1. LES MALADIES NEONATALES. Nous nous limitons, dans ce chapitre, aux maladies et syndromes de la période néonatale, c'est-à-dire les tout premiers jours de vie, voire la première semaine dans certains cas (porcelets par exemple). En dehors des maladies qui vont être décrites, d'autres peuvent survenir, qui sont normalement décrites chez des animaux plus âgés, le plus souvent suite à une forte pression d'infection, qui augmente au cours de la saison et en fonction du nombre de mise-bas et de malades. 1.1. Espèce bovine. 1.1.1. Les diarrhées néonatales. Les diarrhées néonatales apparaissent pendant la première semaine de la vie chez le veau. De nombreux microorganismes (bactéries, virus) interviennent, parfois indépendamment, parfois de concert. Les diarrhées néonatales constituent un syndrome plutôt qu'une maladie. Elles sont toujours à prendre au sérieux et le pronostic dépend essentiellement du degré des perturbations biochimiques. a) Etiologie. L'agent étiologique bactérien principal est l'espèce Escherichia coli. L'espèce Salmonella enterica est habituellement pathogène pour des animaux plus âgés. Déjà en 1893, le vétérinaire danois Jensen associait E.coli à des diarrhées chez les veaux nouveau-nés. Cependant, la reconnaissance des souches d'E.coli qui produisent réellement la diarrhée et de leurs mécanismes de virulence ne date que des années '60 et '70 pour les souches entérotoxinogènes, des années '80 pour les souches effaçantes. Les mécanismes de virulence de certaines catégories de souches restent encore à définir. Cette reconnaissance se fit, tout d'abord, par l'observation que les souches associées à de la diarrhée appartiennent à des sérotypes O:K:H particuliers (O8:K?:Nm; 09:K?:Nm; O101:K30:Nm); ensuite par l'observation qu'elles portent un antigène thermolabile commun qui est absent de la surface des bactéries isolées chez des veaux sains (antigènes K99 ou F5); enfin, par l'observation qu'elles produisent une ou des toxines qui provoquent une hypersécrétion dans l'intestin (= entérotoxines). Ces souches constituent les souches entérotoxinogènes (= souches ETEC). D'autres agents que les bactéries sont, bien entendu, responsables de diarrhées néonatales: des virus (rota, corona...), des protozoaires (Cryptosporidium..), et sont décrits dans d'autres cours. b) Incidence. Chaque année, en Belgique, près de 130000 veaux sont envoyés au clos d'équarrissage dont 85000 (65%) sont morts des suites de diarrhée, causant 1,7 milliards de FB de pertes directes et 2 milliards de FB de pertes indirectes. c) Pathogénie. A la naissance, l'intestin du veau ne contient pas de bactérie (le méconium est stérile). Les premiers contacts du veau nouveau-né avec les bactéries se produisent lors du passage dans le vagin, ou bien lors des manipulations par le vétérinaire et le fermier en cas de césarienne. D'autres contacts ont bientôt lieu avec les bactéries présentes dans la litière. La colonisation par les bactéries "normales" et non pathogènes est extrêmement importante car elles forment une barrière vis à vis de la colonisation par les bactéries pathogènes. Cette barrière n'est cependant pas absolue. La première étape de la pathogénie des souches diarrhogènes d'E.coli est, en effet, la colonisation de l'intestin ou de portions de celui-ci (selon le type de souches auxquelles on s'adresse). C'est ainsi, par exemple, que les souches ETEC vont coloniser l'intestin grêle, surtout les parties antérieures. Cette colonisation va se faire grâce à la production d'adhésines, qui peuvent être des fimbriae (il s'agit en l'occurrence de l'antigène thermolabile commun K99 ou F5). Une autre adhésine connue sous le nom de F41 est également produite par les souches ETEC du veau. Grâce à ces adhésines, les souches adhèrent aux microvillosités des entérocytes (sans les détruire car il s'agit de souches ETEC) et produisent localement une grande quantité de toxine (la toxine thermostable STa pour les souches ETEC de veaux). Celle-ci provoque une hypersécrétion d'eau et d'électrolytes. Les récepteurs pour l'adhésine F5 sont présents sur les entérocytes à la naissance. Ces entérocytes vont progressivement migrer vers le sommet des villosités intestinales. Les entérocytes qui les remplacent ne possèdent pas ces récepteurs et après 24 à 48 heures, les veaux ne sont plus réceptifs aux souches ETEC (en plus de la barrière constituée par la flore normale qui s'établit progressivement). Une infection par des souches ETEC doit donc se produire dans les 12 premières heures au maximum pour avoir le plus de chances de réussir. d) Signes cliniques. Les signes cliniques d'une infection à souches ETEC apparaissent donc très tôt dans la vie du veau et ,très souvent, avant même qu'il n'ait atteint 24 heures de vie. L'apparition de la diarrhée (signe clinique principal) est brutale. La diarrhée est profuse, liquide et brun-jaune. La perte de poids par perte de liquide est rapide de même que l'apparition des signes de déshydratation (énoptalmie, poil sec, pli de la peau). Rapidement le veau s'affaiblit, se couche et devient léthargique. La mort s'ensuit assez rapidement, même si des antibiotiques sont donnés. e) Lésions. Les lésions macroscopiques d'un veau mort d'une infection à souches ETEC sont celles d'un veau mort de diarrhée et de déshydratation: cadavre émacié, sale, poil sec,... sans aucun signe particulier. Les lésions microscopiques sont absentes lors de l'infection à souches ETEC car les bactéries s'attachent aux microvillosités sans les endommager. f) Diagnostic. L'apparition d'une diarrhée profuse et aqueuse dans les premières heures de la vie doit toujours faire penser à une infection par des souches ETEC. Cependant, le laboratoire devrait confirmer le diagnostic basé sur les signes cliniques (le délai pour avoir le résultat de la culture bactériologique classique et des tests spécifiques permettant de reconnaître les souches ETEC est, bien sûr, trop long pour l'animal). Le diagnostic différentiel des diarrhées d'origine virale ou protozoaire est difficile à faire. D'autre part, ces différents agents interviennent souvent de manière combinée dans le syndrome de la diarrhée néonatale. L'antigène F5 peut être mis en évidence sur les souches ETEC par agglutination, mais sa production