De la géographie classique aux nouvelles géographies

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De la géographie classique aux « nouvelles géographies ».
« Réflexions épistémologiques » générales et appliquées à quelques sujets de l’agrégation interne.
14 Septembre 2006.
Mode d’emploi du fichier :
- Les sujets tombés à l’agrégation (écrit ou oral) sont surlignés en jaune
- Les allusions aux programmes scolaires et à des pratiques pédagogiques sont mentionnées
en bleu
- Ce fichier est un simple copier-coller de mes notes …Tout n’est donc pas rédigé !
Auteur : Serge Bourgeat (Laboratoire CNRS Territoires. Institut de Géographie Alpine. Grenoble. )
Travail en cours en épistémologie sur les discours de la géographie et plus précisément sur le changement
de paradigme : le passage de la géographie classique aux "nouvelles géographies" au travers des filtres
universitaires (agrégation, thèses d’État)
Adresse : [email protected]
Intro. Le but de ce topo :
Ce n’est pas de faire le point détaillé sur tous les aspects des questions traitées, mais
1/ de faire une rapide « histoire de la géographie récente » afin de souligner au travers des travaux d’un
certain nombre de géographes quelles sont les problématiques actuelles, les grandes tendances de la
géographie, leur lien entre elles, et les différences avec la géographie classique.
2/ Puisque la géographie change, les géographes ont de plus en plus de préoccupations épistémologiques …
et celles-ci sont mises en valeur dans les rapports
- Le rapport d’agrégation de 2006 sur le commentaire sur l’aménagement des territoires
dit de même qu’une « bonne connaissance des évolutions épistémologiques de la discipline
constitue un atout de taille pour trouver l’angle d’attaque le plus pertinent. »
- ou à propos de l’oral : « Les courants, les auteurs, les travaux qui ont marqué leur histoire
doivent être connus. Il faut connaître les grandes collections de manuels d’enseignement
supérieur ; la consultation régulière de revues telles que L’Information géographique,
Mappemonde, L’Histoire, Historiens et Géographes est nécessaire. »
Puis, plus loin :
« Quelle que soit la formulation [des sujets d’oral], l’attente est la même : que soient
précisés les enjeux épistémologiques puis pédagogiques du sujet, son amplitude temporelle
et spatiale, sa signification exacte, en s’appuyant sur l’analyse des termes l’un par rapport à
l’autre »
….quand elles ne tombent pas en tant que telles aux concours.
- Le sujet 2005 de l’agrégation externe était : « le temps en géographie »
… et le rapport Historiens-géographes –p 153. N° 393. Fév 2006- dit qu’ « on ne pouvait le
traiter sans avoir à la fois de solides connaissances en épistémologie, et ans tous les
1
champs de la géographie »). Sans en arriver à ce type de sujet (vu les programmes), une ou
deux réflexions épistémologiques dans un devoir ne sont pas forcément inutiles …
3/ Cette réflexion ne se veut donc pas théorique, mais en liaison avec l’agrégation. Il s’agit donc à la fois :
- de proposer des angles de réflexion sur le traitement des grands types de sujets (quelles sont
les problématiques à adopter ? (tout en tentant d’adopter une distance critique par rapport à ces
problématiques.). Quelles sont celles à rejeter absolument car trop « datées », trop connotées
« géographie classique »?
- et de suggérer quelques pistes de lecture sur des auteurs considérés comme incontournables à
l’heure actuelle…
Le tout est argumenté :
- à l’aide de sujets pris dans les leçons d’oral de l’agrégation interne qui ont été proposés en 2004
2005 et 2006,
… et notamment à l’aide des sujets d’écrit 2006 sur les littoraux de l’Afrique et sur
l’aménagement des territoires
- à l’aide de quelques mises au point ou développements particuliers mis dans des encadrés
- à l’aide de quelques réflexions sur nos programmes scolaires. Car les sujets d’oral demandent
aussi un lien avec les programmes du secondaire, il y aura plusieurs tentatives « d’analyse critique
de ces programmes »
Le but est ainsi de montrer que l'on ne fait pas la même géographie, que l'on n'a pas les mêmes
problématiques quand on fait de la géographie classique que quand on parle de territoire, de polarisation,
de centre-périphérie, de diffusion …
4/ Il est aussi de montrer que ces notions relativisent, mettent au second plan le poids du « milieu
naturel », et permet d’échapper à une « géographie inventaire » qui « couvre le monde »
(Pour cette raison, le topo du mois de Novembre sera consacré spécifiquement au « milieu » de façon à
percevoir quelques problématiques concernant les risques, le développement durable, et « villes et
environnement » (programme de l’agrégation externe 2007)
 Plan du topo en 2 parties :
1/ Le changement de paradigme. « De la géographie classique aux nouvelles géographies »
Historique et son application à quelques exemples de sujet tombés à l’oral
Développement particulier sur la géographie tropicale (Programme 2006-2007 : Afrique)
2/ Un développement sur les géographies actuelles au travers de deux notions fortes : celles de
polarisation et surtout de territoire qui sont utilisées dans de nombreux sujets (+ quelques mises au point
sur la polarisation).
La différence avec les notions classiques de région, espace, paysage. Comment caractériser la
notion de territoire ? Car c’est une notion extrêmement complexe et multiforme (Pas moins de
sept propositions de définition figurent dans les derniers dictionnaires de géographie…)
Il sera suivi d’un second topo le 28 Septembre qui approfondit ces notions au travers de la propension de
la géographie à découper l’espace. Il s’agira concrètement de voir que
3/ toute géographie découpe les territoires
2
- Que veut dire « découpage régional » ?
- N’est-ce pas l’attitude de base de tout géographe… ?
- …Ce qui pose le problème du critère de découpage et donc de démarche
- // Il s’agit d’une attitude traditionnelle mais il y a aussi la nécessité de faire le point là-dessus à
cause du discours de l'innovation territoriale.
4/ L’aménagement des territoires est un thème important. Censé lutter contre des déséquilibres, il montre
la tendance actuelle des géographes à vouloir « saisir le monde », au contraire d’une géographie classique
qui observait une position de repli et un statut d’observateur.
5/ Le discours de l’innovation territoriale appliqué au découpage régional de la France est un discours
phare.
- Quelles sont les grandes caractéristiques du discours de l'innovation territoriale ? Quels sont
ses rapports avec la notion de polarisation ? Où l’histoire d’un discours « à la mode »… que je
tenterai de résumer à l’aide d’exemples, notamment en comparant la France et le cas tout à fait
particulier de Rhône-Alpes et l’Espagne. La notion de territoire pose le problème des « nouveaux
territoires » de l’action régionale, il y a nécessité de faire le point :
- sur les epci (communautés de communes, pays ….)
En guise d’introduction, il y a la nécessité de comprendre que nos discours en géographie sont à une
croisée des chemins ils sont encore marqués par une géographie classique, mais intègrent des pans entiers
d’une géographie différente, nouvelle. Et les membres du jury d’agrégation sont eux aussi marqués par cet
entre-deux, comme ne témoigne le rapport sur les littoraux de l’Afrique
I/ De la géographie classique aux « nouvelles géographies »
Il faut au préalable replacer nos discours actuels dans l’histoire de la géographie pour montrer que parler
de territoire, de polarisation, ce n’est pas la faire même géographie que la géographie classique…
11/ Rappels sur la géographie classique
111/ Ses caractéristiques
La géographie française, qui s’est mise en place autour de la première guerre mondiale (autour de Vidal de
La Blache, mort en 1918) avait quatre caractéristiques essentielles :
1111/ L’encyclopédisme (« la géographie doit dire le monde ») :
► Cette démarche était très visible dans les thèses d’État qui dépassaient souvent les 800 pages. Cf aussi
l’image de la géographie véhiculée par le « Petit Prince » : le géographe est un « vieux monsieur » qui
rédige de « gros livres », qui ne s’intéresse pas « à l’éphémère » (et donc aux roses du Petit Prince) et qui
se différencie de l’explorateur…car il ne va pas sur le terrain.
3
►►Une conséquence : faire de l’encyclopédisme c’est donc refuser de sélectionner, de trier. C’est aussi
(et surtout ?) favoriser une démarche statique (l’intérieur) par rapport à l’extérieur et aux relations avec
d’autres espaces mais aussi d’autres disciplines.
►►► Car c’est un encyclopédisme à l’intérieur d’un champ donné : il y a ce que l’on dit, ce que l’on ne dit
pas et ce que l’on ne doit pas dire.
Cf les fleurs (les roses du Petit Prince) : on n’en parle pas (aucun intérêt reconnu)
Cf le Tiers-monde, politiquement incorrect jusqu’aux années 80
1112/ La géographie classique était une science de synthèse
Une synthèse entre des disciplines très variées allant de la géologie à l’économie (donc la matière a
l’aspect du généraliste en médecine, et pour ses détracteurs du dilettante, de la discipline fourre-tout)
Une telle conception remonte à l’antiquité et est perceptible dès Ératosthène et Aristote (qui apporte la
notion de classement des connaissances) puis Strabon mais va être formalisée au XVIII° s. par Kant puis
Ampère
►D’où le plan à tiroir, qui commence par la géologie et finit par la sociologie, sans fil directeur…
Attention : de nombreux rapports d’Historiens-géographes reprochent aux candidats de « dérouler –
le thème concerné – sans problématique visible »
Un tel plan serait très tentant pour un sujet du type :
- Les Antilles françaises (1)
Ci-dessous, 2 propositions de plan :
Le 1° plan est tiré d’un vieux Que sais-je dirigé par Doumenge
1 Une nature instable
11 Une morphologie contrastée
12 Des mécanismes brutaux
13 Un fort endémisme insulaire
14 Le dynamisme de la végétation
2 Une histoire, un paysage et une population façonnées par le sucre
3 La survivance agraire et halieutique
4 La personnalité des Antilles françaises
5 L’unicité martiniquaise
6 Les visages contrastés de la Guadeloupe
61 Les Guadeloupes rurales
avec : Grande-Terre, Nord et Est de Basse-Terre, La Côte sous le vent (avec :
Bouillante et ses environs, Pointe-Noire)
62 Basse-Terre
63 Pointe-à-Pitre
7Les îliens périphériques
Et les cartes sont des « cartes régionales »
 Et en fait, cet usuel date de 1988 (pas si vieux que ça …car vendu pendant une dizaine d’années)
4
Ou vaut-il mieux insister sur leur spécificité ? Ce qui donnerait un second plan de ce type :
1. La dépendance par rapport à la métropole
2. La richesse relative par rapport à la Caraïbe
Grâce à des économies de transfert…
Qui permettent une reconversion d’anciennes îles à sucre (de l’agriculture au tourisme)
3. Une situation d’insularité qui crée une identité particulière
Liée à la démographie (des populations jeunes)
Liée à l’insularité
Conclusion sur le dilemme de l’émancipation ou pas ?
