DINANT XI-XIV
INTRODUCTION
Occupée depuis l’époque romaine, très tôt la région de Dinant se révèle être d’une
importance stratégique. Au XIe siècle, la ville est l’objet d’un conflit opposant le comte de
Namur à l’évêque de Liège. En effet, cette époque marque un tournant dans l’histoire de
Dinant. Suite à une intervention de l’empereur Henri IV
1
, la ville devient une possession de la
principauté de Liège. Dès lors, le château, non plus simple élément du dispositif de défense,
mais véritable symbole du pouvoir, constitue une place forte liégeoise.
Ce travail a pour objectif de clarifier la situation de Dinant au XIe siècle. Pour ce faire,
il sera divisé en trois points. Le premier résumera le contexte historique général et local. Le
second décrira l’« espace citadelle » ainsi que les rapports entre le château et la ville. Le
troisième point s’intéressera à trois éléments importants autour du château.
11
Sarlet, D., dir., 1996, p. 402.
CONTEXTE HISTORIQUE
Contexte général
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Au XIe siècle, le pays mosan fait partie de la Lotharingie, province de l’Empire
germanique. Cette période correspond à une grande émancipation du système féodal et à
l’avènement de l’Église impériale. Cela implique que les évêques, en plus de leur fonction
spirituelle, ont un rôle politique à jouer, notamment grâce à la nomination par l’empereur de
certains d’entre eux à la tête de principautés. Les évêques ne pouvant, au contraire des laïcs,
fonder de dynastie, l’empereur espère conserver la mainmise sur ses territoires en opposant
seigneurs laïcs et seigneurs ecclésiastiques. Dans ce but, le souverain nomme des prélats
entièrement dévoués à sa cause et les garde influents par l’octroi de richesses et
l’augmentation considérable du patrimoine des églises diocésaines. C’est ainsi que naît, entre
autres, la principauté ecclésiastique de Liège, avec à sa tête l’évêque Notger (972-1008).
Contexte local
Le sol de Dinant est occupé au moins depuis le IIe siècle de notre ère par une bourgade
romaine. Ceci peut s’expliquer par la situation exceptionnelle qu'offre la présence de deux
éléments clés : d’un côté, la Meuse, qui transforme Dinant en lieu de commerce important, et
de l’autre, des versants abrupts facilitant la défense de la ville contre d'éventuels agresseurs.
Cette bourgade évolue, se dotant d'abord de fortifications en bois dès l’apparition des
premiers conflits, avant de passer à la pierre, l'évolution militaire rendant les palissades et
autres ouvrages de fortification en bois dérisoires face à de nouveau moyens de démolition.
Dès la seconde moitié du Xe siècle, l’évêque de Liège et le comte de Namur se
disputent la domination de la ville de Dinant. À la fin du Xe siècle, l’évêque, par une faveur
de l’empereur Henri IV, obtient que ce dernier « interdise » la ville de Dinant au comte de
Namur, qui n’y exercera plus aucun de ses droits féodaux.
En effet, depuis 985, le comte de Namur rencontre de nombreuses difficultés dans
l’exercice de ses droits à Dinant. L’enchevêtrement des deux pouvoirs, celui de l’évêque de
2
Rousseau, F., 1960, p. 71.
Liège et celui du comte de Namur, conduit inévitablement à un conflit dans lequel chacun
cherche à évincer l’autre. Cette crise latente éclatera au milieu du XIe siècle.
3
Au milieu du XIe siècle, Albert II s'appuyait sur son pouvoir comtal (ban-justice), qu'il
affirmait exercer au nom du roi, pour résister à l'emprise grandissante de l'évêque à Dinant.
L'avouerie constituait également, pour ces deux princes, un instrument privilégié pour
accroître leur autorité. Ils engagèrent une lutte sévère pour obtenir la charge d'avoué
4
, ce qui
leur permettrait de s'emparer de quelques domaines ou de limiter l'influence de l'adversaire.
Ils se disputaient également le tonlieu
5
. À ce propos, il existait apparemment des bureaux de
tonlieu à Dinant dès 743-747
6
(diplôme de Childéric III). En outre, dans une charte de 824, on
parle de différents droits que les comtes prélevaient au nom du roi.
Dans la première moitié du XIe siècle, Dinant fait partie du Lomacensis
7
, à la tête
duquel se trouve un comte établi à Namur et qui usurpe les droits régaliens. Il essaie par
d’établir à son profit un état féodal dont la ville de Dinant devrait faire partie. Les évêques de
Liège, soutenus par les empereurs germaniques, s’y opposent.
8
Au milieu du XIe siècle, les propriétés royales et épiscopales se regroupent afin de
former un nouveau territoire qui s’oppose au domaine du comte de Namur.
9
En 1070, l’évêque de Liège obtient de l’empereur Henri IV
10
la confirmation de ses
droits, régaliens et autres, sur Dinant. En effet, en 1070, malgré un accord de 1056-
1064
11
entre le comte et l'évêque, la ville de Dinant est reprise au comte de Namur
12
. Ce
changement de propriétaire est confirmé par l'empereur Frédéric Ier en 1155, avec, en outre,
pour le Prince-évêque, la possession du château
13
.