sur milieux de culture n'est pas toujours optimale. La mise en évidence de la toxine STa est beaucoup plus laborieuse. Cet antigène peut aussi être mis en évidence directement sur les matières fécales. g) Traitement. Le traitement d'une diarrhée à ETEC consiste, avant tout, à remplacer les liquides perdus par administration d'une solution d'électrolytes, à retirer le lait de l'alimentation et à traiter aux antibiotiques actifs dans l'intestin et sur les bactéries Gram négatives. L'administration d'une solution d'électrolytes devrait se faire en intraveineuse pendant un temps suffisament long pour rétablir l'équilibre physiologique et demande donc en théorie un suivi de laboratoire. Ces conditions ne sont pas souvent compatibles avec la pratique journalière. Il n'y a pas d'antibiotique de choix dans le traitement d'une colibacillose intestinale, car les entérobactéries renferment de très nombreux plasmides porteurs de gènes qui déterminent des résistances à tous, ou presque tous (mais pour ces derniers cela ne saurait tarder) les antibiotiques connus. La détermination de la sensibilité in vitro des souches ETEC sera utile pour les veaux suivants mais arrivera trop tard pour le veau concerné. h) Prophylaxie. La prophylaxie des diarrhées néonatales du veau est à la fois hygiénique et médicale. L'hygiène générale de l'élevage est extrêmement importante: proprété de l'étable, (sur)population, temps d'occupation des bâtiments, nombre de vêlages déjà faits, circulation ou non des veaux, etc... sont autant de facteurs à prendre en considération. Il faut garder à l'esprit que les selles diarrhéiques sont une culture pure de souches ETEC qui ne demandent qu'à infecter d'autres victimes. Cependant, toutes choses égales ailleurs, l'élément primordial est le colostrum. Il doit par ordre d'importance: 1°) être pris à temps; 2°) être pris en quantités adéquates; 3°) être de bonne qualité. Pour permettre aux immunoglobulines de franchir la barrière intestinale, le colostrum doit être pris dans les douze premières heures (voir 1er Doctorat et 3ème Candidature). Pour assurer une protection contre les septicémies et diarrhées néonatales, il doit être pris dès la naissance, soit au pis (difficultés de s'assurer de la quantité réellement prise), soit au biberon (attention aux manipulations et au biberon qui pourraient propager ou provoquer une infection au lieu de la prévenir). La quantité classiquement recommandée est de deux litres dans les deux premières heures de la vie, en trois ou quatre prises. Une prise trop rapide d'un volume trop grand de colostrum peut provoquer elle-même une diarrhée passagère. En ce qui concerne la qualité du colostrum, elle dépend, bien sûr, de la mère: âge, contacts antérieurs. La vaccination permet d'améliorer cette qualité. Il existe des vaccins combinés E.coli K99-virus destinés à être administrés chez la mère pendant la gestation et à assurer la production d'anticorps spécifiques chez celle-ci, anticorps qui se retrouveront dans le colostrum. Il faut se souvenir que l'absortion adéquate de colostrum ne permet pas toujours de protéger le jeune, que l'absence de colostrum résultera presque toujours en l'infection et la mort du veau dans nos conditions d'élevage. 1.1.2. Les infections généralisées ou septicémies. a) Etiologie. L'agent étiologique N°1 de septicémies néonatales chez le veau est E.coli, ou plutôt certaines souches d'E.coli douées non seulement du pouvoir de coloniser l'intestin dès la naissance, mais aussi de franchir la barrière intestinale et de se disséminer dans l'organisme pour provoquer une septicémie. Les sérotypes impliqués sont les suivants dans l'ordre d'importance: O78:K80:Nm, O137:K79:Nm; O35:K?:Nm; O115:K?:Nm; O15:K30:Nm. Ces souches produisent des facteurs de virulence qui ne sont pas encore caractérisés: des adhésines et des toxines. L'adhésine est apparentée soit aux adhésines des souches uropathogènes de l'homme, soit à l'adhésine Att25 ou F17 (cette seconde adhésine des souches septicémiques était anciennement appelée adhésine Vir). Les toxines sont appelées facteurs CNF (= Cytopathic Necrotizing Factors). Deux facteurs CNF ont été décrits: CNF1 et CNF2 (anciennement appelé toxine Vir). D'autres bactéries peuvent aussi provoquer des septicémies: Klebsiella spp., Enterococcus spp.,..., mais beaucoup plus rarement. b) Incidence. L'incidence exacte n'est pas connue, mais à elles deux, la diarrhée et la septicémie comptent pour la grande majorité des pertes en animaux durant les deux premières semaines de vie. c) Pathogénie. La pathogénie n'est pas bien connue. Il est probable que ces souches envahissent et colonisent l'intestin grêle dans un premier temps grâce à des structures de surface, franchissent la barrière épithéliales dans un deuxième temps et envahissent l'organisme dans un dernier temps. D'autres portes d'entrées sont l'ombilic et le tractus respiratoire. Les souches septicémiques d'E.coli peuvent envahir l'organisme grâce à deux propriétés essentielles: la résistance au sérum (elles ne sont pas tuées en présence de sérum contrairement aux autres souches) et la production d'aérobactine, un puissant chélateur du fer (celui-ci est lié à d'autres chélateurs produits par le veau mais moins puissants). Le syndrome peut être reproduit expérimentalement chez des veaux de moins de quatre jours. d) Signes cliniques Les signes classiques apparaissent assez rapidement après l'infection: veau apathique, réticent à bouger et à se nourrir. L'évolution est extrêmement rapide (12 à 24 heures) et se termine dans presque tous les cas par la mort de l'animal. Entretemps, celui-ci a présenté de la fièvre, et éventuellement des articulations gonflées, des signes nerveux et plus rarement de la diarrhée. Ceux des animaux qui ne meurent pas garderont des séquelles telles des lésions d'arthrites chroniques, des abcès sur les organes internes, à hauteur de l'ombilic et parfois dans le système nerveux central. e) Lésions. Les lésions classiques de septicémies sont présentes: pétéchies et hémorragies dans l'ensemble des organes internes (poumons, trachée, myocarde, thymus, rate, etc...). f) Diagnostic. Des problèmes chez de très jeunes veaux avec mortalité très importante, voire des morts subites sans diarrhée (en tous cas pas