Et finir par un schéma à la Brunet comme ci-dessous
NB : attention : il s’agit là d’un
chorème : c’est-à-dire d’un
modèle qui se veut à portée
générale, et non d’un schéma
chorématique (comme on en
fait parfois avec les élèves) qui
est une version simplifiée et
surtout qui s’adapte à un
particularisme
Dans les deux cas, on a une démarche opposée : on est dans le premier cas dans « un tableau ». La
géographie est un récit (elle dit le monde). On est dans le second cas dans une analyse de situation
problématisée
Mais la différence n’est pas seulement là :
 Dans les deux cas, on a :
- Une approche idiographique en 1/: mon propos est que la Guadeloupe ou la Martinique soit la mieux
connue à la fin de mon exposé ;
- une pensée nomothétique en 2/ : mon propos est globalisant : il est moins le cas particulier de la
Guadeloupe que de montrer la pertinence du sujet et sa valeur d’intérêt par rapport à des problématiques
plus générales
 Dans les deux cas on a des outils différents : le récit, et donc la description, contre l’analyse
économique ou sociologique voire le modèle de l’île tropicale à la Brunet :
5
1113/ La géographie classique présente un naturalisme dominant :
Toute étude de géographie commençait toujours par la géographie physique, et surtout cherchait les liens
que le milieu a avec la présence de l’homme
► L’histoire de cette conception me semble intéressante :
Le naturalisme et l’héritage des philosophes du 18° puis du 19°siècle en 5 dates-clé qui montrent
que c’est un héritage :
- Kant 1757 : géographie physique Kant est le premier à bien faire cette liaison entre milieu et hommes.
- Philosophes français autour des physiocrates, Quesnay, Turgot (recherche du maximum que l’on peut
tirer du milieu naturel)
- Montesquieu et la théorie des climats qui s’est bien propagée au 19° dans le cadre colonial.
- Condillac et le sensualisme au début du XIX° : toutes nos connaissances sont le fruit de nos sensations
et de rien d’autre = une pensée environnementaliste qui va se traduire par exemple chez les socialistes
utopiques par les tentatives d’amélioration de l’environnement, cas des urbanistes et des phalanstères.
- Au 19° Lamarck : l’évolution est fonction du milieu (a beaucoup plus marqué les géographes français que
Darwin, au contraire des géographes allemands. Cf contexte de 1870)
Derrière ces 5 dates, il y a l’idée que, à part Kant, on est chez des français…et que la géographie va
suivre des cheminements différents ailleurs
Alors que la géographie allemande se tourne elle plutôt vers la biogéographie, vers Darwin (puis dans le
contexte des années 1930 vers un néo-darwinisme proche des théories raciales du nazisme) et vers la
géopolitique (idem : la notion d’espace vital)
► Il y a là la notion de sujétion de l’homme au milieu et une vision double :
- une vision statique…on privilégie les invariants (« l’ordre éternel des champs »)
- on privilégie une « vision ethnographique » plus qu’économique ou politique : idée de « genre de vie » : une
des idées fortes de la géographie traditionnelle. Alors que le politique n’est pas notre objet et que
l’économie n’atéit abordée que par le biais des descriptions chiffrées.
► La valeur qui était intégrée dans cette logique est la sujétion de l’homme au milieu. La réciproque ne
peut s’analyser que comme une atteinte au milieu, et non pas une construction : l’homme dégrade le milieu.
Il ne le construit pas ! (ce qui, de fait, va rejeter sur les marges de la géographie, toutes les notions
d’aménagement )
Il y a donc de notre part, dans la perspective de l’agrégation, une nécessité de faire une
remise en question complète et la nécessité de faire déjà le point dans ce topo sur le rôle du milieu
naturel :
cf les programmes de Première qui parlent de « milieux entre nature et société ». Á travers cette
problématique, il est également possible de parler de « milieu urbain »… « d’environnement ».
Une remise en question du naturalisme par le biais de l’environnementalisme
Souci des sujets actuels d’agrégation de relier à l’homme….
Exs :
6
Les reliefs sont-ils une contrainte pour les sociétés (2)
Un sujet problématisé et impensable il y a 20 ans. La logique de la réponse serait de type « bien
sur que non, mais quand même un peu et tout dépend où » ?
Encore plus net avec ce sujet :
Y-a-t-il des risques naturels ? (2)
Il y a 20 ans, la réponse était évidente : oui. De nos jours, on attend une réflexion sur la notion de
risque, à différencier de l’aléa. + une réflexion sur le rôle de l’homme
Les risques en montagne (2)
Ce dernier sous-entend, outre les typologies classiques, les mesures de protection, une analyse du
fait « homme en montagne » (+ nombreux l’hiver, dans des endroits où l’aléa est plus fort) alors que
dans une analyse traditionnelle, il s’agissait plus d’une sujétion à la montagne (le slogan qui figurait
autrefois dans la montée de l’IGA à Grenoble était : « Alpes, terre de labeur, terre de grandeur »)
Le paysage : une composante essentielle de l'étude géographique (6)
Le paysage ici compris comme une construction de l’action humaine.
Le programme de 6° : centré sur l’étude des paysages.
- Il est curieux de noter que le programme de 6° ne définit pas exactement ce qu’est le paysage ; Il le
caractérise en 3 types : urbains, ruraux, de faible occupation humaine.
Donc l’homme est au centre, même si le programme est un compromis car on avait demandé aux élèves
auparavant d’étudier « les grands ensembles de reliefs »
Accompagnements sur le programme de 6° : un « entre-deux » entre des terminologies nouvelles et des
besoins traditionnels d’inventaire à but de culture général
« Il n'est pas possible, en quelques années, d'embrasser la totalité des territoires de la terre. Mais on
peut tenter un premier inventaire raisonné du monde des hommes en géographie.
Au terme de leurs études au collège les élèves doivent comprendre le monde dans lequel ils vivent »
1114/ La géographie est la discipline des typologies
Et notamment des typlogies des espaces, des paysages, que l’on analysait puis recoupait en sous-ensembles.
Il s’agit là d’un des apports principaux de la géographie française du début du siècle.
► Typologie. Je développerai ce thème en seconde séquence (sur le découpage régional) car la typologie
est avant tout subdivision d’un espace. Avec le développement de l’économisme vers 65-70 on va également
multiplier les typologies descriptives d’un phénomène :
Un sujet classique permet de voir ce modèle « transitoire » : La diversité des suds (Term).
Ce sujet reste dans un géographie assez traditionnelle qui décrit, classe (les différents types de
suds, les voies de développement autocentrées, extraverties…) mais le fait dans une optique
économiste, le relie au monde (la mondialisation…).
7
1115/ La géographie classique utilisait un vocabulaire spécifique1
…et plusieurs termes qu’il importe de définir :
paysage, région, espace…termes qu’il ne faut pas confondre et qui pour certains sont très datés
Milieu
Le terme a connu un glissement sémantique progressif : de la moitié du lieu …à ce qui nous entoure
Terme curieux : très connoté géographie classique le naturalisme…L’homme est au milieu de la
nature
Demangeot : les milieux naturels du globe
Le classique schéma des interrelations dans les milieux (Demangeot) : un tour de force graphique :
l’homme est certes au centre, mais il occupe une position bien marginale dans un schéma à visée
naturaliste.
Puis le terme a été redécouvert par le biais de l’environnementalisme qui en a fait un terme à nouveau à la
mode.
Qu’est-ce qu’un paysage ? (notion centrale de 6°) Il s’agit très exactement de ce que l’on voit d’un pays.
Donc un terme souvent affectif, avec le rôle de la description (et donc une vision assez subjective)
(Équivalent de panorama) c’est donc une représentation : le géographe traditionnel était celui qui savait
« lire » le paysage avec son coup d’œil
1
P. Baud, S. Bourgeat, C. Bras. Dictionnaire de géographie. Hatier 3° édition 2003.
8
Mais dans une optique traditionnelle, le paysage a une vérité : il est la réalité que l’on doit décrire le mieux
possible avec si possible un rapport à l’émotion, car le géographe a son terrain :
« La molasse fait l’unité du Sud-Est du Bassin aquitain. Elle lui donne ses paysages : un monde de
molles collines, où ne subsistent, par exception, que d’étroits lambeaux de plateaux. Les vastes
couloirs alluviaux de la Garonne, de l’Ariège et du Tarn viennent seuls en rompre la monotonie, et
les morcellent en quatre ensembles morphologiques : éventail gascon, Terre-forts du Volvestre, du
Lauragais et du Tescou.
Les paysages des campagnes toulousaines s’opposent ainsi, non seulement à ceux des Pyrénées et du
Massif Central, mais également aux paysages de l’Aquitaine centrale et nord-orientale au relief
plus vigoureux, où le calcaire soutient de rigides plateaux et des serres étroites; ils se distinguent
aussi des paysages de l’Aquitaine sud-occidentale, où dominent les vastes horizons plats des
alluvions aturiennes et des sables landais, auxquels le Bas-Armagnac appartient déjà, avec ses
sables et ses basses collines.
Pourtant, ce relief est beaucoup moins monotone qu’une vision fugitive ne le laisserait croire. Outre
que n’est pas sans charme la variété de détail, dans ces collines bien dessinées où la vue porte loin,
jusqu’à l’horizon finement ourlé des Pyrénées, on ne reste jamais plus de 30 km dans le même type
de paysage: les aspects régionaux sont bien plus variés que ceux de la Vendée »
De qui est ce texte de conception classique ?
