Partie 2 : La petite enfance jusqu’à 3 ans (3h) Plan : 1. Vie prénatale et naissance 2. Développement psychomoteur chez le nouveau-né jusqu'à 3 semaines 3. Développement psychomoteur chez le nourrisson jusqu'à 1 an 4. Développement psychomoteur de l'enfant entre 1 et 3 ans 5. Perception, cognition, intelligence sensori-motrice (Piaget) 6. Développement du langage oral 7. Les interactions sociales 1.Vie prénatale et naissance a)Les grandes phases de la période de gestation. La période de gestation pour l'espèce humaine est de 38 semaines, environ 265 jours. Cette période est divisée en trois phases qui sont de durées inégales : la phase germinale, la phase embryonnaire, la phase fœtale. La phase germinale : de la conception jusqu'à l'implantation dans la cavité utérine, environ 8 ou 10 jours après la fécondation. Le “zygote”, l’œuf fécondé, se déplace le long de la trompe de Fallope. Lorsqu'il va atteindre l'utérus, l'organisme est alors un “blastocyte” qui est composé d'une centaine de cellules, ensemble constitué à partir de deux cellules uniques et originelles. Ces deux cellules sont les gamètes, l'ovule et le spermatozoïde. Elles vont dans un premier temps s'unir puis évoluer (portant en elles toute la potentialité de l'évolution ontogénétique) en suivant la programmation génétique (gènes présents sur les chromosomes portés par les deux gamètes). Les cellules vont à la fois se spécialiser (à partir des « cellules souches) au cours de l'embryogenèse, mais aussi se multiplier à un rythme considérable (phénomène de “mitoses” cellulaires). La phase germinale ou « pré embryonnaire » correspond à la nidation de l’œuf, au clivage et à la segmentation puis à la mise en place des trois « feuillets embryonnaires » qui sont à l’origine des différents constituants du corps humain : - L’ectoblaste prépare la construction du système nerveux central, du système nerveux périphérique et de l’enveloppe corporelle du bébé. - L’endoblaste prépare la construction des organes internes : respiratoires digestifs, etc. - Le mésoblaste prépare la construction des tissus de remplissage et de soutien : le squelette, les muscles, le système circulatoire, l’appareil reproducteur, etc. La phase embryonnaire : de l'implantation du zygote jusqu'à huit semaines de gestation. Pendant cette période, tous les organes de base (ceux régissant les fonctions vitales en premier lieu) prennent forme et l'embryon commence à répondre à certaines stimulations. Le fœtus commence à s'ossifier. Cette période est aussi caractérisée par le développement placentaire en parallèle. C’est donc pendant ces deux premiers mois que vont apparaître les formes définitives du corps et des organes. Le processus de neurulation correspond à la construction de l’axe cérébro-spinal : le cerveau avec ses différentes vésicules et la moelle épinière. Il faut également noter que le développement de l’œil (la rétine et le nerf optique) apparaît étroitement lié à celui du système nerveux. A quatre semaines, le cerveau a déjà trois vésicules, le cœur bat. Il y a déjà une ébauche de la rétine, des vaisseaux sanguins et des membres. Entre 5 et 7 semaines, les cinq vésicules du cerveau sont présentes, la moelle épinière s’organise et les cavités cardiaques apparaissent. L’œil et la rétine sont formés, la différenciation sexuelle apparaît. A huit semaines de vie, l’embryon humain mesure 9 centimètres et pèse 20 grammes. Il possède déjà toutes les caractéristiques de l’être humain. On peut ainsi distinguer sa tête, ses organes sensoriels, et même ses doigts et ses orteils. Par le toucher, le fœtus établit déjà des contacts avec la paroi utérine et les différentes parties de son corps, selon les déplacements de sa mère et les siens propres. A ce stade, il suce aussi déjà son pouce. A la fin de cette période, on considère que la mise en place des organes et la morphogenèse (formes du corps) sont en phase d'achèvement. La phase fœtale : de la neuvième semaine jusqu'à la naissance. La phase fœtale poursuit la différenciation des tissus et l’affinement des organes. C’est au cours de cette période que les différents organes sensoriels vont progressivement entrer en fonction et que se produit l’essentiel de la croissance en poids et en taille du fœtus. Les divers organes vont aussi amorcer leurs activités et le système nerveux central va débuter une phase majeure de son développement. Ces évolutions sont finement décrites dans l'étude de l'embryogenèse. Par ailleurs, il est intéressant de constater que ces évolutions retracent certaines modifications ayant eu lieu lors de la phylogenèse (développement de l'espèce). Le système nerveux se compose essentiellement de deux types de cellules : les neurones et les cellules gliales. A ce stade, le fœtus devient plus actif et il s'engage dans des activités plus variées. Des mouvements peuvent alors être perçus par la mère à la fin du quatrième mois. Une partie de l'activité motrice du fœtus est dite “endogène”, c'est à dire provenant du système interne lui-même ; il s'agit dans notre cas du système de maturation en lui-même, de nature neurologique, anatomique et physiologique. Une autre partie de l'activité apparaît comme la résultante des stimulations environnementales. A partir de trois mois de grossesse, l’entrée en fonction des différents organes sensoriels se fait progressivement, en fonction du déroulement du processus de myélinisation (la myéline entoure les fibres nerveuses pour accélérer les signaux nerveux). Il faut aussi noter que ce processus est plus rapide au niveau des voies sous-corticales (à l’origines des activités réflexes, automatiques) qu’au niveau cortical (en lien avec les activités volontaires, intentionnelles). A trois mois, la fréquence des mouvements de déglutitions du fœtus augmente si on injecte des substances sucrées dans le liquide amniotique. Une sensibilisation à certaines saveurs ou odeurs (par exemple le Curry) induit des préférences post-natales. A quatre mois de vie intra-utérine, le fœtus mesure 20 cm et pèse 200 g. L’activité neuromusculaire peut commencer à se manifester. Les premiers mouvements brusques du fœtus peuvent alors être ressentis par la mère. La mise en service des organes sensoriels va s’établir dans l’ordre suivant : sensibilité cutanée, (toucher, chaleur, douleur) sensibilité proprioceptive (définition : perception consciente ou non de la position relative des parties du corps les unes par rapport aux autres) sensibilité vestibulaire (le vestibule est un organe permettant l’équilibration du corps) sensibilité gustative sensibilité olfactive sensibilité auditive sensibilité visuelle. A six mois, le fœtus mesure environ 37 cm et pèse prés d’un kilogramme. A cet âge, une naissance prématurée ne compromet pas sa vie si elle est prise en charge par un service médical compétent. Mais il est encore loin d’avoir acquis tous les éléments nécessaires à une survie sans difficultés aucune. Ses organes sensoriels ne fonctionnent que de façon élémentaire. Ses poumons ne présentent pas toujours un degré de maturation suffisant pour lui assurer une autonomie respiratoire. A la fin de la grossesse, c’est à dire à 41 semaines, le bébé mesure environ 3.2 Kg et il mesure environ 50 cm. Pendant la vie prénatale, le fœtus est indirectement affecté par les évènements touchant l'organisme de sa mère. Parmi les agents « tératogènes » (signifie textuellement « pouvant produire un monstre ») les plus connus, on note les virus comme le VIH-Sida et la rubéole. L'alcool et le tabac sont deux autres agents tératogènes souvent sous estimés. La consommation de tabac induit par exemple une accélération du rythme cardiaque du fœtus dès que la mère fume une cigarette. On note également une augmentation du risque intracrânienne. Une consommation régulière de tabac pendant la grossesse peut provoquer un retard de croissance intra-utérin et un risque accru de naissance avant terme. L’alcool a la propriété de traverser très aisément la barrière placentaire. En conséquence, les concentrations d’éthanol dans le liquide amniotique atteignent rapidement des valeurs comparables à celles du sang maternel. L’alcool affecte aussi le développement du système nerveux et ce d’autant plus que le foie et le rein du bébé sont immatures et ne peuvent éliminer l’éthanol. La consommation nulle d’alcool est donc la recommandation la plus raisonnable. Le Syndrome d’Alcoolisation Fœtale est la manifestation la plus sévère de la consommation régulière d’alcool pendant la grossesse. Ce peut être aussi la conséquence d’une consommation excessive ponctuelle. On observe dans ces cas (le SAF) un déficit cognitif, des troubles de l’attention, une instabilité psychomotrice. En France, le SAF est ainsi la première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. Organes et stimulation sensorielle - Audition prénatale : Etant données les connaissances actuelles sur la maturation des voies nerveuses et l’achèvement des organes sensoriels, on peut raisonnablement avancer qu’à partir de 6 mois de vie intra-utérine, le fœtus peut aisément entendre. Pour vérifier cette idée, il faut soit s’intéresser au bébé prématuré, soit observer le fœtus en milieu intra-utérin. Si, en théorie, des sons peuvent provoquer une excitation des organes de l’audition et une transmission de l’influx nerveux au cerveau, on ne peut pas vraiment savoir si le cerveau du fœtus lui permet de traiter l’ « information » nerveuse et de réellement l’intégrer, sauf dans les cas où le bébé montre par son comportement qu’il reconnaît un son déjà entendu parmi d’autres sons. Puisque l’observation d’un bébé né à six mois de grossesse montre qu’il réagit aux sons, on peut en conclure qu’il est capable d’entendre. Mais il est beaucoup plus difficile de savoir dans quelles mesures le bébé discrimine et analyse ce qu’il entend. Il est par ailleurs probable que l’expérience auditive contribue à l’accélération de la maturité fonctionnelle (fonctions cérébrales). Elle pourrait en effet favoriser le développement et la différenciation du cortex auditif, et serait susceptible de déterminer des préférences auditives à la naissance. On peut maintenant s’interroger quant à la nature des sons entendus par le fœtus : tout d’abord, il s’agit des battements cardiaques de la mère, de ses bruits intestinaux et vasculaires, mais aussi de certains bruits externes (réactions de sursaut à un bruit fort par exemple), y compris la voix humaine et la musique. La perception de ces bruits dépend directement de la fréquence de ceux ci : seuls les sons graves inférieurs à 1000 Hz, comme ceux du métro ou d’un avions, semblent pouvoir traverser aisément les obstacles fœto-maternels. La voix humaine étant comprise entre 200 et 4000 Hz, certaines fréquences supérieures à 1000 Hz (surtout les sons graves donc d’une fréquence relativement basse, par exemple la voix masculine) peuvent être entendus par le Fœtus mais à condition que leur intensité soit suffisamment élevée. Concernant la voix maternelle, elle apparaît particulièrement privilégiée par rapport aux autres voix humaines, même par rapport à celle du père. La voix maternelle a la caractéristique essentielle de se propager à la fois par le milieu externe (véhiculée par l’air dans le monde extérieur) et par le milieu interne (organismes de la mère et du fœtus). La voix maternelle a aussi la propriété fondamentale d’être d’exposition permanente pour le fœtus au long de sa vie prénatale et postnatale. Nous verrons par ailleurs que la voix maternelle déclenche une orientation préférentielle des nouveau-nés. - Vision prénatale : Etant donnée la précocité de la maturation organique et nerveuse de l’appareil visuel, on peut donc penser que sa fonctionnalité est elle aussi précoce. Mais l’étude