II. L`attribution causale

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DYNAMIQUES SOCIALES ET GROUPALES ET PROCESSUS COGNITIFS
M. GOSLIN
COURS 3
D1 312
UNIVERSITE PARIS X : 2001-2002
ATTRIBUTION CAUSALE ET ACTIVITES DE JUGEMENT
I. INTRODUCTION
Notions clefs :

Causes

Responsabilité

Intention

Blâme et sanction
Ce n’est pas tant de savoir la cause ou le jugement réel mais comment, dans la vie
quotidienne, ces conduites se font. C’est la notion de pensée sociale de MOSCOVICI qui reprend
celle-ci dans la notion de représentation sociale. Dans la pensée sociale, il y a le jugement social
(catégorisation, stéréotypes, thèmes implicites de la responsabilité, morphopsychologie…). C’est une
façon pratique de porter des jugements sociaux. Ces jugements sociaux ont une portée réelle. Ils
n’ont pas de base réelle ou vraie, mais ont des conséquences sociales réelles et vraies.
Ex :
– L’entretien ;
– Performance-Orient. : c’est un logiciel qui fait des inférences sur les traits de personnalité et calcule des
probabilités sur les emplois à occuper.
Ce qui produit l’illusion de vérité, c’est que le jugement social est souvent consensuel.
Henri PAICHELER, observation polémique : les jugements, dans la vie de tous les jours, sont constitués de
la même façon que les questionnaires scientifiques sur la personnalité.
En fait la structure du jugement au quotidien est la même que la structure du jugement
formulé scientifiquement :
 Soit les gens sont de bons psychologues (capables de juger la personnalité
d’autrui).
 Soit les tests scientifiques sont basés sur le sens commun (les catégories, les
questions et la mise en relation reprennent le sens commun).
Les Américains disent que la psychologie a pour objet de reprendre et de mettre en forme le
sens commun. En France, on préfère la notion de rupture épistémologique (BACHELARD) : pour faire
de la science, il faut rompre avec le sens commun. Il faut :