…Thèse de Roger Brunet. (Les campagnes toulousaines. 1965)
…Comme quoi toute pensée évolue…
La tendance actuelle : elle est de montrer que le paysage est construit et que le paysage (comme dit plus
haut, ce que l’on voit du pays, ne dit pas tout. Cf ci-dessous l’extrait du rapport 2006 du jury présentatn
une « bonne leçon d’oral »)
Extrait des rapports 2006 : « Enseigner le paysage : un village africain », 6 ème
1/ « L’introduction précise clairement le statut du paysage comme objet et outil de l’analyse géographique
d’une part et comme support d’enseignement d’autre part. La candidate choisit d’étudier un village du
Rwanda pour des raisons qu’elle explicite clairement : amener les élèves à rompre avec le stéréotype d’une
Afrique tout entière identifiée aux savanes, au désert ou à la forêt dense ; utiliser l’image -une
photographie aérienne montrant un village installé au coeur de collines verdoyantes et intensément
cultivées- pour faire évoluer les représentations et non les conforter, comme c’est trop souvent
l’habitude. Son développement revient en première partie sur la place du paysage dans la tradition
géographique, notamment française, les approches et les évolutions. S’intéressant ensuite à l’exploitation
pédagogique des photographies qu’elle a prélevées dans un manuel de 6ème, la candidate élabore au
rétroprojecteur le croquis d’interprétation qu’elle ferait construire en classe.
2/ La seconde partie rappelle que le paysage ne dit pas tout. Elle montre que d’autres sources, tirées des
ouvrages empruntés, sont nécessaires pour comprendre la situation : carte de densités en Afrique
orientale, diagramme ombrothermique, textes sur les activités agricoles.
3/ La transposition pédagogique met l’accent sur l’aménagement du milieu par les hommes
dans un espace densément peuplé. Elle débouche fort logiquement sur la construction d’un schéma
systémique qui fait du paysage le produit des interactions entre environnement, société d’agriculteurs,
types d’activités et aménagements. L’entretien confirme que la candidate a réfléchi aux enjeux tant
scientifiques que pédagogiques de son sujet : elle peut comparer le travail mené ici avec d’autres
exemples d’études de paysages réalisées en classe. »
Les passages soulignés en bleu montrent la conception qu’a le jury du paysage, sa sensibilité épistémologique et
l’utilisation des représentations
9
Un des sujets d’oral agrégation interne 2005 : « Enseigner le paysage ; un littoral industriel (6°) » Le
rapport d’Historiens-géographes (Octobre 2005) est très favorable même s’il parle « d’insuffisances
épistémologiques ». L’introduction de la candidate était « la notion de paysage. Un objet et un outil
d’étude » avec une problématique affichée »l’étude d’un paysage permet-elle de réfléchir à tous les enjeux
qui touchent un littoral industrialisé ». Puis le plan de la candidate était :
1. Qu’est-ce qu’un paysage.
2. Un paysage ne dit pas l’invisible.
3. Un paysage ne dit pas tout de l’organisation de l’espace.
Espace (et quelle différence avec territoire ?) : terme assez neutre (au contraire de territoire) du coup
on lui mettait des qualificatifs : « espace géographique », « espace vécu » ….donc un territoire
- Les montagnes, espaces et paysages (6)
Espace est ici au sens de localisation : combien ? Où ? Quelle topographie ?
Mais le sujet suppose aussi une réflexion en intro sur la différence avec paysage
- La place des « espaces naturels » en France (4)
Sur ce dernier sujet, comme sur les risques naturels, emploi des guillemets et idée à développer du rôle de
l’homme. Il ne serait sans doute pas inutile de souligner dans la leçon que l’on a bien vu la présence de ces
guillemets
Région : terme vague : bout, partie d’un espace plus grand. Mais: avec une autorité à sa tête (regere :
diriger) d’où recteur, régions administratives
Donc dirigé par des acteurs
- Le fait régional dans l'Union européenne (1)
On va forcément amener l’idée d’acteurs, de dynamisme régional, du rôle de ces régions par rapport à l’UE
au détriment de l’État
Région peut enfin être n’importe quel espace, mais de taille fort vague : ONU parle de régions pour MoyenOrient, ou Amérique latine, on parle de régions pour n’importe quel espace (astronomes parlent même de
régions interstellaires).
112. Cette géographie classique avait des outils spécifiques
1121. La description :
Puisque la géographie est un récit, la description s’attache au paysage. Elle résume, sélectionne de ce que
l’on a vu
Elle n’est qu’un versant de la méthode « officielle » de la géographie classique : le binôme descriptionexplication.
► Pourtant, le paradoxe est que cette description EST elle-même souvent explication en géographie
classique.
La thèse de Jean Gallais (le delta intérieur du Niger. 1964) en fournit un bel exemple : « La description
géographique qui précède est un inventaire explicatif ».
10
Le géographe est donc classiquement celui qui a le « coup d’œil ». Il est le seul capable de voir ce que les
autres scientifiques ne remarquent pas. C’est bien l’œil du géographe, neutre, objectif, (scientifique ?) qui
justifie la discipline. Ce constat est naturellement très classique lui aussi : en 1989, Claude Raffestin1
parlait même avec quelques raisons de « totalitarisme de l’œil [qui] a trop longtemps pesé sur la
géographie ».
Sujet : Étudier un paysage : un delta rizicole (6°). L’exemple classique est la description de la rizière, que
l’on trouvait dans de très nombreux manuels
La description d’un paysage de rizière en géographie classique
« La rizière est le seul élément du paysage rural : pas un bosquet, pas un pâturage ; le cimetière est seul
espace non cultivé. L'unique diversité du paysage provient de l’évolution de la culture : après le repiquage,
quand les plants sont encore grêles, ces rizières sont un damier de miroirs d'eau, ou se réverbère 1'image
du soleil, aveuglante, donnant des ophtalmies ; lorsque le riz a grandi, la plaine est une immensité d'un vert
plus soutenu, mais les parcelles pressentent une gamme très variée de verts, selon la qualité du riz plante
et son degré de croissance. Enfin, a 1'epoque des moissons, la plaine n'est plus qu'une immense étendue
jaunâtre ondulée par le vent. »
Source : R. Lebeau. 1979
Quel était l’intérêt de ces descriptions, à part montrer l’œil du géographe, son rapport passionnel avec le
terrain, et l’aspect ethnographique d’une géographie qui « dit » les civilisations du riz.
…Or, cette attitude est encore présente en version light dans certains manuels de 6° (Hachette 2000), ou
elle est mélangée dans un dossier avec des problématiques sur les rapports avec le climat de mousson et
les fortes densités.
► De plus, cette description dit souvent …ce que l’on dit avoir vu et que l’on a découvert après.
Cf les surfaces d’érosion redécouvertes sur les cartes topographiques et que l’on décrivait avant l’analyse
géologique
Où l’a-t-on réellement vue ? Sur le replat figuré sur la carte ? Dans la carte géologique qui est une
représentation ? Dans le paysage ? Dans un manuel de géologie ?
Sa description est une reconstruction. Elle se veut réalisme alors qu’elle n’était que constructivisme
► La description avait un avantage non négligeable : c’est la connivence avec le lecteur. La description est
un voyage. Elle est le but
1122. La carte :
► Est le support de cette approche par la description
« On voit sur la carte » ce qui pose deux problèmes : celle méthodologique du « comment elle a été
construite » et celle de notre discours : la carte est un intermédiaire avec le réel, illustrant là aussi
l’opposition réalisme / constructivisme
►► En première approche, 3 approches concurrentes :
- la carte était la base : on la décrivait. Binôme : carte topo + carte géologique qui est censé tout dire
- Elle est un outil intermédiaire : on regarde telle carte pour construire notre discours et parallèlement on
localise
Approche encore demandée en collège : on localise, c’est donc un outil
1
Claude Raffestin : théories du réel et géographicité. Espaces temps n° 40/41. 1989.
11
- Elle est aussi synthèse (désormais approche dominante)
►►► Le problème fondamental des cartes : En tant qu’ « objet-technique » (au sens de Simondon), elle a
été faite par quelqu’un avec ses représentations propres ou plus souvent encore celle de son groupe : il y a
en conséquence un « paradigme de la carte » (ce que démontra et démonta en son temps Y. Lacoste et « la
géographie, ça sert d’abord à faire la guerre »). Mais comme elle demande des compétences particulières
pour pouvoir la lire…elle est un miroir de la discipline
►►►► En tant qu’objet technique, cela pose le problème des limites de cet objet : Opposition précision –
théorisation (ce qui est souligné par le célèbre paradoxe de la « carte de l’empire »)
113. Le géographe classique a un positionnement en retrait du monde
1131. Le géographe : un savant hors du temps.
Histoire de repartir sur le Petit Prince, c’est toujours la complexe relation entre géographe et
explorateur. Le géographe n’est pas l’explorateur, Il est le déchiffreur du monde, le savant. En
conséquence, il adopte une position de repli.
► Des conséquences : Du coup, il n’est pas un homme de son temps, il ne court pas après l’éphémère, on
définit par là même ce qui est géographie, et ce qui n’est pas géographie (la botanique, la politique)
►► Ceci dit, attention à ne pas faire une analyse trop caricaturale : certains géographes ont au contraire
toujours essayé de coller à l’actualité : il faut citer Pierre George, voire Jean Tricart et ce dès les années
1950
►►►Á la même époque, à l’étranger, il y a au contraire une prise de conscience des temporalités : on peut
citer les suédois qui furent en pointe sur ce sujet : cas de Torsten Hägerstrand et la Time geography
La Time geography (ou chrono-géographie) : une géographie strictement inconnue en France avant les
années 1980.
Née à partir d’une réflexion d’Hägerstrand en 1963 sur la notion de migration. Selon cette conception de
la géographie, on ne peut se contenter de faire référence à l’espace et aux localisations, surtout si l’objet
est l’homme et les actions humaines : il faut donc prendre en compte aussi les temporalités.