de la perception visuelle du fœtus est particulièrement difficile puisqu’il est plongé dans un environnement pour le moins obscur. L’observation de l’enfant prématuré peut néanmoins apporter des informations significatives : l’enfant prématuré de 6 mois voit, c’est à dire qu’il se tourne vers une source lumineuse qu’il peut suivre du regard si elle est suffisamment brillante et si le mouvement n’est pas trop rapide. On note aussi qu’il réagit aux très fortes stimulations lumineuses par la fermeture des yeux. Si le fœtus est vraisemblablement capable de voir, il ne trouve guère dans l’utérus maternel de quoi exciter son système visuel. Mais il faut pourtant noter qu’on peut voir le fœtus fermer les yeux à partir du 6ème mois. Il est possible qu’une intensité lumineuse très forte sur le ventre de la mère produise une variation lumineuse dans l’environnement visuel du bébé. Il est alors probable que cette lumière lui apparaisse rouge puisqu’elle traverse les tissus maternels, dont on sait qu’ils sont très irrigués (nombreux vaisseaux sanguins). On peut donc conclure que le système visuel du fœtus est sans doute fonctionnel de façon précoce (et encore loin d’être définitivement achevé) mais que le fœtus n’a que très peu d’occasions d’en faire usage avant la naissance. - Gustation et olfaction prénatale : Il semble que le système gustatif soit fonctionnel à partir de trois mois de vie utérine (sensibilité au goût sucré par exemple en injectant des substances directement dans le liquide amniotique). Il faut aussi noter que le fœtus boit habituellement le liquide amniotique. Le sucré augmente la fréquence de déglutition du fœtus ; le goût amer, en revanche, a tendance à le ralentir. On sait aussi qu’en fin de grossesse de fortes substances aromatiques dans les aliments maternels (comme le curry) peuvent parvenir au bébé par l’intermédiaire du liquide amniotique. Ces phénomènes déterminent sans doute des valeurs gustatives préférentielles dans la période postnatale. Concernant le système olfactif, il faut remarquer que le fait que le fœtus baigne dans un milieu liquide n’est pas une condition propice au développement de cette modalité sensorielle, qui, à l’évidence, déploie toutes ses potentialités en milieu aérien. C’est donc après la naissance que ce système doit entrer pleinement en fonction, avec notamment une appétence particulière pour les odeurs maternelles. Il n’est cependant pas exclu que certaines molécules odorantes puissent imprégner les muqueuses olfactives, et qu’elles puissent ainsi influencer des préférences olfactives ultérieures. - Le toucher en phase prénatale : Il a été prouvé qu’à partir de 9 semaines des stimulations de certaines parties du corps peuvent provoquer des réponses motrices, et cela est particulièrement vrai pour les régions de la face ou celles des paumes de la main. Dans le milieu intra-utérin, le toucher du fœtus a de nombreuses occasions d’être stimulé, à la fois en raison de ses propres mouvements mais aussi en fonction de ceux de la figure maternelle. D’ailleurs, la peau du fœtus est sans cesse effleurée par le liquide amniotique et la pression du muscle utérin devient de plus en plus forte à mesure que le fœtus se développe, rendant plus prégnante la sensibilité au toucher (contact, vibrations rythmiques, etc.) dans le corps de la mère. Les différentes réactions tactiles observables ne nous apportent pas d’information sur la tonalité affective de ces stimulations, qu’elle se situe dans le domaine de l’agréable ou du déplaisir. Il n’est pas non plus aisé de vérifier que le fœtus perçoit la douleur, même s’il semble que cela soit bien le cas. En revanche, dès la naissance, même prématurée, le nouveau-né réagit à la douleur par des réactions motrices d’évitement, par des cris et des pleurs. Il réagit aussi aux affleurements ou aux caresses qui entraînent une détente musculaire et des réactions d’éveil. La maturation du système sensoriel rendant la perception du toucher et de la douleur possible, il a donc toutes les raisons de penser que le bébé ressent les stimuli selon ces deux modalités et réagit différemment selon leur fréquence et leur intensité. Remarques : Il reste néanmoins difficile d'affirmer que la naissance chez l’enfant prématuré n’est pas le déclencheur de toute une potentialité sensorielle, à travers le bain de stimulation qui accompagne l’arrivée dans le monde extérieur : auditives, olfactives, gustatives, tactiles et, bien entendu, visuelles. Sachant que ces stimulations activent intensément le système sensoriel, nous ne pouvons donc pas vraiment tirer des conclusions certaines quant aux aptitudes effectives du fœtus de même âge (par rapport au bébé né 3 mois avant terme). La naissance pourrait ainsi apparaître comme le révélateur de capacités qui restent présentes mais sous une forme latente chez le fœtus in utero. Une chose est certaine : la naissance amorce de façon radicale le perfectionnement des composantes sensorielles du nouveau-né. - Rôles des stimulations sensorielles chez le fœtus : On admet actuellement que les stimulations sensorielles contribuent à sélectionner certaines connections synaptiques (la synapse établit un lien complexe entre neurones, c’est le lieu de transmission du message nerveux), ce qui fait référence à la théorie de Changeux (1983) : en effet, le passage répété de l’influx nerveux dans certaines synapses les consolident alors que des synapses non utilisés finissent par disparaître. Ainsi, au cours de l’épigenèse (aspects du développement se manifestant au niveau du réseau de connections neuroniques, indépendamment de l’expression du patrimoine génétique), se constitue un réseau de neurones très riche mais provisoire : il y a en effet élimination des circuits neuronaux non exploités et une augmentation progressive de l’ordre (organisation) du système neuronal. On parle alors de stabilisation sélective des synapses. Cette évolution est le fruit de l’expérience individuelle et aboutit à la construction d’un réseau tout à fait spécifique pour chaque individu. Ainsi, même des vrais jumeaux ne disposent pas d’un même réseau identique. Comme nous venons de la voir, l’épigenèse apparaît comme une donnée essentielle pour traiter des facteurs déterminants le développement de chaque individu. On se doit d’admettre que tout n’est donc pas programmé d’avance par les données génomiques, au cours de l’embryogenèse comme dans le développement ultérieur. Dès que les organes sensoriels sont achevés et qu’un influx peut circuler dans les structures nerveuses chez le fœtus, sa perception des stimulations sensorielles devient possible. Il est en revanche plus difficile de savoir si les informations provenant des sens sont unifiées sous forme de perceptions et traitées par le cerveau à un niveau d’intégration supérieure qui pourrait mettre en oeuvre, par exemple, des capacités d’apprentissage proprement dites. La possibilité d’un apprentissage prénatal a été démontrée mais elle est sans doute surestimée car il faut tenir compte du degré de maturation anatomique et nerveuse des différents systèmes sensoriels : celui ci doit être suffisamment élevé pour que l’information parvienne et soit intégrée au niveau du système nerveux central. On sait aujourd’hui que le message nerveux chez le fœtus circule lentement (absence puis construction lente de myéline autour des fibres, condition d’un message de conduction rapide) et que les réactions aux stimulations sont elles aussi lentes. Il est donc inutile (et peut être même nocif) de « bombarder » le fœtus de stimulations intenses et répétées. Les stimulations sensorielles ont donc un rôle à jouer concernant la mise en place des sélectivités neuronales (vu précédemment) mais aussi des différentes fonctions, en facilitant l’apparition des comportements correspondant (à ces fonctions) : c’est l’hypothèse de la facilitation qui permet d’expliquer que l’âge d’apparition d’un comportement dépend en partie de l’expérience vécue, et donc des différents modes de stimulation sensorielle. Si de telles stimulations ne sont pas présentes, le comportement se manifestera tout de même, mais dans une période différée. Si elles sont présentes et effectives, alors elles vont favoriser la mise en oeuvre des structures anatomiquement achevées qui vont ainsi devenir progressivement fonctionnelles et se perfectionner sous l’impulsion de l’expérience. Un excès de stimulations risquerait en réalité d’aboutir un résultat développemental inverse : devant des stimulations trop intenses, nombreuses et complexes, le fœtus aura tendance à se couper de ces sollicitations, trop difficile à appréhender et donc, sans doute, représentant une certaine menace pour son intégrité psycho-corporelle. b)Mémoire fœtale La présentation régulière de certains stimuli pendant la vie foetale, ou leur association avec des événements agréables ou désagréables, peuvent entraîner leur mémorisation, avant et après la naissance, mémoire qui constitue une certaines « continuité mnésique transnatale ». En effet, la persistance de certains comportements entre la période néonatale et la naissance signe ce qu'on appelle la « continuité fonctionnelle transnatale ». Nous avons déjà évoqué la mémorisation des saveurs et des odeurs, à l’origine d’orientations sensorielles spécifiques. Nous pouvons ajouter qu’après la naissance, des bébés nourris au biberons manifestent après les quinze premiers jours une nette préférence pour l’odeur du sein maternel par rapport à celle d’une femme non allaitante ou une situation sans odeur. Par ailleurs, des bébés ayant séjournés prés d’un aéroport dès le cinquième mois de leur vie fœtale ne se réveillent pas lorsqu’ils sont exposés à un bruit d’avion émis près de leur oreille, alors qu’il pleurent lorsqu’ils sont explosés à une séquence musicale de la même intensité. Les nouveau-nés manifestent par ailleurs des préférences spécifiques pour la voix de leur mère par rapport à celle d’une autre femme, et pour la langue maternelle (quel que soit le locuteur) par rapport à une autre langue. Les stimulations fœtales contribuent au fonctionnement des voies nerveuses correspondantes, entre sensorialité et motricité. La continuité transnatale (mémoire sensorielle et perceptive) facilite ainsi le développement des interactions et le tissage des liens sociaux : le bébé s’apaise par exemple en reconnaissant des stimuli familiers comme la voix de ses parents ou l’odeur de sa mère. Certains comportements qui auparavant semblaient innés (par exemple la localisation du mamelon) sont aujourd’hui reconnus comme étant le résultat d’apprentissages prénataux, processus inscrits dans la réalité d'une première phase d'existence archaïque. c) Développement vestibulaire et motricité prénatale Le système vestibulaire, responsable de l’équilibre, se situe dans l’oreille interne, où se trouve également la cochlée, organe de l’audition relié au cerveau par le nerf optique. Il est composé des canaux semi-circulaires labyrinthiques, d’où proviennent les informations kinesthésiques (le mouvement) selon les trois axes de l’espace, x, y et z. Il semble que les canaux semi-circulaires puissent entrer en fonctionnement dès les premières semaines de la vie intra-utérine. Il faut noter que le système vestibulaire est stimulé en permanence par les effets de la pesanteur, par les mouvements de la mère ou par les propres mouvements du bébé dans l’utérus maternel. Certains auteurs avancent que ce système intervient même en première ligne dans le déclenchement de l’accouchement. Comme nous l’avons déjà vu, les mouvements de l’embryon puis du fœtus sont très précoces et constants : on observe d’abord des contractions musculaires réflexes (automatique donc involontaires) anarchiques, puis, au