RENCONTRE DES JEUNES

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CATECHESE JMJ Cologne 2005
Mercredi 17 août
Rechercher la vérité, sens profond de l’existence humaine
« Où est le roi des juifs qui vient de naître ?
Nous avons vu se lever son étoile » Mt 2,2
Le thème de cette journée, certes nous le faisons à la suite des mages
cherchant le roi des juifs qui vient de naître ; mais, résonne aussi la question de
Pilate à Jésus durant la Passion « qu’est ce que la vérité ? » Jn 18,38 et Jésus ne
répond pas.
Résonne aussi pour nous, chers amis, ce qu’Edith Stein (au Carmel de
Cologne elle s’appelait Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix) dira « la soif de la
vérité était mon unique prière ».
J’articulerai ce temps de catéchèse autour de 3 points :
I – Compréhension de ce thème recherche de la vérité, sens profond de
l’existence humaine
II – Une rencontre entre l’homme et le monde : un espace de dialogue
à inventer et les conséquences de cette démarche
III – L’émerveillement : une attitude à considérer dans la recherche de
la vérité
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I – Compréhension du thème
I – 1 Que signifie exister pour un homme ?
Exister c’est différent de fonctionner.
Il y a différentes manières de vivre les choses, la plupart du temps, nous
fonctionnons… plus ou moins bien.
Notre corps fonctionne (marche, court, se détend, dort, mange…) notre
esprit fonctionne, nous fonctionnons à travers nos activités et nos relations.
Mais, les animaux fonctionnent, les robots fonctionnent, les trains, les
avions, les bateaux fonctionnent.
Voilà, l’homme est cet être pour qui la vie ne se réduit pas à cela, l’homme
se pose la question du sens de sa vie : d’où je viens, où je vais, qui suis-je, « to be
or not to be » voici la question.
L’homme se pose la question de sa finalité, de son orientation.
Extrait des « Pensées » de Blaise Pascal :
« … En regardant tout l’univers muet, et l’homme sans lumière,
abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l’univers, sans savoir
qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, incapable
de toute connaissance, j’entre en effroi, comme un homme qu’on aurait porté
endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s’éveillerait sans connaître où il
est, et sans moyen d’en sortir » (693 ; 393).
I – 2 Cette question du sens a-t-elle un sens ?
I – 2.1 Pour certains, cette question n’a pas de sens, elle est
superflue, la vie se réduit à une succession, une juxtaposition d’évènements. Se
poser la question du sens est un problème superflu.
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I – 2.2 Sur le plan psychologique et intellectuel, la question du sens
répond à une angoisse devant l’incertitude de l’avenir. Soit par une volonté de
maîtriser ou plus simplement pour alimenter une curiosité de l’esprit.
I – 2.3 Plus fondamentalement ou si vous n’avez pas peur des mots,
plus philosophiquement, se poser la question du sens de la vie est le propre de la
nature humaine. L’homme est cet être pour lequel rien ne va de soi.
Je vous lis quelques lignes, que le philosophe V. Jankélévitch
publiait dans le journal « Le Monde », du 13 juin 1978.
« La philosophie comme possibilité de la mise en question : Mais
ceux qui ridiculisent cette nécessité philosophique de contester ou de justifier la
philosophie et accusent le philosophe de radotage sénile sont en réalité d’une
éclatante mauvaise foi : ils mettent la philosophie en demeure de désigner son
objet ; ce qu’ils redoutent par-dessus tout, c’est la possibilité même de la mise en
question. Cette possibilité est en fait la chose la plus précieuse, celle par laquelle
l’homme est vraiment digne du nom d’homme. L’homme qui se demande « à quoi
bon ? » n’est déjà plus ni un animal ni un esclave. Rien, pour lui, ne va de soi. »
La démarche philosophique (cf. la métaphysique d’Aristote) nous entraîne
vers :
- l’étonnement devant les choses
- la considération que rien ne va de soi
- le questionnement sur le sens de la vie
I – 3 La recherche de la vérité dans cette quête de sens
I – 3.1 Il y a différentes choses, différents moments qui donnent sens
à la vie : expérience de la maladie, de la mort, de la fragilité, une rencontre
avec quelqu’un, un succès, un échec…
Tous ces moments contribuent à la recherche de la vérité.