L’idée est que les projets des sociétés sont contraints par « l’espace-temps » : ils doivent être admis par
les « acteurs » (ce qui suppose la prise en compte de la « fluctuation des idées », et le terme d’acteur
était un terme que n’utilisait pas la géographie classique), lorsque les « autorités » les proposent, ce qui
suppose une prise en compte du politique.
12
1132. Le refus de l’aménagement
Refus donc du politique au nom de l’éphémère
De même l’aménagement lui répugne car il y avait aussi un refus de l’interdisciplinarité
Si aménagement est désormais favorisé, avant d’une façon générale il n’était pas l’objet
1133. Le cas particulier des africanistes
Un comportement différent : explorateur engagé
3 grandes périodes en géographie :
► la première est désormais révolue : géographie coloniale (mais il est bien possible qu’il y ait des restes,
ne serait-ce que dans le vocabulaire ?) aménagiste dans un contexte colonial et de racisme (le mythe de
l’homme blanc)
► « La Géographie tropicale », dominante de 1945 aux années 1970 :
Qui va naturellement disparaître du fait des indépendances progressives, mais aussi, à l’interne, par le
choc que crée en géographie la pensée de Pierre Gourou ( on a pu parler de « Paradigme de Pierre
Gourou »1)
Celui-ci était caractérisé notamment :
- par la rupture faite pour la première fois sur la notion de densité liée au climat en 48
- par les concepts de « civilisation » et de « techniques » (de production, d’encadrement…),
Ce qui amenait une analyse de toute la société.
La géographie tropicale fut passionnée par l’analyse ethnologique (on retrouve la description des
« peuples»).
… mais aussi par sa démarche :
- une sensibilité au local et une volonté d’immersion dans le terrain, ce qui l’amène au refus de considérer
l’état africain comme élément structurateur
- le refus de toute attache idéologique ;
Conséquence de ces deux faits, ce fut donc une pensée qui se prononça peu sur le sous-développement.
Elle n’est pas analyse du sous-développement et est pendant longtemps restée marquée par le refus de
l’aménagement
A marqué de nombreux géographes : Lasserre, Pélissier, Sautter
Il s’agit d’un fait important, car le savoir sur l’Afrique s’est longtemps construit comme une suite de
monographies, bâties sur un modèle européocentriste
cf Lebeau et son « bocage bamiléké » qui s’oppose à l’openfield serer
Dans le détail, cette école s’est souvent opposée à Paris : Dresh, + Lacoste
1
Bruneau B., Courade G. (1984). Existe-t-il une géographie humaine tropicale ? Á la recherche du
paradigme de Pierre Gourou. L’espace géographique n°4 p 306-316
Bruneau M., Dory D. (dirs.) (1989). Les enjeux de la tropicalité. Paris, Masson (coll. Recherches en
Géographie), 161 p.
13
► Quand le choc du sous-développement arrive au début des années 1960 (cf Lacoste), il est d’abord nié.
Ce n’est pas notre préoccupation car :
- Nous sommes centrés sur une analyse ethnographique
- Dans le contexte de l’indépendance, la dimension nouvelle des États africains est méconnue
- La géographie répugne aux explications générales (simplificatrices ?)
Puis ce nouveau concept est englobé dans des préoccupations propres (le rôle du milieu)
114 La géographie classique a très longtemps marqué la discipline et
notamment l’enseignement secondaire et les concours de recrutement
De nombreux témoins en sont encore visibles :
- l’ex programme de Première de 1988 correspondait à une optique assez traditionnelle: « la France
synthèse des paysages européens » (avec « les grands ensembles de relief ») « les hommes et les
activités », « les grandes divisions de l’espace français » (avec « divisions traditionnelles », (dont
naturelles) puis les « grands ensembles de l’espace français » que l’on pouvait redécouper)
Du coup, découpages variés (est, couloir, tantôt autonome, tantôt lié avec alsace, tantôt montagnes)
- Même remarque avec le programme de Seconde de 1987 : « la terre et ses richesses » dont « les océans,
les continents et leur relief », l’« explication de la localisation des grands ensembles »
Elle a survécu très longtemps grâce aux deux freins universitaires traditionnels qui étaient la thèse d’État
et l’agrégation de géographie
Cette conception de la géographie a :
- Des mérites pédagogiques (des localisations nécessaires à connaître par les élèves)
- elle a rempli sa mission d’inventaire à un moment donné
Mais …
12/ Sa remise en cause : pourquoi ?
Cette géographie est remise en cause dès les années 60-70 dans la recherche, beaucoup plus tard dans le
secondaire, et même dans l’enseignement supérieur:
5 raisons :
121/ Elle a engendré des perversions…
Et naturellement ce sont ces perversions qu’il vaudrait mieux éviter dans un devoir d’agrégation
1211. La recherche de la liaison entre nature et sociétés engendre la tentation
du déterminisme
14
Á titre d’introduction, un petit bêtisier : il fut possible d’écrire dans les années 1930 que « le granite vote
à droite, le calcaire à gauche », que les « cuestas étaient tournées dans le bon sens pour protéger Paris »…
Un bêtisier caractéristique des années 1930…mais qui a eu de beaux restes. En 1982 Paul Oudart
dans sa thèse :
« La correspondance entre le développement des affleurements du Crétacé au Nord de la
Seine et le secteur annulaire où siègent les villes de la couronne est frappante. Mais la
correspondance ne s’arrête pas à la stratigraphie ou à la lithologie. Car des paysages,
construits par l’homme en fonction des données naturelles semblent s’harmoniser avec les
implantations urbaines. »
► Une question cependant : N’y a-t-il pas des lieux, des sujets, plus favorables que d’autres pour rentrer
dans le bêtisier ?
Cf toujours la géographie tropicale et l’Afrique
- Le défi alimentaire mondial (2)
Un sujet qui va se nourrir d’OGM, de surproduction, mais aussi de sous-développement.
Or, beaucoup de déterminisme sur le sous-développement
Cf les propos, certes anciens, de Paul Moral (1967) qui explique que « l’Afrique souffre de
« malchance climatique » [les guillemets sont de P. Moral]. Il y a en Afrique « une nature
dans l’ensemble plus hostile, plus « inhumaine » [qu’en Amérique Latine]. D’autres aspects
de la « malchance géographique » se situent (…) à la confluence de la nature et de
l’histoire : insalubrité et pauvreté »
Le déterminisme va se nourrir de milieu hostile, de problèmes de retard ethnologiques
Thèse de G. Pallier en 1984 :
« Enfin les populations rurales sont peu motivées pour faire face aux contraintes
défavorables du milieu naturel. L’autorité des anciens au niveau du village ou celle des chefs
de famille à celui de l’exploitation, bloquent encore bien des tentatives de changement. On
peut espérer que les expériences d’alphabétisation et d’animation auxquels se livrent les
gouvernements modifieront les mentalités et donneront aux jeunes générations la
possibilité de s’émanciper de la tutelle des plus anciennes et de ne retenir de la tradition
que ce qui est bénéfique au développement de leurs activités. Le succès des religions
“étrangères” — l’islam et le christianisme — devrait favoriser ce renouveau. »
Le problème alimentaire se double de la peur de la bombe démographique
Elle-même se double d’un sentiment quasiment raciste : cf les « fourmilières asiatiques ». Pourquoi ne pas
parler, à densité équivalente, de « fourmilière hollandaise » ???
(le même problème se pose à mon sens dans notre enseignement où il y a parfois la tentation de dire aux
élèves que les États-Unis sont puissants CAR ils ont un climat favorable, ou que le 1/3 Monde est pauvre
CAR il a un climat défavorable)
Pédagogiquement et sans en arriver forcément là, il y a toujours eu cette tentation…
15
1212 L’ européocentrisme : tout est vu en comparaison avec l’Europe.
Le cas des textes sur les Alpes françaises est révélateur.
Celles-ci sont « les cathédrales de la terre » (John Ruskin), « les montagnes de référence » (Paul Veyret),
« la synthèse des montagnes du monde, l’archétype du soulèvement et du plissement » (Roger Frison
Roche), « moins humides que les montagnes océaniques, plus équilibrées que les méditerranéennes, hautes
mais creusées de profondes vallées » (Paul Veyret).
Ces montagnes ont donc « naturellement » donné naissance à « une civilisation extraordinaire » : « La
rudesse, la robustesse, la ténacité, la continuité dans l’effort, le sens de la lutte, l’attachement au sol, la
frugalité, le sens de la liberté, le sens de l’économie, l’endurance, le sang froid face au danger sont autant
de vertus qui contribuent à forger un type d’hommes et un type de civilisation. Ce sont ces montagnards
prolifiques qui, ayant essaimé à travers la France, ont contribué à sa vitalité. » (Germaine Veyret).
Source : Dictionnaire de géographie. Hatier 3° éd 2003
Pédagogiquement on en arrive toujours là aussi à la caricature
Par exemple à propos de la France : climat tempéré favorable ??? Climats tropicaux EXCESSIFS (sousentendu par rapport à nous)
C’est aussi le cas de la mousson, souvent vue comme une catastrophe…Pourquoi ?
122. La spécialisation croissante des disciplines
…du coup le côté superficiel devenait criant
Il y avait donc parallèlement, l’impossibilité de tout dire, de tout savoir : c’est la fin des « honnêtes
hommes du XIX° siècle» qui savent tout…. Même s’il y a eu la tentation de tout dire : visible dans les
thèses d’État de 1000 pages ou plus.
Pédagogiquement ça se traduit par le « syndrome du conteneur » qui pose le problème du « Où on
s’arrête dans une explication en géographie? »
[« Le syndrome du conteneur » pose la question des limites de la géographie : comment expliquer la
mondialisation … sans expliquer l’unitisation des charges … donc sans expliquer la conteneurisation … donc
sans expliquer pourquoi il y a des demi-conteneurs, donc…]
De plus le par cœur était favorisé (cf la classique réflexion des parents d’élève que l’on a tous subi (sans
broncher ?) : « en maths c’est normal qu’il n’ait pas la moyenne, mais en géographie, il n’y a qu’à
apprendre »…et donc rien à comprendre ?)
123. À quoi sert la géographie?