rythme des constructions neuronales, des mouvements plus nets et plus cohérents deviennent observables ; ceux ci sont ressentis par la mère vers le 4ème mois de grossesse. Le rôle de cette activité motrice spontanée sur le développement neuromusculaire (commandes nerveuses des muscles) est primordial. L’activité motrice réflexe se développe sous l’effet conjugué de la maturation et de l’exercice en étant intégrée dans les réactions réflexes. Elles peuvent être mises en évidence chez le nouveau-né à terme, et parfois même, chez le fœtus. d)L'évènement de la naissance Le passage de la vie prénatale à la vie extra-utérine est une phase assez brusque (certains auteurs comme Freud et Rank parlent même d'un vrai traumatisme originel), mais l’enfant est normalement constitué pour y faire face sans trop de difficulté. Pour les parents et surtout pour la mère qui le porte, la naissance est l'évènement marquant le passage de l'enfant imaginaire à l'enfant réel, constituant une véritable collision entre représentations (images souvent idéalisées, grande teneur symbolique dans le changement générationnel, etc.) et réalité (parfois source de désillusion, difficulté à accepter le handicap sans une grande culpabilité, etc.). Pendant la grossesse, l'enfant est pensé, rêvé, fantasmé... Suite à la naissance, l'enfant imaginaire ou symbolique ne disparaît pas, prenant parfois, dans les cas malheureux, plus de place que l'enfant réel, placé alors dans l'ombre d'un idéal non atteint. Il y a rencontre (et parfois « collision » ou « confusion ») entre l’enfant imaginaire, l’enfant idéal et l’enfant réel. C’est à partir de cette complexité que l’enfant devra se trouver un « cheminement » identitaire. La situation est par exemple plus compliquée lorsque le nouveau-né constitue un enfant de remplacement, et que le souvenir « fantomatique » de l'enfant précédemment décédé devient aliénant. Cette fixation (référence au deuil et à la « crypte » d’Abraham et Torok, dans l’écorce et le noyau, 1977), si elle n’est pas identifiée et si le deuil n’est pas en voie de résolution, peut inconsciemment amener les parents a considérer leur bébé comme une forme de copie ou, au contraire, comme le négatif de l’être perdu dans le passé. Pour les parents, dans tous les cas, il s'agit progressivement d'accepter l'enfant tel qu'il est, et, par le biais de l'éducation, de lui transmettre des valeurs spécifiques (microculturelles, culturelles) tout en laissant développer librement ses potentialités propres. Sur un plan somatique, l’autonomie respiratoire, l’élimination autonome de ses propres déchets et les activités alimentaires représentent les aspects essentiels d’un premier degré d’adaptation au monde extra-utérin. Venant d’un univers caractérisé par l’harmonie et la réponse facilitée à ses besoins, le petit enfant doit acquérir de nouvelles capacités autonomisantes pour survivre dans un monde radicalement différent, fait de surprises et, en corollaire, d’ajustements permanents. Il faut cependant remarquer que de telles « agressions » du bébé par son propre milieu jouent un rôle positif, et qu’elles déclenchent même certains automatismes (psychiques et organiques) de survie, au service de son adaptation immédiate et ultérieure. Le petit enfant doit ainsi passer d’un monde constant à un monde changeant : d’un milieu liquide à un milieu gazeux, d’une température constante à une température plus variable et plus froide, d’un niveau de stimulation relativement faible à un niveau bien plus élevé, tous les sens étant sollicités par des stimulations qui ne sont plus désormais amorties, contenues, pondérées par l’enveloppe utérine et l’ensemble symbiotique mère-fœtus. Ce premier enveloppement protecteur pourra, comme nous le verrons plus loin, servir de métaphore pour des élaborations théoriques sur la contenance psychique au cours du développement. En effet, si ce système de protection de premier ordre s’efface au moment de la naissance, l’enfant devra ensuite développer d’autres mécanismes (d’autres enveloppes protectrices) d’un niveau adaptatif de plus en plus élaboré au fil de son développement. La « mère environnement » est ainsi présente pour favoriser ces évolutions, pour l’ouvrir vers des repères extérieurs tout en satisfaisant ses besoins vitaux. Les conditions d’un accouchement sans violence ont pour but d’assurer une transition plus douce de l’utérus maternel à la vie aérienne, pour l’enfant comme pour sa mère. Elles consistent en une atténuation des stimulations qui parviennent à l’enfant dès qu’il est né : atténuation des lumières et du bruit ambiant, des odeurs, des manipulations franches ou brutales (qui excitent les systèmes labyrinthique et tactile), en favorisant une autonomisation progressive de son système circulatoire et respiratoire (section différée du cordon ombilical). Le placement du bébé juste né sur le ventre de sa mère, puis dans un bain chaud où il peut se déployer et se détendre, la possibilité qui lui est offerte de téter le sein de sa mère, sont autant d’occasions d’entrer progressivement et en douceur dans le nouvel environnement. Concernant les différentes modalités de l’accouchement, marquées par la culture environnante, (anesthésie ou non, acceptation et possibilités de césarienne, positions, lieux, entourages, etc.), il n’y a pas de norme à imposer. La liberté personnelle peut alors s’exprimer en passant par un choix informé parmi plusieurs cadres possibles. e) La prématurité C'est l'âge de gestation et donc l'âge neurologique, et non le poids, qui importe pour comprendre la prématurité : on parle de prématurité si la naissance a lieu avant 37 semaines. Le seuil de viabilité est autour de 6 mois de vie intra-utérine. Dans cet intervalle, plus la naissance est précoce, plus le nombre de difficultés est important. En premier lieu, l'absence d'autonomie respiratoire ne lui assure pas l'oxygénation indispensable à sa survie, pouvant créer des lésions cérébrales irréversibles. C'est pourquoi l'assistance respiratoire est instaurée dans le cas d'une insuffisance. D'autres problèmes peuvent s'ajouter à ces carences, liés à une immaturité des systèmes circulatoires, digestives, immunitaires, ou associés à des causes de déclenchement de l'accouchement : infections maternelles par exemple. Ces dernières années, on a observé une diminution notable du taux de prématurité, grâce à une politique efficace de prévision. De plus, la grande majorité des prématurés, s'ils sont bien pris en charge, ne garde aucune séquelle neurologique ou cérébrale de leur prématurité. Par ailleurs, dans une perspective de prévention d'une perturbation des relations mère-enfant, il s'est développé une politique d'accueil des parents dans les services de néonatalogie : maintien des liens directs mère-enfant, association précoce des parents aux soins du bébé; sortie dès que possible, etc. 2.Développement psychomoteur chez le nouveau-né (jusqu'à 3 semaines) a) utilité et destinée des réflexes Un réflexe est une réaction ne dépendant d'aucun apprentissage préalable. On peut donc parler de réponses inconditionnelles. On a déjà souligné l'état d'immaturité et la dépendance du petit d'homme à la naissance par rapport aux autres mammifères. Aussitôt né, le bébé est capable de respirer automatiquement, de téter (s'éveille 7 à 8 fois par jour pour cette activité), de déglutir et d'expulser le méconium de son intestin. Les nouveau-nés présentent une série de réflexes supplémentaires : Réflexe de succion : mouvement de succion lorsqu'on place un objet dans la bouche du bébé. Réflexe des points cardinaux : le nouveau-né tourne la tête lorsqu'on lui stimule la joue. Réflexe de Moro : le bébé ouvre les bras en croix quand on simule une chute ou lorsqu'il y a un bruit soudain. Réflexe de préhension : le bébé serre fermement un objet ou un doigt lorsqu'on lui place dans la main. Réflexe de marche : le bébé lève les jambes l'une après l'autre lorsqu'il est maintenu debout sur une surface plane Certains réflexes ont une valeur adaptative et participe de la survie de l'espèce, c'est le cas des réflexes de succion ou des points cardinaux. D'autres réflexes ont probablement eu une fonction de survie dans l'histoire évolutive de notre espèce (ex : réflexe de Moro). On parle parfois de réflexes archaïques. Certains réflexes permettent au bébé et aux donneurs de soins d'établir des interactions positives (ex : succion, préhension). Enfin, quelques réflexes forment la base d'habiletés motrices plus complexes se développant dans des phases ultérieures (ex : la marche). Il importe au pédiatre de tester les réflexes afin de repérer d'éventuels dommages cérébraux. Il sera particulièrement attentif à leur présence / absence, leur amplitude, leur rigidité. Au delà d'un certain âge, certains d'entre eux doivent normalement disparaître, sauf cas pathologique. b) Motricité, sensorialité et perception La sensibilité du nouveau-né est réelle : toucher, douleur, goût, sensibilité à la lumière -même s'il ne distingue pas clairement les objets-, et bien sûr, sensibilité aux bruits et à la parole. Après le cri de la naissance, qui fait entrer de l'air dans les poumons et déplisse les alvéoles, et des minutes d'éveil et de grande attention visuelle, le nouveau-né, recroquevillé en position foetale et hypertonique, est plongé dans un état dans un état de somnolence quasi permanent et ses mouvements sont très globaux, avec un faible niveau de coordination kinesthésique. Audition : Le nouveau-né possède une capacité de détection des sons à peu prés équivalents à celle de l'adulte ; quand il est éveillé, il tourne la tête et les yeux vers la source de stimulation. Cependant ses réactions dépendent du type de stimulation. Par exemple, les bébés préfèrent les sons complexes (multi-harmoniques) comme la voix humaine aux sons purs. Vision : Le système visuel est fonctionnel dès la naissance, même s'il n'est pas à son optimum. Le bébé détecte la lumière et réagit en plissant les yeux face aux différences de luminosité. Le nouveau-né préfère les stimuli contrastés ou colorés aux stimuli neutres, les formes complexes aux formes simples. La distance de vision focale optimale (19 cm) correspond à la distance du visage du nourrisson à celui de la personne adulte qui le nourrit. Cependant, l'acuité reste relativement correcte pour des stimuli présentés à 30, 60, voire 150 cm. Olfaction : Le nouveau-né est capable de réagir différemment selon les odeurs présentées : il détourne par exemple la tête devant des odeurs d'ammoniaque et de vinaigre. Ses expressions faciales peuvent ainsi beaucoup varier (avec beaucoup de nuances) selon qu'une odeur lui apparaît désagréable (oeuf pourri) ou agréable (fruité, lactée). A partir de six jours, le bébé tourne bien plus souvent la tête devant un tampon de gaze imprégné de l'odeur du sein maternel que vers un autre tampon à l'odeur étrangère. Goût : Le nouveau-né distingue les goûts selon les composantes sucrées, salées, acides, amères. Il a une préférence pour les saveurs sucrées. Toucher et kinesthésie : Le système de perception tactile se développe tôt au cours de la vie intrautérine. Le nourrisson est capable de discriminer les stimulations tactiles, avec un abaissement du seuil perceptif (plus de sensibilité) au cours des premiers jours. Le nouveau-né réagit à la douleur, aux caresses, à l'humidité, au froid. Les contacts corporels et les diverses manipulations lors des soins stimulent beaucoup le système vestibulaire, réalité très importante pour préparer la suite du développement posturo-moteur de petit enfant. Ainsi, les nombreuses stimulations motrices et sensorielles des bébés africains (manipulations cherchant les limites et la souplesse corporelles ; le massage est très courant ; les mères portent leur bébé sur le dos, etc.) expliqueraient leur avance posturale importantes sur les bébés occidentaux. c) L'évaluation du nouveau-né : L'évaluation de l'enfant à la naissance est importante pour déterminer les procédures de soin appropriées et préciser les risques éventuels de développement : on sait par exemple que les bébés avec un petit poids de naissance par rapport à leur âge gestationnel sont des bébés à risque du poids de vue de la santé. Des échelles précises sont utilisés pour évaluer le nouveau-né : l'indice d'Apgar et l'échelle de Brazelton. L'indice d'Apgar : C'est la méthode dévaluation la plus répandue. L'indice d'Apgar (1953) est réalisé après la naissance et cinq minutes plus tard. Cinq signes sont relevés chez le nouveau-né : la fréquence cardiaque, la respiration, le tonus musculaire, la réponse aux stimuli (réponses des pieds à des stimulations) et la couleur de la peau. Une note de 0, 1 ou 2 est attribuée pour chaque domaine. A cinq minutes, 85 à 90 % des nouveau-nés ont une note de 9 ou 10. L'échelle de Brazelton : L'échelle d'évaluation du comportement néonatal de Brazelton (1984) ou NBAS examine un éventail de paramètres comportementaux comme : L'orientation vers un stimulus auditif, visuel ou humain L'habituation aux stimulations de l'environnement Le système moteur (tonus musculaire, les données posturales, etc.) L'organisation des états (capacité à être efficacement et rapidement consolé, propension à sursauter, etc.) La régulation des états (activités pour se calmer soi-même) Le système autonome (changement de coloration de la peau, etc.) Les réflexes archaïques Le NBAS peut aussi prendre une valeur de médiation avec les parents, au delà de sa dimension d'évaluation. Elle permet en effet d'amorcer et/ou de développer les relations parents-enfants. Cette échelle est utilisée pour amener les parents à considérer leur bébé comme un vrai partenaire dans la relation. Les parents participent ainsi à l'observation des réactions et des réflexes de leur enfant, ce qui les amène aussi reconnaître les particularités de son tempérament. La finalité de cette échelle est de rendre les parents actifs, participants et attentifs au style de leur enfant et à l'écoute de ses spécificités. La participation à la passation avec un professionnel de la santé donne aux parents l'occasion de poser des questions et d'exprimer des inquiétudes qu'ils pourraient avoir. De loin, le plus important est que la pratique de la NBAS en présence des parents leur fait prendre conscience de l'extraordinaire répertoire et des potentialités dont l'enfant est doué. En plus de sa valeur préventive et évaluative, il faut donc reconnaître des dimensions supplémentaires à cette échelle : mise en relation (parents enfant), réassurance, découverte et, dans certains cas, renarcissisation des figures parentales. d) La vie quotidienne du nouveau-né : Cinq principaux états de conscience ont été différenciés chez le nouveau-né par les chercheurs (de la lignée de Brazelton) : sommeil profond, sommeil actif, éveil calme, éveil actif, pleurs et pleurnichements. La durée de chaque cycle, comprenant les cinq états, dure entre 1h30 et 2h. Le nouveau-né passe 90 pour cent de son temps à dormir. Selon les chercheurs, les bébés pleurent de 2 à 11 pour cent de leur temps. Le tempérament du bébé est un facteur important dans la fréquence des pleurs. Ceux-ci augmenteraient dans les six premières semaines de la vie et déclineraient ensuite. Au cours des premières semaines de la vie, le nouveau-né peut manger jusqu'à dix fois par jour. Cette moyenne diminue par la suite de façon progressive. Les comportements alimentaires contribuent non seulement à la croissance, mais s’inscrivent de façon générale dans des actes sociaux de communication. C’est d’ailleurs en ce sens que sont souvent interprétés les troubles d’alimentation du nouveau-né et du petit enfant. Le plus important est que les parents vont normalement apprendre à reconnaître derrière les pleurs du bébé différents besoins, différentes émotions, différents messages : faim, douleur, colère, angoisse, etc. Cela permet de répondre aux besoins du nouveau-né et, dans le même temps, de construire un lien d'attachement en entrant en interaction avec lui. Les parents vont ainsi tenter de décoder des messages de part de leur bébé, en ouvrant une aire essentielle de captation et d'imagination (parfois même d'illusion) des messages qui sont délivrés. Il s'agit pour les parents d'une activité essentielle de mise en sens à partir d'éléments de communication infra-verbale, essentiellement véhiculés par des manifestations émotionnelles à l'état brut. Même si dormir, manger et pleurer sont des activités les plus fréquentes du nourrisson, les périodes d'éveil lui permettent d'entrer en interaction avec son entourage, élément indispensable à son bon développement. Il faut noter l’importance des nombreuses phases de sommeil, qui permettent au nouveau-né de récupérer de sa fatigue physique (sommeil lent) et psychique (paradoxale : activités oniriques). 3.Développement psychomoteur chez le nourrisson (jusqu'à 1 an) Dans le prolongement des idées précédentes, quelques premières remarques peuvent être faites : Concernant son adaptation aux rythmes extérieurs, vers 6 semaines, les prémisses d'un rythme circadien s'établissent dans la plupart des cas pour le nourrisson. Mais ils dorment encore 15 à 16h par jour. A'âge de six mois, la durée du sommeil est encore de 14h environ. Mais les périodes de sommeil sont plus régulières, y compris celle de la sieste. Concernant les réactions motrices automatique, vers 3 mois, les réflexes archaïques s'estompent en même temps que l'hypertonie du bébé diminue, et cela au profit d'activités motrices volontaires et adaptées, sous le contrôle du cortex cortical, inaugurateur des mouvements intentionnels et décisionnels. A propos de la vision, à partir de 4 mois, l'accommodation du bébé est équivalente à celle de l'adulte. C'est essentiellement l'apprentissage et ses modalités stimulatrices qui permettent l'amélioration des capacités visuelles. La « spirale interactive » forme ainsi des cercles vertueux en terme de construction développementale. Deux périodes de la vie sont particulièrement remarquable en terme de développement physique : les trois première années de la vie et la phase pubertaire (variable, surtout entre 11 et 15 ans). Les changements corporels du bébé sont très rapides et très visibles pendant les deux premières années de la vie. Lors de la première année en particulier, les modifications sont visibles, mesurables et comparables presque jour après jour. - Le poids : Le poids du bébé double ente la naissance et l'âge de 5 mois. A 1 an, il représente trois fois le poids de naissance et, à 2 ans, 4 fois ce poids. A 2 ans, l'enfant pèse environ 12 Kg. - La taille : Le bébé, jusqu'à 3 mois, gagne environ 3 cm par mois, puis 2 cm jusqu'à 6 mois, et de 1 à 1,5 cm jusqu'à 1 an, âge auquel il atteint environ 75 cm en moyenne. A l'âge de 2 ans, une légère différence est observée entre les filles et les garçons (tailles moyennes respectives de 83 et 85 cm). - Le périmètre crânien : Celui ci doit augmenter régulièrement : 34 cm à la naissance, 45 cm à 1 an, 48 cm à 24 mois. Une stagnation de cette croissance peut empêcher le développement cérébral. - Proportions : Les différentes parties du corps grandissent à des rythmes différents. Le développement physique s'effectue dans deux directions qui ont été introduites et reconnues depuis les travaux de Gesell. La première est la tendance céphalo-caudale (littéralement : « de la tête à la queue »). Pendant le développement prénatal, la tête se développe plus rapidement que les parties inférieures du corps. A la naissance, fait un quart de la longueur totale du corps, et les jambes un tiers. Le développement de la tête se ralentit ensuite au profit des autres parties du corps. A l'âge de deux ans, la tête prend un cinquième de la longueur total du corps et les jambes presque la moitié. Notons au passage qu’à l’âge adulte, la tête représente un douzième du corps. La seconde direction du développement est la tendance proximo-distale (littéralement « du plus prés au plus loin » ou « de l'intérieur vers l'extérieur ». Pendant la période prénatale, la tête, le thorax et le tronc se développent, suivis par les bras et les jambes. Ce sont ensuite les mains et les pieds qui grandissent. Ce schéma se répète au cours des cycles de croissance. - Motricité, postures et tonus On distingue la motricité globale de la motricité fine. La motricité globale fait référence aux mouvements qui permettent à l'enfant d'évoluer au sein de son environnement : ramper, marcher s'asseoir, etc. La motricité fine nous renvoie à des mouvements plus subtils. Le bébé a d'abord des réactions globales (par exemple : gesticulation massive du corps en réaction à une piqûre au doigt) puis les réactions deviennent plus localisées (celle du bras après la piqûre). Plus les réponses de l'enfant sont complexes, plus il y a combinaison d'acquisitions spécifiques et différenciées. On distingue couramment différentes catégories pour décrire les capacités motrices : habiletés locomotrices, habiletés posturales, habileté de manipulation. Les indices chronologiques ne fournissent que des repères sous forme d'intervalles, ceux ci faisant référence à la présence d'une capacité effective pour une grande majorité de la population de cet âge. La forte tonicité musculaire du nouveau-né est mesurable à travers la faible extensibilité des muscles. Elle va évoluer différemment selon les muscles concernés. Le tonus axial (tronc) va augmenter (pour permettre à l’enfant de se redresser) tandis que le tonus des fléchisseurs (bras et jambes) va diminuer (pour permettre un degré suffisant d’extensibilité des membres, nécessaire à la marche). Le tonus est donc étroitement lié à la posture (se redresser, marcher, etc.). Les enfants hypertoniques tiennent ainsi debout plus tôt alors que les enfants hypotoniques ont, quant à eux, un meilleur contrôle de la motricité fine (préhension, par exemple). - La motricité : habiletés locomotrices 4 à 6 mois : Couché, se tourne sur lui-même 7 à 9 mois : Fait du 4 pattes, impliquant un mouvement coordonné des bras et des jambes. Ce premier moyen de propulsion quadripédique est rapide et efficace 10 à 12 mois : Se redresse pour se mettre débout seul, se déplace en se tenant au meuble (préhension et équilibre) 11 à 13 mois : Marche seul - La motricité : habiletés posturales 1 mois : Redresse la tête, poursuit des yeux des stimuli en mouvements autour de lui, contrôle opérant des muscles du cou, du visage puis de ceux du torse 2 à 3 mois : Couché sur le ventre, peut bien redresser la tête à 90 degrés par rapport à sa colonne vertébrale 4 à 6 mois : Se tient assis en étant calé par un coussin 6 à 8 mois : Sur le dos, se retourne sur le ventre 7 à 9 mois : Se tient assis sans aucun support 8 à 10 mois : Sur le ventre, se retourne sur le dos 10 à 12 mois : Peut s'accroupir et se pencher - La motricité : habiletés de manipulation 2 à 3 mois : Ebauche du geste d'atteinte vers un objet en vu, préhension involontaire lorsque l'on place un objet dans la main du bébé. Contrôle des muscles des membres de plus en plus précis, et ébauche de contrôle des articulations des épaules et des hanches précédant celui des autres parties des membres (inférieurs et supérieurs) 4 à 6 mois : Atteinte et préhension d'un objet en vue, peut « ratisser » avec sa main, préhension volontaire, geste d’atteinte intentionnelle de type cubitopalmaire (prise approximative entre les trois derniers doigts et la paume) puis digitopalmaire (prise plus franche entre les 4 doigts et la paume), étapes permises par les progrès de coordination visuo-manuelle. 