THEORIE DE LA RESTAURATION Page 4 of 6
Jihad Y. Kahil Page 4
menait à un bouleversement radical, qui se manifeste dans la considération de l’Architecture, pour moitié, comme
un acte réfléchi, distinct et autonome respectant le processus créatif.
Le passé et le présent, jusque-là, sont unis dans la continuité du développement d’un même goût et d’un même
langage. Ceci rendait inactuelle une perspective historique et une distinction critique d’agir concrètement. Ils
deviennent deux mondes différents et opposés dans une conception où le présent retrouve et comprend le passé.
Avec un tel jugement et de cette valorisation se meut l’exigence du respect et de la conservation du Monument
dans sa valeur formelle et historique d’actualité permanente.
Si la Restauration est donc une opération consciente de critique et d’intervention, il est impropre de parler
des restaurations, à propos des opérations faites sur les monuments exécutés avec des critères et des buts de toute
sorte, avant la fin du XVIIIeme Siècle.
C’est pourquoi, la Restauration Architectonique, dans le sens que la culture moderne lui a donné, peut être
caractérisée et étudiée seule à partir du décret connu de 1794, avec lequel la Convention Nationale Française
proclamait le principe de la conservation des Monuments.
De cette position culturelle jaillit une profonde expérience qui fait vivre le monument dans sa forme et sa
valeur significative. Plusieurs modes se sont développés pour exercer le respect de l’œuvre architecturale,
théoriquement distincts et historiquement déterminés selon la conception de l’architecture propre à la pensée de
chaque moment culturel.
Chronologiquement, la première conception de la restauration se base sur le principe d’obtenir la recomposition
de l’édifice moyennant l’emploi des parties originales ou leur reproduction. Avec un tel critère, dans les trente
premières années du XIXeme Siècle, étaient exécutées des restaurations sur des monuments de l’Antiquité
Classique, spécialement à Rome, inspirées dans le but de retrouver dans ces opérations la beauté exemplaire et
normative affirmée de la culture néoclassique.
Après les années 1830 et 1870, la culture française parvient à une propre et originale formation se rapportant
au concept de “Style,” entendu comme une réalité historique et formelle, unitaire et cohérente, limitée dans
le temps et bien définie dans ses modes figuratives et protagonistes de l’histoire artistique.
Il s’ensuit que chaque monument, dans sa forme originaire, constitue une « unité stylistique », qui absorbe et
annule l’individualité de l’œuvre, unité stylistique que la restauration est appelée à restituer, se reportant aux
modes généraux du style et ignorant les vraies qualités formelles que détermine la singularité.
Il arrive, comme ça, à légitimer et imposer les reconstructions et encore les adjonctions, basées seulement sur
les analogies typologiques et stylistiques avec d’autres monuments, altérant la structure et la forme de l’œuvre au
nom d’une abstraite cohérence de style.
Ce type de Restauration, dit « Stylistique » et qui est encore camouflé, a pris aussi le nom de Viollet-Le-
Duc(1814-1879), historien et théoricien de l’architecture et de la restauration, et restaurateur un grand nombre de
monuments du Moyen Age, notamment l’Abbatiale de Vézelay, Notre-Dame de Paris et d’autres Cathédrales, le
Château de Pierrefonds, la Cité de Carcassonne. Il est l’auteur, entre autres ouvrages, du monumental Dictionnaire
raisonné de l’architecture française du XI au XVIe siècle et des Entretiens sur l’architecture, qui ont défini les
bases d’un nouveau rationalisme, fondé sur l’emploi du métal. Il est le plus éminent et représentatif amateur du
Moyen-Age, dont ses énonciations sont depuis son temps, citées comme normatives : “Restaurer un édifice
signifie le rétablir en un état d’intégralité qui peut ne jamais avoir existé ”.
Le jugement très sévère basé spécialement sur les théories de la restauration philologique, sur les principes et
les méthodes de la restauration stylistique, doit aujourd’hui être justifié vis à vis du contraste des résultats des
opérations exécutées sur les monuments.
La culture française a reconnu, avec l’affirmation de Didéron, de Mérimée, de Dali et même de Viollet-Le-
Duc, la nécessité de maintenir l’intégrité des édifices antiques.
Près de la moitie du XIXeme Siècle, la “restauration stylistique” se place à côté de “la restauration
romantique » grâce au mouvement anglais qui veut substituer l’intervention large avec l’absolu respect religieux
du monument dans la forme d’où il est parvenu. Cette conception étant le résultat de l’attitude littéraire qui
confère au passé et à ses œuvres, une valeur exclusive de respect, engendre un pur désir passionné de sincérité, un
amour passion presque morbide pour le monument et la conséquente répulsion pour l’intervention de l’homme,
considérée comme brutale et sacrilège.
Par conséquent, et devant la nécessité réelle d’assurer la conservation, la restauration romantique répond avec
le renoncement fataliste : le monument doit rester ainsi, comme il est, et il ne doit pas être touché mais il doit
être laissé s’abîmer et puis tomber en ruine.