Définir un objet scientifique

Faire des modèles

Vérifier la validité des modèles.
Pour la psychologie sociale, le point de vue n’est pas de savoir si le jugement social est vrai
ou pas, mais de montrer qu’il joue une fonction sociale, qu’il existe une vérité pratique qui devient une
vérité sociale conceptuelle.
On parle de Self prophecy processing (prophétie réalisante : c’est une prédiction qui se
réalise). La personne qui fait l’objet d’un jugement a tendance à se conformer au jugement. Le
jugement produit ses propres effets, qui produisent un effet de validation de celui-ci. Le fait que les
personnes se conduisent selon nos attentes crée une illusion de validation.
Ex :
– Les enseignants, par le jugement qu’ils portent, produisent les effets attendus de ceui-ci. L’enseignant
renvoie le feed-back de l’élève qui ne fait pas d’effort, à celui qui échoue. Le problème c’est que cela peut
encourager l’élève qui fait des efforts, à ne plus en faire.
– On propose à un étudiant une conversation téléphonique avec une étudiante, dont on lui dit qu’elle est
sympathique. La conversation est ensuite évaluée par des juges. On observe alors que l’étudiant s’est
adapté à la façon dont on lui a présenté l’étudiante.
Cela pose un problème à la psychologie : quel est l’impact de l’observateur sur l’observé.
Dans le cas d’une recherche, le psychologue est en situation d’observation.
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Ex : en physique, le fait d’éclairer un électron va modifier sa vitesse. Le simple fait d’observer l’électron va
modifier sa façon d’être.
Le fait d’observer une personne va modifier son comportement.
Ex : l’effet placebo : même s’il ne contient pas de molécule active, un médicament peut entraîner la
guérison du patient. Pour mesurer l’effet d’un médicament, on donne un placebo à un sujet et une molécule
active à un autre. On s’est aperçu que les médecins avaient une influence sur leurs patients. Aujourd’hui,
pour éviter toute influence, le médecin ignore si le médicament est ou non un placebo. Le problème c’est
que la personne qui donne le médicament au médecin influence également celui-ci. Donc, on travaille en
double aveugle.
Or en psychologie, on ne prend pas ce type de précaution. Généralement, l’expérimentateur
connaît les hypothèses et les théories. Cet impact des préjugés, représentations, stéréotypes et
attentes a des effets réels. Les attentes deviennent vraies.
Dans la pensée sociale, on peut intégrer les attributions ou les explications qu’on produit
spontanément du jugement d’autrui. Cela fait partie des jugements sociaux.
On peut introduire le jugement de responsabilité, le blâme, les sanctions sociales (rejet,
exclusion). L’intention fait partie de la responsabilité mais ce n’est pas le seul niveau.
II. L’ATTRIBUTION CAUSALE
II. 1. Théories de l’attribution
II. 1. A. Travaux sur le jugement de responsabilité
Dans les théories de l’attribution, on s’intéresse à ce qui produit des causes. La responsabilité
est le fait que l’on doit rendre des comptes à quelqu’un, on doit répondre à quelqu’un (étymologie, en
latin respondere).
Avec la question de la cause, revient souvent celle de la responsabilité. La question de la
cause implique un jugement de responsabilité sous-jacent.
Au départ, c’est la façon dont les gens expliquent les événements et les conduites (\\ cognitif).
Ils cherchent à comprendre leur environnement (\\ compréhension scientifique). Ils doivent simplifier
l’environnement et les explications sont là pour ça. Produire une explication centrée sur la personne
simplifie. La simplification par la cause est aussi un guide pour l’action. Il existe deux types de
causes :
 Cause interne [capacité (facteur stable) / motivation ; intention (facteur instable)]
 Cause externe
Globalement, on a tendance à produire plus d’explications internes. C’est le biais
d’internalité ou erreur fondamentale.
Des expériences ont montré que :
– Les hommes sont plus internes que les femmes
– Les blancs que les noirs (USA)
– Ceux qui ont le pouvoir que ceux qui ne l’ont pas.
II. 1. B. La norme d’internalité
Les explications internes sont socialement valorisées : quelqu’un qui fournit des explications
internes obtient des jugements favorables de la part d’autrui. C’est vrai pour les auto et hétéroévaluations.
Ex : On fait une expérience lors d’entretiens d’embauche. Certains reçoivent un stage classique et d’autres
un entraînement à l’internalité. Le groupe avec des réponses internes a de meilleurs résultats.

DUBOIS, La norme d’internalité
Jacques PY et SOMAT ont parlé de clairvoyance normative. C’est l’idée que les gens sont
conscients que s’ils donnent des réponses internes, ils seront évalués plus favorablement par autrui.
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Cela permet de distinguer ceux qui savent et ceux qui ne savent pas qu’ils seront mieux jugés
dans le cas d’internalité.
Exp : On présente 2 questionnaires : 1) « répondez en cherchant à être évalué favorablement » ; 2)
« répondez en cherchant à être évalué défavorablement ». Ceux qui ont plus de favorable que de
défavorable sont les clairvoyants. On distingue :
– Les clairvoyants internes et les clairvoyants externes
– Les non-clairvoyants internes et les non-clairvoyants externes.
On peut être clairvoyant et faire des attributions externes. Est-ce que les gens adhèrent
individuellement à la norme (\\ Expérience de ASH) ? Il y a ceux qui adhèrent à leurs réponses et ceux
qui cherchent à ne pas être différents des autres (\\ conformisme). Il y a une norme de consistance qui
fait penser que ce qui arrive vient de soi.
II. 2. Les travaux sur l’origine et la causalité
II. 2. A. HEIDER : unité entre agent et action ; causalité scientifique

HEIDER, 1994, Perception causale et causalité phénoménale
HEIDER met l’accent sur la recherche de l’origine. Il s’intéresse à la recherche de l’origine
d’un phénomène (une action), qu’il différencie de la recherche de la cause. C’est la personne qui est
le prototype de l’origine quand il s’agit d’une action. Il s’appuie pour cela, sur la psychologie de
l’enfant :
L’enfant ne différencie pas l’agent de l’action, qu’il perçoit comme une unité. De même, nous
unifions comportement et cause. Ce schéma ancré en nous, nous fait chercher la cause du
comportement dans l’acteur qui est à l’origine ( situation). Il oppose deux types de causalités :

Unité entre agent et action : la question n’est pas focalisée sur l’origine. Ce sont tous
des phénomènes de même niveau, de même statut. HEIDER invoque une propriété qui
serait ancrée en nous dès l’enfance.

