DYNAMIQUES SOCIALES ET GROUPALES ET PROCESSUS COGNITIFS D1 312
M. GOSLIN COURS 3 UNIVERSITE PARIS X : 2001-2002
1
ATTRIBUTION CAUSALE ET ACTIVITES DE JUGEMENT
I. INTRODUCTION
Notions clefs :
Causes
Intention
Responsabilité
Blâme et sanction
Ce n’est pas tant de savoir la cause ou le jugement réel mais comment, dans la vie
quotidienne, ces conduites se font. C’est la notion de pensée sociale de MOSCOVICI qui reprend
celle-ci dans la notion de représentation sociale. Dans la pensée sociale, il y a le jugement social
(catégorisation, stéréotypes, thèmes implicites de la responsabilité, morphopsychologie…). C’est une
façon pratique de porter des jugements sociaux. Ces jugements sociaux ont une portée réelle. Ils
n’ont pas de base réelle ou vraie, mais ont des conséquences sociales réelles et vraies.
Ex :
L’entretien ;
Performance-Orient. : c’est un logiciel qui fait des inférences sur les traits de personnalité et calcule des
probabilités sur les emplois à occuper.
Ce qui produit l’illusion de vérité, c’est que le jugement social est souvent consensuel.
Henri PAICHELER, observation polémique : les jugements, dans la vie de tous les jours, sont constitués de
la même façon que les questionnaires scientifiques sur la personnalité.
En fait la structure du jugement au quotidien est la même que la structure du jugement
formulé scientifiquement :
Soit les gens sont de bons psychologues (capables de juger la personnalité
d’autrui).
Soit les tests scientifiques sont basés sur le sens commun (les catégories, les
questions et la mise en relation reprennent le sens commun).
Les Américains disent que la psychologie a pour objet de reprendre et de mettre en forme le
sens commun. En France, on préfère la notion de rupture épistémologique (BACHELARD) : pour faire
de la science, il faut rompre avec le sens commun. Il faut :
Définir un objet scientifique
Faire des modèles
Vérifier la validité des modèles.
Pour la psychologie sociale, le point de vue n’est pas de savoir si le jugement social est vrai
ou pas, mais de montrer qu’il joue une fonction sociale, qu’il existe une vérité pratique qui devient une
vérité sociale conceptuelle.
On parle de Self prophecy processing (prophétie réalisante : c’est une prédiction qui se
réalise). La personne qui fait l’objet d’un jugement a tendance à se conformer au jugement. Le
jugement produit ses propres effets, qui produisent un effet de validation de celui-ci. Le fait que les
personnes se conduisent selon nos attentes crée une illusion de validation.
Ex :
Les enseignants, par le jugement qu’ils portent, produisent les effets attendus de ceui-ci. L’enseignant
renvoie le feed-back de l’élève qui ne fait pas d’effort, à celui qui échoue. Le problème c’est que cela peut
encourager l’élève qui fait des efforts, à ne plus en faire.
On propose à un étudiant une conversation téléphonique avec une étudiante, dont on lui dit qu’elle est
sympathique. La conversation est ensuite évaluée par des juges. On observe alors que l’étudiant s’est
adapté à la façon dont on lui a présenté l’étudiante.
Cela pose un problème à la psychologie : quel est l’impact de l’observateur sur l’observé.
Dans le cas d’une recherche, le psychologue est en situation d’observation.
DYNAMIQUES SOCIALES ET GROUPALES ET PROCESSUS COGNITIFS D1 312
M. GOSLIN COURS 3 UNIVERSITE PARIS X : 2001-2002
2
Ex : en physique, le fait d’éclairer un électron va modifier sa vitesse. Le simple fait d’observer l’électron va
modifier sa façon d’être.
Le fait d’observer une personne va modifier son comportement.
Ex : l’effet placebo : même s’il ne contient pas de molécule active, un médicament peut entraîner la
guérison du patient. Pour mesurer l’effet d’un médicament, on donne un placebo à un sujet et une molécule
active à un autre. On s’est aperçu que les médecins avaient une influence sur leurs patients. Aujourd’hui,
pour éviter toute influence, le médecin ignore si le médicament est ou non un placebo. Le problème c’est
que la personne qui donne le médicament au médecin influence également celui-ci. Donc, on travaille en
double aveugle.
