Exemple de bonne copie (notée 18/20)
Sujet d’examen de S2 – Economie et société, juin 2007) :
Vous répondrez à la question suivante sous forme d’une petite dissertation de 5 pages
maximum (le respect de cette consigne fait partie de l’évaluation).
Une ou un candidat(e) à l’élection présidentielle déclarait (le 11 mai 2006), alors qu’on
l’interrogeait sur les mesures à prendre pour réduire la pauvreté : « Personne ne doit être pa
à ne rien faire. Or il y a maintenant des salariés précaires qui voient autour d’eux des gens qui
gagnent plus qu’eux sans travailler ». Un économiste lui a « répondu » dans un essai (octobre
2006) : « De toute façon, il manque en France 3 à 4 millions d’emplois et l’on en ajoute très
peu chaque années (moins de 100 000 au cours des années récentes). Donc, comment éviter
que des gens ne soient « payés à ne rien faire » ? Sauf à les laisser géter dans l’extrême
dénuement (…) ».
Expliquer comment l’un et l’autre de ces deux énoncés peuvent-être fondé en théorie, et
dégagez ce qui se trouve au cœur de la controverse entre ces deux « positions ».
Réponse :
Le chômage est aujourd’hui avec la question environnementale un des problèmes les plus
préoccupants de nos sociétés développées. Comment expliquer que dans nos sociétés
d’abondance perdurent chômage et précarité ?
La lutte contre le chômage que ce soit en France ou dans les pays voisins comme l’Allemagne
est devenue une priorité des gouvernements. Lutter contre le chômage nécessite d’en
comprendre les origines, les sources. Or, les économistes ne sont pas tous d’accord sur cette
question (sinon le problème serait déjà résolu). D’un côté la tendance néoclassique pense que
le chômage vient de rigidités empêchant la fixation concurrentielle du salaire au niveau qui
assure le plein emploi, ou d’un manque d’incitation au travail… C'est-à-dire que le chômage
est un phénomène volontaire, de l’autre les keynésiens et leur théorie du chômage
involontaire venant d’un niveau trop bas de l’activité économique. Ces interprétations
divergentes débouchent sur des solutions différentes au problème du chômage, mais surtout
nous ouvre la porte sur les deux grandes théories économiques et leur controverse. Partir de la
question du chômage est l’occasion de remonter plus loin, dans des questions plus nérales,
philosophiques même qui opposent les deux camps.
C’est pourquoi, après avoir explicité les fondements théoriques des deux citations qui nous
sont proposées et montré en quoi elles reflètent l’opposition entre les théories du chômage
volontaire et involontaire, nous remonterons progressivement dans les théories néoclassiques
et keynésiennes pour voir en quoi cela reflète une controverse beaucoup plus importante et
générale sur la nature de notre économie.
Dans la première citation, on retrouve l’idée que ne pas travailler pourrait permettre de vivre
mieux que certains travailleurs. En effet, le chômeur touche des aides : RMI, allocations
chômage, on peut considérer « qu’il est payé à ne rien faire » et peut largement profiter de sa
situation alors que d’autres, qui travaillent et touchent à peine le SMIC, ont du mal à joindre
les deux bouts. On imagine facilement que le faible écart entre ces deux situations pourrait en
tenter plus d’un de choisir le chômage plutôt que le travail. Cette situation a été théorisée et
porte le nom de trappe à inactivité. L’idée est que le chômeur touche des revenus de
remplacement : ce sont toutes les aides financières… mais il faut aussi ajouter qu’ils
bénéficient de 35 heures de loisirs en plus que le travailleur. Si ces revenus de remplacement
sont trop élevés par rapport aux petits salaires, alors, en bon agent économique rationnel,
l’individu opte pour le chômage plutôt que pour le travail. Pour réduire cette situation sur le
marché du travail, on pourrait dire qu’il suffit aux entrepreneurs d’augmenter les salaires afin
d’encourager à travailler. Oui, mais dans ce cas, d’autres employeurs emploieront moins et
nous retrouverons quand même le problème du chômage.
On a donc ici une théorie du chômage volontaire, à des revenus de remplacement trop
élevés qui engendrent un salaire réel trop élevé et donc du chômage.