Causalité de type scientifique : la question n’est pas de rechercher une origine à un
phénomène, mais une sorte de régression sans fin (ex : B cause A ; C cause B ; D cause
C…).
Dans le premier cas, ce qui fait la différence avec la causalité scientifique, c’est que l’on
recherche l’origine et l’on s’arrête là. On tente de relier le comportement de quelqu’un à une
caractéristique stable de sa personne (\\ « bonne forme » de la gestalt), ce qui demande de se
décentrer de la bonne forme. On pourrait appeler cela la causalité spontanée c’est-à-dire chercher à
trouver la bonne forme.
L’esprit humain aurait une bicausalité (MOSCOVICI), l’une orientée vers la personne ; l’autre,
plus scientifique, en essayant de réfléchir objectivement :
 Effet/origine (quotidienne : agent/action)
 Effet/cause (scientifique)
II. 2. B. FAUCONNET : le besoin social ; la responsabilité au crime
D’après le sociologue FAUCONNET, la recherche de la cause première personnelle s’appuie
sur un besoin social ( HEIDER, enfance). À l’origine de ce type de simplification serait le besoin de
trouver une responsabilité au crime pour pouvoir ensuite, appliquer une sanction.
La société a besoin de sanctionner les déviances, de désigner un responsable. De même
dans la vie de tous les jours, tout ce qui nous paraît anormal, non familier, qui sort de ce qui est
attendu dans une situation donnée, nous conduit à rechercher une responsabilité, un responsable. On
fonctionnerait de la même façon dans la vie quotidienne.
MOSCOVIVI généralise ce phénomène en parlant de la société comme « l’ère du soupçon ».
L’attitude spontanée est : « qui est à blâmer ? » C’est une activité sociale importante. Dans les
situations quotidiennes c’est la pression à l’action qui pousse à cette « paresse cognitive ». C’est
parce qu’on doit interagir vite que l’on simplifie de cette façon.
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II. 2. C. KELLEY, JONES et DAVIS : le modèle de la causalité rationnelle ; le
statisticien naïf
À la suite de HEIDER, KELLEY, JONES et DAVIS ont réduit la théorie en se centrant sur le
modèle de la causalité rationnelle de type scientifique, sauf que KELLEY en a fait le modèle de la
causalité quotidienne.
L’homme de la rue est un statisticien naïf qui applique des lois rationnelles pour expliquer les
comportements, les actions et les événements. KELLEY a développé un modèle proche de l’analyse
de variance.
Ex : « John rit de l’acteur. » Pourquoi John rit-il ?
– Est-ce que tout le mode rit de l’acteur ?  consensus
– Est-ce que John a l’habitude de rire en général ?  Si oui, on attribue la cause à John
– Est-ce que John rit de tous les acteurs ou de celui-là ?  différenciation
En fonction de cela les gens décideront si c’est John qui est la cause où si c’est la situation.
Des expériences ont montré que les gens ne fonctionnent pas comme cela : ils n’en ont ni le temps ni
la motivation. Les gens ont pour but d’obtenir, quand ils expliquent, une compréhension des
événements et des conduites : besoin de compréhension rationnelle.
On peut penser qu’il y a d’autres buts que ceux de la compréhension objective de la réalité
sociale, comme des buts sociaux. Plusieurs auteurs sont revenus à l’idée de HEIDER : les gens
cherchent plutôt à attribuer une responsabilité qu’une cause. Sous-jacent à nos attributions causales
quotidiennes, c’est la question de la responsabilité qui est en jeu.
II. 2. D. BUSS : la distinction causes/raisons
BUSS, 1980, a proposé de distinguer les causes et les raisons.