► Un vrai débat et il y a certains pays où elle n’est pas apprise dans le secondaire…
16
On peut citer 2-3 citations éclairantes pour comprendre le débat des années 1970 et les incertitudes des
géographes :
Bertrand Kayser « si la géographie n’existait pas, personne n’aurait l’idée de l’inventer »
Ou encore ces 2 citations « anonymes »
« La géographie : science bonasse »
« La géographie, c’est mettre des guérilleros sur des surfaces d’érosion »
►► Du coup, quel est l’objet de la géographie ? Une avalanche qui se déroule en zone polaire inhabitée,
est-ce l’objet de la géographie ?
Est-ce « l’espace » ou est-ce la « terre des hommes »
124. Les coups de butoir des « nouvelles géographies », venues de l’étranger
NB : le terme de « nouvelle géographie » a surtout été employé dans les années 1970-80 …aujourd’hui
il fait un peu daté, si ce n’est dans une approche historique
(Nécessité de comprendre que la géographie classique ne s’était développée qu’en France). Les lieux de la
« Nouvelle géographie sont principalement l’Allemagne (la géopolitique, mais pas seulement), le RoyaumeUni et les Etats-Unis (cf le classique plan de Chicago des manuels de terminale témoignant de la
polarisation)
Parallèlement, il y a eu le rôle du contexte extérieur dès les années 1960 :

La croissance des villes pose un problème aux géographes : problèmes de nouveaux phénomènes à
étudier (la polarisation plutôt que le site, ou la situation…). Mais surtout elle pose le problème du
rôle du milieu naturel…
125/ De plus en plus, les géographes ont une
mouvements culturels du XX° siècle :
sensibilité à l’interdisciplinarité et aux grands
Pendant longtemps, discipline fermée, par réflexe car menacée…ouverte seulement vers les sciences
naturelles (essentiellement la géologie) et vers l’histoire. Puis vers les années 1960 :
1251/ Le marxisme et la notion de centre-périphérie
(qui est passée par l’économie notamment grâce à Samir Amin)
- Paris et ses lignes d'influence (1) : Deux visions possibles pour ce sujet :
- La région parisienne dans une optique traditionnelle, c’est le site de l’île de la cité, puis la situation au
centre du bassin parisien et la banlieue qui s’étire le long des fleuves (protégé par les cuestas tournées
17
dans le bon sens pour protéger Paris), puis les fonctions de Paris, puis un redécoupage classique de la
banlieue
- La région parisienne dans l’optique de la polarisation, c’est la domination de Paris sur un espace
périphérique, ce qui se traduit par des réseaux, par l’organisation différentielle des banlieues et par
des lignes d’influence.
Il s’agit là d’un plan qui ne fait pas vraiment « nouvelle géographie » : Jean Bastié l’avait utilisé dès
1964, et ainsi rompu avec l’encyclopédisme en étudiant « un tentacule » de la banlieue
1252/ Le mouvement structuraliste et la recherche des invariants,
… Ou la recherche d’une explication globale (nomothétie par rapport à la « science bonasse » du
particulier, à l’idiographie). Le structuralisme a été un mouvement de pensée dominant ou au moins très
prégnant pendant une vingtaine d’années. Il a donc considérablement influencé des géographes qui
voulaient rompre avec les canons de la géographie classique.
► Beaucoup de travaux sur « les lois » de la géographie et une valorisation des géographes qui avaient fait
des « théories » CF Brunet et ses chorèmes.
►La pensée idiographique était une pensée de terrain (avec un vecteur : les thèses d’État) Cf surtout en
Afrique : « le paysan du Sénégal », le bocage bamiléké…
Le refus de l’idiographie et la volonté de globalisation (le nomothétique) ont amené le recul du géographe
de terrain dès les années 1970-80.
► Remarque sur la pensée nomothétique en 2006 : vers un retour en arrière ??
La tendance actuelle est plutôt au moyen terme :
- Lié en grande partie au recul général du structuralisme et à la préférence pour l’interprétation par
l’historicisation.
- L’effet de mode des chorèmes (dans les années 1980) semble passé : à cela, s’ajoutait une querelle
personnelle entre Brunet et Lacoste (lire éventuellement à ce propos la très violente attaque ad
nominem de Lacoste dans « les géographes, la science et l’illusion », n° spécial d’Hérodote -76 1995-,
consacré aux chorèmes)
- Dans le cadre du développement durable, de nombreux géographes derrière Y. Veyret se voient
comme ceux capables d’interpréter les difficultés actuelles de l’application des discours actuels sur le
développement durable.
- Même chose avec les risques : la géographie serait aussi une discipline-diagnostic (tentative de
dresser des indicateurs géographiques avec des seuils selon lesquels les risques sont acceptables ou
non).
Ce qui pose une fois de plus le problème de l’aménagement (à quoi sert la géographie ?)
mais ce qui est un retour en arrière car cela repose un autre problème : celui du primat du
terrain…
18
1253/ Une forte sensibilité à l’économie dans les années 1960 :
- Cf la géographie tiers-mondiste (pas liée au milieu).
- Mais aussi une tentation de néopositivisme par le biais de l’économisme. Là où avant on décrivait des
cuestas, on se met dans les années 60 à la recherche du dernier chiffre de production (par exemple
« la production de bauxite de la RDA l’année dernière » !!!), on analyse les réseaux par le biais des
chiffres du trafic (surtout que dans le même temps, il y a une concomitance avec le développement de
nouveaux outils : informatique)….
Un sujet qui est favorable à ce genre de démarche :
- Un Sud, des Suds (Term)
Déjà abordé plus haut sous l’autre appellation (la diversité des Suds). Un sujet classique qui repose sur
un plan tout aussi classique : unité et diversité (en fait la recherche des points communs avant une
typologie). Mais aussi une sensibilité à l’économisme (des modèles économiques de développement )
1254/ L’intérêt pour la sociologie.
Notion d’espace vécu dès les années 1960. Idée croissante que ce qui est intéressant, c’est l’homme : le
sujet n’est plus l’espace, c’est « la terre des hommes » (Claval)  territoire.
Pas de développement dans cette partie (cf la suite du topo)
1255/ La notion de territorialité c’est aussi une sensibilité à l’éthologie ,
Par exemple à la notion de territorialité chez les animaux (Nombreux travaux sur les parcours urbains) 1.
Conclusion : Tous ces phénomènes liés vont donner des « nouvelles géographies », que l’on peut aujourd’hui
diviser en grandes écoles :
- L’analyse spatiale autour de Brunet, qui essaie de voir les invariants, les lois de l’espace
- Une géographie qui compte, qui analyse. Priorité aux réseaux, polarisation
- Une géographie sociale mais aussi une géographie culturelle, dominantes à l’heure actuelle (avec
des différences entre les 2) : territoires
Mais ne se pose pas en terme d’alternative entre réseau et surface / territoire.
Plutôt des approches complémentaires avec des priorités différentes. 2
13/ Application : le cas de la Chalosse étudiée avec les deux démarches
On peut faire une analyse concrète d’un même espace avec les deux démarches : celle de la géographie
classique et celle de la géographie des territoires : on arrive à des questionnements différents.
Récemment par exemple F. Guérin-Pace : vers une typologie des espaces de proximité. L’espace
géographique 2003. n°4
2
B Elissalde. Une géographie des territoires. L’information géographique. 2002
1
19
L’exemple ci-dessous est pris et réactualisé à partir d’un article de Guy Di Meo et al. 1
La Chalosse : Où est-ce que c’est ? Espace de toute petite taille coincé dans le coude de l’Adour, entre
Béarn, Tursan et Vic Bilh au Sud, Armagnac à l’Est, Grandes Landes et le Marsan au Nord et à l’Ouest
En première approche :
Définition du terme Territoire, si l’on suit en premier temps les définitions que l’on trouve dans la
plupart des manuels de Première, un territoire est « un espace approprié par une société »
Or la Chalosse est un incontestable territoire car les gens se définissant comme chalossais.
131/ Avec une approche classique, on commencerait par « un milieu naturel varié »
La plaine du Marsan commence en Chalosse, elle est difficile à distinguer des collines du Béarn
Altitude faible : 150 m
Microclimats nombreux dans un ensemble de type océanique avec précipitations encore
importantes l’été
Géologiquement prépyrénées et terrasses de l’Adour
Avec l’approche territoire, ça donne :
- un milieu naturel varié …et pourtant les gens se sentent chalossais !
(au passage, on peut noter qu’il y a là un moyen pédagogique de ne pas s’enliser dans le détail des
terrasses et des alluvions)
-
Mieux : quand on demande aux gens « c’est quoi la Chalosse » 1/3 des interviewés répondent par
des considérations d’originalité naturelle : vallonné, coteaux, humide, « plus humide que le Tursan »,
« pas comme dans les Grandes Landes »
Ils ont donc une vraie appropriation de leur milieu à partir de critères en partie subjectifs.
132/ L’histoire :
« Une histoire variée » en tout cas la Chalosse n’a jamais eu d’autonomie politique seigneuriale,
ecclésiastique ou juridique
Á l’époque moderne, partagé entre 4 sénéchaussées, dont une celle de Saint Sever qui mordait
complètement sur les Pyrénées atlantiques.
Depuis la révolution, appartient majoritairement aux Landes, mais en partie sur PA, et à proximité de Pau
………………Et pourtant ils se sentent chalossais !
(Donc on a un fil directeur, …)
133/ Une région qui n’est pas liée à une ville dominante : un vide urbain complet.
Le cœur de la Chalosse c’est Hagetmau. Et les villes qui attirent sont extérieures : c’est Dax (Landes) et
Pau (PA)
Donc un phénomène impossible à analyser avec une approche réseau, si ce n’est comme région éclatée (on
n’a même pas d’objet à étudier)
1
G. Di Méo, J.P. Castaingts, C. Ducournau. Territoire, patrimoine et formation socio-spatiale. Annales de
Géographie. n°573, Sept-Oct 1993
20
Se retrouve dans les sondages et le questionnement : fort sentiment de ruralité (« pays vert, traditionnel,
belle architecture »)
+ « Patrie des bons repas » « du foie gras » lié à la ruralité
…mais vu de loin pas évident : notre inconscient ne dit-il pas la même chose du Gers ?