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I – 3.2 La vérité
1ère définition = latin véritas : l’adéquation de l’intelligence à la
chose. L’homme est capable intellectuellement de saisir les choses mais
certaines choses, et les plus essentielles, n’échappent-elles pas à nos
concepts et représentations intellectuelles ?
2ème définition = grec alétheia = dévoilement, la vérité dans le monde
grec est le mouvement de la réalité qui dévoile progressivement et qui se
donne à voir à l’homme dans une expérience de manifestation (nous
retrouvons cette notion quand nous parlons des mystères de la foi).
L’intelligence humaine est donc l’accueil d’une réalité transcendante
et indicible qui se donne à voir à nous d’une manière incessante et
inachevée.
Je prends un exemple : pour celles et ceux qui aiment la randonnée
en montagne, vous voyez le sommet, vous en approchez, vous y êtes
presque, mais la réalité vous fait voir qu’il y a encore une vallée qui vous
sépare alors que vous arrivez sur un mamelon. Un nouveau paysage se
dessine, le sommet espéré est encore loin, mais peu importe vous
poursuivez la marche et vous contemplez des paysages toujours aussi
extraordinaires.
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II – Une rencontre entre l’homme et le monde
Un espace de dialogue à inventer ; les conséquences de cette
démarche.
II – 1 Sur le plan humain et immédiat : Une rencontre entre les
hommes
Notre expérience quotidienne nous montre que les hommes recherchent la
vérité de manières différentes et aucune ne peut prétendre saisir toute la réalité.
C’est une exigence de respecter les différents cheminements mais en
établissant un dialogue entre les hommes ; ce fut l’une des grandes intuitions du
bienheureux pape Jean XXIII en convoquant le Concile Vatican II, il y a 40 ans.
Le chemin des autres me fait prendre conscience de mon propre
cheminement : d’où l’importance capitale comme les rassemblements, celui que
nous vivons ensemble ici à la Journée Mondiale de la Jeunesse à Cologne, mais à
tant et tant d’autres rassemblements, je pense à Taizé, Lourdes, les propositions
de mouvements, pèlerinages,…
N’ayez pas peur de rencontrer les autres, même s’il faut parfois s’affronter
(pensez au combat de Jacob – Gn32,23-32).
Si le chemin du dialogue, me fait grandir dans ma recherche de vérité, il ne
faut pas être naïf, il y a des chemins de mort : fanatisme, fondamentalisme,
sectarisme, intolérance…
II – 2 Sur le plan philosophique et spirituel : Une rencontre entre
l’homme et la réalité
L’expérience quotidienne sera toujours le lieu par excellence de la
rencontre entre une réalité qui se donne à voir toujours plus, mais jamais
implicitement.
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L’expérience du quotidien nous redit que notre esprit doit renoncer à tout
maîtriser et notre esprit doit reconnaître et consentir à ce quelque chose de la
réalité qui le traverse furtivement.
II – 3 Sur le plan théologique (et ici sur les bords du Rhin sur le plan
mystique) : Une rencontre entre l’homme et Dieu
Pour le croyant, cette recherche de la vérité est intimement liée à une quête
de Dieu. Je vous lis à ce propos un texte assez complexe d’un grand théologien
dominicain allemand qui a enseigné ici à Cologne au 13 ème siècle qui est enterré
dans cette ville chez les dominicains, il s’agit de Saint Albert le Grand.