Les causes expliquent les occurrences c’est-à-dire les événements ou les comportements
non-intentionnels. Dans ce cas, on peut donc avoir une recherche de cause.

Les raisons sont utilisées pour expliquer les actions. Ce sont des comportements
intentionnels.
Il s’appuie sur ARISTOTE avec :
 La notion de cause efficiente, celle qui apporte le changement.
 La notion de cause finale, celle pour laquelle le changement est produit.
La cause finale se réfère à la raison, au but et à l’intention de l’acteur. Ce type d’explication
par les raisons serait adapté aux actions. On explique les actions par des raisons. Si c’est un
événement, la recherche est plus ouverte : on peut rechercher dans la situation, dans les événements
physiques. Là on peut utiliser la causalité scientifique.
L’explication par les raisons se fait en termes de moyens/fin. Elle a pour but de donner un
sens à l’action ou de la justifier par rapport aux normes sociales.
Ex : « Je dis ce que je pense, je pense ce que je dis »  consistance interne.
« Je fais ça parce que c’est bien de faire ça »  norme sociale.
Certains auteurs travaillent sur la norme de consistance. Sur le plan social, on peut dire qu’il
y a une norme de consistance forte mais qui peut être différente entre individus.
II. 2. E. MOSCOVICI : causalité à première et à la troisième personne
La recherche cause/effet a pour but d’expliquer l’événement par des lois scientifiques.
MOSCOVICI a parlé de :

causalité à la première personne (je justifie une action…  par la raison) et de

causalité à la troisième personne. C’est le point de vue de l’objectivité qui se différencie de
l’intention de la personne.
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On peut avoir cette seconde attitude, même en présence de l’intention (ex. : circonstances
atténuantes, Code Pénal). On ne s’arrête pas à l’intention, on élargit à la recherche de causes en
dehors de l’intention, du but poursuivi par la personne.
II. 2. F. KRUGLANSKI : la polysémie du mot « cause »
Pour KRUGLANSKI, ce n’est pas un problème de cause/raison. Il y a plusieurs sens au mot
cause. Il y a un sens qui inclut l’explication par les raisons et il y a un sens exclusif qui fait une
recherche de type scientifique.
Il distingue les actions endogènes et les actions exogènes. C’est une distinction sur le lien
entre raison/action :

Exogène, c’est l’action qui est menée pour un but extérieur à l’action.