Or en psychologie, on ne prend pas ce type de précaution. Généralement, l’expérimentateur
connaît les hypothèses et les théories. Cet impact des préjugés, représentations, stéréotypes et
attentes a des effets réels. Les attentes deviennent vraies.
Dans la pensée sociale, on peut intégrer les attributions ou les explications qu’on produit
spontanément du jugement d’autrui. Cela fait partie des jugements sociaux.
On peut introduire le jugement de responsabilité, le blâme, les sanctions sociales (rejet,
exclusion). L’intention fait partie de la responsabilité mais ce n’est pas le seul niveau.
II. L’ATTRIBUTION CAUSALE
II. 1. Théories de l’attribution
II. 1. A. Travaux sur le jugement de responsabilité
Dans les théories de l’attribution, on s’intéresse à ce qui produit des causes. La responsabilité
est le fait que l’on doit rendre des comptes à quelqu’un, on doit répondre à quelqu’un (étymologie, en
latin respondere).
Avec la question de la cause, revient souvent celle de la responsabilité. La question de la
cause implique un jugement de responsabilité sous-jacent.
Au départ, c’est la façon dont les gens expliquent les événements et les conduites (\\ cognitif).
Ils cherchent à comprendre leur environnement (\\ compréhension scientifique). Ils doivent simplifier
l’environnement et les explications sont pour ça. Produire une explication centrée sur la personne
simplifie. La simplification par la cause est aussi un guide pour l’action. Il existe deux types de
causes :
Cause interne [capacité (facteur stable) / motivation ; intention (facteur instable)]
Cause externe
Globalement, on a tendance à produire plus d’explications internes. C’est le biais
d’internalité ou erreur fondamentale.
Des expériences ont montré que :
Les hommes sont plus internes que les femmes
Les blancs que les noirs (USA)
Ceux qui ont le pouvoir que ceux qui ne l’ont pas.
II. 1. B. La norme d’internalité
Les explications internes sont socialement valorisées : quelqu’un qui fournit des explications
internes obtient des jugements favorables de la part d’autrui. C’est vrai pour les auto et hétéro-
évaluations.
Ex : On fait une expérience lors d’entretiens d’embauche. Certains reçoivent un stage classique et d’autres
un entraînement à l’internalité. Le groupe avec des réponses internes a de meilleurs résultats.
DUBOIS, La norme d’internalité
Jacques PY et SOMAT ont parde clairvoyance normative. C’est l’idée que les gens sont
conscients que s’ils donnent des réponses internes, ils seront évalués plus favorablement par autrui.
DYNAMIQUES SOCIALES ET GROUPALES ET PROCESSUS COGNITIFS D1 312
M. GOSLIN COURS 3 UNIVERSITE PARIS X : 2001-2002
3
Cela permet de distinguer ceux qui savent et ceux qui ne savent pas qu’ils seront mieux jugés
dans le cas d’internalité.
Exp : On présente 2 questionnaires : 1) « répondez en cherchant à être évalué favorablement » ; 2)
« répondez en cherchant à être évalué défavorablement ». Ceux qui ont plus de favorable que de
défavorable sont les clairvoyants. On distingue :
Les clairvoyants internes et les clairvoyants externes
Les non-clairvoyants internes et les non-clairvoyants externes.
On peut être clairvoyant et faire des attributions externes. Est-ce que les gens adhèrent
individuellement à la norme (\\ Expérience de ASH) ? Il y a ceux qui adhèrent à leurs réponses et ceux
qui cherchent à ne pas être différents des autres (\\ conformisme). Il y a une norme de consistance qui
fait penser que ce qui arrive vient de soi.
II. 2. Les travaux sur l’origine et la causalité
II. 2. A. HEIDER : unité entre agent et action ; causalité scientifique
HEIDER, 1994, Perception causale et causalité phénoménale
HEIDER met l’accent sur la recherche de l’origine. Il s’intéresse à la recherche de l’origine
d’un phénomène (une action), qu’il différencie de la recherche de la cause. C’est la personne qui est
le prototype de l’origine quand il s’agit d’une action. Il s’appuie pour cela, sur la psychologie de
l’enfant :
L’enfant ne différencie pas l’agent de l’action, qu’il perçoit comme une unité. De même, nous
unifions comportement et cause. Ce schéma ancré en nous, nous fait chercher la cause du
comportement dans l’acteur qui est à l’origine ( situation). Il oppose deux types de causalités :
Unité entre agent et action : la question n’est pas focalisée sur l’origine. Ce sont tous
des phénomènes de même niveau, de même statut. HEIDER invoque une propriété qui
serait ancrée en nous dès l’enfance.