comme signe clinique principal) dans un contexte d'hygiène relativement pauvre et d'absence de prise de colostrum doivent faire penser à des problèmes de septicémies. L'autopsie et l'analyse bactériologique sur cadavres frais confirmeront le diagnostic clinique. Des cultures pures d'E.coli peuvent être obtenues du sang et de la moëlle osseuse, mais aussi de divers organes (rate, foie, éventuellement poumons et cerveau...). Chez les animaux ayant reçu un traitement aux antibiotiques, des cultures pourront aussi être obtenues à partir des articulations (genoux, jarrets). g) Traitement. Le seul traitement qui puisse avoir quelque effet est une injection massive d'antibiotiques, bien que l'évolution rapide de la colisepticémie rende tout traitement aléatoire. Pas plus que pour les diarrhées, il n'est possible de guider empiriquement le choix de l'antibiotique, vu le grand nombre de résistances d'origine plasmidique rencontrées. Il est donc à conseiller de faire une autopsie et une analyse bactériologique dans les fermes à problèmes. h) Prophylaxie. Voir la diarrhée néonatale du veau. Il faut cependant insister encore plus dans le cas de septicémie sur l'importance de l'administration précoce d'un colostrum en quantité suffisante, même s'il ne provient pas d'une mère vaccinée. 1.1.3. Les polyarthrites. a) Etiologie et pathogénie. Diverses espèces bactériennes peuvent être isolées de cas de polyarthrites chez les jeunes veaux: E.coli et les autres bactéries responsables de septicémies bien sûr (dans ce cas, la polyarthrite est associée à la septicémie, ou en est une séquelle), mais aussi Actinomyces (Corynebacterium) pyogenes, Fusobacterium necrophorum, des staphylocoques, des streptocoques et des entérocoques. Pour ces dernières bactéries, la porte d'entrée est l'ombilic et la polyarthrite est associée à une omphalophlébite. Les bactéries envahissent l'organisme, ne provoquent pas de septicémies mais forment des abcès à hauteur de différents organes internes et dans les articulations. b) Incidence. Voir la septicémie pour le premier groupe de bactéries. Les cas sont sporadiques et associés à une hygiène déficiente de l'exploitation pour le seconde catégorie. c) Signes cliniques. Les signes cliniques de polyarthrite sont: gonflement, chaleur et douleur à hauteur des articulations atteintes (surtout le carpe, le jarret) avec, bien entendu, de la réticence à se lever et des boîteries. Les veaux sont faibles et présentent de la fièvre et de l'anorexie. Une infection de l'ombilic est notée dans la plupart des cas. Les arthrites évoluent vers la chronicité avec dégénérescence des cartilages et fibrose progressive. d) Lésions. Les lésions sont localisées à l'ombilic et aux articulations atteintes. La synovie est présente en grande quantité et sous pression. Elle contient de la fibrine ou du pus. Des érosions des cartilages peuvent être présentes. D'autre part, des abcès peuvent être présents sur le foie ou d'autres organes. Ils sont la conséquence de la pyémie. e) Diagnostic. Le diagnostic clinique est évident. L'agent étiologique ne peut être identifé qu'au laboratoire. Le nombre de veaux atteints aide à différencier les séquelles de septicémie, la polyarthrite "simple" et les arthrites traumatiques. f) Traitement. Une antibiothérapie massive d'un antibiotique à large spectre et à forte diffusion tissulaire est à conseiller (tétracyclines par exemple), mais les résultats peuvent être très décevants car les antibiotiques diffusent difficilement dans les articulations et en aucun cas ne permettront la guérison des lésions déjà présentes. g) Prophylaxie. Voir la diarrhée néonatale du veau. Il faut insister sur l'hygiène générale de l'exploitation et des bâtiments et sur la désinfection de l'ombilic (mais sans exagération pour éviter l'irritation des tissus). 1.2. Espèce ovine. 1.2.1. Les diarrhées néonatales. 1.2.1.1. Colibacillose La plupart des agents étiologiques de diarrhée néonatale chez le veau se retrouvent chez l'agneau: ETEC, rotavirus et cryptosporidium. Il faut cependant rappeler que, chez les ovins, les pertes néonatales dues à des causes non infectieuses (hypothermie, manque de nourriture) ont plus d'importance que chez les bovins. L'agent étiologique bactérien principal est représenté par les souches ETEC d'E.coli. Ces souches sont semblables aux souches qui affectent les veaux et produisent l'adhésine fimbriaire F5 (ou K99) et une toxine de type STa. Elles appartiennent aux sérotypes O9 et O101. Les autres types de souches diarrhogènes d'E.coli n'ont pas été recherchées chez l'agneau. Les salmonelloses sont rares et le plus souvent en association avec des problèmes chez les adultes. Les signes cliniques (diarrhée profuse, déshydratation), les lésions et la mortalité sont en tous points semblables à ceux des veaux. Le traitement et la prophylaxie doivent s'inspirer des données présentées pour les veaux, mais adaptées à l'élevage ovin. 1.2.1.2. Dysenterie. Les très jeunes agneaux peuvent aussi souffrir de dysenterie causée par Clostridium perfringens. a) Etiologie et pathogénie. Le Clostridium perfringens de type B, producteur de toxines alpha, bêta et epsilon, affecte les agneaux en-dessous d'une semaine d'âge bien que des cas rares puissent être décrits chez des animaux un peu plus âgés. Les problèmes apparaissent dans des troupeaux, à n'importe quel moment de la saison d'agneulage, dans lesquels la vaccination n'est pas pratiquée ou le colostrum n'est pas donné en quantités suffisantes et à temps. Il faut signaler que Clostridium perfringens toxinotype C (producteur de toxines alpha et bêta) est aussi impliqué mais plus rarement. Les agneaux se contaminent par l'ingestion de Cl perfringens qui sont présents sur la mamelle de la brebis et dans les sols. Les bactéries atteignent l'intestin et produisent leurs toxines. La toxine bêta, létale et nécrosante, est responsable des lésions d'ulcérations et des hémorragies observées sur la muqueuse de l'intestin grêle, particulièrement sur l'iléon, et des signes cliniques y afférents. Comme la toxine bêta est sensible à la trypsine, la dysenterie des agneaux est beaucoup plus rarement obervée après une semaine d'âge. b) Signes cliniques. Les signes cliniques peuvent varier mais sont toujours très graves: mort subite de très jeunes agneaux, apathie et faiblesse chez d'autres chez lesquels la mort survient en 24 heures. Pendant ces 24 heures, les agneaux vont montrer de la douleur abdominale, de la répugnance à se bouger et vont arrêter de têter. Après 24 heures, la diarrhée va apparaître: profuse, brune, voire sanguinolente. Très rapidement, les agneaux se déshydratent, entrent dans un coma et meurent en moins d'un jour. Les agneaux de plus d'une semaine souffrent d'une diarrhée moins sévère et peuvent survivre un peu plus longtemps. c) Lésions. L'intestin grêle est congestionné, ulcéré et hémorragique. La taille des ulcères, qui ne seront pas observés dans les formes les plus aiguës de la maladie, varie d'une tête d'épingle à plus de 2 cm de diamètre. Ils sont profonds et peuvent atteindre le péritoine. La réaction inflammatoire locale peut amener de la péritonite. d) Diagnostic. Le diagnostic clinique se base sur les signes cliniques observés chez de jeunes agneaux et sur les lésions intestinales. Le diagnostic bactériologique ne mettra pas d'E.coli entérotoxinogène en évidence. Une culture de Cl perfringens sera obtenue de l'intestin, mais ne sera significative que si, soit un toxinotypage est effectué, soit la toxine bêta est recherchée dans un filtrat de contenu intestinal. Pour la toxinotypie et la recherche de la toxine bêta, les seuls tests praticables actuellement sont la neutralisation de l'effet létal chez la souris ou de la dermonécrose chez le cobaye. Divers laboratoires travaillent à la mise au point de tests immunologiques et génétiques, mas ces tests ne sont pas encore disponibles pour la toxine bêta. e) Traitement. Aucun chez les agneaux atteints. Chez les autres agneaux, il est envisageable d'injecter du sérum dès la naissance ou de donner du colostrum immun. f) Prophylaxie. La meilleure méthode de prophylaxie, comme pour les autres infections à Clostridium perfringens, est la vaccination avec un vaccin multivalent. En l'occurrence, les brebis seront vaccinées durant la gestation. La bonne distribution du colostrum assurera une protection pendant 3 mois environ. 1.2.2. Les infections généralisées ou septicémies. Bien que les données concernant les septicémies chez l'agneau nouveau-né ne soient pas aussi claires que celles concernant les septicémies du veau, il est très probable que les mêmes agents étiologiques puissent causer des infections généralisées dans l'espèce ovine à la naissance. Les différentes données sont comparables à celles émises chez le veau en ce qui concerne l'agent étiologique N°1 Escherichia coli, la pathogénie, les données cliniques, les lésions, le diagnostic et les mesures préventives. En Grande-Bretagne, une affection connue sous le nom de "Watery Mouth" est caractérisée par de la rétention de méconium, de la faiblesse, de l'apathie et une salivation extrême (d'où le nom). La mort survient très rapidement. L'examen postmortem révèle une septicémie à E.coli. La prévention consiste surtout en l'ingestion de colostrum. Une autre cause de septicémie néonatale est Listeria monocytogenes dont il sera encore fait mention dans d'autres chapitres (avortements, méningo-encéphalite de l'adulte). L'agneau est trouvé mort. Les lésions peuvent être absentes. L'existence concomittante de méningo-encéphalite et d'avortements dans le troupeau permet d'orienter le diagnostic. Il faut aussi mentionner parmi les causes occasionnelles de septicémies néonatales, Pasteurella haemolytica biotype A (voir chapitre suivant). 1.2.3. Les polyarthrites. Chez l'agneau, les polyarthrites peuvent être, comme chez le veau, les séquelles de septicémies ou une affection propre due à l'entrée de bactéries par diverses plaies dont l'ombilic (voir chapitre suivant surtout). L'hygiène, ou plutôt le manque d'hygiène en général, dans l'exploitation est à l'origine de ces problèmes. Les bactéries responsables sont surtout les streptocoques et E.coli; d'autres germes présents dans la litière et l'environnement sont également isolés (Corynebacterium ovis, Staphylococcus aureus...). 1.2.4. La nécrobacillose hépatique. Chez des agneaux de moins de deux semaines, Fusobacterium necrophorum peut provoquer une nécrose hépatique. La porte d'entrée de la bactérie, comme dans les cas de polyarhtrites et de pyémies, est l'ombilic. Les agneaux sont en bonne santé à la naissance mais après 2 ou 3 jours deviennent soudainement apathiques et refusent de têter. Les lésions à l'autopsie consistent en des zones circulaires de nécroses disséminées dans le foie. Elles ont un aspect jaunâtre et sont entourées d'une zone d'hémorragie. Le traitement paraît inefficace à long terme. L'hygiène générale et de l'ombilic est importante. 1.3. Espèce porcine. Les problèmes de l'espèce porcine, dont nous allons parler dans ce chapitre, atteignent les animaux nouveau-nés mais aussi un peu plus âgés (jusqu'à deux semaines). 1.3.1. Les diarrhées néonatales. Les principales causes de diarrhée néonatale chez le porcelet sont d'origine virale et bactérienne. D'autres cours vous parleront des diarrhées dues aux virus tels celui de la TGE et les rotavirus, entre autres. Cette partie du cours de bactériologie va décrire les problèmes dus, en premier lieu, à E.coli, mais aussi à d'autres bactéries comme Clostridium perfringens toxinotypes A et C, ou encore Campylobacter coli. La diarrhée à E.coli est de type aqueux, celle à Clostrium perfringens de type hémorragique et celle à Campylobacter coli de type muqueux. a) Etiologie. Les souches d'E.coli qui provoquent des diarrhées chez le porcelet nouveau-né appartiennent à la classe des souches entérotoxinogènes ou ETEC (comme celles qui provoquent des diarrhées chez le veau nouveau-né). Cependant les facteurs spécifiques de virulence des souches porcines sont, en partie du moins, différents de ceux des souches bovines et ovines. Le pathotype principal que l'on observe chez le porcelet produit une adhésine fimbriaire appelée F4 ou K88, et deux toxines, l'une thermostable de type b (STb), l'autre thermolabile de type 1 (LT1). Mais, contrairement à l'espèce bovine, le porc est infecté par bien d'autres pathotypes parmi lesquels, nous citerons, STa+F6(987P+), STa+STb+F6+, STa+F5(K99)+, STa1+F5+F41+, STb+LT1+. D'autre part, les souches d'un pathotype