Endogène, c’est l’action qu’on fait pour elle-même, sans aucune raison extérieure.
II. 2. G. HARVEY et TUCKER : critique du critère d’intentionnalité
Ils ont critiqué le fait que, dans la pratique, il est difficile de dire si un comportement est
intentionnel ou non. (Rappel : occurrence = événement ou action non intentionnel)
Ils reprennent les exemples de BUSS pour formuler leur critique :
Performance aux tests d’intelligence
Action intentionnelle
Expression d’une attitude et d’une opinion
Émotion, sympathie
Occurrence (non intentionnelle)
Facilité d’expression verbale, autorité
Pour eux, BUSS échoue à donner un critère indépendant qui permettrait de classer les actions
selon l’intentionnalité.
BUSS répond en invoquant l’ambiguïté des exemples, effectivement sujets à discussion. Pour
lui, le point important est que la distinction entre occurrence et action est conceptuellement et
logiquement rigoureuse. La question est : « la personne forme-t-elle ou non librement une intention
d’agir ? » La réponse n’est pas évidente, mais la question correspond à quelque chose d’important sur
le plan logique et sur le plan social.
Ex : Réussite/échec perçu par les enseignants. Ce qui est important c’est que l’élève ne fait pas d’effort.
C’est comme si l’élève n’avait pas envie de réussir, comme s’il avait l’intention d’échouer.
Très souvent, il y a passage de l’un à l’autre, des causes aux raisons et même
transformations de l’un à l’autre :
 D’une raison à une cause
Ex : BUSS prend l’exemple de l’alcoolique : il a besoin de boire. C’est un besoin qu’il ne peut pas contrôler.
C’est le passage d’une raison à une cause.
 D’une cause à une raison : c’est un facteur d’émancipation sur le plan individuel et
social. C’est le phénomène de la prise de conscience (\\ psychanalyse).
La difficulté est de repérer ces transformations qui rendent difficile l’identification des
phénomènes.
Cette notion d’intention permet de faire le pont entre les recherches sur les attributions
causales et le jugement de responsabilité. On peut dire qu’il y a un continuum entre ces deux
questions.
III. LE JUGEMENT DE RESPONSABILITE
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III. 1. HEIDER : les 5 niveaux de responsabilité
HEIDER est considéré comme le fondateur de la question de l’attribution causale mais il a
aussi proposé un classement des niveaux de responsabilité entre une personne et son acte. La
responsabilité va s’exprimer sous forme de degré alors que la question causale répond à la question
« qu’est-ce qui » c’est-à-dire à un critère de classement.
Il repère 5 niveaux de responsabilité différente qui peuvent varier selon le rôle social et selon
la situation.
III. 1. A. Premier niveau : l’association
C’est le niveau le plus large. La personne est tenue pour responsable de toute action ayant un
lien avec elle.
Ex : un ministre, dans l’affaire du sang contaminé, est responsable en tant que ministre (sur un plan
politique) dès qu’il est devant les tribunaux, la question est « est-ce qu’il savait ? » Le débat s’est déplacé.
III. 1. B. Deuxième niveau : la causalité
L’acteur est une condition nécessaire à la production de l’action, qu’il ait ou non, prévu le
résultat et que celui-ci soit ou non, intentionnel. Mais il faut que l’acteur lui-même soit une condition
nécessaire à l’action. (\\ PIAGET : la responsabilité objective)
Ex : L’accident de voiture
III. 1. C. Troisième niveau : la prévisibilité
Une personne est considérée comme responsable pour tout événement dont elle est la cause
et qu’elle peut avoir prévu, même si ce n’est pas le résultat d’une intention. Car elle aurait pu l’éviter,
mais ne l’a pas fait par « stupidité, négligence ou faiblesse morale ».
III. 1. D. Quatrième niveau : l’intention
Une personne est perçue responsable pour ce qu’elle a l’intention de faire (c’est ce qui
distingue l’intention de BUSS ; \\ PIAGET : niveau de la responsabilité subjective).
III. 1. E. Cinquième niveau : la justification
Une personne n’est pas forcément, entièrement responsable de son intention, car celle-ci a sa
source dans l’environnement.
Ex : L’échec scolaire : d’où vient le manque d’effort ? De l’éducation, des disputes familiales…
Les trois premiers niveaux relèvent des causes et les deux suivants relèvent des raisons.
III. 2. HAMILTON : la responsabilité de rôle
Le jugement de responsabilité n’est pas indépendant de l’organisation sociale. C’est la notion
de responsabilité de rôle développée par HAMILTON. (ex : un ministre qui est spécialiste d’un
domaine est plus responsable qu’un enfant qui n’y connaît rien) Selon les rôles, n’importe qui ne peut
être tenu responsable de n’importe quoi. La responsabilité c’est répondre de quelque chose devant
quelqu’un (en latin respondere signifie répondre)
IV. LES LIENS ENTRE CAUSE ET RESPONSABILITE : LA NOTION DE BLAME
Quels sont les liens entre cause, responsabilité et sanction ? Beaucoup d’auteurs ont pensé
que l’homme de la rue raisonnait comme un statisticien ou comme un juge, d’où l’élaboration du
modèle juridique de la responsabilité.
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IV. 1. Modèle juridique de la responsabilité : l’intention comme préalable
Cause = acteur
(actem reus)
Responsabilité
Intention
(mens rea)
Blâme
Sanction
Circonstances
atténuantes
IV. 2. Modèle quotidien de la responsabilité : l’intention comme
justification
Cause = action
Sanction
Blâme
Responsabilité
Intention
Stéréotype ou
catégorisation
La présence d’un stéréotype négatif attaché à l’acteur déclencherait une sanction ou un blâme
et le jugement de responsabilité et l’intention seraient déduits de cette sanction.
Ex : cf. expérience sur les skinheads (Polycopié Fig. p. : TD psychologie sociale texte n° 3)
V. EXPERIENCES RELATIVES A L’ATTRIBUTION CAUSALE EN RAPPORT
AVEC LE BLAME
V. 1. NEWCOMB
NEWCOMB (USA,1943) étudie au BENNINGTON COLLEGE, des étudiants qui viennent de
familles aisées et conservatrices. Son observation porte sur les étudiants et le personnel de
l’université. Il remarque que les étudiantes ont des opinions conservatrices en rapport avec le milieu
social. En 4° année, elles formulent des avis de type gauche démocrate (pour la majorité) voire même
socialiste (environ 30 %).
Le personnel de l’université avait des opinions plutôt à gauche. NEWCOMB fait l’hypothèse
que c’est le fait d’être à l’université qui explique leur changement d’opinion. Ce sont les interactions
entre étudiants qui radicalisent leur opinion. Il se pose la question de savoir si ce changement est
durable. Il a fait repasser un entretien 25 ans, puis 40 ans après.
Les résultats montrent qu’il y a une stabilité des opinions, acquises à ce moment-là (18 à 25
ans) alors qu’entre 18 et 25 ans elles évoluent.
V. 2. Serge GUIMOND
Serge GUIMOND (Canada) traite des attributions causales mais en rapport avec le blâme. Il y
a une sorte d’inhibition attachée à cette notion, qui pose problème aux sujets. Dans certaines
situations de GUIMOND, le blâme est valorisé, dans d’autres, il y a une sorte de proscription.
Serge GUIMOND a comparé les opinions d’étudiants et de chômeurs sur les thèmes :
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 Pauvreté
 Chômage
 Infériorité économique des francophones canadiens.
Les chômeurs sont en situation d’acteurs, les étudiants en situation d’observateurs. S’il n’y a
pas de différence entre les chômeurs et les étudiants, par contre, il y en a entre les filières d’études :