L’évêque se voit accorder le comitatus
14
, en vertu d’un document judiciaire dont on
ignore tout. Le castrum
15
lui est aussi accordé. Il peut donc le construire, ou plutôt le
3
Rousseau, F., 1960, p. 72.
4
Avoué : laïc appelé auprès d'une communauté ecclésiastique, et bénéficiant de l'immunité, pour exercer des
fonctions judiciaires, administratives et militaires. Créée sous les Carolingiens pour limiter le pouvoir des comtes
et protéger les terres d'Église, cette charge devient entre les mains des châtelains un moyen efficace d'accroître
leurs prérogatives.
Avoué, dans Touati, F., 1995, p. 38.
5
Tonlieu : taxe sur marchandises circulant ou arrivant au marché.
Tonlieu, dans Touati, F., 1995, p. 301.
6
Suttor, M., 2006, p. 223.
7
Le Lomacensis comprenait l’Entre-Sambre et Meuse depuis Revin.
Rousseau, F., 1960, p. 71.
8
Gaier-lhoest, J., 1964, p. 29.
9
Tonglet, B., 2007, p. 172.
10
Sarlet, D., dir., 1996, p. 402.
11
Kupper, J.-L., 1979, p. 1-24.
12
Suttor, M., 2006, p. 239.
13
Kupper, J.-L., 1979, p. 1-24.
14
Désigne pour les évêques et dignitaires de l'Église le droit de devenir des propriétaires terriens.
reconstruire. En effet, il est fort probable que les fortifications se trouvaient en très mauvais
état à ce moment là, étant donné qu’elles n’avaient pas été restaurées depuis les invasions
normandes.
16
Le texte parle de pars muri antiquitus fuerit constructum et d’un cens à verser à
l’empereur pour une partie encore existante du dispositif défensif.
Le terme castrum ne peut désigner le château construit en 1040, car il est impossible
que celui-ci se soit autant dégradé en l’espace de 30 ans. Le vicus décrit par Josianne Gaier-
Lhoest devait donc être muni d’une enceinte, le castrum en question. Le terme murus est
également ambigu. Il ne s’agit pas ici d’un mur comme on l’entend généralement, à savoir un
rempart en pierre, mais plutôt d’une « petite fortification, construite à faibles frais et
hâtivement, à l’aide de pieux, de terre et de mottes de gazon. Cette fortification était pourtant
puissante »
17
. La toponymie des lieux (rue des Fossés) indique que ce dispositif devait
néanmoins être renforcé par un fossé au sud. Ce sont donc les restes de cette fortification que
l’empereur cède en 1070 à l’évêque de Liège, avec autorisation de reconstruire celle-ci. Si
reconstruction il y a eu, elle fut réalisée avec des matériaux similaires.
18
Malgré l’attribution du comitatus, par l’empereur, à l’évêque de Liège, en 1070, le
comte de Namur n’est pas définitivement éliminé pour autant. Ce dernier reste un propriétaire
foncier important. Cependant, il sait qu’il a perdu la partie à Dinant et, au XIe siècle, il
construit un château sur l’autre rive, à Bouvignes.
19
Dès lors, le conflit entre les deux villes
devient inévitable.
Comitatus, http://fr.wikipedia.org/wiki/Comitatus (consulté le 30/10/2008).
15
Il faut ici entendre castrum comme étant les fortifications urbaines et non le château sur l’éperon rocheux qui
domine la ville.
16
Gaier-lhoest, J., 1964, p. 36-37.
17
Fournier, G., Le château dans la France médiévale, Paris, 1978, p. 271 (cité dans Tonglet, B., 2008, p. 173).
18
Tonglet, B., 2007, p. 173.
19
Tonglet, B., 2007, p. 172.
DESCRIPTION DE L’ « ESPACE CITADELLE »
Le château et la ville
Entre 950 et 1080 la société médiévale est profondément bouleversée par l’apparition
du château et sa rapide diffusion. Il ne s’agit plus ici d’une fortification à vocation collective,
servant de refuge temporaire à la population et à ses maîtres, mais d’un système défensif plus
élaboré, dont le contrôle par l’aristocratie, itinérante jusqu’à l’an 1000, permet petit à petit à
cette dernière d’asseoir son pouvoir de façon durable. Désormais, quiconque veut dominer la
ville construira un château qui deviendra le symbole et le siège de son autorité. Ce
changement intervient dans tout l’Occident entre 950 et 1080, période qui marque
l’avènement du pouvoir féodal.
Un château naît de l'insécurité. Il est aussi la clé du pouvoir. D'abord monopole
impérial et à caractère public, puis accaparé par les principautés, il contrôle dans ce deuxième
temps un périmètre plus restreint. La tour devient le symbole de la puissance du seigneur.
20
Les donjons sont symboles du droit régalien et ont une grande importance politique et
économique.
21
En effet, vu la supériorité des moyens de défense par rapport aux moyens
d'attaque, ils constituent un moyen efficace de contrôler le trafic fluvial, le centre urbain et
l'activité commerciale, ainsi que de percevoir le tonlieu.
22
20
Tonglet, B., 1992, p. 241-242.
21
Suttor, M., 2006, p. 240.
22
Touati, F., 1995, p. 38.
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