Mais cette explication est insuffisante pour expliquer ce sentiment d’appartenance car les béarnais ou les
landais pourraient dire la même chose (ils ne le font pas) et de plus le Chalossais se définit comme ayant
une mentalité particulière : « on est sociable, convivial », « ambiance particulière à la région », « plus
accueillant que le Grand Landais, qui est un sauvage »,
 Preuve que le territoire se double d’un sentiment territorialiste, d’exclusion
 Donc il faut chercher une autre explication :
Domaine de ruralité organisé en polyculture (différent des Landes) et par le métayage.
134/ Ceci posé, l’approche de géographie des territoires va privilégier un autre plan
que le plan traditionnel :
Dans ce cas précis, on peut donner la priorité à la représentation et priorité à l’agriculture.
Mais surtout on va étudier les raisons du dynamisme de ce sentiment
Présence d’acteurs
-
Acteurs économiques
(deux types d’approche possibles : approche fonctionnelle, approche politique)
2 exemples économiques :
* Vignerons inventent le terme de « haute-chalosse » (en fait touche et concurrence les vdqs du
Tursan) qu’ils associent avec l’image du foie gras…
* Commandos locaux qui avaient dévasté au début des années 1990 des conserveries de foie gras
important du foie bulgare)
-
Acteurs culturels: Musée des arts et traditions populaires, fête du canard gras, « saint
Sever…capitale du poulais LANDAIS ! ».
La question qui se pose : ces acteurs sont-ils de type anecdotique ? …Un numéro des Annales de
géographie de Mai-Juin 2005 était tout entier consacré au « renouveau de la fête et des festivals »
(SD Di Méo) qui arrivait à la conclusion que « l’évènement festif crée le pays et redéfinit la région »
-
Acteurs politiques avec les epci (conseiller général qui a milité au départ pour ça : création d’une
Communauté de communes (Chalosse) englobée dans un pays intercommunautaire Adour-ChalosseTursan, centré sur l’extérieur, c-a-d la capitale du Tursan : Aire sur Adour)
Cet epci est important car :
1/ On dit le nom de Chalosse (important pour les locaux)
2 : On dynamise l’action : l’epci dispose de moyens financiers, crée ses propres réseaux
(déchets par exemple)
21
3/ Mais ne recoupe pas le pays, qui est trop grand (on perd notre identité) débordait sur
les Pyrénées atlantiques (de plus en plus intégré dans « le Grand Pau »)
135/ Conclusion
Dans cet exemple, la notion de recomposition territoriale est au cœur de la démarche. Et la
géographie actuelle, au contraire de la géographie classique présente une forte sensibilisation au politique,
aux « nouveaux territoires » (cf le second topo) qui redessinent l’armature territoriale de la France.
C’est l’idée que la compréhension de ces recompositions territoriales actuelles s’inscrit dans un temps long
et doit intégrer la territorialité vécue des populations pour être viable.
La Chalosse n’est donc qu’un exemple, un modèle que l’on peut reconstruire pour des tas de petits pays par
le biais de sondages faits par ou faits sur les élèves
Un modèle que l’on peut transposer et appliquer à son « pays » : le Diois, le Royans ou le Trièves
Une approche qui peut néanmoins être porteuse de dangers (idéologiques, à mon sens) : on glisse vite des
processus de territorialisation au territorialisme
C’est même applicable à de grandes régions.
- Le Nord et l'Est de la France (4°)
Une telle leçon doit poser immédiatement cette question : s’agit-il de la région administrative ? Car dans
l’absolu, c’est quoi le Nord ?
1 - Des régions de plaine anciennement peuplées
2 - Ou des périphéries intégrées au grand bassin parisien mais désormais ouvertes sur
l’Europe (tunnel sous la Manche, espace Schengen…)
3 - Ou un sentiment (le chtimi)
 Pas de contradiction pour faire rentrer dans le même topo mes approches 2- et 3 En revanche, problème avec la 1 Le programme de 4°, qui sert ici de référence, donne certes une indication : des régions de tradition
industrielle…mais ce qui n’est pas éclairant : on va parler de paysages de friches industrielles, de
reconversion, mais avec quelle approche ?
II/la notion de territoire est au cœur de la géographie actuelle :
Introduction : cette partie va tourner dans cette partie autour de 2 notions-clé à cerner et à
différencier :
territoire, espace polarisé…
Territoire
Rappel : si l’on suit en premier temps les définitions que l’on trouve dans la plupart des manuels de
Première, un territoire est « un espace approprié par une société »
22
[Définition assez consensuelle qui sera à nuancer plus tard, d’autant plus que ce n’est qu’une des définitions
possibles…] Mais son emploi donne une base de réflexion et pose les questions suivantes :
- Que veut dire le mot « approprié » ? Un espace doit-il être approprié au point de « constituer une
référence identitaire » (M. Vanier) ou est-ce seulement à prendre au sens d’espace géré par un organisme,
un pouvoir ?
Dans le premier cas, le Diois est un territoire car les gens du Diois ont ce sentiment d’appartenance à une
terre et se sont constitués en epci. Dans le second cas, tout espace de projet (au sens de la DIACT1 ex
DATAR : les SDEC, SGAR…) constitue un territoire.
- Mais ces territoires, plus ou moins récents, plus ou moins appropriés, sont marqués par leur diversité
…D’où la passage sémantique de l’aménagement du territoire » à « l’aménagement des territoires » (sujet
du commentaire de géographie session 2006) 2
Une remarque d’entrée : il s’agit d’une notion finalement assez récente en géographie (elle ne figure pas
dans le Dictionnaire de la Géographie de Pierre George de 1974) et elle est un peu différente du sens
commun du terme (on parle par exemple de « territoire national », de « lois territoriales »…)
Polarisation, pôle
= attraction
Mais derrière une définition plus facile à comprendre, il y a l’idée que d’un côté on étudie les flux, l’activité
(on compte, on « regarde les lignes »), de l’autre on recense et analyse les représentations
Donc d’un côté on regarde plutôt du côté de l’économie, de l’autre en partie vers la sociologie. Or, ces deux
approches peuvent être complémentaires, mais souvent elles s’excluent
La définition de territoire sous-entend plusieurs caractéristiques.
En fait 6 idées sont induites par cette définition :
21/ L’idée d’appropriation suppose un « état des lieux à tel ou tel moment », donc une prise
en compte des temporalités.
4 exemples (3 en France, un en Europe) :
► Exemple développé par la suite avec l’exemple de Rhône-Alpes :
Question de base : est-ce un territoire vue la définition que l’on vient de donner ?
Pas évident…. de nombreux rhônalpins ne se sentent pas encore rhônalpins, même si ce phénomène est en
progression…
Création artificielle en 1955, ne correspond à rien de préexistant donc pas un territoire.
…Mais cette appropriation est en progression…
Donc il y a une territorialisation, ce qui suppose une approche dynamique de cet objet.
Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires
Ceux n’ayant pas Historiens-géographes peuvent le retrouver sur le Siac à l’adresse :
http://www.education.gouv.fr/siac/siac2/jury/2006/detail/agreg_int_histgeo.htm
1
2
23
► On trouve des raisonnements de ce type en Europe de l’Est à l’heure actuelle : des constructions
socialistes (cas du Belarus) qui deviennent des réalités d’abord concrètes puis développement ou
redécouverte d’un sentiment national fort
Du coup, on peut tenter de dater le processus d’appropriation.
► Un cas célèbre : le Massif central, qui n’existait pas avant le XIX° siècle. Inventé par les géologues.
Mais de nos jours fonctionne comme un véritable territoire, les gens se disant « du massif central »
D’ailleurs dans un programme de 4° le Massif central est redécoupé entre « périphéries auvergnates de la
région lyonnaise » et « grand ouest »
► Autre cas1 : la Camargue, de nos jours, elle s’auto-identife comme réserve naturelle littorale, d’étangs,
et sauvage et terre taurine. Peu de perception de la Camargue en tant qu’identité avant 1860. Mais sous le
second empire, importation d’activités taurines par Eugénie, impératrice d’origine espagnole, crée une
identité. Importé là car grandes propriétés latifundiaires Le tout est muséifié 100 ans plus tard par la
construction d’un Parc régional qui traduit cette auto-référence dans sa charte.
22/ L’idée d’appropriation suppose une réflexion sur la nature de cette appropriation et ses
causes.
221. Cette autoréférence doit être qualifiée :
Est-ce une autoréférence culturelle (cas de la Chalosse : Foie gras, de l’Europe comme un Occident
chrétien), politique ou religieuse (cas de l’Europe comme le berceau de la démocratie…), historique
(Cévennes, Vendée), naturelle (Chamonix)
► C’est donc une nouvelle forme de typologie, mais qui repose sur des représentations
► et dont le critère est souvent composite : Chamonix, c’est la nature, mais c’est aussi une culture
222. - Pourquoi cette appropriation ou au contraire cette non-appropriation?
►Si on reprend l’exemple de Rhône-Alpes et d’une non–appropriation : car création trop récente, car
milieu et histoire varié, opposition des savoyards, jalousie grenobloise, …
► Si on parle à l’inverse d’une appropriation, on doit au contraire rechercher pourquoi telle valeur apparaît
plutôt que telle autre pour comprendre les causes de cette appropriation Donc méthodologie suppose
l’analyse des discours, de façon à faire une étude identificatrice…et de comprendre l’espace de référence.
Donc des références par exemple à la sociologie et de nouveaux outils tels que le sondage
23/ L’idée d’appropriation suppose une réflexion sur les modalités de cette appropriation.
► Ce qui suppose de définir les moyens de cette territorialisation : qui fait quoi dans un espace et qui fait
que l’on se sent de tel ou tel espace ?
1
Bernard Picon : L’espace et le temps en Camargue. Actes sud 1988
24
Notion d’acteurs.
231/ Les deux types d’approche à privilégier : fonctionnelle et politique
 Dans les modalités, il y a donc toujours à un moment ou un autre une appropriation politique
On tombe donc sur la seconde acception du terme telle qu’elle a été formalisée en sciences po et en droit :
un territoire est un espace avec une autorité à la tête de cet espace (lois territoriales, extraterritorialité pour les ambassades, DST – direction de la sûreté du territoire)
Approche fonctionnelle : l’espace se crée par le jeu des acteurs économiques principalement, par le biais
des particularités de cet espace.