donné appartiennent préférentiellement à certains sérotypes: pathotype STb+LT1+F4+ - sérotypes O149:K91:Nm (ou Abbotstown) et O147:K89:Nm; pathotype STa+F6+ - sérotype O9:K103:Nm; pathotype STa+F5+F41+ - sérotype O101:K30:Nm;etc.... Donc, chez le porc comme chez le veau des souches STa+F5+ et STa+F5+F41+ peuvent être isolées. Il n'est, cependant, pas sûr qu'une infection croisée existe, c'est-à-dire que les mêmes souches puissent infecter porcelets et veaux. A propos des souches F4+, il est intéressant de noter que certaines lignées de porcelets sont génétiquement résistantes à la colonisation intestinale par ces souches car leurs entérocytes ne possèdent pas le récepteur spécifique. D'autre part, ces souches F4+ sont également responsables de diarrhée de sevrage ("post-weaning diarrhea") au contraire des souches F5+ pour lesquelles les récepteurs cellulaires disparaissent rapidement après la naissance, comme chez le veau et des souches F6+ pour lesquelles les récepteurs se retrouvent dans le mucus intestinal à cet âge. En ce qui concerne, les souches de Clostridium perfringens, elles appartiennent au toxinotype A (producteur de toxine alpha) et au toxinotype C (producteur de toxines alpha et bêta). Certaines souches du toxinotype A peuvent aussi produire l'entérotoxine qui est sécrétée au moment de la sporulation. Campylobacter coli est, rappelons-le, une bactérie incurvée microaérophile qui nécessite du CO2 pour sa croissance. Il pousse bien à 37°C et à 42°C, mais pas à 25°C (différence avec C fetus). La même bactérie est responsable de diarrhée mucoïde chronique chez des porcelets sevrés mais sans présence de sang. Les porcelets atteints ont de 3 jours à 3 semaines. b) Incidence. Les diarrhées néonatales sont présentes dans tous les élevages de porcs du monde entier. c) Pathogénie. En ce qui concerne la colibacillose, se référer au veau. Les souches de Cl.perfringens infectent le jeune porcelet par voie orale. Elles se multiplient dans l'intestin et produisent leurs toxines. Les cellules épithéliales du jéjunum et de l'iléon sont détruites. La toxine bêta des souches du type C est impliquée dans le développement de problèmes cliniques tandis que le rôle de l'entérotoxine des souches sporulées du type A semble moins clair. Il est possible que ces souches de Cl perfringens type A ne soient que des agents compliquants secondaires d'autres infections ou désordres. Les souches de Camp.coli infectent aussi le jeune porcelet par voie orale, se multiplient dans l'intestin grêle et particulièrement dans l'iléon où la bactérie est associée avec le mucus. La colonisation du gros intestin suit dans une seconde phase. d) Signes cliniques. En ce qui concerne la colibacillose (diarrhée aqueuse), se référer au veau. Le taux de morbidité peut dépasser 50% des porcelets nouveau-nés, avec un taux de mortalité de plus de 7O% au début de la vie, mais qui décroît progressivement avec l'âge des animaux atteints. C'est ainsi que, vers deux semaines, le taux de mortalité des porcelets souffrant de diarrhée à colibacilles n'est plus que de 10%. Cl perfringens type C provoque l'apparition d'une diarrhée profuse dont la teinte fonce rapidement. La mort survient rapidement, quand elle n'est pas le premier signe clinique observé. Dans les cas plus chroniques, les fèces contiennent des débris nécrosés. Cl.perfringens type A provoque une diarrhée plus crémeuse et non hémorragique, mais des morts subites peuvent tout comme avec Cl.perfringens type C être le premier signe clinique observé. Dans l'infection à Camp.coli les porcelets peuvent avoir une légère fièvre, mais surtout une diarrhée aqueuse ou crémeuse avec du mucus et même parfois du sang. Ces signes durent pendant quelques jours. Une perte de condition est apparente, mais la mortalité est très faible. e) Lésions. En ce qui concerne la colibacillose, se référer au veau. Les souches F4+ colonisent surtout le jéjunum, tandis que les souches F5+ et F6+ sont localisées dans la partie terminale du jéjunum et dans l'iléon. Cl.perfringens type C provoque la nécrose et la réduction des villosités. L'intestin grêle est épaissi, rouge et hémorragique ainsi que son contenu (cf "lamb dysentery"). Dans les cas plus chroniques, la paroi est recouverte de membranes et le contenu est plus aqueux. Les lésions dues à Cl.perfringens type A ne sont pas aussi hémorragiques. La congestion est marquée, le contenu est crémeux et aqueux dans les cas aigus et chroniques. Dans la campylobactériose néonatale, peu de changements sont présents. La paroi de l'intestin grêle est épaissie et enflammée. Les ganglions mésentériques sont tuméfiés. Le contenu intestinal est fortement muqueux surtout dans l'iléon dont le tissu lymphoïde est très important. Histologiquement, des microabcès peuvent être présents dans les cryptes. f) Diagnostic. En ce qui concerne la colibacillose se référer au veau. Le diagnostic des infections à Cl.perfringens se fait sur base d'une entérite hémorragique chez des jeunes porcelets pour le type C, mais est moins aisé pour le type A (diagnostic plutôt par exclusion). L'obtention d'une culture pure et abondante de Cl.perfringens et le typage confirmeront le diagnostic clinique. Le diagnostic de campylobactériose peut être posé sur base d'une diarrhée muqueuse voire muco-hémorragique avec peu de mortalité. Une abondante culture de Camp.coli est obtenue à partir de l'iléon de jeunes animaux, mais l'organisme doit être identifié avec certitude. Aussi bien E.coli, Cl.perfringens que Camp.coli sont des habitants normaux du tube digestif chez des animaux plus âgés. Le diagnostic différentiel de diarrhée aqueuse due à E.coli est à faire. L'infection à colibacilles ne provoque pas de vomissement (TGE, "epidemic diarrhea"), la diarrhée n'est pas sanguinolente (Clostridium perfringens) et le contenu intestinal (s'il existe encore) n'est pas muqueux (Campylobacter coli). Les infections à coccidies et cryptosporidies n'apparaissent pas chez des animaux aussi jeunes. g) Traitement. En ce qui concerne la colibacillose, se référer au veau. Comme pour la colibacillose, le traitement des cas dus à Cl.perfringens type C n'est pas possible car trop tardif. En ce qui concerne Cl.perfringens type A, le meilleur traitement est constitué de pénicillines. Quant au traitement de la diarrhée néonatale à Camp.coli, il nécessite des antibiotiques à tropisme intestinal actifs sur les Gram négatifs (néomycine, chloramphénicol voire ampicilline). h) Prophylaxie. En ce qui concerne la colibacillose, se référer au veau. L'élément primordial pour prévenir les diarrhées néonatales est l'absorption, par le porcelet, d'une quantité suffisante d'un colostrum spécifique, qui peut être obtenu après vaccination de la mère au cours de la gestation. Des vaccins anticolibacillaires et anticlostridiaux existent sur le marché. 