Causalité de type scientifique : la question n’est pas de rechercher une origine à un
phénomène, mais une sorte de régression sans fin (ex : B cause A ; C cause B ; D cause
C…).
Dans le premier cas, ce qui fait la différence avec la causalité scientifique, c’est que l’on
recherche l’origine et l’on s’arrête là. On tente de relier le comportement de quelqu’un à une
caractéristique stable de sa personne (\\ « bonne forme » de la gestalt), ce qui demande de se
décentrer de la bonne forme. On pourrait appeler cela la causalité spontanée c’est-à-dire chercher à
trouver la bonne forme.
L’esprit humain aurait une bicausalité (MOSCOVICI), l’une orientée vers la personne ; l’autre,
plus scientifique, en essayant de réfléchir objectivement :
Effet/origine (quotidienne : agent/action)
Effet/cause (scientifique)
II. 2. B. FAUCONNET : le besoin social ; la responsabilité au crime
D’après le sociologue FAUCONNET, la recherche de la cause première personnelle s’appuie
sur un besoin social ( HEIDER, enfance). À l’origine de ce type de simplification serait le besoin de
trouver une responsabilité au crime pour pouvoir ensuite, appliquer une sanction.
La société a besoin de sanctionner les déviances, de désigner un responsable. De même
dans la vie de tous les jours, tout ce qui nous paraît anormal, non familier, qui sort de ce qui est
attendu dans une situation donnée, nous conduit à rechercher une responsabilité, un responsable. On
fonctionnerait de la même façon dans la vie quotidienne.
MOSCOVIVI généralise ce phénomène en parlant de la société comme « l’ère du soupçon ».
L’attitude spontanée est : « qui est à blâmer ? » C’est une activité sociale importante. Dans les
situations quotidiennes c’est la pression à l’action qui pousse à cette « paresse cognitive ». C’est
parce qu’on doit interagir vite que l’on simplifie de cette façon.
DYNAMIQUES SOCIALES ET GROUPALES ET PROCESSUS COGNITIFS D1 312
M. GOSLIN COURS 3 UNIVERSITE PARIS X : 2001-2002
4
II. 2. C. KELLEY, JONES et DAVIS : le modèle de la causalité rationnelle ; le
statisticien naïf
À la suite de HEIDER, KELLEY, JONES et DAVIS ont réduit la théorie en se centrant sur le
modèle de la causalité rationnelle de type scientifique, sauf que KELLEY en a fait le modèle de la
causalité quotidienne.
L’homme de la rue est un statisticien naïf qui applique des lois rationnelles pour expliquer les
comportements, les actions et les événements. KELLEY a veloppé un modèle proche de l’analyse
de variance.
Ex : « John rit de l’acteur. » Pourquoi John rit-il ?
Est-ce que tout le mode rit de l’acteur ? consensus
Est-ce que John a l’habitude de rire en général ? Si oui, on attribue la cause à John
Est-ce que John rit de tous les acteurs ou de celui- ? différenciation
En fonction de cela les gens décideront si c’est John qui est la cause si c’est la situation.
Des expériences ont montré que les gens ne fonctionnent pas comme cela : ils n’en ont ni le temps ni
la motivation. Les gens ont pour but d’obtenir, quand ils expliquent, une compréhension des
événements et des conduites : besoin de compréhension rationnelle.
On peut penser qu’il y a d’autres buts que ceux de la compréhension objective de la alité
sociale, comme des buts sociaux. Plusieurs auteurs sont revenus à l’idée de HEIDER : les gens
cherchent plutôt à attribuer une responsabilité qu’une cause. Sous-jacent à nos attributions causales
quotidiennes, c’est la question de la responsabilité qui est en jeu.
II. 2. D. BUSS : la distinction causes/raisons
BUSS, 1980, a proposé de distinguer les causes et les raisons.
Les causes expliquent les occurrences c’est-à-dire les événements ou les comportements
non-intentionnels. Dans ce cas, on peut donc avoir une recherche de cause.
Les raisons sont utilisées pour expliquer les actions. Ce sont des comportements
intentionnels.
Il s’appuie sur ARISTOTE avec :
La notion de cause efficiente, celle qui apporte le changement.