Si on reprend l’exemple de Rhône-Alpes conseil régional (approche politique), approche fonctionnelle (poids
de Lyon, réseau urbain !)
Si on prend l’exemple du sujet tombé en 2006 sur l’aménagement des territoires et ses acteurs :
nombreux documents : réseau TGV, mais aussi intercommunalité ….
Mais en même temps, certains acteurs jouent le rôle de frein (comme la présence de 2 académies dans
Rhône-Alpes)
On peut tenter de hiérarchiser, de localiser qui est le principal producteur de territoires, si c’est une
démarche qui vient d’en haut, imposée, ou qui vient d’en bas.
Cas de la régionalisation : cas français : par en haut ; cas espagnol, régionalisation par le bas
 Cas des États créés et dont les élites cherchent à créer peu à peu d’un nationalisme. Ils jouent à la fois
sur l’approche fonctionnelle (les réseaux de communication par ex) et l’approche purement politique.
- Cas du Bangladesh dont la capitale historique est Calcutta. L’appropriation ici nationale passe par des
acteurs divers (religion, sentiment anti-pakistanais, restructuration des transports autour de Dacca)
- Cas de la Bolivie… Le nationalisme bolivien est en partie né de la défaite de la guerre du Pacifique et de la
perte de la mer. Du coup, remise en cause de la capitale historique Sucre (discréditée, trop éloignée
d’Arica) et déplacement de fait à La Paz, capitale économique (grâce à l’étain d’Oruro) ; le symbole est
l’existence d’un musée de la mer à La Paz.
- Cas de la Mauritanie qui lorsqu’elle naît n’a aucune cohésion nationale (jusque là administrée par SaintLouis). On en promeut trois :
- un Islam orthodoxe (différent de Touba pour le Sénégal)
- Une route de l’espoir qui parcourt le Sud du pays et relie les principales agglomération (le réseau
était autrefois celui du Sénégal, désormais fleuve frontière)
- La création de toutes pièces d’une capitale Nouakchott, préférée à Nouadhibou (ex Port Etienne
trop excentrée)
Population de Nouakchott
1954 : 350 hab
1959 : 4 800
2005 : + de 1 million
25
232/ Ces acteurs sont-ils conscients ou non de leur rôle de production de territoire :
Ou sinon sont-ils guidés par leurs références culturelles, ce qui ouvre le champ de la géographie culturelle.
2 exemples :
► cas du Japon, étudié par A. Berque (pas un spécialiste des territoires, mais plus de la géographie
culturelle).
Problématique classique : manque de place. Et une façon classique de l’aborder par la géographie : 1/
Rudesse des conditions naturelles, 2/ Rôle de l’histoire post 1945.
Mais la représentation que les japonais ont de leur espace est différente. D’après Berque, les japonais
n’ont majoritairement pas cette vision ; ...et il y aurait même l’idée qu’ils ont utilisé moins de place que ce
qu’ils auraient pu utiliser : donc qu’ils auraient procédé à une concentration volontaire
(Double représentation de leur espace : utilisation par les japonais de l’image de la montagne comme une
forêt protégée par des animaux monstrueux qui interdisent l’utilisation par les hommes. Mais aussi image
de la rizière fréquemment présentée : le vide au milieu et les hommes sur les bords)
Ceci dit, pas évident que les japonais ont raison de croire ça (les raisons naturelles ont joué
objectivement) : simplement, ça a compté et ils se sont fait une représentation idéelle de leur espace.
►► Cas de la « parabole de Mexico1 » (considérée pendant 10 ans à tort comme la ville la plus peuplée au
monde) : les erreurs sur le recensement de Mexico de 1980 se replacent dans un contexte intellectuel (la
bombe D et l’explosion démographique) et modifient le comportement des acteurs durant une décennie :
mexicains et internationaux.
24/ la notion de territoire ne sous-entend pas d’idée de taille minimale
241/ Des tailles variables.
Le programme actuel de Première évoque d’ailleurs comme exemple de territoire : « l’État, la région,
l’agglomération, les « pays » ».
D’où la nécessité de réfléchir à ce qu’est un pays …
Ce peut être un tout petit espace et recouper la notion de « pays » : à savoir une unité de lieu de vie.
(cf l’exemple développé sur la Chalosse) Cette échelle va poser le problème des epci, des communautés de
communes… et des pays intercommunautaires, qui recoupent plus ou moins cette notion traditionnelle.
Á l’échelle africaine, c’est quoi un pays ? Territoires ethniques (Falaise du Bandiagara et la cosmogonie
Dogon) et leur compétition parfois sur le même espace (Mali : espace bozo du fleuve qui entre en
compétition avec les territoires des autres groupes ethniques du Mali
1
J. Monnet : la ville et son double. La parabole de Mexico. Nathan. 1993
26
Mais le territoire peut aussi correspondre à de grands espaces : on parle de territoire pour la France : le
territoire national. Ou pour des espaces beaucoup plus grands (les Territoires du nord ouest au Canada).
On retombe du coup ici sur a seconde acception du terme, acception plus commune.
Ce peut être enfin un espace encore plus grand comme l’Europe : au sens de l’UE bien sûr, mais aussi au
sens de continent : l’Europe n’est-elle pas un territoire, quand on voit les problèmes que pose l’adhésion de
la Turquie (considérée comme pas chrétienne…) ?
Sur ces questions d’échelle, il n’y a pas d’accord général.
242/ Certains ont proposé le concept d’aire culturelle
… pour les espaces les plus grands (selon Paul Claval « ensemble territorial homogène défini par un,
plusieurs ou la totalité de ses traits de culture »)
Nécessité quand même (on n’y reviendra pas) de faire le point sur cette notion, et « qu’est-ce que
l’Europe ? » est au programme des 4° et des 1° …
2421/ Aire culturelle et aire de civilisation ; histoire du concept
… En trois dates clés :
* Au départ le concept correspond à une vieille géographie du début du siècle et notamment de Ratzel
(mort en 1904) qui posait le problème des aires culturelles, à travers la lecture du nationalisme du XIX°
siècle. Chaque aire culturelle devait avoir un état à sa tête qui lui permette de vivre : fondateur de
l’espace vital
 Un thème repris par les nazis et gommé suite à 1945.
** Ce thème est réapparu en force dans le discours des géographes après 1989 sur le thème de l’Europe
(travaux de Michel Foucher, de J. Barrot, de Frémont)
*** Puis actuellement les discours lénifiants de Samuel Huntington 1 sur le « choc des civilisations » qui
sous-estiment totalement les tensions économiques (le Sud ?) et les tensions internes à chaque bloc…
Des analyses qui survalorisent le phénomène religieux
2422/ Le Cas de l’Afrique : quelles aires culturelles ?
► Quand on regarde la division du continent africain en grands ensembles en fonction du critère
civilisation, Samuel Hungtington sépare l’Afrique en 2 uniquement en fonction de la religion.
Le nord appartient à la « civilisation islamique », le sud à la « civilisation africaine » (ce qui pose des
problèmes de chevauchements et d’incohérences pour le Mali, le Sénégal… ?)
En revanche, les géographes français qui utilisent le concept dans leurs cours englobent toute l’Afrique
noire…ce qui n’est pas forcément mieux et peut revêtir une dimension quasi-raciste.
1
S Hungtington. Le choc des civilisations. Odile Jacob 1997
27
Les manuels scolaires ne sont-ils pas tentés par la simplification ?
(cf aussi les visions stéréotypées de l’Afrique)
Extrait du manuel de Terminale Nathan 1998 p 26 sur « le monde africain »
« Les sociétés africaines se caractérisent par une civilisation de l’oralité : conteurs, rôle de l’expression
corporelle et de la musique (…) : le jazz en est la manifestation la plus remarquable »
Tout ce qui est dit n’est pas faux en soi, mais c’est élevé au rang de critère pour un découpage du monde…
25/ L’idée d’emboîtements de territoires :
Important quand on va parler d’aménagement du (ou maintenant « des ») territoire(s) dans les programmes
scolaires ou dans une leçon
Une attente soulignée dans le rapport du jury 2006 :
- à propos de l’aménagement des territoires et ses acteurs (le doc 2 était un texte de Bernard Dézert :
« l’aménagement français s’insère-t-il bien en Europe »)
- à propos des littoraux de l’Afrique (dans une perspective épistémologique) : le rapport dit en substance
que le candidat devait définir le terme de littoral et comprendre ses différentes échelles
« Le terme de littoral devait donc, sans être réduit à ses aspects physiques ou à son rôle
économique, être défini dans toutes ses acceptions : étroites (rivage aménagé et exploité
de manière originale par les sociétés humaines, se différenciant nettement de l’intérieur
des terres) ou plus large (interface entre océan et continent, marqué par des formes
d’organisation spatiales spécifiques, liées au contact terre/mer et aux échanges de tous
ordres qu’il permet. Son application à l’espace africain permettait d’insister sur la
difficulté d’en poser des limites spatiales uniformes, et de discuter les choix retenus pour
la suite du devoir : rares sont les copies qui s’interrogent sur la position littorale du Caire,
sur les limites du littoral de l’Afrique du Sud, »
► Á l’échelle française : Commune dans la Communauté de communes dans le pays au sens de la DIACT (ca-d intercommunautaire), dans le département dans la région dans l’espace national dans l’Europe
Donc la problématique est de voir comment tout ça fonctionne ensemble. Car chaque échelon du pouvoir a
sa fiscalité propre, ses compétences… et ses objectifs parfois complètement contradictoires.
Exemple : le cas concret des Parcs régionaux 1
► Une question à la mode : celle du devenir des parcs régionaux avec l’intercommunalité : il y a 18 PR et
ils couvrent 30% de la zone de montagne en France
Si certains sont récents, se créent encore, le principe des parcs régionaux est néanmoins ancien et entre
en concurrence parfois avec les epci
► Les parcs ont des projets de développement (charte) avec des programmes d’action (donc de l’argent)
// Les epci peuvent soit se superposer avec le parc, soit s’emboîter complètement à l’intérieur, soit être
en chevauchement concurrentiel.