1.3.2. Septicémies. a) Etiologie. Les bactéries les plus fréquemment impliquées dans des septicémies chez des porcelets nouveau-nés sont: E.coli, Actinobacillus suis et equuli et Streptococcus suis essentiellement. D'autres streptocoques peuvent aussi être impliqués. Les colonies d'Actinobacillus suis produisent une hémolyse alpha sur gélose au sang de cheval et bêta sur gélose au sang de mouton. Elles peuvent pousser sur gélose Mc Conkey mais pas sur gélose Gassner. Alors que l'infection à E.coli atteint les porcelets aux premiers jours de la vie, l'infection à Actinobacillus spp. atteint les porcelets jusqu'à six semaines. Quant à celle par Streptococcus suis, elle est plus rare. Les E.coli associés à la septicémie primaire appartiennent à près de 20 sérogroupes différents. Ils produisent l'aérobactine, résistent au sérum (voir le veau) et certaines souches produisent une capsule (K"V165", par exemple). Parmi les facteurs spécifiques de virulence potentiels, citons le facteur CNF1 et l'adhésine fimbriaire F165 des souches apppartenant aux sérogroupes O8, O9, O15, O78, O101 et O115. b) Incidence. L'infection septicémique à E.coli est répandue dans tous les pays où l'élevage intensif de porcelets existe. L'infection d'une portée peut être liée à l'introduction d'une truie non immune dans une exploitation contaminée ou l'inverse. Dans ces cas, une seule portée par truie sera atteinte le plus souvent. L'infection à Actinobacillus suis et equuli est peu répandue dans les élevages de porcs. La seconde pourrait être liée à la présence de chevaux. Quant à celle par Streptococcus suis, elle est plus rare encore. c) Pathogénie. La colibacillose septicémique du porcelet se produit de manière analogue à celle des nouveau-nés d'autres espèces animales (voir le veau). L'infection à Actinobacillus suis et equuli se produit par les voies respiratoires supérieures chez le très jeune animal. Si l'infection se généralise, la septicémie en est le résultat. Si l'animal survit à la septicémie, des pathologies (endocardites, arthrites) dues aux localisations postsepticémiques apparaîtront. L'infection à Streptococcus suis et à autres streptocoques se fait très tôt dans la vie du porcelet par voie orale (contamination par la flore fécale ou vaginale), voire dans l'utérus. d) Signes cliniques. Les signes classiques de la colisepticémie (voir veau) sont présents. Si l'animal survit, les signes cliniques dus aux infections localisées pourront faire leur apparition. Dans le cas d'infections à Actinobacillus suis et equuli, les animaux restent en méforme et les adultes de l'exploitation peuvent développer des lésions de la peau et des abcès sous-cutanés. Pour la streptococcie, les signes sont surtout ceux d'un porcelet faible: inappétence, dépression... e) Lésions. Les lésions classiques de septicémie sont décrites. Microscopiquement, les infections à Actinobacillus suis et equuli se caractérisent aussi par la présence, dans le poumon, de microcolonies de bactéries entourées d'une zone de nécrose et de cellules inflammatoires. Dans le cas de localisations, les lésions locales classiques sont présentes: endocardite végétante, péricardite fibrineuse, pneumonie, polyarthrite... Pour la streptococcie, les lésions de septicémie classique sont accompagnées d'une polysérosite fibrineuse. f) Diagnostic. Le diagnostic de septicémie se fait sur base des signes cliniques et des lésions. Dans le diagnostic différentiel des causes de faiblesse et de mortalité rapide chez le porcelet, la fièvre et l'absence de signes locaux, souvent, sont des éléments très importants. Le diagnostic de l'agent étiologique ne pourra être fait qu'au laboratoire. A ce sujet, il ne faut pas oublier que des causes autres qu'infectieuses, autres que bactériennes et autres que les bactéries citées ci-dessus existent. g) Traitement. Admistration parentérale de pénicilline à large spectre ou de tétracyclines (ou autres antibiotiques à large spectre) pendant cinq jours. h) Prophylaxie. Hygiène générale et du colostrum. 1.3.3. Polyarthrites. En plus des localisations postsepticémiques (voir ci-dessus), des arthrites peuvent se développer suite à des infections bactériémiques suivies de localisations à Streptococcus suis et Staphylococcus aureus. Des antibiotiques actifs sur les bactéries Gram positives et par prudence aussi sur les Gram négatives, c'est-à-dire des antibiotiques à large spectre, seront à utiliser. L'hygiène générale et du colostrum sont à prescrire comme prévention. Les signes cliniques les plus marqués sont, bien sûr, la boîterie, le refus de bouger, de se nourrir et la perte progressive de condition. Mais souvent, ces (poly)arthrites sont accompagnées d'abcès ou d'infections dans d'autres organes, dus aux mêmes bactéries. 1.4. Espèce canine. Comme pour l'espèce porcine, les problèmes apparaissant dans la ou les deux premières semaines de vie sont envisagés dans ce chapitre. En ce qui concerne l'espèce canine, les problèmes sont liés à la mort de certains, voire de tous les chiots de la nichée. 