7 à 9 mois : Se passe des objets d'une main à l'autre 10 à 12 mois : Préhension en pince supérieure fine (avec le pouce et l'index), début de préférence manuelle pour l'une des deux mains. A partir de cet âge, la maîtrise et la précision des gestes décuplent les possibilités de manipulation et d’exploration des objets environnants, autant d’occasion de développer ses savoirs sur le monde et donc, comme nous le développerons plus loin, son intelligence. 4.Développement psychomoteur de l'enfant entre 1 et 3 ans Poids, taille et croissance physiologique L'enfant prend régulièrement du poids au cours de l'enfance, mais à un rythme mois soutenu que pendant les deux premières années de la vie. Il pèse ainsi aux environs de 12,800 kg à 3 ans, et prendra 1 kg pendant l'année qui suivra (il sera d'environ 28 Kg à 10 ans). A 4 ans, les petites filles et les petits garçons font presque la même taille (en moyenne respectivement 97 cm et 1 m). Comme pour les deux premières années, il y a une variabilité interindividuelle importante. (à 10 ans, avant la poussée pubertaire, les garçons sont un peu plus grands que les filles, respectivement 1,32 et 1,30 m). Ces chiffres ne donnent cependant que des repères. De même que pour le poids, ces données ne tiennent pas compte, par exemple, du fort taux d'obésité qui sévit dans nos sociétés. On sait que l’environnement dans lequel se développe l’enfant peut intervenir dans la modulation du déroulement du programme génétique. Le phénomène de croissance, dès les premiers moments de la vie, résulte donc d’une interaction entre les potentialités génétiques de l’individu (provenant à la fois du patrimoine génétique de l’espèce et du patrimoine génétique individuel) et le milieu dans lequel il se déploie comme être social. La taille d’un individu dépend par exemple en grande partie de son génome mais aussi de ses conditions de vie, en particulier de l’alimentation. Les carences vitaminiques et protidiques des enfants des pays en voie de développement entravent par exemple fortement la croissance physique mais aussi mentale. On sait aussi qu’en période guerre, de crise ou de famine la croissance se ralentit et la puberté est retardée. Mais la tendance actuelle de la croissance est à l’accélération, surtout dans les pays à haut niveau de développement économique. Il a combinaison de deux facteurs : - la puberté se produit plus tôt - la taille, de façon générale, augmente, ce qui fait qu’à âge égal, les enfants mesurent actuellement en moyenne 20 cm de plus que ceux du siècle précédent. Ces deux facteurs peuvent être expliqués par : - l’amélioration des conditions de vie (meilleur équilibre alimentaire) - la réduction de la taille des familles - le brassage des populations qui tend à augmenter les potentialités de l’être humain. Concernant la croissance osseuse, elle ne s’effectue pas de la même façon selon le type d’os (plats, longs, etc.). Les os du crâne sont séparés par des membranes de transitions qui permettent l’augmentation très rapide de son volume. A trois ans, le cerveau a en effet atteint 90% de son volume adulte. En parallèle de ce développement osseux, ce n’est pas le nombre de cellules nerveuses (neurones) qui augmentent (celui ci est déterminé à 20 semaine de grossesse) mais les liens entre eux c’est à dire les connections synaptiques, de plus en plus nombreuses et complexes. - La motricité : habiletés locomotrices 16 mois : Monte les escaliers avec de l'aide 24 mois : Marche de façon assurée, explore son environnement et se dirige (ou pas) vers les personnes de son choix (étape essentielle dans le développement de l'autonomie et procurant à l’enfant un plaisir – et un pouvoir immense 2 à 3 ans : Court et grimpe sur le canapé et peut en descendre sans 3 ans : Court tout droit, saute à pieds joints, descend les escaliers un aide pieds après l'autre, se déplace sur un tricycle - La motricité : habiletés posturales 17 à 19 mois : exemple de combinaison d'acquisitions spécifiques et différenciées : le petit enfant peut boire à une tasse. Il combine des sensations visuelles et impressions relatives à la position de la tête, de la bouche, des bras et des mains. Il lui faut se redresser et fixer son regard sur la tasse, l'atteindre, la saisir et la tenir droite, la porter à ses lèvres, l'incliner selon le bonne angle, renverser le liquide à un rythme modulable et l'avaler 18 à 24 mois : Tire et pousse des jouets dédiés à cet effet, lance une balle dans une position demandant peu d'effort d'équilibration du corps (pas débout), excellent contrôle et exploration des différents segments du corps 2 à 3 ans : Pousse et traîne de gros objets en contournant des obstacles - La motricité : habiletés de manipulation 13 à 18 mois : Empile deux cubes, encastre des jouets avec différentes formes, peut faire rouler une balle 18 à 24 mois : Empile au moins 4 cubes, tourne les pages d'un livre adapté à son âge, par plusieurs pages puis une page à la fois 2 ans : commence à s'habiller seul 2 à 3 ans : Ramasse des objets de petite taille comme des perles (et les enfile), lance un objet ou une petite balle en se tenant debout, peut gribouiller une feuille 3 ans : manifeste une bonne coordination des mains et des doigts, trace des cercles et dessine des formes quelconques qu'il peut dénommer - La propreté : Selon la loi du développement céphalo-caudal, la maîtrise de la propreté sphinctérienne (les sphincters sont les muscles permettant le contrôle de l’éjection des urines et des selles) ne peut intervenir qu’après la marche, puisque les connections nerveuses commandant les sphincters sont situés plus bas que les commandes des membres inférieurs. Toute tentative d’éducation à la propreté avant la maîtrise de la marche sera donc probablement soldée par un échec. Après cette étape, en revanche, la maturité neuromotrice nécessaire à ce contrôle devient disponible. Cet apprentissage est fortement encouragé par les parents qui sont invités à le féliciter à la moindre ébauche de ce comportement. Néanmoins, la période moyenne entre l’initiation de l’apprentissage de la propreté et la propreté réelle scille entre trois et six mois. On peut généralement considérer que l’âge de 2 ans est un âge normal pour l’acquisition de la propreté diurne. Cependant, il faudra en moyenne attendre les âges respectifs de trois et quatre ans pour ne plus mettre de couche à l’enfant pendant la sieste et la nuit. La propreté diurne précède en effet la propreté nocturne ; de même le contrôle de la vessie précède le contrôle des intestins. On ne peut pas parler d’ « énurésie primaire » (incontinence urinaire sans que l’enfant ait jamais été propre) avant l’âge de 5 ans. Pour les selles, on parlera d’encoprésie, primaire ou secondaire. - L'évaluation de l'enfant de la naissance à 3 ans : le Brunet-Lezine A trois ans, l’essentiel des acquisitions psychomotrices est réalisé : l’enfant sait manipuler des objets avec précision et coordination, il sait aussi les combiner et peut se déplacer de façon sûre. (L’évolution ultérieure portera sur la combinaison de la précision et de la vitesse, grâce à une indépendance croissance des différents groupes musculaires). Pour l’appréciation du développement de ces acquisitions, parmi les tests étalonnés (avec une population de référence), le Brunet-Lezine (2001) se focalise sur le développement psychomoteur des enfants âgés de 0 à 30 mois. Ce test vise à étudier les étapes et les mécanismes du processus génétique (au sens piagétien : La « genèse » des compétences), concernant la coordination progressives des schèmes ou des structures d’actions sensori-motrices. (voir partie suivante). Quatre secteurs du développement sont évalués à travers quatre séries d’item (unité ponctuelle et ciblée de l’évaluation) : Le contrôle postural et la motricité La coordination oculomotrice et les conduites d’adaptation vis à vis des objets Le langage Les relations sociales Les items proposés à l’enfant ont une forte valeur écologique (très proches de ses réalités quotidiennes). Ainsi, on pourra proposer à l’enfant des cubes pour voir s’il les empile spontanément, apprécier la capacité de l’enfant à marcher à reculons (contrôle postural), interroger les parents pour savoir si leur enfant est en mesure de prononcer cinq mots (langage) et dans quelle mesure il joue au jeux de « faire semblant » (relation sociales), etc. L’échelle permet de calculer deux types de QD, quotient de développement : Le QD global situe les acquisitions d’un enfant par rapport à un groupe d’enfants du même âge Les QD partiels permettent d’établir un profil de ses possibilités par secteur et à plusieurs phases d’évaluation distinctes. Ce profil permet de mieux comprendre le rythme du développement en replaçant les observations dans le temps de la durée (les données sont signifiantes car non ponctuelles), ce qui affine beaucoup l’appréciation clinique. La grande qualité du Brunet-Lezine réside dans le fait que l’on peut tout à la fois situer l’enfant par rapport aux enfants de même âge et aussi repérer d’éventuels décalages (dysharmonies relatives) entre les secteurs de développement chez un même enfant. 5. Perception, cognition, intelligence sensori-motrice (Piaget) a) Les capacités perceptives et cognitives des bébés On a longtemps négligé l'importance du développement cognitif dans les phases précoces de la vie en se focalisant surtout – et parfois exclusivement- sur le déploiement des aptitudes motrices et sensorielles pour tenter expliquer le développement de l'intelligence et de la cognition. En réalité, on se doit d'admettre aujourd'hui que les capacités motrices du sont limitées et que les aptitudes cognitives (depuis leurs prémisses), longtemps sous-estimées, ont une importance capitale. En effet, le nouveau-né ne peut exercer son intelligence qu'en effectuant des constats de relations causales entre les évènements qu'il peut percevoir, lier, et progressivement unifier, rendre signifiants. Cette aperception initiale de la causalité (causes et conséquences, liaisons) se fait donc sous l'impulsion des premières données perceptives et, bien évidemment, grâce à l'exercice de ses premières capacités de communications avec l'environnement, depuis leurs prémisses, en agissant sur les adultes proches, en recevant leurs messages sous une forme adaptée, infra verbale et verbale. Discrimination : Des bébés de quelques semaines sont déjà capables de montrer des signes de discrimination entre des stimuli distincts. Ces aptitudes se perfectionnent avec l'âge et la capacité de traitement de l'information peut progressivement établir de différences à partir de matériels de plus en plus en complexe. Exemple : des damiers plus ou moins complexes, pouvant être différenciés à partir de leur nombre de carreaux, de leur agencement, de leurs motifs, etc. Cette évolution développementale évolue de façon assez similaire dans une population dite normale. En revanche, les types de réactions à la nouveauté ont une grande variabilité selon les bébés, l'âge ayant peu d'impact sur cette observation. Certains manifestent à deux mois une préférence pour la nouveauté, alors que d'autres, plus âgés, semblent préférer des contextes familiers renvoyant à la répétition. Cette constance reste toutefois relative : il existe en effet toujours des écarts résiduels – faisant appel aux capacités adaptatives- même si des situations sont reconnues comme similaires). Les bébés ont les mêmes capacités perceptives avec les êtres humains : ils font la différence entre plusieurs personnes et discriminent la voix de leur mère de celle d'une autre femme. A quelques semaines de vie, ils distinguent leur mère d'une autre femme sur des photographies. Vers 6 mois, ils peuvent différencier des visages ou des timbres de voix exprimant différentes émotions. La catégorisation : Les bébés montrent également des capacités à catégoriser : trouver ce qu'il renvoie à de l'identique entre plusieurs stimuli, malgré les différences. A 4 mois, des bébés habitués à des images de fruits réagissent à la nouveauté devant une image d'une catégorie. A 7 mois, ils différencient des images de visages selon le sexe. Bien sûr, ces données ne veulent pas dire que les bébés catégorisent comme le font des enfants plus âgés, qui maîtrisent des concepts abstraits et un processus complexe de mentalisation. Pour les bébés, l'aptitude à catégoriser à ce stade est donc essentiellement de nature perceptive ; elle s'exprime en passant par la sphère émotionnelle. La coordination entre modalités sensorielles : Les capacités précoces de coordination entre modalités sensorielles, notamment entre vision et préhension, permettent aux nouveau-nés d'atteindre un objet placé à portée de main. Les gestes sont plus nombreux lorsque l'atteinte est réaliste (à une bonne proximité), et il existe une capacité précoce d'anticipation d'une collision avec un objet (réel ou virtuel) lorsque sa trajectoire risque de le toucher (il repère donc une menace). La permanence de l'objet : On a longtemps considéré qu'avant 9 mois un bébé n'a pas acquis la notion de permanence de l'objet (reconnaître qu'il existe même invisible). En fait, une certaine conception de la continuité de l'objet visible-invisible existe à un stade plus précoce. Par exemple, des bébés de 8 semaines, après avoir vu disparaître un objet derrière un écran, anticipent sa sortie de l'autre côté de l'écran en fonction de sa trajectoire. Ils ne semblent pas surpris, en revanche, si l'objet qui sort de l'écran diffère de celui qui en est entré : le bébé est en effet bien plus sensible aux mouvements des objets qu'à leurs caractéristiques structurelles comme la forme ou la couleur. A ce propos, les bébés ont déjà le sens de certaines lois physiques concernant les objets, la matière, leur mouvement : ils manifestent des réactions de surprise devant des évènements impossibles : un objet privé de support qui ne tombe pas, un objet qui en traverse un autre, un objet en mouvement qui change de trajectoire sans rencontre avec un autre, etc. b) L'intelligence selon Piaget : les fondamentaux de la théorie piagétienne Rappelons que l'objectif de Piaget est de dégager une « embryologie de la raison » pour comprendre le développement des connaissances de l'enfant sur le monde. Cinq lois sont essentielles pour saisir la théorie de Piaget : schèmes, assimilation, accommodation, adaptation et équilibration. Les schèmes sont les actions fondamentales de la connaissance, à la fois physiques (vision, préhension, succion, etc.) et mentales (classement, comparaison, etc.). Une expérience nouvelle est assimilée à un schème qui est à la fois créé et sans cesse remodelé par le processus d'accommodation au fur et à mesure des découvertes et des ouvertures de l'enfant au monde. L'adaptation est l'ensemble des modifications des conduites permettant l'équilibre dynamique (mouvant) entre un organisme et son environnement. Dans la théorie piagétienne, l'adaptation relève de.. l'assimilation quand il y a intégration de données nouvelles à un fonctionnement antérieur l'accommodation lorsque les données nouvelles transforment un schème d'action antérieur pour le rendre plus compatible avec le type d'information à traiter, au profit d'une fonctionnement plus opérant et donc plus évolué. L'équilibration est étroitement liée à l'adaptation. En effet, la restructuration périodique des schèmes (/ interne), permettant à l'enfant de maintenir une cohérence dans sa compréhension du monde (/ externe). Le schéma suivant reprend ces notions complémentaires (interdépendance des processus) : Le sujet ←-------- Accommodation & Assimilation ---------→ Le monde ↓↓↓ Développement psychique «biface » : I ◊ en interne (équilibration) I & ◊ en externe (adaptation) Piaget décrit trois équilibrations principales : Vers 2 ans, lorsque l'enfant passe de la prédominance des schèmes sensoriels et moteurs aux premières représentations internes Vers 6-7 ans, avec l'acquisition d'opérations mentales générales et abstraites A l'adolescence, avec l'accès aux opérations formelles, lorsque l'enfant comprend comment opérer sur les idées, comme sur les objets ou les évènements. c) L'intelligence sensori-motrice selon Piaget Dès la naissance, le bébé est au centre d'une multitude de relations. Mais pourtant, comme nous l'avons déjà évoqué, il se montre incapable, à ses débuts, de se distinguer du monde qui l'entoure. Cet état d'indifférenciation par rapport à l'environnement constitue une forme particulière de ce que Piaget a appelé l' « égocentrisme ». Le bébé assimile l'information de son environnement avec les schèmes dont il dispose (vision, succion, audition, préhension), et il adapte ces schèmes à partir de ses expériences : il les modifie (les accommode devant la nouveauté à intégrer) pour s'ajuster aux nouvelles expériences. Selon Piaget, le bébé ne réagit d'abord qu'aux stimuli immédiats et ne fait pas encore vraiment de liens entre des évènements, d'une fois sur l'autre. Puis il mémorise des actions, des événements ou des objets pendant un certain temps, sans toutefois manipuler ces souvenirs et les images mentales associées, ni maîtriser les symboles, ce qui deviendra possible au début de la période suivante, le stade de l'intelligence pré-opératoire. La période de 0 à 2 ans se caractérise principalement par la mise en place et le développement sensoriel et moteur. L'intelligence sensori-motrice est une intelligence d'action : l'enfant ne pense pas en dehors de ce qu'il perçoit, de ce qu'il agit dans l'instant. C'est une intelligence sans enveloppe de pensée ni de représentation, une intelligence de l'instant et de l'action. Piaget distingue ainsi plusieurs sous-stades dans le développement de l'intelligence sensori-motrice : Sous-stade I (1er mois) : C'est l'exercice des réflexes qui prime, premières réponses globales de l'enfant à une stimulation externe. La répétition de ces réponses les rend plus précises et permet l'assimilation ; c'est le cas par exemple de la succion ou de la préhension. Sous-stade II (de 2 à 4 mois) : C'est le stade des « réactions circulaires primaires » : c'est la reproduction active d'une action fortuite concernant le corps propre de l'enfant qui devient productrice de résultats intéressants pour le bébé. (Expérimentation de la vocalisation, recherche de mouvements des avant-bras, etc.) Sous-stade III (de 4 à 9 mois) Ce sous-stade est celui de la coordination vision-préhension et des réactions circulaires secondaires, c'est à dire orientée vers des objets. Il marque, selon Piaget, l'apparition de l'intentionnalité, avec le début de la prise volontaire des objets : l'enfant saisit ce qu'il voit et passe de son corps propre au monde des objets. Il peut ainsi reproduire volontairement une action fortuite sur un objet, dont le résultat lui est apparu intéressant (agiter un objet sonore par exemple). Il reproduit alors avec de nouveaux objets des conduites exploratoires utilisées avec des objets familiers (porter à la bouche, passer d'une main à l'autre...) et il les modifie pour s'ajuster à leur forme, leur volume, leur poids, etc. Sous-stade IV (de 9 à 12 mois) C'est la phase de coordination des schèmes secondaires : l'enfant coordonne intentionnellement différents schèmes pour parvenir à un but, ce qui suppose de prévoir un résultat, et il développe des relations de causalité. Il distingue à ce stade les moyens et les fins sous jacentes à ses actions. Il utilise par exemple la main d'un adulte pour reproduire un résultat un résultat intéressant (actionner un objet sonore). Il anticipe les événements et repère qu'enfiler un manteau annonce une sortie. Par ses manipulations d'objets, il développe sa compréhension du monde. Sous-stade V (de 12 à 18 mois) C'est la phase de différenciation des schèmes d'action et de découverte de moyens nouveaux : l'enfant développe ses expériences par tâtonnement, « pour voir » en faisant varier des éléments de la situation, pour en modifier le résultat, par exemple en faisant tomber divers objets, avec des gestes différents et selon des trajectoires différentes. De telles expériences peuvent énerver les parents, mais elles permettent à l'enfant de vérifier des lois essentielles de la physique, tout en jouant aussi sur les réactions d'agacement de l'entourage, auxquelles il n'est évidemment pas indifférent... Il réalise le pouvoir et l'influence qu'il peut exercer sur son environnement, phénomènes qui l'intéressent tout particulièrement. Il opère ainsi par tâtonnement, utilise divers outils (bâtons, cuillères, etc.) pour rapprocher un objet éloigné, et il délaisse ensuite l'outil au profit de l'objet de sa recherche. Sous-stade VI (de 18 à 24 mois) C'est le sous-stade de l'invention de moyens nouveaux par combinaisons mentales : au lieu de procéder par tâtonnement pour parvenir à la solution d'un problème, l'enfant manifeste des compréhensions soudaines face à un problème (sollicitant et développant l' « insight ») suite à une série de tentatives infructueuses suivies d'une pause que l'on pourrait qualifier de « réflexive ». Cet instant de compréhension intellectuelle rassemble toutes ses capacités cognitives ainsi que les traces des expériences précédentes ; il intervient grâce à des combinaisons mentales de schèmes sensori-moteurs. L'enfant atteint cette étape en établissant de nouvelles liaisons mentales. Piaget cite l'exemple de sa fille Lucienne : elle sait prendre une chaîne dans une boîte d'allumettes par une fente de 10 mm mais elle n'y parvient pas quand l'ouverture est seulement de 3 mm. Elle essaie alors plusieurs schèmes (glisser le doigt dans la boîte, la retourner, etc.) sans réussir, s'arrête, réfléchit, ouvre et ferme la bouche et, finalement, introduit le doigt dans la boîte pour élargir suffisamment la fente puis saisit enfin la chaîne. d) Temporalité, espace, causalité et imitation L'étape à partir de laquelle l'enfant peut marcher seul lui permet de percevoir et de structurer l'espace autrement, à partir de ses propres mouvements. La notion de temps évolue aussi, en lien avec sa mobilité dans l'espace (avant, après, objectifs visés / atteints), et l'enfant se représente les relations causales entre plusieurs actions y compris des actions extérieures à lui (étape décisive dans la perception et la représentation du monde qui l'entoure). Pouvoir se représenter un mentalement un évènement absent permet aussi l'imitation différée (reproduire et jouer le comportement d'une personne qui vient d'être observée) est une capacité cognitive fondamentale lui apparaît selon la majorité des auteurs à partir de 18 mois. En deux ans seulement, l'enfant passe de l'exercice réflexe à la combinaison de schèmes d'actions. La troisième année voit se développer la pensée symbolique (symbole signifie « lier »), c'est à dire la mise en relation des objets, des événements et des actions avec des signes Les travaux récents sur l'intelligence mettent en évidence des compétences plus précoces que ne le pensait Piaget, et ceci dans plusieurs domaines : imitation, relations entre plusieurs modalités sensorielles, catégorisation, permanence de l'objet. Plusieurs recherches ont par exemple montré l'existence de capacités d'imitation chez des nourrissons, impossibles à cet âge selon la théorie piagétienne. En 1945, Zazzo s'amuse à tirer la langue à son fils, âgé de 25 jours. Il s'étonne alors de voir ce dernier tirer la langue à son tour, cette expérience et son résultat