« L’incarnation du Christ, à la fois manifeste et cachée : Ensuite Denys
prévient une question qui n’est pas formulée mais qui semble surgir de la
solution proposée. Comme il avait dit que par l’Incarnation le Christ est issu du
mystère caché et est venu jusqu’à l’état manifeste, on peut se demander si après
l’Incarnation, le Christ est devenu, en son union et Incarnation, tout à fait
manifeste. A cela il répond : Il est issu… en vue de se manifester à nous, mais il
reste caché après sa manifestation, et d’un point de vue supérieur, je dirai
(jusqu’) en sa manifestation. Il reste caché après son Incarnation qui, désignée
comme manifestation puisqu’en elle il s’est montré visible pour nous, est à plus
juste titre encore qualifiée de non-manifestation du fait du mystère de son union.
De ce qu’il est, le mystère, c’est-à-dire celui de l’Incarnation de Jésus-Christ, le
mystère de sa divinité même est caché, et ce mystère, c’est-à-dire cette réalité
cachée qu’il est lui-même, à savoir le Christ incarné, n’est, par aucun discours ni
aucune pensée, amené à l’évidence, c’est-à-dire à l’état manifeste. Même énoncé
il reste indicible, et objet de pensée il demeure inconnu, car il ne peut être
exprimé en suffisance ni suffisamment compris ». Commentaire des « épitres » I à
V – question XXV.
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Cette quête de Dieu, nous entraîne sur plusieurs voies :
- la voie négative : aucun concept de l’esprit humain ne peut
atteindre la transcendance de Dieu
- la voie de l’expérience mystique et du détachement : Dieu se
laisse entrevoir lui-même à l’homme quand ce dernier s’est
détaché des images et des représentations.
- la voie de la ténèbre-lumineuse, je vous renvoie à Moïse sur la
montagne du Sinaï où Dieu se révèle dans la ténèbre lumineuse
(Ex19,9).
III – L’émerveillement : Une attitude à considérer dans la
recherche de la vérité
III – 1 S’étonner devant la merveille de l’existence
III -1.1 L’homme recherche la vérité, il découvre qu’en fait il doit se
laisser habiter par elle. Que la vérité est donnée dans le mouvement de
manifestation de la réalité. Une attitude à demander et à avoir : être capable
d’émerveillement, de contemplation.
III – 1.2 En disant cela je n’ignore pas, nous n’ignorons pas tout ce
que l’existence humaine a de dramatique (drames qui nous touchent de près,
terrorisme, injustice, génocide…). L’émerveillement n’est pas de dire que tout est
formidable, mais c’est le fait de constater au plus profond de soi que toutes les
vies, mêmes les vies blessées et défigurées, sont traversées par cette réalité qui se
donne et nous construit. En d’autre termes, rien pas même la souffrance, ne peut
empêcher l’homme de faire cette expérience et de se réaliser au plus profond de
lui-même. Se réaliser est différent de s’épanouir
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III – 2 L’artiste face à cela
L’artiste est une personne qui éprouve la vie dans ce qu’elle a de parfois
dramatique et en même temps il se sent traversé par cette réalité qui se donne à
lui.
L’artiste contemple les choses comme personne d’autre ou plus exactement
il nous invite à être comme lui en émerveillement.
Là nous retrouvons ce que je vous disais au début la différence entre
fonctionner et exister.
Nos yeux fonctionnent, nos oreilles fonctionnent pourtant nous ne voyons
pas toujours ce que nous avons sous les yeux, près des oreilles. Ouvrons nos
yeux, nos oreilles (d’ailleurs avez-vous remarqué dans l’Evangile le nombre
d’yeux et d’oreilles que Jésus ouvre !).
III – 3 Pour finir, je vous invite à écouter deux textes l’un d’Edith
Stein une poésie, l’autre de Benoît XVI
Ces deux textes illustrent pour nous notre profession de foi chrétienne. La
vérité est une personne Jésus-Christ, qui nous dit : « Je suis le chemin, la vérité,
la vie », vérité que nous ne pouvons approcher qu’avec l’aide de l’Esprit Saint.
