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compatibilité des objectifs de croissance et de stabilité des prix. La relation de Phillips* avait été réinterprétée 
par P. Samuelson et R.  Solow comme témoignant de l'arbitrage inflation/chômage, permettant ainsi de fonder 
l'efficacité des politiques monétaires contracycliques dans une économie où les prix sont flexibles. Cette thèse a 
été soumise successivement à deux critiques de la part de monétaristes.  
D'abord M.  Friedman, supposant que les agents ont des anticipations adaptatives, observe que les politiques 
monétaires de relance rehaussent les anticipations d'inflation des agents, accroissent le NAIRU, c'est à dire le 
seuil d'inflation qu'il est nécessaire de dépasser pour réduire le chômage; la politique monétaire ne peut relancer 
alors l'activité à court terme qu'en contrepartie d'une hausse durable du taux d'inflation.  
R. Lucas radicalise ensuite cette critique en remarquant que dès lors qu'on prête aux agents économiques la 
même  rationalité  qu'aux  économistes,  leurs  anticipations  sont  rationnelles,  l'incorporation  des  décisions  de 
politique monétaire aux anticipations d'inflation est immédiate, et l'on retrouve la thèse classique de la neutralité 
de la monnaie : la relance monétaire accélère l'inflation sans avoir d'effet sur l'activité économique réelle.  
Le paramètre décisif dans cette controverse est donc la rigidité des prix. Si les prix sont rigides, la politique 
monétaire est efficace. Les néo-keynésiens montrent alors que la rationalité des agents est compatible avec la 
rationalité des agents, dans le cadre d'anticipations adaptatives –c'est le sens de la "parabole des îles" d'E. Phelps- 
mais aussi d'anticipations rationnelles : les coûts de menu (G. Mankiw), les imperfections de la concurrence, 
celles propres au marché du travail rendent les prix rigides.  
Le modèle AS/AD* synthétise les conditions d'efficacité des politiques monétaires, leurs effets à court terme 
et à long terme. 
La nouvelle économie politique développe le caractère stratégique des politiques conjoncturelles. Le modèle 
partisan de Hibbs montre ainsi que l'alternance politique peut inférer sur les cycles macroéconomiques via les 
inflexions  de  politique  budgétaire  ou  monétaire.  Le  modèle  opportuniste  de  Nordhaus  articule  les  cycles 
macroéconomiques avec le calendrier politique : avant une élection, le parti au pouvoir est tenté de mener une 
politique de relance afin de présenter des performances économiques avantageuses. 
NB  :  les  modèles  de  la  nouvelle  économie  politique  ne  peuvent  plus  être  mobilisés  pour  expliquer  la 
politique  de  la  BCE,  qui  est  indépendante  des  gouvernements,  comme  de  la  plupart  des  banques  centrales 
aujourd'hui .    
 
Le recours aux politiques monétaires contracycliques en a usé l'efficacité : les agents ayant incorporé à leurs 
anticipations  la  conduite  de  ces  politiques,  elles  se  sont  soldées  par  la  stagflation  des  années  70  qui valide 
l'analyse  monétariste.  Sous  son  influence  les  politiques  monétaires  se  recentrent  sur  la  stabilité  des  prix,  et 
connaissent à partir de la fin des années 70 une "grande modération", pour reprendre l'expression d'O. Blanchard.  
 
 
 
II) Les politiques monétaristes, qui ont réduit durablement l'inflation au prix d'une 
hausse du chômage, sont-elles devenues aujourd'hui provisoirement ou définitivement 
inefficaces ?  
A)  La "grande modération" a-t-elle rationalisé la politique monétaire ?  
Le tournant monétariste est pris en 1979 avec la nomination de P. Volcker à la tête de la FED aux Etats-Unis 
et  l'arrivée  aux  pouvoir  de  M.  Thatcher  en  Grande-Bretagne,  et  en  1983  en  France  avec  la  politique  de 
désinflation compétitive.  La priorité  accordée  à  la  stabilité  des  prix  est  entérinée  en  Europe  par le traité de 
Maastricht  qui  conditionne  l'adhésion  à  la  zone  Euro  au  maintien  d'un  taux  d'inflation  modéré,  puis 
institutionnalisée par les statuts de la BCE, chargée de garantir la stabilité des prix dans la zone €.  
Ce tournant est motivé par les coûts de la forte inflation des années 70, qui dépasse 10%. En effet, l'inflation 
incite les agents à réduire leurs encaisses monétaires, et donc à convertir plus fréquemment leurs placements 
financiers en liquidités, ce qui accroît le coût de conversion que désigne la métaphore du shoe-leather-cost. Elle 
crée des distorsions fiscales, car tous les impôts ne sont pas indexés à l'inflation, ainsi que des distorsions liées à 
l'illusion monétaire, elle redistribue les richesses des emprunteurs aux prêteurs, et souvent des consommateurs-
salariés aux producteurs. La variabilité de l'inflation crée par ailleurs un climat d'incertitude qui freine l'activité 
économique.  
Le monétarisme a-t-il été efficace ? Il est indéniable que les politiques monétaristes ont atteint leur objectif 
revendiqué, c'est à dire une baisse durable du niveau de  l'inflation et de sa variance. Cependant, cette "grande 
modération" a été coûteuse en termes de chômage. En effet, la poursuite de la rigueur monétaire est soumise au 
problème de l'incohérence temporelle exposé par E. Kydland et F. Prescott en 1977 : lorsque les anticipations des 
agents économiques sont rationnelles, la banque centrale a intérêt à prendre un engagement de rigueur monétaire, 
mais dès lors que cet engagement se traduit de  la part des agents par des anticipations  d'inflation  faible,  la 
banque centrale est incitée à les surprendre pour réduire le chômage par l'expansion de la masse monétaire. Ainsi 
l'engagement  en  faveur  de  la  rigueur  monétaire  n'est  pas  spontanément  crédible,  la  banque  centrale  doit