1.4.1. Mortalité néonatale a) Etiologie et incidence Diverses espèces bactériennes peuvent être isolées de chiots, morts dans la période néonatale. Il est difficile cependant d'assurer que ces bactéries ont bien causé la mort des animaux. En effet, d'une part, les reproductions expérimentales de tels syndromes ne sont pas aisées à effectuer dans l'espèce canine et n'ont pas toujours été couronnées de succès, et d'autre part, des chiots peuvent souffrir de différentes maladies dans la période néonatale dont la cause est virale ou n'est pas infectieuse et dans lesquelles les bactéries n'interviennent qu'à la période terminale. Parmi les bactéries associées aux mortalités néonatales, il est de tradition de retenir en fait celles qui sont déjà rendues responsables de troubles de la reproduction, d'infertilité, voire d'avortements: Escherichia coli, Streptococcus spp. bêtahémolytiques des groupes G et L, Staphylococcus aureus, Salmonella enterica et Brucella canis. Brucella canis n'a pas été isolée dans nos régions à notre connaissance. Cette bactérie et les maladies qu'elles provoquent seront décrites dans le chapitre concernant les maladies de la reproduction (voir 4.). Les trois autres bactéries sont responsables d'un syndrome que l'on appelle "Fading Pup Syndrom" en anglais. Les souches d'E.coli ne sont pas bien caractérisées chez le chiot. Des souches ETEC, VTEC et EPEC ont été décrites, ainsi que des souches productrices de facteur CNF1; mais la plupart des études portent sur un petit nombre de souches. Il n'y a pas vraiment de sérotype de l'espèce Salmonella enterica adapté au chien, mais le sérovar Typhimurium paraît être le plus fréquent. L'importance relative d'autres sérotypes varie géographiquement. Les salmonelloses sont décrites chez les chiots nouveau-nés, les chiots sevrés (formes entériques et septicémiques) et chez les adultes (forme entérique surtout). Les streptocoques bêta-hémolytiques des groupe G (=Strep canis) et L sont les plus fréquemment impliqués dans ce syndrome, tout comme ils sont impliqués dans des problèmes de reproduction. S'ils sont isolés de chiots, ils seront aussi isolés du vagin de la mère. Quant aux staphylocoques, il s'agit bien du staphylocoque doré (Staph aureus) et non de Staph.intermedius, au contraire des isolements effectués sur des chiens plus âgés. Cependant son rôle est moindre. b) Pathogénie, signes cliniques, lésions, diagnostic. Dans ce syndrome, les chiots peuvent être infectés in utero, via l'ombilic, ou oralement durant la parturition, voire peu après celle-ci. Les animaux infectés avec Staph aureus présentent souvent des aires de nécrose cutanée rouges ou noires à hauteur du menton de la bouche et des pattes. Les animaux présentent des signes cliniques comparables à ceux des nouveau-nés d'autres espèces animales: apathie, réticence à têter, douleurs abdominales, léthargie, hyperthermie puis, en phase terminale, hypothermie, parfois de la diarrhée. Tous les chiots d'une nichée ne sont pas nécessairement atteints. Les lésions sont, le plus souvent, celles d'une septicémie avec une entérite, éventuellement hémorragique (surtout avec Salmonella enterica), et de la péritonite. Une culture pure de la bactérie doit être obtenue des organes pour confirmer le diagnostic. Néanmoins, le plus souvent, diverses bactéries seront isolées. Il est alors très difficile d'affirmer le rôle de chacune. Les cadavres des chiots devraient toujours être accompagnés d'écouvillons vaginaux et de gorge des mères. c) Traitement et prophylaxie. Le traitement doit inclure les chiots et la mère, en prévision des prochaines portées. Selon le germe isolé et le résultat de l'antibiogramme, le vétérinaire traitera à la pénicilline, l'ampicilline ou l'amoxycilline. Cependant, il faudra parfois recourir à des antibiotiques d'autres classes car des résistances peuvent se développer (tétracyclines, trimétoprim-sulfamidés...) Un traitement préventif des chiennes à problèmes avec ces antibiotiques, à la saillie et autour de la mise-bas, peut être utile, ainsi que celui des chiots à la naissance. Cependant, cette mesure ne peut être que temporaire car des résistances vont immanquablement survenir. L'éradication, dans le chenil, ne peut se faire que par le traitement de tous les animaux et l'isolement strict pour la mise-bas. Il n'y a pas de vaccin disponible. 1.5. Espèce équine. Les problèmes repris ci-dessous dépassent la période néonatale proprement dite puisqu'ils peuvent s'étendre sur plusieurs semaines. 1.5.1. Septicémies. Les septicémies peuvent survenir entre 12 heures et 3 semaines d'âge. Il s'agit d'un syndrome complexe à étiologie multiple qui affecte une petit pourcentage de poulains. a) Etiologie. Diverses bactéries peuvent être impliquées mais les plus fréquentes sont: Actinobacillus equuli et spp, Escherichia coli, Streptococcus zooepidemicus et spp (bêta-hémolytiques), Salmonella enterica serovar Typhimurium, Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus, Rhodococcus equi, Erysipelothrix rhusiopathiae ou même Pseudomonas aeruginosa. Les souches d' isolées de poulains septicémiques sont plus souvent résistantes au sérum que les souches isolées d'animaux sains. Par contre, elles ne semblent pas produire d'aérobactine. Elles n'ont été étudiées pour les facteurs CNF, ni pour des adhésines. Cependant, il faut signaler que très peu d'enquêtes ont été effectuées. Les cas de diarrhées à Salm.enterica sont plus fréquents chez des animaux âgés de deux semaines, mais les problèmes de septicémie peuvent apparaître chez des poulains nouveau-nés. De même, Kl.pneumoniae est plus souvent associée à des pneumonies chez des poulains plus âgés et à des septicémies chez des poulains nouveau-nés. b) Incidence. La septicémie est la première cause de mortalité chez des poulains nouveau-nés. Mais, comme chez les autres espèces animales, des facteurs prédisposants existent: trop forte densité d'animaux, faible ventilation, utilisation excessive d'antibiotiques, nondésinfection de l'ombilic, ainsi que d'autres facteurs liés au poulain: faiblesse constitutive à la naissance, et non-ingestion de colostrum. c) Pathogénie. La contamination se fait, le plus souvent, lors du passage du canal vaginal, ou depuis le milieu extérieur (litière, porteurs sains, malades) peu après la mise-bas. L'introduction de l'organisme dans le système sanguin se fait par voies digestive (nasopharynx et intestin) et ombilicale essentiellement. d) Signes cliniques. Les signes cliniques classiques sont visibles très rapidement (voir le veau). D'autres signes sont la conséquence des localisations de l'infection à certains organes et systèmes (poulains un peu plus âgés voir chaptres suivants). e) Lésions. Les lésions classiques de septicémie sont observées (voir le veau) à l'autopsie. Certaines espèces bactériennes ont cependant une prédilection à se localiser dans certains organes: Act equuli dans les reins, les glandes