► Quelques exemples :
1
R. Lajarge : les territoires aux risques des projets. Les montagnes entre Parcs et pays. RGA 2000. Mais
aussi : Territoires au pluriel : projets et acteurs en recompositions. L’information géographique. 2002
28
- en Chartreuse, existence de multichevauchements avec des objectifs contradictoires.
- Parc du Lubéron, cerné par le développement de Manoque, Cavaillon, Pertuis et Apt, qui toutes
développent des logiques intercommunales de Pays, et encerclent le Parc, qui en conséquence est amené à
redéfinir sa mission dans le sens de l’environnemental
►► Mais la réalité des emboîtements est toujours plus complexe que ça, pour 3 raisons :
-
-
des communes n’adhèrent pas à la communauté historique (au pays), au parc.
Superpositions d’autres découpages (académies), superposition avec des référents historiques
(Dauphiné) Miiat (missions interrégionales interministérielles d’aménagement du territoire) Grand
Sud-est = RAlpes + Auvergne.
Superposition avec des réseaux, notion de polarisation : on se sent en gros dans la région lyonnaise
quand on est dans le sud de la Saône et Loire.
►►► D’où l’idée à la mode qu’il y a peu être trop d’échelons du pouvoir : donc on fait disparaître les
départements ?
Il s’agit en fait d’une vieille idée (rapport « vivre ensemble » de 1976 d’Olivier Guichard) mais le
département est un vrai territoire car très approprié : quand dans un sondage où on demande aux
gens de se présenter à un inconnu « vous êtes d’où ? » : la réponse est soit la ville (je suis de
Valence…même si je suis de Romans !) mais souvent la Préfecture, soit le département, parfois une
localisation en fonction d’un critère naturel (les Alpes, le midi) jamais la région !
26/ L’idée de limites des territoires :
La question n’est pas seulement de dire où ça s’arrête, mais pourquoi ?
3 cas :
261/ Les frontières. La géographie des frontières et ses problématiques propres
A priori, c’est le cas le plus simple ( ?) de territoire : un territoire limité par une frontière.
- La frontière : une discontinuité spatiale (2)
 Ce cas pose toutes les problématiques de la géographie des frontières (sa nature : toute frontière est
historique et pas « naturelle »), sa date de création, est-ce une frontière linguistique, culturelle…
Une des thématiques en Europe est celle de la Yougoslavie (Nombreux dossiers dans les manuels de
Première): ce qui n’est naturellement pas un hasard, car ça pose bien le problème des territoires et de la
territorialisation (et du territorialisme)
4 idées développées ici :
► On peut étudier ses particularismes et notamment le problème des enclaves : Llivia en France, surtout
Kaliningrad pour la Russie
L’enclave de Kaliningrad, révélatrice de l’évolution d’une perception de son territoire :
Un thème à la mode, qui peut s’intégrer facilement dans un sujet comme :
29
- Le fait régional dans l'Union européenne (1)
(Il s’agit d’un dossier souvent proposé dans les manuels en « mini-étude de cas » en première LES…Il y a
donc des docs à prendre.)
Causes : au départ un port russe, qui est vu de nos jours de façon différente par les russes et les
européens
Les Lithuaniens conformément à Schengen mettent en place passeport et visa pour les russes qui
passent
Europe considère K. comme zone de non droit, de blanchiment d’argent
// Rapport de l’UE qui propose de subventionner pour en faire un « Hong Kong européen »
Russe : proposition de couloir en Lituanie, sentiment de dépossession
Habitants de Kaliningrad partagés entre inquiétude et attirance pour l’Europe
En Afrique, problème du Cabinda (rattachée à l’Angola, mais au Nord de la RDC), ce qui se traduit par une
guérilla méconnue sur un territoire riche en pétrole
►► Les héritages liés à la frontière : les Sudètes, comme exemple de territoire approprié par une
communauté qui n’y habite plus…ce qui revient à poser le problème de toutes les diasporas)
►►► Les problèmes liés à la viscosité du territoire :
 Pose le problème de l’Europe qui renforce la viscosité du territoire…et donc le problème des régions
transfrontalières qui se développent, souvent dans un sens économique mais aussi culturel
// Sentiments territorialistes : il faut défendre son territoire…
 Intéressant en Afrique où sentiment national ne recoupe que partiellement la frontière, défendue et
par ailleurs traversée par des nomades
►►►► Le cas des frontières de l’Afrique
Il s’agit visiblement d’un thème à la mode, comme en témoignent plusieurs ouvrages en 2006 1
Les idées à développer sont :
- La préexistence de chefferies, de royaumes et d’empires : bref d’un découpage très différent.
- L’État contemporain est un modèle importé et repose sur un découpage arbitraire et surtout
extérieur. Les deux logiques qui ont présidé à ce découpage sont :
* Les États-tranche (Bénin-Togo)
* Le scramble (la ruée, puis le contrôle de l’axe). Ce qui a créé le problème des « queues de
poële »2
(de même en Europe : Croatie et sa bande littorale autour de Dubrovnik. Mais importance
en Afrique : la Gambie, les frontières de l’ex-Zaïre, la bande de Caprivi en Namibie)
1
Il y a notamment une « géopolitique de l’Afrique et du Moyen-Orient » chez Nathan SD Roland Pourtier,
et un ouvrage plus général, mais qui parle aussi beaucoup d’Afrique : « Le territoire est mort, vive les
territoires ». SD B Antheaume et F Giraut. IRD éditions
2
J. Alpini. De la naissance des territoires aux « queues de poêle » et autres écarts de forme.
Mappemonde. Sept 2003.
30
…Qui correspond souvent à une logique hydrographique : Le Congo Démocratique, la Gambie,
ou la bande de Caprivi pour la Namibie (le but : l’accès au Zambèze)
- l’OUA a décidé dès 1963 l’intangibilité de ces frontières, seul moyen d’éviter les conflits …et
l’idée est que ça marche : hormis quelques modifications locales, les seules grandes mutations sont
les Comores (Mayotte), l’Érythrée, le Maroc avec le problème du Sahara espagnol, le Somaliland
(non reconnu par la communauté internationale, mais qui existe depuis 1991)
- Une autre idée sur les frontières de l’Afrique est que, sur un continent marqué par le faible rôle
historique et la faiblesse des villes, « la frontière fait la ville »1 : présence de très nombreuses villesfrontières dotées de fonctions commerciales, mais aussi des villes en retrait vivant de la frontière :
1
La frontière et ses ressources : regards croisés. Jean-Luc Piermay. In « Le territoire est mort, vive les
territoires ». SD B Antheaume et F Giraut. IRD éditions 2006
31
Douala, dans le contexte de la littoralisation de l’économie camerounaise  les frontières participent à
l’invention de la ville en Afrique.
262/ Les territoires aux limites plus floues, sans frontières :
Ce qui pose des problématiques différentes que l’on peut appréhender par des logiques d’échelle.
► Pour les petits territoires :
Des problématiques à relier avec les nouveaux territoires.
Communautés de communes. Pourquoi telle commune ne fait pas partie de cette communauté là,
mais d’une autre ?
Pourquoi le parc régional s’arrête-t-il ici et pas là ?
►► Pour les grands territoires :
On retrouve des problématiques qui rejoignent souvent le champ de la géographie culturelle
Un thème classique est par exemple « quelles sont les limites de l’Europe ? » (UE : territoires ultrapériphériques)
Une question qui se pose aussi bien au lycée qu’en 4° :
Aire culturelle…les limites de l’Europe sont-elles celles de la géographie (Oural) ou celle des lieux où les
gens se sentent européens, ou celle des endroits attirés, polarisés par l’Europe, ou celle des lieux qui ont
un certain nombre de critères européens (chrétienté,…)
263/ Les problèmes des territoires éclatés.
2 exemples à deux échelles :
2631/ La notion du tiers-espace1 :
Une notion qui recoupe la notion de périurbain, mais un terme qui est introduit par les sociologues
(péri-urbain = espace appelé à rejoindre la ville, banlieue future en quelque sorte)
30 % de la population française environ
Or ces espaces ont :
- des besoins urbains en termes de services urbains (Internet en milieu rural, gaz de ville,
transport) sans avoir les caractéristiques de densité
- les caractéristiques du milieu rural, mais du fait de la sociologie des conflits de territorialité :
problème de la gestion des exploitations agricoles dans les tissus demi-denses, gestion des chemins
agricoles communaux
2632/ Les grands espaces éclatés :
Un territoire n’est pas forcément un espace uni.
► On peut citer les études de Joël Bonnemaison sur le Vanuatu1
1
M. Vanier : métropolisation et tiers-espace : quelle innovation territoriale ? Rencontres de l’innovation
territoriale
32
Un territoire qui est en fait un ensemble d’îles éparses, et les gens ont un système de relations inter-îles
le tout formant un espace social susceptible de coexister sur la même aire avec d'autres espaces sociaux
déterminant d'autres groupes
Donc on n’est pas classiquement dans un « pré carré », mais dans un système d’espaces emboîtés
►► On peut faire les mêmes remarques avec toutes les pratiques nomades2. Sauf que la sédentarisation
pose alors des problèmes : étude sur la création de la frontière Éthiopie – Érythrée : confrontation entre
un territoire nouveau, celui des dirigeants, et un territoire « d’en bas » qui est tout d’un coup
disloqué,alors qu’il correspondait de plus à un imaginaire
►►► Un cas particulier est donné par les diasporas, qui occupent un territoire immense (le monde
parfois) et ont :
- un territoire affectif très petit (diaspora libanaise, juive, arménienne)
- parfois une volonté territorialiste : Palestine ou Tibet libérés, Grand Israël, Grande Arménie autour de
l’Ararat
Donc le territoire est une notion complexe qui recoupe de nombreux aspects politiques, économiques,
mentaux mais aussi naturels
1
2
Les fondements géographiques d’une identité : l’archipel des Vanuatu. Orstom 1996.
Colloque de 1995 « le territoire, lien ou frontière ». L’harmattan 1999
33
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