Ingénieur/commerce : explications internes pour les trois thèmes

Sciences sociales : explications externes, sociologiques (blamed system, c’est le système
qui est blâmé).
 Soit on blâme la personne, soit on blâme le système.
V. 2. A. Les hypothèses
Il a formulé deux hypothèses :
a) L’autosélection
Si les étudiants choisissent le commerce c’est parce qu’ils ont déjà des idées, explications,
proches de celles des personnes qui sont dans ces filières, c’est-à-dire proche de l’idéologie
dominante dans ce milieu.
Pour les étudiants en sciences sociales, les explications sur le système correspondent déjà à
leurs idées de départ et ils étaient déjà en accord avec les gens de ce milieu.
b) La socialisation
Tous ces gens là sont pareils au départ mais c’est les études qui les amènent à se socialiser
et à adopter les normes du groupe.
V. 2. B. La méthode
Il a testé ces hypothèses sur trois groupes d’étudiants à différents moments de leur cursus :
 Au début de leurs études, à la rentrée de septembre (pour voir s’ils sont différents
au départ)
 6 mois après (en mars)
 En 3 ° et 4° années.
Il a interrogé 336 étudiants et il n’a retenu que ceux qui correspondaient aux trois groupes
soient 273 étudiants. Il a également interrogé 311 étudiants de 3° et 4° années dont 112 qui avaient
déjà répondu au début.
Il y avait donc à la fois des échantillons transversaux et longitudinaux.
Le questionnaire comportait 3 groupes de questions qui portaient sur :
 Les causes de la pauvreté
 Les causes du chômage
 Les causes de l’infériorité des francophones.
Pour chaque groupe il y avait 6 items :
Ex :
– Les gens ne font pas assez d’efforts
– L’industrie privée n’offre pas d’emploi
V. 2. C. Analyse des résultats
Il a procédé à quatre types d’analyses :
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 Uniquement sur la première phase (début septembre) : pour tester s’il y avait une
différence au départ.
 A la fin de la première année : Est-ce lié à la socialisation ?
 Les 3° et 4° années en rapport avec les 1° année (début et fin mélangé) : pour
tester l’hypothèse de socialisation sur une durée plus longue.
 L’échantillon longitudinal : est-ce que les gens changent d’avis individuellement ?
V. 2. D. Résultats

En première année, quel que soit le thème, dans tous les cas, les étudiants ne se
différencient pas : l’hypothèse d’autosélection n’est pas validée.