étant répétés à plusieurs reprises. C'est le cas particulier des imitations de mouvements et non de positions statiques. Il a depuis été démontré que cette imitation disparaît progressivement suite à une phase précoce (comme certains réflexes). Cette observation illustre un fait fondamental à propos du développement humain, notamment sur son rythme et sa dynamique spécifique : certaines conduites des bébés, qui apparaissent précocement sous une forme rudimentaire et disparaissent ensuite, sont plus tard de nouveau observables, sous une forme plus complexe et plus élaborée, cette discontinuité semblant nécessaire pour permettre l'intégration solide de nouvelles capacités. (Cette idée est aussi très valable en ce qui concerne le développement multiphasique de certains stades psychoaffectifs : cf. Klein) 6. Le développement du langage oral a) Système langagier et capacités précoces du nourrisson Le langage est une capacité de communication spécifique de l'espèce humaine : selon les modalités orales (langage oral), écrite (langage écrit) voire gestuelle (langue des signes). Le langage remplit une double fonction : Une fonction de représentation : il permet de décrire la réalité Une fonction de communication : il participe en ce sens aux relations sociales. Le langage est alors un système défini par un ensemble de règles, de conventions et de connaissances partagées qui soustendent les communications verbales. A la naissance, le nourrisson est sensible à l'ensemble des contrastes phonétiques (différentes sonorités véhiculant le langage). Il possède les capacités sensorielles nécessaires pour y parvenir. Cela explique aussi qu'il peut apprendre n'importe quelle langue. En revanche, à partir de 12 mois, il devient beaucoup plus sensible aux seuls contrastes phonétiques de son environnement. Il perdrait ainsi progressivement la capacité à détecter les distinctions qui n'existent pas dans sa langue maternelle ; il conserverait et affinerait les capacités perceptives correspondant aux distinctions phonétiques de sa langue maternelle. Cette « dégradation » apparaît en réalité nécessaire ; la réduction de l'éventail des sons auxquels le bébé est sensible lui permet directement de se spécialiser précocement pour traiter avec plus de facilité les sons qui méritent et appellent son attention. b) Les phases de développement du langage Le développement du langage présente un aspect graduel qui comporte deux périodes articulées l'une à l'autre : La période pré-sémiotique, pré-verbale ou pré-linguistique La période appelée sémiotique, verbale ou encore linguistique La phase pré-lingustique Cette phase correspond à la période précédent l'apparition des premiers mots ; elle se caractérise par le développement des vocalisations, au cours des 10 premiers mois, qui suit une séquence bien prédictible (variabilité assez faible). -Les vocalisations réflexes (de 0 à 2 mois) Le nourrisson est dès sa naissance très attentif à la parole et, en premier lieu, aux rythmes (rapidité, saccadé, etc.) et aux reliefs (intonations) des discours de son entourage. Ses productions sont très élémentaires (cris, pleurs) et, au départ, étroitement liées à sa réactivité et à ses expressions émotionnelles. Elles sont aussi contraintes par la physiologie du conduit vocal dont l'immaturité ne permet pas de production de sons articulés. Cependant, ces vocalisations réflexes sont suffisantes pour établir une communication. Dans ce domaine, les liens peuvent être imaginés, fantasmés, illusionnés par l'adulte, et l'illusion peut d'emblée devenir une réalité relationnelle et interactive. -Les vocalisations rudimentaires (de 2 à 7 mois) : jasis, babillage, gazouillis A partir de 2 mois, l'activité phonatoire du nourrisson se caractérise par la production de sons sans signification (absence de signes, de symbole). Ces sons, initialement le fait du hasard, marquent vers 5 mois le début de la maîtrise de la vocalisation avec l'apparition des jeux avec la langue et la bouche. Le babillage peut être en ce sens considéré comme le premier comportement langagier volontaire de l'enfant. Enfin, le babillage comporte jusqu'à 6 mois des phonèmes n'appartenant pas à la langue maternelle du nourrisson. -Le babillage canonique (7 à 11 mois) Il se caractérise par la production et la répétition de syllabes simples, identiques, nettes et bien articulées (pa-pa-pa). Vers 9 mois, on assiste à une diversification du babillage avec une augmentation de suites polysyllabique (badata, bibibou, etc.) et au développement de deux intonations : une inflexion montante des séquences demandant une réponse et une inflexion descendante des séquences n'appelant pas de réponses. Les études inter langues ont mis en évidence l'influence de la langue maternelle en permettant de séparer ce qui universel et les modifications systématiques liées à l'expérience d'une langue donnée. Il a été ainsi souligné l'existence de ressemblances dans les babillages et l'existence de caractéristiques différentes, notamment au niveau de la qualité de la voix, de la manière d'articuler ou encore des modifications des syllabes. Ces différences sont bien sûr liées à la langue et au référentiel culturel dans lesquels baigne l'enfant dès sa venue au monde. La phase linguistique Cette phase correspond à l'apparition du langage proprement dit et présente plusieurs caractéristiques. -L'extension du lexique Les premiers mots apparaissent entre 1é et 14 mois. Il s'agit d'une production de mots isolés où chaque mot est utilisé seul pour désigner un objet, une action ou encore une situation. Le mot remplit la fonction d'un phrase entière, d'où la terminologie proposée d' « holophrases ». L'interprétation sera faite par l'entourage à partir de la situation d'énonciation, de l'intonation, de la mimique ou encore des gestes associés à l'élocution. Vers 18 mois, on assiste au phénomène d' « explosion » du vocabulaire (entre 1 à 10 mots par jour). Les premiers mots se référent à un vocabulaire dit « socio pragmatique » (en lien avec l'action dans le socius) : « non », « allô », « au revoir », etc. Ils se référent aussi en grande partie (entre 40 et 65 % des mots) à des termes concrets permettant de désigner des personnes, des animaux ou des objets. Les verbes et les adjectifs apparaissent en revanche moins nombreux que les autres types de mots car leur sens est plus difficile à saisir et leur apprentissage dépend beaucoup de la compréhension des phrases. Les études inter langues montrent que les premiers mots se retrouvent d’une langue à l’autre : le nom des personnes qui s’occupent des enfants, des objets nécessaires à la survie, etc. La prédominance universelle des mots peut s’expliquer par l’identification des objets dans le monde et aux relations avec ceux ci. De même, les facteurs prosodiques ou syntaxiques accentuent les noms et les rendent ainsi plus saillants que les adjectifs ou les verbes. Néanmoins, la structure de la langue parlée et le marquage culturel transparaissent déjà. Par exemple, en français, on trouvera une proportion plus élevée de termes se rapportant à la nourriture alors qu’en japonais, on retrouvera plus d’éléments évoquant la nature. -Le développement de la signification La période linguistique se caractérise également par une évolution de la signification des mots. Quatre phases peuvent être distinguées : L’absence de correspondance entre le signifiant et le signifié : l’enfant attribue un nom à un objet auquel il ne correspond pas. Le recouvrement partiel ou la sous-généralisation : l’enfant utilise un mot de manière restrictive ou dans des conditions particulières. C’est le cas chaque fois que l’enfant acquiert un nouveau mot qui est produit dans une situation précise. La sur-généralisation : l’enfant utilise un mot dans plusieurs situations et l’applique à un ensemble de référents plus large que celui admis par les adultes. Il identifie certains traits élémentaires et met à l’écart un ou plusieurs attributs de l’objet. Par exemple, il sélectionne des traits animés, quadrupèdes, de grandes tailles et généralise à tout animal présentant ces caractéristiques. Les correspondances exactes. L’enfant utilise cette fois le terme de manière conforme à celle de l’adulte grâce à l’ajout de traits sémantiques supplémentaires. -Le développement de la syntaxe L’apparition des premières phrases a lieu le plus souvent entre 20 et 24 mois. Auparavant, il s’agit plutôt d’expressions toutes faites, apprises comme un tout. Ce n’est pas avant la fin de la deuxième année qu’apparaissent les premières combinaisons de mots. L’association de deux ou plusieurs mots accroît la valeur informative des énoncés et l’expression de relations sémantiques. Mais se pose alors le problème de la syntaxe : l’enfant va devoir maîtriser les contraintes linguistiques régissant l’organisation séquentielle (sens émergeant de la succession) des mots. -Notion de variabilité interindividuelle et développement ultérieur Il existe une variabilité interindividuelle aussi bien dans le rythme d'acquisition des premiers mots (rythme régulier / pics d'acquisition) que dans le style d'entrée dans le langage. Deux voies d'acquisitions (axes développementaux) du langage peuvent être distinguées : La première voie donne la priorité au lexique : le vocabulaire de certains enfants (qualifiés de « référentiels ») apparaît composé essentiellement de mots isolés désignant des personnes, objets ou des animaux. La deuxième voie vise la qualité syntaxique : Le vocabulaire d'autres enfants (qualifiés d' « expressifs ») se révèlent plus diversifiés avec des pronoms, des formules sociales, des expressions toutes faites (appropriation des conventions), des longues séquences ressemblant à des phrases. Le langage de l’enfant, à partir de 5 ans, ressemble fortement à celui des adultes, même si beaucoup d’erreurs persistent encore, demandant des ajustements permanents. Le développement du langage ne s’achève pas au terme des premières années d’école mais il se poursuit en réalité pendant des années avec l’augmentation du vocabulaire ou encore la production de phrases de plus en plus complexes (avec par exemple la production de formes négatives, de formes impératives, interrogatives, etc.) c) Le langage et l'entourage L’enfant n’apprend pas à parler seul toujours dans un contexte de dialogue lui enseignant simultanément des choses sur les objets, l’environnement et sur la façon de communiquer. L’acquisition du langage s’inscrit dans le contexte riche d’interactions sociales, constituées de comportements socialement orientés et réciproquement adressés. La communication suppose un message adressé intentionnellement à l’interlocuteur avec un contenu informationnel. Dès la première année, un système de communication sociale pré linguistique entre le bébé et son entourage se met en place. Les premières communications sont asymétriques : le bébé ne maîtrise pas l’effet de son émission, c’est l’entourage qui interprète cette émission comme un message. Par la suite, la communication devient intentionnelle et réciproque : les messages sont émis et reçus en véhiculant un code commun. Les adultes, spontanément, ne parlent pas de la même façon aux jeunes enfants. Ils cherchent à se faire comprendre et adaptent leur langage aux capacités langagières de l’enfant. Certaines modulations prosodique de la voix de la mère parlant au bébé avec un registre de voix plus haut qu’à l’habitude, des modulations et variations de hauteur exagérés, des formes mélodiques plus douces. Ces modifications spécifiques, accompagnées d’expressions faciales accentuées, de mouvements rythmiques du corps et d’ajustements de postures, mobilisent et focalisent l’attention du bébé et amplifie son intérêt en lui indiquant qu’il en est le bénéficiaire direct. Les caractéristiques prosodiques restent importantes jusqu’à la fin de la 3ème année de l’enfant, avec aussi une production de mots faciles à prononcer et bien articulés, la production de phrases simples et courtes avec des répétitions et prononcées à un rythme les rendant intégrables. 