surrénales et les méninges avec formation de microabcès; Kl.pneumoniae dans les poumons; Strep.zooepidemicus dans les poumons et sur la plèvre ainsi que dans les os et les articulations; Salm.enterica dans les os et les articulations mais aussi dans l'ensemble des organes. f) Diagnostic. Le tableau clinique permet souvent de porter un diagnostic de septicémie. Néanmoins, le diagnostic différentiel doit être fait avec l'isoérythrolyse néonatale et le syndrome de malajustement néonatal (NMS). Cependant, tant que la preuve du contraire n'est pas apportée, il faut considérer que la septicémie est présente. Le laboratoire apportera la confirmation et l'identité de l'agent étiologique, soit par hémoculture du vivant de l'animal, mais surtout après sa mort. g) Traitement. En plus des traitements de support, une antibiothérapie empirique doit être commencée. h) Prophylaxie. Avant tout hygiénique de l'élevage, de la gestation et de la mise-bas. 1.5.2. Diarrhées. Les diarrhées infectieuses du poulain atteignent les jeunes de deux-trois jours à plusieurs mois (voir aussi chapitre suivant). a) Etiologie. Les bactéries responsables de diarrhée chez des jeunes poulains (< une semaine) sont: E.coli, Clostridium perfringens toxinotypes B et C, Campylobacter coli et même Salmonella enterica (avec les mêmes remarques que pour la septicémie), en plus de virus (rota et corona) et de parasites (Strongyloides westeri). L'infection à salmonelles est décrite plus tard (2.4.1.). b) Incidence. Un grand nombre de poulains paraissent souffrir de diarrhée plus ou moins grave durant la première semaine de vie. Des causes infectieuses ou non en sont à l'origine. c) Pathogénie. L'origine de l'infection est digestive, bien sûr, par ingestion de matières fécales ou de décharges vulvaires de la jument, mais l'infection va de pair avec un problème dans l'ingestion du colostrum. Les souches d'E.coli isolées ont été peu étudiées. Il semble cependant qu'elles produisent des adhésines (apparentées à F41 sérologiquement) et un cas de production d'une toxine LT a été décrit. d) Signes cliniques. Deux formes cliniques de colibacillose sont décrites: légère et sévère. Dans l'atteinte légère, les fèces sont aqueuses, l'animal ne tête plus et souffre de déshydratation; la fièvre est variable. Dans les cas sévères, la diarrhée est profuse, des coliques peuvent être observées ainsi qu'un syndrome de choc endotoxique. Les infections à Clostridium perfringens toxinotypes B et C provoquent des cas de morts subite ou rapide, avec, comme signes cliniques éventuels, de la douleur abdominale, de l'abattement et parfois, en phase terminale, une diarrhée hémorragique. Campylobacter coli cause une diarrhée non différenciée. e) Lésions. Les lésions macroscopiques sont, pour ainsi dire, absentes dans les problèmes à E.coli et Campylobacter coli. Clostridium perfringens provoque des lésions d'entérite nécrotique comparables à celles observées chez l'agneau ("lamb dysentery"). Elles sont concentrées dans la portion postérieure de l'intestin grêle, et accessoirement, dans le gros intestin: congestions et hémorragies sont observées sur la séreuse et la muqueuse. Les villosités montrent une nécrose de coagulation, sont dénudées de leurs cellules et sont couvertes de bactéries. f) Diagnostic. Sur les signes cliniques et éventuellement confirmation par le laboratoire. Il faut différencier (en théorie) l'entérite colibacillaire de la "foal heat diarrhea" qui affecte 70% des poulains nouveau-nés. Il s'agit d'une diarrhée légère, limitée, mais qui peut prédisposer à l'entérite infectieuse. Le diagnostic de l'entérite à Clostridium perfringens nécessite la mise en évidence des toxinotypes B et/ou C et de la toxine bêta dans le contenu intestinal. g) Traitement. Le traitement est de support et dirigé contre les agents pathogènes bactériens. Ces antibiotiques doivent être administrés par voie parentérale et être potentiellement actifs contre les bactéries Gram négatives dans l'intestin. h) Prophylaxie. Hygiénique de la mise-bas et du nouveau-né. Des vaccins sont potentiellement utilisables contre E.coli (si les facteurs de virulence étaient connus) et Clostridium perfringens (anatoxines). 1.5.3. Polyarthrites et ostéomyélites. En dehors de nombreuses causes non infectieuses parmi lesquelles les traumas sont importants, le système musculo-squelettique du poulain souffre d'infections par des bactéries, soit secondaires à des septicémies et/ou bactériémies avec localisations (les plus fréquentes chez les nouveau-nés), soit primaires post-traumatiques souvent. a) Etiologie. Essentiellement E.coli (types cliniques S et E), Streptococcus spp bêtahémolytiques (types cliniques S et P), Salmonella enterica (types cliniques E et P). b) Incidence. Voir la septicémie. Le type clinique S apparaît chez des poulains de 1 à 5 jours; le type clinique E chez des poulains de 5 à 20 jours et le type clinique P chez des poulains plus âgés (de 9 à 90 jours). c) Pathogénie. Localisations postsepticémiques et postbactériémiques ou infections posttraumatiques. d) Signes cliniques. Trois types sont donc reconnus cliniquement : - le type S (post septicémique) avec de la fièvre, une boîterie d'intensité variable, des distensions à hauteur des capsules articulaires et un liquide synovial fluide à purulent avec beaucoup de neutrophiles et de bactéries; - le type E (postdiarrhée) avec de la fièvre presque dans tous les cas, une atteinte de plusieurs membres, une boîterie sévère et un liquide synovial fluide à purulent riche en bactéries; - le type P qui suit parfois le type S et apparaît chez des poulains plus âgés, avec les mêmes signes, mais en plus de la douleur à hauteur des os et parfois des fractures pathologiques. e) Lésions. Le type clinique S est caractérisé par de la synovite et de l'arthrite sans ostéomyélite; le type clinique E par, en plus, de l'ostéomyélite subchondrale; le type clinique P par de l'ostéomyélite bien développée. f) Diagnostic. Sur les signes cliniques évidents et l'historique. Confirmation par le laboratoire de l'identité de l'agent étiologique. g) Traitement. Antibiothérapie massive par voie parentérale avec des antibiotiques à large spectre et à excellente diffusion tissulaire. h) Prophylaxie. Hygiénique et de la septicémie.