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Jihad Y.Kahil Page 3 sur 10 13-01-2003
d’exécution qui ne soit en même temps formulation de l’image. (B. Croce, Estetica, Bari 1950,
C. Brandi, Carmine o della Pittura, Florence, 1947). Or, la démarche créatrice étant par
essence unique, irréproduisible – en toute rigueur, même par l’artiste lui-même qui, ou il se
copierait, ou il ferait une œuvre nouvelle -, toute reprise du processus est donc impossible en
raison de sa nature même.
Il semblerait à première vue qu’il faille en conclure à l’impossibilité, et renoncer toute
tentative de reconstitution des parties manquantes d’une œuvre mutilée. Ce serait cependant
éluder et résoudre le problème que les lacunes continuent à poser, et qui exige une solution
conforme à l’esthétique nouvelle.
Temps adéquat de l’intervention de la restauration
Le temps mis par l’œuvre d’art pour nous arriver après son émanation de son créateur, est
nécessaire pour sa maturité, si on peut le dire. Nous avons besoin de cet espace, de cette
distance qui nous sépare de l’œuvre pour pouvoir juger clairement. Car l’œuvre contemporaine
s’est amalgamée avec nos sentiments et avec notre conscience objective. C’est dans la
troisième phase de la vie de l’œuvre que notre intervention sera justifiée.
Problèmes de la restauration d’après l’instance historique
Tout oeuvre d’art du passé a son contexte historique d’où elle émane. Quand les documents
historiques qui la font remonter à une époque, à une région, à un peuple, à une personne, sont
perdus, nous sommes en présence des problèmes de l’instance historique. Le manque de cette
documentation empêche toute intervention de restauration.
Problèmes de la restauration d’après l’instance esthétique
Pour pouvoir apprécier les valeurs figuratives et esthétiques basées sur la philologie et la
tradition, un niveau culturel doit être assuré par celui qui prend la charge de la restauration. Ce
sont ces valeurs qui imprègnent l’œuvre de ses qualités pittoresques et de beauté. L’instance
esthétique comprend les normes de valorisation de l’œuvre selon un standard élevé. La
reconnaissance de ces valeurs est subjective et elle ne peut pas être généralisée.
La patine d’après l’instance historico-esthétique
Toute œuvre d’art présente, du point de vue de sa restauration, un double caractère
historique. D’une part, elle est historique en tant que création de l’homme réalisé à une époque
déterminée. D’autre part, elle se présente à nous à travers le laps de temps qui s’est écoulé
depuis cette création, et dont l’élimination est inconcevable. Or, cette durée affecte la matière à
laquelle a été confiée la transmission de l’image. Quand les modifications ne nous apparaissent
même pas comme des altérations, mais comme la simple marque du temps, c’est la patine.
Aucune restauration ne pourra donc jamais prétendre rétablir l’état original d’une peinture, par
exemple. Elle ne pourra que révéler l’état actuel des matières originales. Elle ne peut, en aucun
cas abolir l’historicité seconde de l’œuvre, le temps qu’elle a traversé pour se présenter à nous.
Cette constatation nous permet d’aborder le problème critique en reliant son aspect
historico-esthétique aux facteurs matériels dans lesquels il se concrétise. Et c’est ici que trouve
sa place la notion de patine. La patine en effet, est précisément cet effet « normal »du temps
sur la matière. Ce n’est pas un concept physique ou chimique, mais un concept critique. La