L’autre citation elle nous explique que de toute façon, même si tous les chômeurs voulaient
travailler, ils ne le pourraient pas car il n’y a pas assez d’emploi. Aussi le chômage est-il
involontaire et on ne peut pas laisser ces gens sans rien car ils n’ont pas choisi leur sort.
On rejoint ici les thèses du chômage involontaire développées par Keynes dans théorie
générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie en 1936. Le chômage là aussi se caractérise
par un salaire réel trop élevé mais cela n’en est pas la cause. Les travailleurs n’ont aucun
moyen d’influencer le niveau de salaire réel car celui-ci se fixe sur le marché des biens et des
services en fonction de l’offre et de la demande de biens que les entreprises tentent d’ajuster
au niveau d’emploi et de production. Si le salaire réel est trop élevé c’est que la demande
effective est insuffisante pour assurer le plein emploi et donc le salaire réel se fixe à un niveau
supérieur à celui qui assure le plein emploi, mais qui permet aux entrepreneurs de réaliser leur
pari. Il n’existe qu’un seul niveau qui le permet, c’est celui de la demande effective, et il
n’assure pas forcément le plein-emploi : le chômage est donc involontaire
Cette controverse sur la question du chômage reflète des oppositions bien plus importantes
entre néoclassiques et keynésiens. Notamment sur la nature de l’économie dans laquelle nous
vivons. Pour les néoclassiques, nous vivons dans une économie de marché caractérisée par
l’équilibre général et la coordination des agents économiques. Tous les marchés sont en
équilibre y compris donc celui du travail. Pour Keynes, nous vivons dans une économie
capitaliste où le problème central est la réalisation des projets de l’entrepreneur. Il est possible
que la réalisation de ces paris n’entraîne pas le plein-emploi car les entrepreneurs n’ont
besoin d’être en équilibre qu’avec eux-mêmes. Ils ajustent le niveau de l’emploi et de la
production de manière à égaliser l’offre d’épargne des ménages et leur demande
d’investissement afin d’être assuré que toute leur production trouvera des débouchés au prix
voulu. Le niveau de production se fixe au niveau qui équilibre la demande effective. Pour
Keynes, il n’existe qu’un seul niveau qui le permet car il n’existe pas un marché des fonds
prêtables qui égalise l’offre et la demande d’épargne. Cette théorie de la demande effective
s’oppose à celle de la loi de Say qui régule tout le système néoclassique.. Dans ce système, le
marché des fonds prêtables assure par l’ajustement du taux d’intérêt l’égalisation de l’offre et
de la demande d’épargne si bien que ce qui n’est pas consommé est investi et qu’il ne peut
donc pas y avoir de problèmes de débouchés : l’équilibre est atteint pour chaque niveau de
prix ou de l’activité économique, ce qui n’est pas le cas chez Keynes. On peut se demander
pourquoi il n’y a pas de marché des fonds prêtables chez Keynes : c’est parce qu’il réfléchit
dans une économie monétaire. Une fois les revenus et profits versés, le consommateur et
l’entrepreneur en font ce qu’ils veulent. Pas besoin de coordination sur un quelconque marché
de fonds prêtables comme le pensent les néoclassiques. Chacun décide librement de ce qu’il
va consommer, prête aux entreprises, ou investi, sans se soucier des souhaits des autres. C’est
la que se situe la principale différence entre les deux théories : la décoordination de la
monnaie.
Voila comment à partir d’une question actuelle et les réponses qui y sont apportées, on a pu
remonter aux fondements de la controverse entre néoclassiques et keynésiens. Plonger dans
ces théories nous a aussi permis de comprendre les différentes mesures prônées par les deux
camps. D’un côté, il faut revaloriser le travail, de l’autre, il faut relancer la demande effective.
Aujourd’hui, c’est l’analyse néoclassique qui guide les politiques de l’emploi et des mesures
telles que la prime pour l’emploi… Il est vrai que certains font le choix du chômage, mais
cette théorie est réductrice et fausse car elle ne prend pas en compte le rôle social du travail
qui explique par exemple que la majorité des gens ayant passé plus d’un an au chômage
recommencent à travailler avec un salaire inférieur a celui qu ils avaient avant.
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