7. Les interactions sociales a) Corps, inter sensorialité et interactions Les premiers échanges mère-enfant sont multi-sensoriels et passent par les contacts cutanés, les regards et, pour la mère, par la parole, puis enfin par l’alimentation qui est un moment privilégié d’échanges entre la mère et son enfant, plaçant le corps, et la satisfaction relativement efficace de ses besoins, au centre des enjeux interactifs. Lebovici (1987) met l’accent sur le regard comme une des formes principales de communication initiale entre le bébé et la personne privilégiée qui prend soin de lui, la considérant comme le point d’ancrage du développement de chaque enfant. Toutefois, le déroulement de ce contact dépend également de la signification qui est donnée par la mère au regard de son bébé et à la capacité qu’elle possède pour répondre en accord avec le besoin de chacun d’eux. Stern (1992), quant à lui, considère le regard comme une importante voie d’échange social, d’intégration et de différenciation ultérieure entre la mère et le bébé, ce que corroborent les principes de Winnicott (1965-1990) : le visage de la mère et, spécialement, ses yeux facilitent pour le bébé la configuration d’une image de lui-même et l’intégration d’expériences affectives initialement désintriquées. Pour capter de nouvelles informations, il est important que le bébé puisse être attentif à chaque nouvelle stimulation sans perdre la capacité de l’explorer adéquatement. L’interaction avec la mère est fondamentale pour que ce mouvement survienne de manière intégrée, donnant du sens à chaque geste, par son attention conjointe avec le bébé autour d’objectifs communs, attendu que l’apprentissage dépend du contexte affectif dans lequel surviennent les premières expériences de contact avec le milieu ambiant externe (Golse, 1998). En outre, le bébé est tout à fait capable de transférer des informations reçues d’une source sensorielle à une autre. Avec cette capacité, l’attention du bébé peut être influencée non seulement par le regard, mais spécialement par l’affection incluse dans chaque geste, parole ou expression faciale de la mère ou de son substitut. Devant un appel de son enfant, la mère peut répondre à ses besoins selon la même modalité sensorielle (des petits cris) tout en ajoutant des modalités supplémentaires (réponses multimodal et communication dite « transmodale) : le bébé peut unifier cette complexité et l’intégrer en se nourrissant de cette spirale interactive. b) Les premières communications Parmi les objets qui entourent le bébé, l’adulte est de loin le plus intéressant. Les signaux envoyés par les deux partenaires au cours des premières interactions prennent très rapidement valeur de communication. En quelques semaines, les rythmes biologiques de l’enfant s’ajustent à ceux de sa mère, et l’alternance veille-sommeil va progressivement se mettre en phase avec le cycle jour-nuit se modifiant en fonction des périodes d’activités et de repos maternels. Un accordage important s’opère aussi pendant les phases d’allaitement. En effet, lorsque le bébé est allaité, la mère ne le stimule pas de la même façon et avec la même intensité. Pendant ces pauses, elle le caresse ou lui parle ; elle le stimule donc dans un tout autre registre que dans le cadre des interactions indépendantes du nourrissage. De ces oscillations peut ainsi émerger un rythme et des accordages relationnels associés. Dans les moments d’interactions face à face, il peut s’établir un contact basé sur le regard, les expressions faciales, le toucher et les vocalisations. Ces échanges deviennent très fréquents lorsque le bébé atteint l’âge de 2 mois et qu’il manifeste des périodes d’éveil et de sommeil bien contrastées, avec un intérêt grandissant pour son environnement. Les deux partenaires se regardent et vocalisent simultanément ; lorsque le bébé détourne le regard, la mère cesse de lui parler. Chacun se charge, à tour de rôle, de maintenir le contact par le regard, le sourire et les expressions vocales. Concernant la vocalisation, c’est au départ sa forme qui fait sens et qui prime dans la relation et non le fond, autrement dit la signification symbolique, le langage (point déjà évoqué plus haut). Dans l’alternance des phases de réponses et de retrait, les pauses permettent au bébé de contrôler ses états internes et de réguler la quantité d’information (et d’excitation) qui lui parvient. Dès les premières semaines, le bébé exprime par ses mimiques des émotions primaires qui sont reconnues comme telles par l’adulte : surprise, joie, peur, dégoût, colère. Les variations du rythme cardiaque et ses émissions sonores traduisent aussi ses émotions. A 3 ou 4 mois, la mère et le bébé ne vocalisent plus simultanément mais à tour de rôle, ce qui développe la structuration rythmique des échanges. En effet, ils maintiennent un court intervalle de temps entre leurs productions respectives, pause qui permet au partenaire d’émettre sa réponse. En somme, les prémisses d’une conversation s’établissent entre le bébé et l’adulte. Ceci marque le début de l’acquisition des tours de paroles, qui favorisent organisent et maintiennent le contact interpersonnel. Vers 5 mois, la plupart des stimulations de l'adulte sont des appels ou des maintiens d'attention, lorsqu'elle est déjà focalisée : il s'agit de guider l'enfant vers les informations saillantes concernant un objet, une situation ou un événement à explorer. Pour cela, l'adulte place un objet dans le champ visuel du bébé, l'agite, le déplace ou lui fait émettre des sons. C'est en grande partie la mère qui fournit le soutien principal à la construction d'un contrôle autonome de l'attention de son enfant. c) L’étayage au profit de l’autonomie Vers 6 mois, le bébé commence à prendre l'initiative des interactions et l'adulte accompagne ses progrès en lui apportant un étayage : en le mobilisant vers le but à atteindre en réduisant la difficulté d'une tâche en signalant les caractéristiques pertinentes et en fournissant des démonstrations qui incitent l'enfant à imiter en favorisant un maintien de l'attention en fournissant une évaluation des productions en félicitant l'enfant pour ses réussites et en le préservant d'un excès de frustration en cas d'échec Ainsi l'adulte permet à l'enfant d'aller au-delà de ce qu'il est capable de réaliser tout seul en enrichissant et en potentialisant ses compétences. L'étayage prend place dans des épisodes d'actions conjointes (plusieurs personnes portent dans le même temps leur attention sur le même objet), avec un ajustement des comportements de l'adulte à ceux du tout petit. Il se traduit par des réponses contingentes, c'est à dire immédiates et adaptées au besoin ou à la demande de l'enfant. Ce dernier y trouve une motivation à poursuivre ses explorations et développe ainsi un sentiment de compétence. Progressivement, l'étayage s'estompe au profit de l'autonomie de l'enfant. De nombreux échanges ont lieu dans des situations répétitives (qui fournit aussi des réponses similaires), fait essentiel qui rend l'environnement prévisible pour l'enfant : il prend alors conscience de son pouvoir sur l'entourage tout en développant la notion de causalité. Dans ces activités verbales et gestuelles, l'enfant apprend aussi, entre 8 et 10 mois, à inverser les rôles, à être destinataire et meneur de l'action. En parallèle, l'alternance des rôles de récepteur et de locuteur s'y superpose, dans l'expression vocale d'abord, puis verbale. d) Les différents lieux de vie et la diversité des partenaires sociaux Progressivement, les partenaires de l'enfant vont se diversifier. Dans les premiers mois, la mère est le partenaire principal, mais le père prend de plus en plus une part active dans les échanges ultérieurs, et sa relation avec la mère contribue à la qualité de l'environnement. Il développe aussi des interactions avec son enfant, dans les activités de soin et les jeux auxquels il participe. Ses modalités d'interaction sont proches de celles de la mère, avec néanmoins une tendance à proposer davantage d'activités nouvelles ou déstabilisantes, qui aident l'enfant à progresser dans la réalisation autonome des tâches proposées. Les tout-petits ont aussi des contacts précoces avec d'autres enfants : dans la fratrie ou avec les pairs. Des regards et des explorations réciproques ont lieu si les bébés sont proches, mais ces phénomènes sont discrets et assez brefs. Les conduites d'imitation sont alors fréquentes, et surtout lorsqu'il s'agit de manipuler des objets : on observe alors des essais et des abandons simultanés. Au cours de la deuxième année, les échanges deviennent plus complexes, et les répertoires comportementaux se diversifient : sollicitations, câlins, menaces, saisies, agressions ouvertes, etc. En corollaire, il découvre le monde d'une façon plus poussée et tisse des liens sociaux en amplification permanente. La famille est évidemment le premier lieu de vie de l'enfant. Avant les années 50, le bébé avait des rapports avec ses frères, les parents, parfois ses grands parents et il fallait souvent attendre l’âge de 6 ans pour son expérience sociale s’élargisse. Depuis cette période, les nombreux débats d’idées et les évolutions socioculturelles ont beaucoup modifié la logique et ainsi les structures familiales. Nous sommes passés à de conceptions propres au modèle de la famille moderne. Le combat pour l’égalité hommes-femmes a aussi profondément remis en question la répartition des rôles masculins et féminins en redéfinissant les composantes des fonctions parentales. Ainsi, les soins aux enfants sont moins considérés comme la charge exclusive des femmes et davantage comme relevant de la responsabilité des deux parents. Les pères sont incités à jouer un rôle de plus en plus tôt auprès de leur enfant. Ils sont maintenant très nombreux à participer à l’accouchement et au maternage des premiers temps de la vie du bébé. Ils revendiquent un rôle et une place importants auprès de leur enfant. Mais les pratiques et les positionnements éducatifs gardent aussi toujours un certain « héritage » traditionnel. Les femmes sont ainsi souvent partagées entre le désir d’être la meilleure mère possible, dévouée, disponible et attentive, et leurs aspirations d’épanouissement personnel et d’activités professionnelles. La différenciation des fonctions paternelles et maternelles existe toujours mais elle est en quelque sorte plus malléable, définie selon les règles, les conceptions et la sensibilité propre à chaque couple de parents. Le concept de « parentalité » tend à se substituer à la distinction traditionnelle des fonctions du père et de la mère. A partir de 2 ans, les petits enfants ont la possibilité d’être accueillis à l’école maternelle, et environ un tiers des 2-3 ans sont scolarisés en France. La France et la Belgique sont les deux pays à scolariser avant 3 ans. En Europe, une grande proportion des enfants de moins de 3 ans fréquentes des milieux extrafamiliaux : dans des structures collectives (crèches, etc.) ou chez des nourrices. C’est au Danemark que l’accueil subventionné des tout-petits a été le plus développé : 50% des moins de 3 ans y ont une place. En France, près de la moitié des enfants de moins de trois ans sont gardés à leur domicile, par la mère le plus souvent ou par un autre membre de la famille. Pour les autres enfants, ce sont surtout les gardes individualisées qui priment et moins les crèches, surtout par manque de place.