibrent le manque structurel des
places d’apprentissage vacantes. Personne n’y a intérêt: ni des jeunes qui souhaitent se
lancer dans une profession, ni l’Etat qui finance ces solutions transitoires, ni même les
entreprises qui, toutes les années, manquent de jeunes prêts à assurer la relève.
Les jeunes issus de l’immigration se retrouvent le plus souvent dans des situations transi-
toires
Les jeunes de nationalité étrangère suivent deux fois plus souvent des solutions transitoires
que les jeunes suisses. L’augmentation du nombre de jeunes s’étant retrouvés dans des
solutions transitoires au cours de ces dernières années provient essentiellement de
l’augmentation du nombre de jeunes issus de l’immigration. Si l’on tient compte du fait
que, statistiquement, le report de l’entrée des jeunes respectivement dans le monde du
travail et dans une filière de formation constitue une menace pour leur succès, il faut bien
parler d’une situation extrêmement préoccupante. Les menaces qui planent sur l’entrée et
le succès dans le monde professionnel n’est depuis longtemps pas uniquement un problème
pour les jeunes qui sont touchés par cette question, mais par l’ensemble de la société qui
doit subvenir aux conséquences sociales et financières de ces échecs.
Reconnaître le potentiel spécifique des jeunes issus de l’immigration
Ce n’est que si les entreprises et les responsables de la sélection des jeunes reconnaissent
ce que ceux qui sont issus de la migration apportent en terme de potentiel spécifique que
la situation va fondamentalement changer. Les jeunes qui possèdent des racines étrangères
sont polyglottes et disposent d’une expérience de la vie qui leur permet d’évoluer dans un
environnement étranger; il s’agit de compétences dont ils peuvent faire bénéficier leur
entreprise. Nombreux sont ceux qui sont issus de cultures dans lesquelles l’hospitalité
détient une place privilégiée, ce qui se reflète ensuite positivement dans les contacts de
l’entreprise avec ses clients. Le désir de promotion sociale est par ailleurs particulière-
ment marqué, ce qui se constate aussi dans leur motivation et engagement, pour autant
cependant que ces valeurs soient stimulées.
Mesures: de la procédure standardisée de candidature jusqu’à l’accord équitable
La SEC Suisse demande à ce que l’on tienne compte de cette situation en prenant des
mesures à plusieurs niveaux. Relevons ici les deux plus importantes.
Les procédures de candidatures à un apprentissage se déroulent de manière très différente.
Elles varient d’entreprise à entreprise et également au sein même d’une entreprise. Pour les
candidats, cela signifie que les critères de test et de sélection sont totalement différents.
Cela touche de nouveau particulièrement les jeunes issus de l’immigration et ceux qui ont
suivi un type d’école ayant de faibles exigences.
Afin que tous les candidats soient jugés sur une même base, les critères de sélection de-
vraient être fixés de manière réfléchie, systématique et unifiés. Des listes générales de
critères de sélection et des directives doivent être définies sous forme de guide pour les
entreprises.
Un nombre toujours accru d’entreprises signe des contrats d’apprentissage de plus en plus
tôt car ellss veulent s’assurer les meilleurs candidats pour chaque volée. Cette sélection
prématurée de certaines entreprises formatrices met les autres sous pression. Considérée
comme la date de référence initiale à partir de laquelle il est possible de signer un contrat
d’apprentissage, la date du 1er novembre est de moins en moins respectée, et les accords
prétendument valables remis en cause. Ces contrats d’apprentissage signés de manière
anticipée défavorisent de nouveau énormément les jeunes issus de l’immigration car ils ne
disposent souvent pas de réseaux personnels et n’ont pas suffisamment d’informations à ce
sujet. Cette sélection précoce accroît aussi la pression sur les candidats potentiels qui doi-
vent se rabattre sur une filière passerelle. Plus la sélection est précoce, moins les jeunes qui
se retrouvent dans ces filières peuvent profiter des mesures ciblées de stimulation qui leur
permettent de devenir plus concurrentiel sur le marché des places d’apprentissage. En
d’autres termes, une sélection trop précoce propulse de nombreux jeunes dans une deu-
xième file d’attente.
Avenir plutôt qu’origine
Donner une chance équitable aux jeunes issus de l’immigration est en priorité une question
de loyauté et d’équité sociale. Mais une telle revendication présente finalement aussi un
avantage en terme économique.
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