Une poésie d’Edith Stein « qui es-tu, douce lumière », écrite pour la fête de
Pentecôte 1942 soit quelques semaines avant son arrestation et sa déportation à
Auschwitz, où elle est gazée le 9 août 1942.
« Qui es-tu, douce lumière qui me combles
et illumines la ténèbre de mon cœur ?
Comme la main d’une mère, tu me conduis
et, si tu me lâchais,
je ne saurais faire un pas de plus.
Tu es l’espace environnant mon être
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et l’abritant en toi.
Le rejetterais-tu,
il coulerait à pic dans l’abîme du néant
d’où tu le tiras pour l’élever vers la lumière.
Toi, qui m’es plus proche que je ne le suis moi-même,
qui m’es plus intérieur que mon propre cœur,
et pourtant insaisissable, inconcevable,
au-delà de tout nom,
Saint-Esprit, éternel Amour !
Es-tu le rayon jaillissant comme l’éclair
depuis le trône élevé du Juge éternel,
pénétrant comme un voleur dans la nuit de l’âme
qui s’ignorait elle-même ?
Miséricordieux, impitoyable aussi,
tu pénètres jusqu’en ses profondeurs cachées.
L’âme est effrayée de ce qu’elle voit d’elle-même
et se garde ainsi dans une crainte sacrée
devant le commencement de toute sagesse
qui vient d’en haut
et nous y ancre d’un ancrage solide,
devant ton action qui nous crée à nouveau,
Saint-Esprit, rayon que rien n’arrête !
Es-tu Celui qui créa le miroir limpide
tout proche du trône du Seigneur, le Très-Haut,
semblable à une mer de cristal où se contemple
la divinité en un échange d’amour ?
Tu te penches sur l’œuvre la plus belle
de toute ta création
et ta propre splendeur éblouissante de lumière
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te revoie son reflet,
unissant la pure beauté de tous les êtres
en la figure pleine de grâce de la Vierge,
ton Epouse immaculée :
Saint-Esprit, Créateur de tout ce qui est !
Es-tu le doux cantique de l’amour
et du respect sacré qui retentit sans fin
autour du trône de la Trinité sainte,
symphonie où résonne
la note pure donnée par chaque créature ?
Le son harmonieux,
l’accord unanime des membres et de la Tête,
dans lequel chacun au comble de la joie
découvre le sens mystérieux de son être
et le laisse jaillir en cri de jubilation,
rendu libre
en participant à ton propre jaillissement :
Saint-Esprit, jubilation éternelle !
Le deuxième texte est un extrait de l’homélie de Benoît XVI, lors de la
messe inaugurale de son pontificat le 24 avril dernier.
« En quelque sorte, n’avons-nous pas tous peur –si nous laissons entrer le Christ
totalement en nous, si nous nous ouvrons totalement à Lui – peur qu’il puisse
nous déposséder d’une part de notre vie ? N’avons-nous pas peur de renoncer à
quelque chose de grand, d’unique, qui rend la vie si belle ? Ne risquons-nous pas
de nous trouver ensuite dans l’angoisse et privés de liberté ? Et encore une fois le
Pape voulait dire : Non ! Celui qui fait entrer le Christ ne perd rien, rien –
absolument rien - de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non ! Dans cette
amitié seulement se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition
humaine. Dans cette amitié seulement nous faisons l’expérience de ce qui est
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beau et de ce qui libère. Ainsi, aujourd’hui, je voudrais, avec une grande force et
une grande conviction, à partir d’une longe expérience de vie personnelle, vous
dire, à vous les jeunes : n’ayez pas peur du Christ ! il n’enlève rien et il donne
tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les
portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie ».
Chers amis, les mages cherchaient le roi des juifs qui venait de naître…
Jésus nous dit « moi, je suis le chemin, la vérité et la vie ». Jn 14,6
Aujourd’hui, à la suite des mages, veux-tu trouver Jésus, accueillir Jésus, te
laisser émerveiller par Jésus ?
Jean-Christophe LAGLEIZE
Evêque de Valence
France
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