En fin d’année (en mars), les étudiants de sciences sociales blâment le système plus que
les étudiants des autres filières, quel que soit le thème. Il y a également une hausse pour
le blâme de la personne chez les ingénieurs.

Comparaison première année (début/fin mélangés) aux troisièmes années : il y a une
interaction. Les étudiants en sciences sociales blâment plus le système que ceux de la
première année alors que c’est l’inverse pour les étudiants en commerce et pour les
ingénieurs. Il y a une accentuation de la divergence observée en première année.

L’échantillon longitudinal : les résultats sont significatifs entre le début et la fin de première
année, et vont dans le même sens. Ce sont bien les gens qui changent d’avis et qui
deviennent différents en fonction des filières suivies.
V. 2. E. Problèmes méthodologiques
Il y a plus de filles dans certaines filières ce qui pourrait expliquer la différence. C’est le sexe
qui jouerait et non pas le type de filière. Il refait des analyses en contrôlant le sexe : globalement les
résultats se maintiennent.
En conclusion,
d’autosélection.
c’est
hypothèse
de
socialisation
qui
l’emporte
que
l’hypothèse
GUIMOND a également émis plusieurs hypothèses suite au travail de NEWCOMB. Il a mené
une expérience en observant l’attitude vis-à-vis de corporations ou de groupes très typés :
 Les syndicats
 Les immigrés
 Les capitalistes
 Les milliaires…
Il montre que c’est surtout les étudiants en sciences sociales qui évoluent et qui deviennent
progressistes. La différence observée vient surtout des sciences sociales par rapport aux étudiants en
commerce et aux ingénieurs qui ont moins tendance à changer.
Ce n’est pas étonnant car les études dans les sciences sociales ont un rapport avec ces
thèmes.
V. 3. WASHBURN : l’autorité épistémique
Pour WASHBURN, les sciences sociales favorisent l’acquisition d’une disposition à éviter de
blâmer les personnes : c’est la proscription ou l’évitement du blâme des personnes. Ce serait
principalement les hommes qui évolueraient vers l’évitement du blâme.
Il avance la notion d’autorité épistémique :
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« Sources de connaissance auxquelles les gens se fient pour prendre position sur un sujet
particulier. »
C’est dans la lignée des travaux de FESTINGER.
V. 4. GUIMOND : Les quatre catégories d’autorité épistémique
Il distingue quatre catégories de sources d’autorité épistémique :

Contact avec les autres étudiants

Contenu des cours

Les professeurs eux-mêmes

Les informations données par les médias et autres lectures.
Il demande aux sujets ce qui les ont le plus influencé dans leurs études : les pairs, les cours,
les professeurs ou autre. Il obtient les résultats suivants :

Pour les étudiants en sciences sociales :
1. Autres
2. Pair
3. Cours
4. Professeurs

Pour les étudiants en commerce
1. Pairs
2. Autres
3. Cours
4. Professeurs
Résultats :
 Il y a corrélation entre ces réponses et les changements envers les opinions
(changements effectifs d’attitude). C’est ceux qui pensent que les cours ont le
plus d’influence sur eux qui changent le plus.
 Il y a une corrélation forte avec les attributions externes : ceux qui mettent le
système en cause.
 Il remarque qu’en commerce, l’influence des pairs va dans le même sens que
l’influence des professeurs et que celle des cours : ceux qui blâment le plus les
personnes.
 En sciences sociales, il y a une sorte d’opposition entre influence des pairs et
influence des cours.
Il conclut que l’influence des pairs est globalement conservatrice c’est-à-dire renforce l’attitude
initiale et que l’influence des cours dépend des filières (en commerce, conservateur ; en sciences
sociales, progressiste).

L’influence des pairs est plutôt normative, liée au désir d’être accepté par le groupe.

L’influence des cours est plutôt informationnelle et liée à la validité des idées perçues qui
permettent l’influence.
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