La notion de cause finale, celle pour laquelle le changement est produit.
La cause finale se réfère à la raison, au but et à l’intention de l’acteur. Ce type d’explication
par les raisons serait adapté aux actions. On explique les actions par des raisons. Si c’est un
événement, la recherche est plus ouverte : on peut rechercher dans la situation, dans les événements
physiques. Là on peut utiliser la causalité scientifique.
L’explication par les raisons se fait en termes de moyens/fin. Elle a pour but de donner un
sens à l’action ou de la justifier par rapport aux normes sociales.
Ex : « Je dis ce que je pense, je pense ce que je dis » consistance interne.
« Je fais ça parce que c’est bien de faire ça » norme sociale.
Certains auteurs travaillent sur la norme de consistance. Sur le plan social, on peut dire qu’il
y a une norme de consistance forte mais qui peut être différente entre individus.
II. 2. E. MOSCOVICI : causalité à première et à la troisième personne
La recherche cause/effet a pour but d’expliquer l’événement par des lois scientifiques.
MOSCOVICI a parlé de :
causalité à la première personne (je justifie une action par la raison) et de
causalité à la troisième personne. C’est le point de vue de l’objectivité qui se différencie de
l’intention de la personne.
DYNAMIQUES SOCIALES ET GROUPALES ET PROCESSUS COGNITIFS D1 312
M. GOSLIN COURS 3 UNIVERSITE PARIS X : 2001-2002
5
On peut avoir cette seconde attitude, même en présence de l’intention (ex. : circonstances
atténuantes, Code Pénal). On ne s’arrête pas à l’intention, on élargit à la recherche de causes en
dehors de l’intention, du but poursuivi par la personne.
II. 2. F. KRUGLANSKI : la polysémie du mot « cause »
Pour KRUGLANSKI, ce n’est pas un problème de cause/raison. Il y a plusieurs sens au mot
cause. Il y a un sens qui inclut l’explication par les raisons et il y a un sens exclusif qui fait une
recherche de type scientifique.
Il distingue les actions endogènes et les actions exogènes. C’est une distinction sur le lien
entre raison/action :
Exogène, c’est l’action qui est menée pour un but extérieur à l’action.
Endogène, c’est l’action qu’on fait pour elle-même, sans aucune raison extérieure.
II. 2. G. HARVEY et TUCKER : critique du critère d’intentionnalité
Ils ont critiqué le fait que, dans la pratique, il est difficile de dire si un comportement est
intentionnel ou non. (Rappel : occurrence = événement ou action non intentionnel)
Ils reprennent les exemples de BUSS pour formuler leur critique :
Action intentionnelle
Performance aux tests d’intelligence
Expression d’une attitude et d’une opinion
Occurrence (non intentionnelle)
Émotion, sympathie
Facilité d’expression verbale, autorité
Pour eux, BUSS échoue à donner un critère indépendant qui permettrait de classer les actions
selon l’intentionnalité.
BUSS répond en invoquant l’ambiguïté des exemples, effectivement sujets à discussion. Pour
lui, le point important est que la distinction entre occurrence et action est conceptuellement et
logiquement rigoureuse. La question est : « la personne forme-t-elle ou non librement une intention
d’agir ? » La réponse n’est pas évidente, mais la question correspond à quelque chose d’important sur
le plan logique et sur le plan social.
Ex : Réussite/échec perçu par les enseignants. Ce qui est important c’est que l’élève ne fait pas d’effort.
C’est comme si l’élève n’avait pas envie de réussir, comme s’il avait l’intention d’échouer.
Très souvent, il y a passage de l’un à l’autre, des causes aux raisons et même
transformations de l’un à l’autre :
D’une raison à une cause
Ex : BUSS prend l’exemple de l’alcoolique : il a besoin de boire. C’est un besoin qu’il ne peut pas contrôler.
C’est le passage d’une raison à une cause.
D’une cause à une raison : c’est un facteur d’émancipation sur le plan individuel et
social. C’est le phénomène de la prise de conscience (\\ psychanalyse).
La difficulté est de repérer ces transformations qui rendent difficile l’identification des
phénomènes.
Cette notion d’intention permet de faire le pont entre les recherches sur les attributions
causales et le jugement de responsabilité. On peut dire qu’il y a un continuum entre ces deux
questions.
III. LE JUGEMENT DE RESPONSABILITE
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !