Les catégories d`intermédiaires financiers

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Les intermédiaires financiers permettent aussi le partage du risque en
permettant aux épargnants de diversifier leur portefeuille, et ainsi de
diminuer le risque auquel ils sont exposes. La diversification, que l’on
peut résumer par l’adage « ne pas mettre tous ses œufs dans Ie même
panier », consiste à investir dans un assortiment (un portefeuille) d'actifs
qui ne sont pas exposes aux mêmes risques (c'est-a-dire dont on peut
attendre que les rendements ne varient pas de la même manière face à
chacune des situations futures envisageables), de manière à ce que le
risque du portefeuille soit moindre que le risque des actifs particuliers. La
encore, la diversification est permise par la faiblesse des couts de
transaction des intermédiaires financiers, qui peuvent réunir un
portefeuille d'actifs et en faire un actif global qu'ils vendent aux
épargnants.
6.3. Information asymétrique : anti-sélection et risque moral
La présence de couts de transaction sur les marches financiers explique
en partie pourquoi les intermédiaires financiers sont si importants. Une
autre raison, peut-être encore plus importante, est qu'il est fréquent que
les prêteurs connaissent trop peu les emprunteurs et leurs projets pour
pouvoir prendre les bonnes décisions. Cette situation porte le nom
d'asymétrie d'information. De manière générale, un entrepreneur qui
veut emprunter pour réaliser un projet connait mieux le rendement
potentiel et le risque associes à ce projet que le prêteur, Cette inégalité
d'information crée deux problèmes différents, avant la transaction et
après (ces deux problèmes sont également cruciaux dans les activités
d’assurance).
L’anti-sélection (en anglais adverse selection) est le problème que crée
l’asymétrie d'information avant qu'une transaction n'ait lieu. Il y a antisélection sur un marche financier lorsque les emprunteurs les plus
susceptibles de conduire a. de mauvais résultats (les plus risques) sont
ceux qui recherchent le plus activement du crédit et qui ont le plus de
chance d'en obtenir (d'être sélectionnés). En raison de l'anti-sélection,
beaucoup de prêts risques sont accordes, mais si les prêteurs craignent
trop de ce fait de perdre leur argent, ils peuvent décider de ne pas prêter
du tout alors même qu'il y a parmi les candidats de bons emprunteurs
potentiels.
Pour comprendre le mécanisme d'anti-sélection, supposons qu'un
investisseur puisse prêter a. deux entrepreneurs qu'il connait. Le premier
est une personne très prudente qui n’emprunte que si elle est sure de
réussir le projet qu’elle a en tête. Le second est un joueur invétéré qui
veut emprunter de 1'argent pour aller le dépenser sur un projet mirifique
mais sans doute fumeux. Lequel de ces deux entrepreneurs a le plus de
chance de venir demander un prêt a notre investisseur ? Sans aucun
doute le second, d' abord parce que les investissements surs sont plus
rares que les idées fumeuses, ensuite parce qu'il est prêt à payer un taux
d'intérêt élevé pour obtenir de l'argent, puisque le gain élevé qu'il espère
lui permettra aisément de rembourser. Pourtant, l'investisseur n'a pas
intérêt a. lui prêter, et il ne le fait pas s'il sait que le risque est élevé, et
qu'il est donc probable que rien ne lui sera remboursé du tout.
Tant que l'investisseur connait les deux emprunteurs, il n'a pas de
difficultés et attend seulement que le sérieux vienne le voir. Mais s'il ne
les connait pas bien (si l'information est asymétrique), il risque de prêter
au second, qui est toujours a demander et est prêt a payer un taux
d'intérêt élevé, Mais s'il connait cette histoire et se montre un peu
méfiant, le prêteur peut décider de ne pas prêter du tout, et risque alors
de laisser passer l' occasion de prêter a la première personne, bien
qu'elle soit particulièrement sure et qu'elle fasse un excellent débiteur.
L'information asymétrique peut ainsi interdire la réalisation d'échanges
mutuellement avantageux.
Le risque moral (en anglais moral hazard) est le problème crée par
l'asymétrie d'information après la réalisation d'une transaction. Le risque
moral sur un marche financier est le risque que l’emprunteur s’engage
sans prévenir (et donc « immoralement ») dans des activités considérées
comme in désirables par le prêteur parce qu'elles augmentent le risque
du projet auquel est consacre le prêt et diminuent donc la probabilité
qu'il soit rembourse. Du fait que le risque moral augmente le risque de
pertes, les prêteurs peuvent décider de ne pas prêter, alors même que le
projet initial est bon et même si, en réalité, les emprunteurs ne
souhaitent pas augmenter son risque.
Supposons qu'un emprunteur demande un crédit pour lancer un projet
qui semble sur, mais qu'au lieu de réaliser cet investissement il joue aux
courses le montant du prêt, S'il gagne, il pourra rembourser aisément et
aura encore gagne beaucoup, mais s'il perd, ce qui est le plus probable, il
ne pourra pas rembourser et ne perdra guère que sa réputation. Si le
prêteur sait que l'emprunteur risque d'aller jouer le prêt, il peut l'en
empêcher, et éviter 1'accroissement de son risque. Mais s'il ne le sait
pas, ou ne connait pas toutes les ruses grâce auxquelles l’emprunteur
parviendra à aller jouer malgré l'interdiction, il risque de tout perdre. S'il
l'anticipe, il peut préférer ne pas prêter, De nouveau, l'information
asymétrique peut interdire la réalisation d’échanges mutuellement
avantageux.
Les problèmes d'anti-sélection et de risque moral crées par l'asymétrie
d'information sont d'importants obstacles au bon fonctionnement des
marches financiers. Les intermédiaires financiers permettent de régler en
partie ces problèmes.
Quand des intermédiaires financiers existent, les investisseurs peuvent
leur prêter leur argent en courant moins de risques qu'en prêtant
directement a des entrepreneurs ou a des particuliers. En effet, ils savent
que les intermédiaires financiers sont mieux équipés qu'eux-mêmes pour
sélectionner les bons emprunteurs et éviter les « mauvais risques », ce
qui réduit les risques d'anti-sélection. Par ailleurs, les intermédiaires
financiers sont aussi des experts de la surveillance des emprunteurs, ce
qui réduit Ie risque moral. Parce qu'ils sont spécialisés dans ces taches de
réduction de I’ asymétrie d'information, les intermédiaires financiers
peuvent payer un intérêt aux déposants ou leur fournir des services tout
en gagnant de l'argent.
En résumé, les intermédiaires financiers jouent donc un rôle important
dans l'économie en fournissant des services de liquidité, facilitant le
partage de risques, réduisant les couts de transaction et les problèmes
d'asymétrie d'information. C'est la raison pour laquelle dans toutes les
économies développées, les particuliers et les entreprises confient des
sommes importantes aux intermédiaires financiers. Ces intermédiaires
jouent un rôle essentiel pour la bonne circulation des capitaux des
prêteurs vers les emprunteurs et le bon fonctionnement de l’économie
en général. Leur rôle sera plus particulièrement développé au chapitre 9.
7. Les catégories d'intermédiaires financiers
Maintenant que les rôles des intermédiaires financiers sont bien établis,
il convient d'examiner quels sont ces intermédiaires et comment ils
remplissent ces rôles. On peut distinguer trois catégories
d'intermédiaires financiers: les institutions de dépôt (également
appelées institutions financières monétaires par la Banque centrale
européenne, établissements de crédit par la Banque de France, et plus
couramment banques), les établissements d'épargne contractuelle
(comme les compagnies d'assurance vie et les fonds de pension) et les
entreprises d'investissement (également appelées intermédiaires de
placement), qui facilitent les placements en actifs financiers (notamment
les banques d'affaires, les fonds collectifs d'investissement, les sociétés
financières). L'activité de ces différentes catégories d'intermédiaires est
résumée dans Ie tableau 2.5.
Tableau 2.5 : Actifs et passifs des principaux intermédiaires financiers
Leur importance relative dans la zone euro et aux Etats-Unis est mesurée
dans les tableaux 2.6 et 2.7. Comme la zone euro n'existe que depuis
peu, il n'y a pas grand sens a étudier révolution sur Ie long terme de
l'importance relative des différentes catégories d'intermédiaires en son
sein, spécialement dans la mesure ou les différences de structure
financière entre pays étaient (et sont encore) considérables, Même
actuellement, les catégories utilisées n'incluent pas des institutions en
tout point identiques, dans la mesure ou l'espace financier européen ne
se traduit pas (encore?) par une homogénéité complète des régulations
dans l' ensemble de la zone euro.
Tableau 2.7 : Principaux éléments de bilan des grandes catégories
d'intermédiaires financiers dans la zone euro (fin septembre 2009)
Remarque : Les éléments d'actif et de passif indiqués correspondent aux
opérations avec les agents résidents de la zone euro. Des postes moins
importants ou correspondent à des opérations en dehors de la zone euro
ne sont pas indiqués. Les totaux les incluent cependant.
Source: Bulletin de 10 Banque centrale européenne, mars 2010, pp. 52930.
7.1.
Les institutions de dépôt
Les institutions de dépôt (ou banques) collectent des fonds en acceptant
des dépôts a vue (ou compte-chèques) des agents économiques, en
ouvrant des comptes d'épargne (les dépôts peuvent faire l'objet de
retraits, mais les titulaires n'ont pas le droit de tirer des chèques) et des
dépôts à terme (qui sont bloques pour une durée déterminée, un mois,
trois mois, etc.). Les banques utilisent ces fonds pour distribuer aux
consommateurs des prêts commerciaux ou des crédits hypothécaires, et
pour acquérir des obligations du Trésor et d'autres titres publics. II existe
environ 7 000 banques commerciales aux États-Unis comme dans l'Union
européenne, Les banques représentent la catégorie d'intermédiaires
financiers la plus importante et elles détiennent les portefeuilles d'actifs
les plus diversifiés.
L’économie monétaire accorde une attention particulière a ce groupe
d'intermédiaires financiers parce qu'ils ont, sur Ie plan
macroéconomique, un rôle particulier de création de dépôts, et que ces
dépôts représentent une part importante de la masse monétaire. Cet
aspect passe au second plan ici et aux chapitre a 15, OU l'économie
bancaire, plus microéconomique, met plutôt l'accent sur les caractères
spéciaux des contrats de dépôt et de prêt, en tant qu'ils permettent de
réduire les effets de l'asymétrie d'information. On montrera ainsi que la
finance intermédiée réussit mieux que la finance directe à atténuer
l'anti-sélection et le risque moral qui se développent intensément sur les
marches financiers.
Parmi les institutions financières monétaires, chaque pays distingue
légalement plusieurs types d'institutions, entre lesquelles les différences
se sont estompées avec le temps. En général, un premier groupe inclut
les banques commerciales, un deuxième les banques mutualistes ou
coopératives (dont les clients sont en général aussi les sociétaires),
comme le Crédit agricole en France, et un dernier les caisses d'épargne
ou les savings and loan associations américaines. Les fonds collectifs
posent plus de problèmes et leur classification varie. La Banque centrale
européenne inclut aussi dans la catégorie des institutions de dépôt les
fonds de placement monétaire, fonds places en titres du marche
monétaire et donc sans risque (comme les SICAV monétaires françaises),
Aux États-Unis, a la différence de la France, les détenteurs de ces fonds
peuvent parfois tirer des chèques sur les montants qu'ils y ont places, en
particulier dans les money market mutual funds, mais ces fonds sont
quand même classes parmi les entreprises d'investissement (comme
dans Ie tableau 2.5). En revanche, la Commission européenne, qui
conduit la construction du Marché intérieur des services financiers, fait
des fonds collectifs d'investissement des intermédiaires financiers
distincts des institutions de dépôt.
Les institutions financières monétaires sont au nombre de 16500 environ
aux États-Unis (environ 7 150 banques, 8 100 sociétés coopératives de
crédit (crédit unions) et 1 225 caisses d'épargne et banques d'épargne
mutualistes (savings and loan associations et mutual savings banks). Elles
sont 9 000 dans la zone euro (dont 1 600 fonds de marche monétaire). Le
nombre des banques diminue régulièrement depuis 20 ans dans la zone
euro (d'environ 5 % par an), et plus récemment aux Etats-Unis. La part
des banques dans l’activite financière tend a diminuer depuis la
libéralisation financière, En Europe comme aux Etats- Unis cependant, Ie
reçu des dépôts au passif des institutions financières et le recul des prêts
parmi leurs actifs ne signifient pas toujours, loin de Ia, un recul des
banques. En effet, par un élargissement de leur activité, qui peut passer
par la création de filiales spécialisées, les banques ont largement
contribue au développement des activités d'épargne contractuelle (avec
leurs filiales d'assurance vie, notamment en France) comme
d'intermédiation de placements.
7.2.
Les institutions d'épargne contractuelle
On appelle institutions d'épargne contractuelle les institutions
financières auxquelles des fonds sont apportes régulièrement sur la base
d'un contrat a long terme. Les compagnies d'assurance vie et les fonds de
pension sont les principales. Comme ces institutions peuvent prédire de
manière assez précise combien elles encaisseront en primes et combien
elles devront verser en prestations dans les années suivantes, elles n'ont
pas à se prémunir contre les sorties de fonds comme les institutions de
dépôt. Grâce a ce moindre souci de liquidité, e1les peuvent investir dans
des actifs a long terme tels que des obligations, des actions ou des
hypothèques, En Europe, ces institutions se sont fortement développées
au cours des dernières décennies du fait des menaces qui pèsent sur les
systèmes obligatoires d'assurance retraite et du vieillissement de la
population. Leur importance comme le poids relatif de l'assurance vie
par rapport aux fonds de pension varient beaucoup d'un pays à l'autre en
fonction des contraintes réglementaires et des dispositifs fiscaux. En
moyenne, ils représentent cependant actuellement dans la zone euro
environ 12 % de la totalité des actifs des intermédiaires financiers.
Les compagnies d'assurance vie Les compagnies d'assurance vie
assurent les particuliers contre les conséquences financières d'un décès,
et garantissent le versement de pensions annuelles a partir d'une date
prédéterminée (la retraite en général) aux adhérents qui ont paye
régulièrement leurs primes pendant leur vie active. Ces primes sont
utilisées pour acheter des obligations, des hypothèques et des actions
(dans une proportion en général limitée par la loi, mais aujourd'hui plus
élevée en Europe qu'aux États-Unis). En Europe, les compagnies
d'assurance vie sont aujourd'hui les principales institutions d’épargne
contractuelle. Aux Etats-Unis, elles font presque jeu égal avec les fonds
de pension.
Les compagnies d'assurance dommages Ces compagnies assurent leurs
clients contre des accidents tels que le vol, l'incendie ou les dégâts des
eaux. Elles reçoivent également des primes et paient des prestations
lorsque les accidents assures (les sinistres) surviennent. Cependant,
comme l'essentiel de leurs primes sert à payer les prestations de l'année
même, les montants qu'elles accumulent sont plus faibles, et doivent
être gardes sous des formes plus liquides que les actifs des compagnies
d'assurance vie.
Les fonds de pension Les fonds de pension sont des institutions
financières organisées en général sur la base d'une entreprise ou d'un
secteur, qui proposent Ie versement de pensions de retraite en échange
de cotisations (des salaries et souvent des employeurs) durant la vie
active. Ces fonds sont très développés aux États-Unis, OU le système de
retraite par répartition est moins important qu'en Europe, et ou ils ont
bénéficie d'avantages fiscaux et de contraintes réglementaires. En
Europe, ils ne se sont développés, jusqu'a présent, que dans quelques
pays.
7.3.
Les entreprises d'investissement
Le dernier groupe d'intermédiaires comprend les sociétés financières, les
fonds collectifs d'investissement et certains fonds d'instruments
monétaires, Les plus importants de ces intermédiaires sont les fonds
collectifs d'investissement.
Les sociétés financières Aux Etats-Unis, les finance companies lèvent des
fonds grâce a la vente de certificats de trésorerie (commercial paper), qui
sont des instruments de dette à court terme, et grâce a l'émission de
titres à long terme (actions ou obligations) pour pratiquer des prêts aux
particuliers (crédit a la consommation en particulier) ou aux petites
entreprises. En France, les sociétés de financement de ventes à
tempérament et les sociétés de crédit a. la consommation, filiales de
banques ou d'entreprises industrielles ou commerciales, se refinancent
souvent auprès de leur maison mère. Elles sont le plus souvent agréées
en tant qu’établissements de crédit. Elles sont importantes notamment
dans le domaine du crédit automobile aux Etats-Unis comme en France
au les constructeurs automobiles ont souvent crée des filiales
spécialisées dans le financement des ventes a. crédit (Ford Motor Credit
Company pour Ford, DIAC pour Renault, etc.).
Les fonds collectifs d'investissement Aux Etats- Unis, les mutual funds
sont de véritables entreprises d'intermédiation financière et sont gérés
par des sociétés de gestion spécialisées (comme, par exemple, Vanguard,
Strong, Janus, Putnam, Texas Pacific, Can dover Investment, etc.),
concurrentes des banques et des compagnies d'assurances. I1s vendent
des parts au public et utilisent leurs produits pour acheter des
portefeuilles diversifies d'obligations ou d'actions cotées en Bourse, ou
pour prendre des participations dans les entreprises non cotées (private
investment, « capital-investissement »). Ils permettent ainsi aux
investisseurs de mutualiser, c'est-a-dire de mettre en commun leurs
ressources, pour diminuer les couts de transaction quand ils achètent des
blocs de titres. En outre, les fonds collectifs permettent aux souscripteurs
de parts de diversifier leurs placements plus qu'ils ne pourraient Ie faire
en investissant seuls. Les investisseurs peuvent en général revendre leurs
parts (demander leur remboursement) a. tout moment, mais la valeur
liquidative" est déterminée par celle du portefeuille du fonds (qui est en
quelque sorte transparent). Si la valeur du portefeuille fluctue beaucoup
sur le marché, Ie prix de la part est aussi très volatil ; en conséquence,
l'investissement en fonds collectif peut être très risque.
Dans l'Union européenne, la Direction générale du marché intérieur de la
Commission regroupe sous l'appellation UCITS (untertakings for
collective investment in transferable securities) les entreprises
d'investissement et les fonds collectifs d'investissement. Pour l'essentiel,
ces derniers sont souvent gérés par les banques et par les compagnies
d'assurances qui en font de simples instruments de collecte de fonds
hors bilan et des instruments de placement. De grandes entreprises
financières indépendantes comparables aux mutual funds americains
sont déjà. Solidement implantées au Royaume-Uni; leur développement
est juste amorce en Europe continentale.
Les fonds de placement monétaire A cote des fonds d'investissement,
on considère, aux Etats-Unis, les fonds de placement monétaire (MMMF,
money market mutual funds) comme des entreprises d'investissement.
Pourtant, par certains aspects, les MMMF s'apparentent a. des
institutions de dépôt parce qu'ils offrent des comptes chèques couples.
Un élément de des MMMF, en effet, consiste en la possibilité offerte au
détenteur de parts de tirer des chèques a. concurrence de la valeur de
leur avoir, lequel rapporte un intérêt, alors que la rémunération des
dépôts a. vue est interdite. Comme les autres fonds collectifs
d'investissement, les MMMF vendent des parts pour lever des
ressources, et ils les utilisent pour acheter des instruments de marché
monétaire qui sont a. la fois sans risque et très liquides. Ces instruments
négociables sur Ie marché interbancaire, inaccessibles aux achats directs
des particuliers, comprennent des bons du Trésor,
3. La valeur liquidative d'un fonds d'investissement se calcule
quotidiennement par Ie quotient de Ia valeur de marche du portefeuille
d’actifs détenus par Ie fonds (ajustée des frais de gestion et taxes) par le
nombre de parts en circulation.
des certificats de trésorerie, des dépôts négociés, des certificats de
dépôt, etc. Depuis leur apparition en 1971, les MMMF ont connu une
croissance extraordinaire. En 2008, leurs actifs ont atteint près de 3 400
milliards de dollars.
Les prestataires de services d'investissement En France, on recense une
catégorie hétérogène d'établissements financiers qui exercent des
fonctions de prestataires de services d'investissement (PSI). Une grande
partie d'entre eux sont classes dans Ie secteur bancaire, et les autres
relèvent de 1'organisation des marchés financiers, selon leur activité
principale.
Les PSI comprennent d'abord les établissements de crédit agrées en tant
que PSI (au nombre de 386 en 2005), c'est-a-dire les banques qui
exercent également des activités financières a. titre accessoire. Cette
catégorie des PSI regroupe aussi quelque 150 entreprises
d'investissement qui exercent des fonctions telles que maison de titres,
agent des marches interbancaires, société de Bourse, société de
contrepartie, intermédiaire en marchandises, transmetteur d'ordres,
conservateur-dépositaire de titres. Ces entreprises relèvent, pour leur
agrément et leur contrôle prudentiel, des autorités de supervision du
secteur bancaire (CECEI et Commission bancaire).
La catégorie des PSI comprend aussi les sociétés de gestion de
portefeuille, qui sont des entreprises d'investissement exerçant à titre
principal l'activité de gestion pour compte de tiers, les sociétés
gestionnaires d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières,
les fonds communs de créances, les sociétés civiles de placement
immobilier et quelques autres institutions spécialisées, Ces entreprises
sont supervisées par l' Autorité des marches financiers.
Les banques d'affaires Les banques d'affaires ou investment banks sont
des institutions qui ne reçoivent pas de dépôts et ne sont pas vraiment
des intermédiaires financiers. Elles aident les entreprises à émettre des
titres, d'une part en les conseillant sur le type d'opération à réaliser,
ensuite en garantissant les émissions et en organisant leur placement
dans le public. Elles aident aussi les entreprises à préparer les fusions et
les acquisitions. En France, les banques d'affaires, autrefois très séparées
du reste du système bancaire, n'ont plus de régulation spécifique, Leurs
fonctions sont souvent assurées par les grandes banques de dépôt.
8. La réglementation du système financier
L'activité financière est, dans to us les pays, rune des activités parmi les
plus réglementées qui soient. Aujourd'hui, les Etats réglementent cette
activité dans deux buts principaux : améliorer l'information disponible
pour les investisseurs et assurer la stabilité du système financier. Aux
Etats-Unis, la réglementation est complexe en raison de la multiplicité
des statuts des institutions de dépôt et des substitutions financières a.
laquelle répond un nombre important d’autorités de contrôle dont les
champs de compétence se chevauchent souvent (voir chapitre 13).
En Europe, la réglementation financière est d'autant plus complexe
qu'elle est exercée de manière conjointe et complémentaire par les Etats
et par la Commission européenne. Elle est en outre en pleine
transformation (voir chapitre 14).
En effet, dans nombre de pays européens, la réglementation financière a
longtemps vise, plus que les objectifs précédents, a faciliter l'intervention
de 1'Etat dans l'économie et parfois le financement du budget. Ces
objectifs interventionnistes ont été largement abandonnes depuis une
vingtaine d’années, et ce sont les deux objectifs d'information de
l'investisseur et de stabilité financière qui sont désormais vises dans la
mise en place des réglementations européennes.
8.1 L'architecture de la régulation des systèmes financiers
Le système de régulation financière des Etats-Unis, comme celui de la
France, comprend un grand nombre d'instances chargées chacune d'une
fonction principale spécifique, applicable, le plus souvent, a un type
d'institutions financières donne. Créées au fil des décennies, ces
instances de régulation finissent par former un enchevêtrement
complexe avec des redondances et, éventuellement, des lacunes. A cote
de cette multiplicité de régulateurs, certains pays ont amorcé ou réalise
une simplification de l’architecture de leur régulation financière, en
confiant parfois a une seule institution, ou deux, l’ensemble des taches
antérieurement confiées a différentes instances.
Tableau 2.8 : Principales agences de réglementation financière aux EtatsUnis
En France, la structure des instances de régulation financière a
récemment été modifiée par la loi de sécurité financière du 1 er aout
2003, la loi de modernisation de l’économie de 2008 et l'ordonnance du
21 janvier 2009. Le tableau 2.9 montre 1'architecture générale du
système de régulation.
Cette architecture repose désormais sur deux autorités administratives
indépendantes. L’Autorité de marches financières (AMF) et l'Autorité de
contrôle prudentiel (ACP). L’AMF réunit les missions auparavant
dévolues, non sans quelque confusion parfois, à la Commission des
opérations de Bourse (COB), au Conseil des marches financiers et au
Conseil de discipline de la gestion financière : elle veille a la protection
des épargnants dons le cadre des entreprises faisant appel public a
l'épargne au introduisant de nouveaux produits sur les marches
financiers; elle veille à la régularité de l'information diffusée auprès des
acteurs des marches financiers et au bon fonctionnement de ceux-ci.
L'ACP surveille quant a elle l'activité des banques et des sociétés
d'assurances, Elle résulte de la fusion en 2009 de la Commission
bancaire, de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, du
Comite des entreprises d'assurances et du Co mite des établissements de
crédit et des entreprises. Elle agrée et surveille les intermédiaires
financiers, les banques et les operateurs financiers du point de vue
prudentiel.
Tableau 2.9 : Organes de réglementation et de contrôle bancaire et
financier en France
Acronymes: ACP: Autorité de contrôle prudentiel. AMF: Autorité des
marches financiers. CCLRF: Comite consultatif de la législation et de la
réglementation financières, CCSF : Comité consultatif du secteur
financier. FGD: Fonds de garantie des dépôts.
Le Fonds de garantie des dépôts, crée par la loi du 25 juin 1999 sur
l'épargne et la sécurité financière en application d'une directive
européenne de 1994, joue un rôle accru par rapport aux anciens
dispositifs. II a pour mission principale, lorsque l’établissement
auxquelles déposants ont confié leur avoir ne peut plus faire face a ses
engagements, de les indemniser (dans la limite d'un plafond de 70000
euros). Le FGD couvre aussi les instruments financiers - actions, titres de
créances, parts au actions d'organismes de placement collectif,
instruments financiers à terme. Le Fonds de garantie des dépôts peut
aussi intervenir à titre préventif pour permettre la disparition ordonnée
d'un établissement défaillant sans que les déposants ne soient lésés par
cette défaillance. Son action, en coordination avec celle de l'Autorité de
contrôle prudentiel, est donc une composante de la sécurité du système
bancaire français confortant, en cas de nécessite, la confiance des
déposants dans la qualité d' ensemble de ce système.
On remarque que la Banque de France n'intervient pas directement dans
le contrôle prudentiel et la surveillance bancaire, contrairement a
d'autres pays au la banque centrale nationale est un acteur dominant de
la supervision bancaire. Cependant, la Banque de France fournit à l'ACP
tous les moyens de son existence, et le gouverneur de la Banque la
préside.
Depuis quelques années, un nombre croissant de pays, suivant l'exemple
pionnier de la Norvège, ont restructure l'architecture de leur système
financier en consolidant entre les mains d'une seule instance, l'Autorité
des services financiers, la supervision et le contrôle prudentiel des
institutions bancaires, ceux des marches financiers et, parfois, ceux des
fonds de pension et des compagnies d'assurances. Le Royaume-Uni
fournit aujourd'hui l'exemple le plus achève de ce modèle qualifie de
modèle FSA (Financial service authority) également suivi désormais par le
Japon ou l'Allemagne. D'autres architectures sont aussi pratiquées,
comme le modèle néerlandais et désormais français OU deux instances
se partagent les compétences, formant un système bipolaire (Twin peak
architecture). La question de savoir quel système est le plus efficace est
encore loin d’être tranchée. En outre, certains pays ne parviennent pas à
s'accorder sur l'opportunité d'une consolidation des instances de
régulation. Les Etats- Unis figurent parmi les pays ou la structure de
régulation financière demeure la plus complexe.
8.2 Les objectifs de la réglementation bancaire
Améliorer I'information disponible L'importance des asymétries
d'information sur les marches financiers peut rendre les investisseurs
victimes d'anti-sélection ou de risque moral, ce qui peut empêcher le bon
fonctionnement des marches financiers. La réglementation peut réduire
les craintes des préteurs en imposant aux emprunteurs de publier de
manière claire et vérifiable les informations nécessaires pour juger de la
rentabilité et du risque de leurs projets (ce qui limite l'anti-sélection) et
de leur activité (ce qui diminue Ie risque moral).
C'est à la suite de scandales ou de krachs boursiers que la réglementation
du système financier a été mise en place. Par exemple, les assurances
ont été réglementées en France et aux Etats-Unis vers 1910, a la suite de
scandales ; la surveillance des marches boursiers a été fortement
augmentée aux Etats- Unis a la suite du krach de Wall Street en octobre
1929 (avec la création de la Securities and exchange commission SEC, en
1933). La SEC, qui impose la publication des informations nécessaires et
veille aux risques de manipulations de cours par les inities (l'insider
trading) a été le modèle d'institutions comparables mises en place en
Europe plus récemment (comme I' Autorité des marches financiers en
France). La crise actuelle conduit a une demande renouvelée de
réglementation.
Assurer la stabilité du système financier L'asymétrie d'information peut
également conduire a l’effondrement de l'intermédiation financière, qui
repose sur le crédit, c'est-a-dire sur la confiance. En effet, si les
déposants des banques n’ont plus confiance en leur capacité de
remboursement, et ne savent pas distinguer une banque saine d'une
autre insolvable, ils risquent de retirer leurs dépôts de toutes les
banques et, s'ils agissent tous au même moment, de mettre en faillite les
banques en question, qu'elles soient initialement saines ou en mauvaise
sante. Entre 1930 et 1933, plusieurs paniques financières ont ainsi
entraine dans la faillite plus de la moitie des banques des Etats- Unis, et
ont joue un rôle majeur dans la crise économique durable qui a sévi
alors. Sept types de réglementation permettent de protéger l'économie
contre les crises financières.
Restrictions a l'entrée
Dans la plupart des pays, la création d'intermédiaires financiers est plus
réglementée que celle des autres entreprises, Des administrations
spéciales veillent à la qualité des fondateurs et des dirigeants et a leur
capacité à réunir les capitaux nécessaires, et elles doivent délivrer une
charte, comme on dit aux Etats- Unis, un agrément en France, ou une
licence dans l'Union européenne, avant toute création.
Exigences de publication
Les intermédiaires financiers sont soumis à des obligations de publication
de leurs comptes plus sévères que la plupart des entreprises. Leur
comptabilité est soumise à des règles strictes, leurs livres font l'objet
d'inspections régulières par des contrôleurs spécialisés.
Limitation des actifs et des activités
Pour éviter une prise de risque excessive, les intermédiaires financiers ne
sont pas autorisé sa détenir n'importe quel type d'actif. Ainsi, les
banques de dépôt n'ont pas le droit, aux Etats- Unis, de détenir des
actions, considérées comme des actifs trop risques mettant en danger les
dépôts de leur clientèle; pour la même raison, elles ne pouvaient pas,
jusqu'a récemment (1999), s'engager dans les activités de banque
d'affaires (souscrire et placer des titres).
Assurance dépôt
Les crises bancaires passées ont amené certains Etats à assurer les
dépôts de manière a éviter que les investisseurs (spécialement les
particuliers les moins fortunes) ne soient victimes de faillites bancaires.
Aux Etats-Unis, il existe un système d'assurance des dépôts; il est
organise par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), qui garantit
les dépôts jusqu'a 100 000 dollars par déposant, La FDIC a été crée en
1934, juste après la grande crise bancaire mentionnée ci-dessus.
L'assurance dépôt est devenue obligatoire pour les pays de l'Union
européenne depuis une directive de la Commission de 1994. En France,
le Fonds de garantie des dépôts est en place depuis 1999.
L'avantage d'une assurance dépôt est que les déposants risquent moins
de céder à la panique et de contribuer ainsi à déclencher une crise
bancaire. L'inconvénient est que les banques peuvent en profiter pour
mener des politiques plus risquées, faisant finalement reposer le prix de
leurs erreurs sur le système d'assurance de dépôt.
Une autre solution est, pour l'Etat (ou une autre institution ayant auto
rite sur les banques, habituellement la Banque centrale), de n'intervenir
qu'en cas de crise, au coup par coup, en fonction du comportement de la
banque concernée et des risques pour le reste du système bancaire. Ce
type d'intervention, dite de prêteur en dernier ressort, inventée en
Europe au XIXe siècle, y a été finalement assez peu pratique lors des
nombreuses crises bancaires des années 1990, parce que les banques
centrales répugnent à compromettre leur crédit dans le sauvetage de
banques insolvables. En outre, les banques qui ont été le plus souvent en
difficulté ont été des banques publiques, et c'est alors l'Etat lui-même,
par l'intermédiaire du Trésor public, qui a été amené à recapitaliser les
banque, défaillantes et a organiser leur restructuration (Banca di Napoli
en Italie ; Crédit Lyonnais, Crédit Foncier, etc. en France). Lors de la
récente crise, en revanche, les interventions des Etats et des banques
centrales ont joue un rôle essentiel pour éviter une panique bancaire.
Restriction de concurrence
Les hommes politiques pensent souvent qu'une concurrence trop forte
entre les intermédiaires financiers peut conduire à des faillites dont le
public pourrait être victime. Bien qu'il y ait peu d'arguments empiriques
en ce sens, les Etats ont souvent crée des réglementations visant à
diminuer la concurrence au sein du système financier. Par exemple, aux
États-Unis, les banques n'ont pas pu, pendant longtemps, ouvrir des
succursales dans d’autres Etats que celui OU elles avaient reçu leur
charte. La plupart de ces restrictions ont disparu en 1994.
Plafonnement des taux d'interet
La concurrence est également souvent freinée par des réglementations,
qui restreignent la liberté des intermédiaires financiers de fixer leurs taux
d'intérêt créditeurs ou débiteurs. En France, la rémunération des dépôts
a vue est restée interdite jusqu'a un arrêt de la Cour de justice
européenne d'octobre 2004, comme elle l'a été dans nombre de pays.
Aux Etats-Unis, non seulement cette rémunération a été longtemps
interdite, mais la rémunération des taux d'intérêt sur les comptes
d'épargne a été plafonnée de 1933 a 1986 par la réglementation Q. Peu
d'économistes pensent aujourd'hui que ces réglementations évitent les
crises financières, Elles influent certainement, en revanche sur la
profitabilité des banques.
Réserves prudentielles
Pour éviter que les banques ne soient mises en cessation de paiement en
cas de retraits importants de dépôts, des règlements leur imposent de
détenir des réserves liquides suffisamment importantes. Pour assurer les
déposants de leur solidité, elles les obligent également à avoir des fonds
propres suffisants par rapport a leurs actifs risques.
L'ensemble de ces réglementations, qui différent souvent dans leur détail
d'un pays a l'autre, rend l'étude des systèmes financiers complexe, mais
pleine d'enjeux importants pour la politique économique. Les trente
dernières années ont vu la suppression d'un grand nombre de
réglementations mises en place dans les années 1930 et 1940, et leur
remplacement par de nouvelles. La crise financiers actuelle conduit
nombre d'observateurs à penser que ce mouvement de dérégulation a
été excessif ou mal conduit.
Résumé
1. La fonction principale d'un système financier est de transférer des
fonds des agents à capacité de financement qui ont des fonds
disponibles (les investisseurs) vers les agents à besoin de
financement qui manquent de fonds (les emprunteurs). Les
marchés financiers les canalisent en mettant directement en
rapport les prêteurs, qui achètent des titres, et les emprunteurs,
qui les émettent, C'est ce que l'on appelle la finance directe ou le
financement non intermédié. Dans la finance indirecte ou intermédiée, un intermédiaire financier reçoit les fonds de l'investisseur
avant de les prêter Iui-même aux agents à besoin de financement.
Dans les deux cas, ce transfert de fonds améliore le bien-être
économique, parce qu'il permet de faire circuler les fonds de ceux
qui en ont le moins besoin vers ceux qui en ont l'usage Ie plus
productif ou qui ont les besoins d'achat les plus urgents.
2. Les marches financiers peuvent être classes en marches de titres de
propriété (actions) et de titres de créances (obligations) autrement dit en marches de fonds propres et marches de dette-,
en matches primaires (d'émission) et secondaires (de négociation),
en marches boursiers organises ou de gré a gré, en marches
monétaire (des capitaux a court terme) et financier (des capitaux a
long terme).
3. Les décennies récentes ont vu une forte internationalisation des
marchés financiers. Les euro-obligations, qui sont libellées dans
une devise différente de celle du pays ou elles sont vendues, sont
devenues les instruments dominants du marché international des
capitaux et ont dépasse les obligations des entreprises américaines
par Ie volume d'émission. Les eurodollars, dollars déposés dans des
banques hors des États-Unis, sont également des instruments très
importants, y compris pour les banques américaines.
4. Les intermédiaires financiers sont des institutions qui acquièrent
des fonds en émettant des dettes et les utilisent pour acquérir des
actifs, soit en achetant des titres, soit en faisant des prêts. Les
intermédiaires financiers jouent un rôle essentiel au sein du
système financier, car ils réduisent les couts de transaction,
améliorent le partage des risques et réduisent les problèmes d'antisélection et de risque moral, qui résultent de l'asymétrie
d'information entre les prêteurs et les emprunteurs. Les
intermédiaires financiers permettent ainsi aux petits investisseurs
et aux petits emprunteurs de bénéficier des marchés financiers et,
ce faisant, améliorent l'efficacité de l’économie.
5. Les principales catégories d'intermédiaires financiers sont les
institutions de dépôt (parmi lesquelles les banques), les institutions
d'épargne contractuelle (où figurent les compagnies d'assurance
vie) et les entreprises d'investissement (notamment les fonds
collectifs d'investissement).
6. Les Etats réglementent les systèmes financiers pour améliorer
l'information des investisseurs et pour assurer la stabilité des
systèmes financiers. Les réglementations comprennent des
obligations de publication d'information, des restrictions diverses
(a l'entrée, sur les activités autorisées, les actifs détenus, les taux
d'intérêts pratiques), l'assurance des dépôts et des exigences
d'adéquation de réserves et de fonds propres. Les décennies
récentes ont vu une forte de réglementation des systèmes
financiers et la modification des formes de régulation dans la
plupart des pays.
1. Pourquoi une action IBM est-elle un actif pour son détenteur, et
est-elle inscrite au passif du bilan d'IBM?
2. Si un vendeur ambulant peut acheter une voiture pour 5 000
euros aujourd'hui, qui lui permettra de gagner 10 000 euros de
plus d'ici l'an prochain, doit-il accepter le prêt au taux d'intérêt de
90 % que lui propose l'usurier qui est le seul à accepter de lui
prêter? Cela suggère-t-il de légaliser l'usure?
.
3. Certains économistes disent que les pays en voie de
développement ont une faible croissance parce que leur système
financier est peu développé. Quelle est la qualité de cet
argument?
4. Les Etats-Unis ont beaucoup emprunté à la Grande-Bretagne au
XIXe siècle pour construire leur réseau de chemin de fer. Quel
instrument financier ont-ils utilisé pour ces emprunts? Pourquoi
cela a-t-il bénéficié aux deux pays?
5. « Comme les entreprises ne peuvent pas réaliser d'émissions sur
le marché secondaire, celui-ci est moins important que le marché
primaire ». Commentez.
6. Si vous pensez qu'une entreprise court un risque substantiel de
faire faillite, préférez-vous détenir ses obligations ou ses actions?
7. Le concept d'anti-sélection permet-il d'expliquer pourquoi vous
accepterez de prêter de l'argent à un membre de votre famille
plus volontiers qu'à un étranger?
8. Avez-vous déjà rencontré un problème d'anti-sélection ?
9. Pourquoi les usuriers se soucient-ils moins du risque moral que
d'autres prêteurs?
10. De quel type de risque moral un employeur doit-il se soucier de la
part de ses salariés ? Et l'inverse?
11. S'il n'y avait pas d'asymétrie d'information entre un prêteur et un
emprunteur, pourrait-il néanmoins y avoir un risque moral ?
12. « Dans un monde sans problèmes d'information ni coûts de
transaction, les intermédiaires financiers sont inutiles ».
Commentez.
13. Pourquoi préférez-vous épargner sur un compte d'épargne qui
vous rapporte 5 % plutôt que de prêter vous-même le montant
dont a besoin votre voisin, qui emprunte à votre caisse d'épargne
à 10 % ?
14. Pourquoi le partage du risque bénéficie-t-il à la fois à
l'intermédiaire financier et à l'investisseur ?
15. Discutez quelques manifestations de la mondialisation financière.
16. Dans quelle mesure certaines entreprises peuvent-ell~s se passer
des banques?
17. À quoi servent les banques pour les particuliers?
18. Pourquoi réglemente-t-on les banques plus que d'autres
entreprises?
Exercices sur Internet
Allez sur le site Internet de la Banque de France (http://www.banquefrancefr/ index.htm) et, dans la rubrique « publications et recherche »,
cliquez sur le dernier numéro du Bulletin de la Banque de France. Pour
mesurer l'importance de l'intermédiation en Europe et de la variété des
manières de la mesurer, cherchez dans la partie « Statistiques »du
bulletin :
- Les montants des crédits des institutions financières monétaires
(IFM) aux ménages et aux entreprises non financières durant le dernier
trimestre disponible (un flux).
- Le montant à la fin du dernier mois disponible de l'ensemble des
prêts en cours des institutions financières monétaires (IFM) aux
ménages et aux entreprises non financières (un stock). Comparez au
flux mesuré ci-dessus.
- Les montants des émissions de titres (obligations et actions) des
ménages et des entreprises non financières au cours du dernier
trimestre disponible (un flux).
- Le montant à la fin du dernier mois disponible de l'ensemble des
titres existants émis par les ménages, les entreprises non financières
et les administrations publiques (un stock). Comparez au flux cidessus.
Synthétisez ces informations dans un tableau et concluez. Quelles sont
les limites de cette observation, et comment la compléter? Vous pouvez
effectuer les mêmes mesures pour comparaison à l'échelle de la zone
euro sur le site Internet de la Banque centrale européenne (en anglais).
 Dans la France du XVIIIe siècle, la monnaie consistait principalement en
pièces d'argent (les écus) et en pièces d'or (les louis, du nom des derniers
rois dont l'effigie était frappée sur les pièces). Au XIXe siècle s'y ajoutèrent
les billets de la Banque de France. Aujourd'hui, on utilise non seulement les
pièces et les billets, qui sont fournis par la Banque centrale européenne,
mais surtout des chèques sur des comptes bancaires, et des cartes de
paiement (souvent appelées cartes de crédit). La monnaie prend donc des
formes variables selon les endroits et selon les époques, mais elle est
toujours importante pour les agents économiques individuels comme pour
l'ensemble de l'économie.
 Pour comprendre exactement les effets de la monnaie sur l'économie, il
convient de bien saisir ce qu'est fa monnaie. Dans ce chapitre, nous
définissons précisément la monnaie en examinant ses fonctions, en étudiant
pourquoi et comment elle contribue au bon fonctionnement de l'économie,
en retraçant l'évolution historique de ses formes et en examinant comment
la monnaie est mesurée.
1. Signification du terme « monnaie »
Le mot monnaie a des usages variés, mais il a un sens précis pour les
économistes. Pour éviter toute confusion, nous devons préciser en quoi
ce sens diffère de l'usage courant.
Les économistes définissent la monnaie (également appelée l'offre de
monnaie) comme tout ce qui est généralement accepté en paiement de
biens ou de services ou pour le remboursement de dettes. Le numéraire
(ce qu'on appelle communément l'argent liquide) consiste en pièces et
billets et correspond à cette définition (même si, en France, pour éviter
la fraude fiscale, les règlements supérieurs à certains montants ne
peuvent pas légalement être effectués en numéraire). Mais pour les
économistes le numéraire ne représente qu'une petite partie de la
monnaie. Comme les chèques sont aussi en général acceptés en
paiement, les dépôts en comptes courants bancaires ou postaux sont
également considérés comme de la monnaie. Une définition encore plus
large est aussi employée car les dépôts sur des comptes d'épargne
peuvent aussi servir de monnaie s'ils peuvent être transformés
rapidement et facilement en numéraire ou virés sur des comptes
courants. La définition pratique de l'offre de monnaie n'est donc pas
simple, même pour les économistes.
La monnaie est donc plus large que le numéraire, mais plus restreinte
que la fortune ou le patrimoine, et différente du revenu, alors même que
les expressions courantes les mélangent parfois. Ainsi, « il a beaucoup
d'argent» vise le patrimoine et non le seul compte en banque; le
patrimoine comprend la monnaie possédée mais aussi tous les autres
actifs que sont les biens mobiliers (voitures, meubles, œuvres d'art, titres
comme les actions ou les obligations) et les biens immobiliers (terres et
immeubles, c'est-à-dire maisons ou appartements). Quant au mot argent
dans l'expression « elle gagne beaucoup d'argent », il vise un revenu, soit
un flux de gains monétaires par unité de temps, alors que la monnaie est
un stock. Parler d'un revenu de 1 000 euros n'a pas de sens si l'on ne
connaît pas l'unité de temps (la journée, la semaine, le mois, l'année),
alors que détenir 1 000 euros a un sens précis.
En résumé, la monnaie comprend tout ce qui est généralement accepté
en paiement de biens et services ou en remboursement de dettes, et se
distingue du patrimoine comme du revenu.
2. Les fonctions de la monnaie
Que la monnaie consiste en coquillages, en cailloux, en or ou en papier,
elle a trois fonctions principales dans toutes les économies: elle est
intermédiaire des échanges, unité de compte et réserve de valeur.
2.1. Intermédiaire des échanges
La monnaie sert d'intermédiaire des échanges dans presque toutes les
transactions de marché dans les économies modernes: sous forme de
numéraire ou de chèque, elle sert à payer les biens et services que l'on
achète. L'utilisation de la monnaie comme intermédiaire des échanges
améliore l'efficacité économique et permet de minimiser le temps
dépensé à échanger des biens ou des services. On s'en rend compte si
l'on examine le cas d'une économie de troc, une économie sans monnaie
dans laquelle les biens et services sont échangés directement les uns
contre les autres.
Dans une économie de troc, un médecin ne peut manger que s'il trouve
des boulangers, bouchers ou restaurateurs qui ont besoin de soins. Au
mieux, il doit trouver des intermédiaires prêts à échanger leurs propres
biens ou leurs propres talents contre de la nourriture et à lui en échanger
une partie contre ses soins. Ces recherches risquent fort d'être longues
et coûteuses. Si elles le sont trop, il risque de devoir cultiver lui-même
son potager, ce qu'il fera sans doute moins bien qu'un maraîcher, et en
tout cas moins bien que soigner.
Le temps passé à ces recherches s'appelle un coût de transaction. Dans
une économie de troc, les coûts de transaction sont élevés car les
individus doivent parvenir à une « double coïncidence des besoins» : ils
doivent trouver quelqu'un qui possède un bien ou un service qu'ils
désirent et qui souhaite acquérir le bien ou le service qu'ils ont à offrir.
Que se passe-t-il si l'on introduit la monnaie dans un tel monde? Le
médecin peut soigner tout malade prêt à le payer, et peut ensuite faire
des courses variées avec l'argent qu'il a reçu. Le problème de la double
coïncidence des besoins est évité, chacun épargne du temps et le
médecin peut se consacrer à ce qu'il fait le mieux: soigner.
Comme cet exemple le montre, la monnaie augmente l'efficacité
économique en économisant une grande partie du temps passé à
échanger. Elle l'augmente aussi en permettant à chacun de se spécialiser
dans ce qu'il fait le mieux. La monnaie joue donc dans l'économie un rôle
essentiel de lubrifiant qui diminue les coûts de transaction et facilite la
spécialisation et la division du travail.
Le besoin de monnaie est si fort que pratiquement toutes les sociétés
sauf les plus primitives l'ont inventée. Pour qu'un bien puisse fonctionner
effectivement comme monnaie, il doit cependant réunir plusieurs
qualités: (1) il doit être aisément standardisé, de manière que l'on puisse
facilement évaluer sa valeur; (2) il doit être largement accepté; (3) il doit
être divisible pour que l'on puisse facilement « rendre la monnaie» ; (4) il
doit être aisé à transporter; (5) il ne doit pas se détériorer rapidement.
L'histoire montre que de nombreux biens, parfois surprenants, ont réuni
ces qualités, depuis les wampums (chapelets) des Indiens d'Amérique
jusqu'aux cigarettes dans les camps de prisonniers de la Seconde Guerre
mondiale, en passant par des coquillages ou des bouteilles de whisky.
L'inventivité humaine en matière monétaire est aussi vaste qu'en
matière d'outils ou de langages.
2.2. Unité de compte
La deuxième fonction de la monnaie est de fournir une unité de compte,
c'est-à-dire de servir d'unité de mesure de la valeur dans l'économie, On
mesure habituellement la valeur des biens et services en termes de
monnaie, de même que l'on mesure le poids en grammes et les distances
en mètres. Pour comprendre l'importance de cette fonction, imaginons
de nouveau une économie de troc. S'il n'y a que trois biens, disons
pomme, soins médicaux et cassette vidéo, on doit connaître trois prix
relatifs pour pouvoir échanger : le prix des pommes en soins médicaux
(combien de pommes pour une visite médicale), le prix des pommes en
cassettes vidéo, et le prix des soins médicaux en cassettes. S’il y a 10
biens, on doit connaître 45 prix relatifs pour échanger les biens les uns
contre les autres; avec 100 biens, 4 950 prix, et avec 1 000 biens, 499500
prix1.
On imagine combien il serait difficile dans une économie de troc de faire
des courses: un supermarché disposant de 1 000 produits devrait mettre
à chacun d'eux une étiquette contenant 999 prix pour que l'on puisse
comparer les prix des différents produits les uns par rapport aux autres.
Le temps passé à lire les étiquettes constituerait à lui seul un coût de
transaction prohibitif.
En introduisant la monnaie, on résout le problème en indiquant tous les
prix en monnaie. Avec trois biens dans l'économie, cela ne change rien
car il faut toujours trois prix (en monnaie). Mais pour 10 biens, on n'a
plus besoin que de 10 prix, pour 100 biens, de 100 prix, etc. Pour 1 000
biens, on n'a besoin que de 1 000 prix au lieu des 499 500 prix relatifs,
près de 500 fois moins.
On constate que l'utilisation de la monnaie comme unité de compte
permet de réduire les coûts de transaction en diminuant le nombre de
prix qu'il faut afficher et examiner. Les gains de cette réduction sont
d'autant plus grands que la société est plus complexe et le nombre de
biens et services plus élevé.
2.3. Réserve de valeur
La monnaie sert également de réserve de valeur: c'est un pouvoir d'achat
mis en réserve et transférable dans le temps. Une réserve de valeur sert
à épargner du pouvoir d'achat entre le moment où un revenu est reçu et
celui où il est dépensé. Cette fonction de la monnaie est utile, car en
général on ne souhaite pas dépenser son revenu immédiatement quand
on le reçoit, et on préfère le garder jusqu'au moment où on a le temps et
le désir d'acheter.
1. La formule générale qui donne le nombre de prix relatifs entre N
biens est celle qui nous dit combien il y a de paires (ici de prix) dans
un groupe de N biens, soit: N (N -1)/2. Par exemple, pour 10 biens, on
a 10 (10 -1)/2 = 90/2 = 45.
Encadré 3.1
L'interdépendance des fonctions de la monnaie et l'arbitrage
Si une heure de travail permet d'acheter 1 kg de viande et que 1 ~g de
viande s'échange contre 10 kg de pain, on s'attend à ce qu'une heure
de travail permette d'acheter 10 kg de pain. Reformulons cela de
manière plus rigoureuse et examinons à quelles conditions c'est bien
vérifié. Supposons qu'il existe 3 biens, A, B, C, et que les prix relatifs
soient les suivants: a = AIC (nombre d'unités de A nécessaires pour
obtenir une unité de Cl, b = BIC (nombre d'unités de B pour une de C)
et c = NB (nombre d'unités de A pour une de B).
Supposons maintenant que les échanges aient lieu sans coût. Si a < b c,
un marchand peut emprunter une unité de C, l'échanger contre b
unités de B, échanger ces b unités contre c b unités de A, et
rééchanger celles-ci contre bc /a unités de C. Comme par hypothèse a
< b c, donc b cl a> 1, le marchand retrouve plus d'une unité de C, peut
rembourser son emprunt et faire un profit. Cette opération, dite
arbitrage, peut être répétée tant que c > a/b. En la réalisant, le
marchand:
1. Augmente la demande de B auprès des agents désireux de
l'échanger contre lib unités de C (ce qui tend à faire baisser b, prix
de C en termes de B).
2. Augmente la demande de A auprès des agents désireux de
l'échanger contre B (ce qui tend à faire baisser cl.
3. Augmente la demande de C auprès des agents désireux de
l'échanger contre A (ce qui fait augmenter a). Ces différents
changements des prix relatifs conduisent à une hausse de a et une
diminution de b c, tant que a > b c.
Comme l'a démontré le premier Walras, grand économiste français du
XIXe siècle, ces arbitrages conduisent, en l'absence de coûts de
transaction, à l'égalité entre a et b c, c'est-à-dire à la cohérence entre
la totalité des prix relatifs. Cette cohérence est la condition de
l'équivalence entre les N (N-1) 12 paires de prix relatifs et les N-l prix
des N-l biens mesurés dans le Nème bien pris comme unité de compte.
Le bon fonctionnement d'une monnaie comme unité de compte
dépend donc de l'intensité de l'arbitrage et de la faiblesse des coûts de
transaction, c'est-à-dire de l'existence d'un intermédiaire des
échanges efficace permettant d'éviter d'innombrables échanges. Dès
lors, N-1 prix relatifs exprimés par rapport à n'importe lequel des N
biens choisi arbitrairement suffisent à remplacer les N (N-1) 12 prix
relatifs. L'échange marchand conduit ainsi spontanément à
l'émergence de la fonction d'unité de comptes.
L'arbitrage est l'activité réelle de nombre d'agents économiques, qui
guettent les occasions de réaliser des profits sans risque lorsque des
incohérences apparaissent entre les prix relatifs. Par exemple, sur le
marché des changes, les arbitragistes agissant en permanence
garantissent que le cours de l'euro en dollars est bien égal au cours de
l'euro en yens multiplié par le cours du yen en dollars. Cette égalité est
particulièrement bien réalisée sur ce marché parce que les coûts de
transaction y sont presque nuls pour les gros intervenants (voir
chapitre 21).
De même que la fonction d'unité de comptes, la fonction de réserve
de valeur résulte largement de la fonction d'intermédiaire des
échanges: garder de la valeur sous la forme où elle peut être utilisée
pour l'échange sans conversion préalable permet d'économiser le
temps et le coût de cette conversion. Tant que le niveau général des
prix ne varie pas beaucoup (ce qui est presque toujours vrai à court
terme), la monnaie est donc la forme la plus avantageuse pour garder
les montants qui seront employés rapidement pur l’échange.
La réponse à cette question tient largement au concept économique
important de liquidité, que l'on peut définir comme la facilité et la vitesse
relative à laquelle un actif peut être converti en instrument d'échange. La
liquidité est très importante. Or la monnaie est ['actif Ie plus liquide
puisqu'elle est elle-même l'intermédiaire des échanges: on n'a pas besoin
de la convertir en autre chose pour faire des achats. Au contraire, tous
les autres actifs doivent être convertis en monnaie pour réaliser des
échanges, ce qui comporte des coûts de transaction. Par exemple,
vendre une maison implique de payer des commissions aux
intermédiaires, commissions qui peuvent dépasser 5 % du prix de vente;
et si le vendeur a besoin d'argent très rapidement, il peut être contraint
d'accepter un prix plus bas pour parvenir à vendre vite. Comme la
monnaie est un actif parfaitement liquide, les gens sont prêts à en
détenir, même si ce n'est pas la réserve de valeur la plus rentable par
ailleurs.
La qualité d'un actif comme réserve de valeur dépend des avantages qu'il
procure (intérêts, utilité d'usage) mais aussi de l'évolution de son prix par
rapport au niveau général des prix, car sa valeur est mesurée par la
moyenne des prix des biens qu'il permet d'acquérir. Le prix de la
monnaie exprimé en monnaie est par définition stable: sa valeur
nominale est constante. Si tous les prix des biens doublent, et donc le
niveau général des prix, la valeur de la monnaie est divisée par deux.
Inversement, une division par deux de tous les prix signifie que la valeur
de la monnaie double. En période d'inflation, le niveau des prix
augmente et la valeur de la monnaie diminue, de sorte que les gens sont
plus réticents à détenir leur patrimoine sous cette forme. C'est
particulièrement le cas dans les périodes d'inflation extrême, nommées
hyperinflations, définies comme les périodes où les taux d'inflation
excèdent 50 % par mois.
L'Allemagne connut, au lendemain de la Première Guerre mondiale, une
hyperinflation durant laquelle les taux d'inflation dépassèrent 1 000 %
par mois. À la fin de cette hyperinflation, en 1923, le niveau des prix
atteignit 30 milliards de fois ce qu'il était à peine deux ans plus tôt. La
quantité de monnaie nécessaire pour acheter les biens les plus ordinaires
devint énorme. La monnaie perdit sa valeur si rapidement que les
travailleurs étaient payés plusieurs fois par jour et obtinrent le droit de
sortir dépenser leur salaire immédiatement, avant qu'il n'ait perdu sa
valeur. Personne ne voulut plus détenir de monnaie, si bien qu'elle fut de
moins en moins utilisée pour les transactions et que le troc devint de
plus en plus fréquent. Les coûts de transaction augmentèrent
rapidement, et comme on pouvait s'y attendre, la production déclina
fortement.
3. Évolution du système de paiement
On comprend mieux les différentes fonctions de la monnaie et les formes
qu'elle a prises dans l'histoire en examinant l'évolution du système de
paiement, c'est-à-dire de l'ensemble des moyens permettant de réaliser
des transactions dans une économie. Le système de paiement a évolué
durant des siècles, et avec lui les formes de la monnaie. Longtemps, les
métaux précieux tels que l'or servirent de moyens de paiement principaux et constituèrent la forme majeure de monnaie. Peu à peu, du
papier-monnaie sous forme de lettres de change, de chèques, de billets
de banque fut utilisé pour les paiements et regardé comme de la
monnaie. L'évolution du système de paiement est un important
indicateur de ce que devient la monnaie.
3.1. La monnaie marchandise
Pour qu'un objet serve de monnaie, il faut qu'il soit universellement
acceptable, c'est-à-dire que tout le monde soit prêt à l'accepter en
paiement de biens ou de services. Des biens qui ont une valeur évidente
pour tout un chacun, comme le blé, sont donc de bons candidats pour
servir de monnaie. C'est également le cas des métaux précieux dont
l'utilisation fréquente comme monnaie tient spécialement à leur
divisibilité, à leur bonne conservation et à leur facile standardisation.
Une monnaie constituée de marchandises désirables pour elles-mêmes
est appelée une monnaie marchandise. De l'Antiquité au début des
temps modernes, des monnaies marchandises ont servi d'intermédiaires
des échanges dans toutes les sociétés, sauf les plus primitives.
L'inconvénient d'un système de paiement fondé exclusivement sur des
marchandises, y compris des métaux précieux, est que cette forme de
monnaie est lourde et difficile à transporter, spécialement à grande
distance.
3.2. La monnaie fiduciaire
Le développement suivant dans le paiement en numéraire fut constitué
par le papier monnaie, c'est-à-dire des morceaux de papier servant de
moyen d'échange. Initialement, la conversion du papier-monnaie en
métal précieux était garantie par son émetteur - une banque dite
d'émission - de manière à ce que d'autres l'acceptent en paiement: les
billets étaient des sortes de certificats de dépôt d'or ou d'argent,
convertibles à tout moment. Néanmoins, le numéraire, pièces comme
billets, a évolué vers un statut de monnaie fiduciaire, c'est-à-dire de
monnaie qui tire sa valeur de la confiance qu'inspire son émetteur.
Ce fut le cas dès l'Antiquité pour les pièces dans les régimes de monnaie
marchandise, car la majeure partie de la population n'était pas en
mesure de vérifier le poids et la teneur métallique des pièces et devait se
reposer sur la promesse faite par une autorité monétaire (en général un
État) de produire des pièces de qualité.
En outre, l'État imposait généralement l'acceptation de ses pièces en
paiement, c'est-à-dire le cours légal, et s'engageait en contrepartie à les
accepter en paiement des impôts. Ce pouvoir régalien de « battre
monnaie » et de faire accepter sa monnaie ne suffit pas toujours à
inspirer la confiance, mais conféra à la monnaie une dimension politique.
C'est au nom de ce pouvoir régalien que, plus tard, les États limitèrent le
droit d'émission de billets à une ou quelques banques d'émission sur
lesquelles ils exerçaient une surveillance (les ancêtres de nos banques
centrales), puis imposèrent le cours légal des billets de banque dès lors
que leur circulation augmenta. Cela ne put toutefois se produire que
lorsque les techniques d'imprimerie devinrent suffisamment
sophistiquées pour rendre la contrefaçon très difficile.
Il convient de distinguer le cours légal, qui consiste en l'obligation légale
d'accepter un instrument monétaire en paiement ou en remboursement
de dettes, de l'inconvertibilité qui signifie l'impossibilité d'obtenir la
conversion à prix fixe d'une monnaie en une marchandise ayant une
utilité intrinsèque et un usage monétaire, c'est-à-dire en pratique en
métal précieux ou en devise étrangère. En l'absence d'in convertibilité, le
cours légal des billets facilite les échanges mais n'empêche pas les
détenteurs de billets de les convertir au siège de la banque émettrice.
En l'absence de cours légal, l'in convertibilité ne pèse que sur les agents
économiques qui ont accepté de courir le risque de détenir les billets
d'un émetteur. Le cours forcé consiste en l'imposition simultanée par
l'État de l'inconvertibilité et du cours légal. Jusqu'au XIXe siècle inclus, en
France comme dans la plupart des pays, les billets étaient généralement
convertibles en métal précieux. Ce n'est que durant quelques épisodes
de crise, pendant les révolutions de 1789 et de 1848 ou la guerre de
1870, que le cours forcé fut brièvement instauré. En revanche, le cours
légal des billets de la Banque de France fut imposé à partir de 1848.
Au XXe siècle, le cours forcé fut la règle à partir de 1914, sauf durant une
brève période, entre 1928 et 1936, où les billets purent s'échanger
contre des lingots d'or. La convertibilité en métaux précieux fut
rapidement restreinte au sein du système de Bretton Woods, tandis que
la convertibilité en devises étrangères était souvent (en France en
particulier) limitée par le contrôle des changes; avec la fin de ce système,
la convertibilité en devises cessa en général d'être garantie à prix fixe.
L'Union monétaire européenne acheva la convertibilité intra européenne créée par le système monétaire européen (voir chapitre 16),
mais les métaux précieux restèrent exclus d'usage monétaire, de sorte
que c'est la convertibilité en devises, à taux variable, qui représente une
protection pour les détenteurs de monnaie.
Dès lors que, du fait du cours forcé, la monnaie est exclusivement
fiduciaire et dépend avant tout d'un arrangement légal, les pays peuvent
changer de monnaie à volonté. C'est ce qui a permis de réaliser l'union
monétaire européenne.
Naissance de l'euro: quel bénéfice pour l'Europe?
Encadré 3.2
Le traité de Maastricht de l'Union européenne a décidé de la
création d'une monnaie unique européenne à partir de 1999.
Malgré de nombreux sceptiques, la nouvelle monnaie - l'euro
- est effectivement apparue à la date prévue, en janvier 1999,
et onze des quinze pays membres de l'Union européenne à
cette date y participèrent d'emblée: Allemagne, Autriche,
Belgique, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, PaysBas, Portugal et Espagne. Seuls le Danemark, le Royaume-Uni
et la Suède choisirent de rester en dehors de la zone euro,
tandis que l'entrée de la Grèce était retardée de quelques
années parce qu'elle ne satisfaisait pas aux critères spécifiés
par le traité de Maastricht (parmi lesquels un déficit
budgétaire inférieur à 3 % du PIB et une dette publique
inférieure à 60 % du PIB).
A partir du 1er janvier 1999, les taux de change entre les
monnaies entrant dans l'Union monétaire furent fixés de
manière permanente à l'euro, qui devint l'unité de compte de
toute la zone; la Banque centrale européenne remplaça les
banques centrales nationales pour la définition de la politique
monétaire, et les États commencèrent à émettre des dettes
en euros. Au début de 2002, les billets et pièces en euros
furent mis en circulation, et en juin, les anciennes monnaies
nationales disparurent.
Les avocats de l'Union monétaire soulignaient que la monnaie
unique permettrait d'éliminer les coûts de transaction liés aux
conversions entre monnaies, et affirmaient qu'elle
renforcerait l'intégration économique européenne et la
concurrence. Les sceptiques pensaient que l'Union monétaire
serait mauvaise pour les économies européennes parce que la
faible mobilité du travail entre pays et la faiblesse des
transferts fiscaux entre pays (c'est-à-dire des aides
conjoncturelles des régions en expansion aux régions en
récession) empêcheraient un ajustement aussi rapide qu'aux
États-Unis ou par l'utilisation de la dévaluation de la monnaie
dans les situations où certaines régions devraient faire face à
des difficultés spécifiques. De ce fait, certaines régions
risquaient d'être confrontées à des récessions prolongées,
tandis que d'autres seraient en expansion.
Quoi qu'il en soit, les motifs de l'Union monétaire étaient sans
doute d'abord politiques. En effet, celle-ci encourage sans
doute l'union politique de l'Europe, ce qui pourrait lui
permettre de jouer un rôle international plus important tant
au plan économique que politique.
3.3. La monnaie scripturale
Les inconvénients majeurs du papier-monnaie et des pièces sont qu'ils
peuvent être volés et que leur transport en grande quantité est coûteux
à cause de leur encombrement. D'autres instruments permettent de
remédier à ces inconvénients et correspondent à une autre étape dans
l'évolution des systèmes de paiement: il s'agit de ce qui constitue la
monnaie scripturale développée par les banques, en premier lieu le
chèque.
Depuis l'Antiquité, les virements entre comptes par simples jeux
d'écriture (d'où le terme de monnaie scripturale) furent pratiqués,
même s'ils restèrent longtemps restreints à un petit nombre de
marchands importants. Au XIVe siècle, l'invention de la lettre de change
facilita les échanges à grande distance. Dans une lettre de change, un
marchand (dit preneur) demandait à un autre, son correspondant à
l'étranger (dit payeur), de payer un montant donné à un tiers (le
bénéficiaire).
La circulation de ces lettres par endossement (c'est-à-dire par ajout
d'une signature au dos) permettait de les utiliser comme une monnaie,
même si leur acceptation était limitée aux gens connaissant le débiteur
ou les signataires successifs (qui étaient tous responsables du paiement
en cas de défaut du payeur). L'introduction de la lettre de change fut une
innovation majeure qui améliora beaucoup l'efficacité des systèmes de
paiement. En effet, il arrivait fréquemment que des paiements dans
diverses directions se compensent. Mais avant la lettre de change, tous
ces paiements devaient être effectués un à un, ce qui exigeait des
quantités importantes de numéraire.
Dès lors que les lettres de change furent reçues par des banquiers qui
purent les échanger entre eux, beaucoup de créances s'annulèrent les
unes les autres, et très peu de numéraire dut être déplacé, ce qui
diminua les coûts de transport et augmenta l'efficacité économique.
Cette compensation entre de nombreuses lettres fut organisée de
manière de plus en plus sophistiquée par des banquiers capables
d'évaluer la qualité des débiteurs.
Elle facilita la multilatéralisation du commerce en permettant d'éviter
une grande part des transports de numéraire.
Forme simplifiée et démocratisée de la lettre de change, le chèque est
une instruction qu'un client donne à sa banque de payer un montant à
une autre personne en échange du chèque. Aujourd'hui, les chèques ne
peuvent plus circuler par endossement et conduisent simplement les
banques à transférer le montant spécifié du compte de leur client à celui
du bénéficiaire du chèque. Le chèque permet ainsi à tout un chacun, et
non plus aux seuls marchands, de réaliser des transactions sans
numéraire et de bénéficier des avantages de la compensation. Un autre
atout des chèques est que les pertes par vol sont réduites car le
bénéficiaire est clairement désigné.
Un système de paiement essentiellement scriptural est un progrès
considérable, mais présente cependant deux inconvénients. Tout
d'abord, il faut du temps pour envoyer par exemple un chèque d'un
endroit à un autre, ce qui peut être un inconvénient sérieux si un
paiement lointain doit être réalisé rapidement. Ensuite, une banque a
besoin de temps pour encaisser un chèque, de sorte que l'on ne peut pas
disposer immédiatement du montant d'un chèque que l'on a reçu. Enfin,
le maniement de milliards de chèques représente un processus complexe
et coûteux (en France, 5 milliards de chèques sont émis chaque année,
soit 84 par habitant, contre 9 par Allemand et 239 par Américain). On
estime à 1 milliard d'euros le coût annuel de traitement des chèques en
France, et à plus de 10 milliards de dollars par an aux États- Unis.
3.4. Le paiement électronique
Le développement d'ordinateurs bon marché et d'Internet fait qu'il est
désormais peu coûteux de payer électroniquement. Au lieu d'envoyer un
chèque, on peut se connecter sur le site Internet de sa banque et, en
quelques clics, transmettre un ordre de paiement pour régler une
facture. Les systèmes de paiement électronique mis au point par les
banques peuvent même éviter de payer manuellement des factures: les
paiements récurrents peuvent être effectués par virements
automatiques déduits automatiquement du compte du débiteur.
L'économie de coût réalisée quand un paiement est fait
électroniquement plutôt que par chèque est importante. Le paiement
électronique devient donc de plus en plus répandu, et dans ce domaine
l'Europe, spécialement l'Europe scandinave, est en avance sur les ÉtatsUnis.
3.5. La monnaie électronique
Le paiement électronique peut non seulement se substituer au chèque,
mais peut remplacer aussi le numéraire, sous la forme de monnaie
électronique, qui n'existe que sous forme électronique. La première
forme de monnaie électronique est la carte de débit, couramment
appelée carte de crédit en France, alors même qu'elle ne donne pas
accès à un crédit (comme c'est le cas aux États-Unis) mais permet
seulement un paiement, éventuellement différé. Les cartes de débit
permettent aux clients d'acheter des biens ou des services en transférant
directement des fonds de leurs comptes bancaires à ceux des
commerçants concernés. Leur usage est souvent plus rapide encore que
celui du numéraire, car il suffit de passer une carte dans un lecteur et de
taper un code pour que le transfert ait lieu. En ce domaine, la France
bénéficie d'ailleurs d'une avance technologique grâce à la carte à puce,
qui garantit une meilleure sécurité des transactions en permettant de
vérifier l'identité du payeur grâce à un code, alors que nombre de pays se
contentent encore de la signature d'une facturette.
Une solution plus sophistiquée et plus récente est celle des cartes
prépayées ou porte monnaie électroniques (voir encadré 3.3). En les
achetant pour un montant donné, un consommateur peut réaliser des
paiements, souvent de petits montants, chez tous les commerçants
équipés d'un terminal. Les plus sophistiquées sont dotées d'une puce qui
permet de les recharger à un terminal en transférant de l'argent du
compte bancaire de leur détenteur. Elles peuvent être utilisées pour
payer en ligne sur des ordinateurs ou des téléphones spécialement
équipés.
Une troisième forme de monnaie électronique permet d'acheter des
biens ou des services sur Internet. On peut l'obtenir en ouvrant un
compte dans une banque et en lui faisant transférer un montant sur un
ordinateur personnel. On peut ensuite surfer sur Internet et utiliser la
monnaie électronique pour payer des achats en transférant directement
le montant nécessaire de son ordinateur à celui du vendeur. Celui-ci peut
ainsi recevoir le paiement avant d'expédier les achats.
Étant donné les avantages de la monnaie électronique, on pourrait
penser que la société sans argent (c'est-à-dire sans numéraire, voire sans
chèques) est proche et que tous les paiements seront bientôt réalisés
électroniquement.
3.6. La monnaie et l'État
Dans la zone euro, l'intégration monétaire est réalisée alors qu'il n'y a
pas d'intégration politique. Une monnaie sans État est-elle viable? Cette
question - sur laquelle nous reviendrons au chapitre 17 - s'inscrit dans le
cadre plus général des liens qui unissent la monnaie et l'État. On observe
un parallélisme étroit entre eux dans l'histoire. Mais est-ce la monnaie
qui a besoin de l'État ou bien le contraire? La valeur de la monnaie
fiduciaire provient-elle de la garantie accordée par l'État? Nous tentons
de répondre à ces questions à partir d'un retour sur l'histoire de la
monnaie.
Les échanges commerciaux ont, au moins depuis le troisième millénaire
avant notre ère en Mésopotamie, été facilités par l'usage de métaux
précieux - essentiellement d'argent. Il s'agit alors d'une monnaie
marchandise ayant des usages réels et non seulement monétaires, et
dont il faut vérifier le poids et la qualité pour s'assurer de sa valeur. Cette
monnaie n'est pas fournie par un État, ce qui ne l'empêche pas de
circuler. Les cas similaires ne sont pas rares dans le commerce à grande
distance jusqu'à l'époque moderne, puisque même les pièces frappées
par les États étaient souvent utilisées pour leur poids de métal
seulement. On retrouve une situation similaire dans les camps de
prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale, où les cigarettes (entre
autres) ont un usage monétaire qui s’étendra à toute l'Allemagne jusqu'à
la réforme monétaire de 1948. Ces monnaies sont détenues parce
qu'elles ont une valeur intrinsèque connue, même si ce n'est pas pour
chaque détenteur: le non-fumeur sait qu'il y a assez de fumeurs pour
être sûr que la valeur des cigarettes restera relativement stable et qu'il
pourra donc acheter ce qu'il voudra en échange de cigarettes.
Pourquoi l'intervention de l'État? Néanmoins, ces monnaies
marchandises ne purent jamais se diffuser largement du fait de
l'importance des coûts de vérification qu'elles encouraient. Certains
agents économiques se proposèrent pour émettre de la monnaie en
apportant des garanties sur sa qualité. C'est ainsi que les banques
d'émission promettaient autrefois la convertibilité de leurs billets en
métaux précieux, et que les banques la promettent aujourd'hui en
monnaie « banque centrale ». Néanmoins trois raisons conduisirent très
vite à un contrôle étatique de cette activité, au moins dès lors que la
masse de la population fut concernée.
- En premier lieu, les risques d'abus étaient importants. On l'observa aux
États-Unis où, au milieu du XIXe siècle, régnait un régime de « banque
libre» dans lequel toute banque pouvait émettre à volonté des billets:
si les abus furent peu nombreux, ils furent retentissants, et
conduisirent à l'intervention régulatrice de l'État. Aujourd'hui
encore, la régulation du système bancaire est sans doute une
condition de la confiance dans la monnaie, ce qui permet de dire que
la valeur de la monnaie vient en partie de la surveillance que l'État
exerce sur les banques (si l'État est lui-même digne de confiance).
- Par ailleurs, la production de monnaie est une activité à rendements
d'échelle croissants, car la monnaie est un bien pour lequel les effets
de réseau sont importants, comme le téléphone: l'importance pour
chaque usager d'avoir accès au plus grand nombre possible de
partenaires peut justifier une intervention de l'État pour unifier
monétairement son territoire. Par ailleurs, ces économies d'échelle
peuvent aussi conduire au monopole, risque qui justifie
traditionnellement une intervention publique.
- Enfin, qui dit monopole dit profit, et qui dit profit dit matière
imposable. Les États, toujours à la recherche de ressources,
considérèrent volontiers que la fourniture monopolistique de ce bien
indispensable (ou la concession privée du monopole de sa
production) leur fournirait des ressources substantielles, couramment
nommées seigneuriage.
Contrairement à l'opinion commune, ce ne fut pas le cas en temps
normal: que ce fût à l'époque de la monnaie métallique où il prélevait de
l'ordre de 1 % du métal apporté à la frappe, ou plus récemment du fait
de la production à bon marché des billets, les recettes de seigneuriage ne
représentent que rarement une part substantielle des ressources publiques. Pourquoi? Tout simplement parce que pendant très longtemps les
États n'étaient pas en mesure d'imposer l'usage d'une monnaie dans leur
pays, les agents économiques n'hésitant pas - en France au XIXe siècle
encore, en Russie aujourd'hui - à utiliser les pièces ou les billets de pays
voisins. La possibilité de payer l'impôt dans la monnaie nationale fut un
argument essentiel pour la diffusion de celle-ci, première étape vers le
cours légal. En effet, elle diminuait l'intérêt pour l'État de produire de la
mauvaise monnaie.
Les guerres et la solidarité nationale Les guerres fournirent
cependant de grandes exceptions à cette observation générale.
Lorsqu'elles survenaient, les besoins financiers publics devenaient si
importants que l'augmentation massive du seigneuriage devenait parfois
une nécessité, facilitée quand la population était habituée par des
années de stabilité monétaire à une grande confiance dans la monnaie,
quand les revenus nominaux commençaient par augmenter, ou quand
les citoyens considéraient comme de leur intérêt collectif de contribuer
au salut public (les Français apportèrent ainsi massivement leur or à la
Banque de France en 1914, au moment même où elle commençait à
lancer à plein régime la « planche à billets »).
Plus profondément, c'est dans les situations de crise collective, de
menace sur l'existence même de l'État, que reparaît avec force la
prééminence de la collectivité sur l'individu qu'elle protège. Si l'une des
origines de la monnaie tient, dans les sociétés archaïques, au besoin
d'une unité de compte pour comparer les contributions et les obligations
de chacun au bien collectif, la capacité de modifier la valeur de cette
unité de compte doit bien rester une prérogative de la collectivité prise
dans son ensemble.
Il n'est donc pas étonnant que les partisans d'une Europe politique, c'està-dire d'une communauté de destin et donc d'une solidarité face à de
possibles crises, affirment que la monnaie requiert une souveraineté. En
fait, c'est plutôt que la souveraineté politique n'est pas complète si elle
ne couvre pas la monnaie. De nombreux banquiers centraux partagent
cette conception. Le conseil de la Bundesbank l'a affiché clairement dès
le milieu des années 1990 par la bouche de son président de l'époque
Hans Tietmeyer: « L'entrée dans l'union monétaire est fondatrice d'une
communauté de solidarité, et même d'une communauté de risques, qui
exige aussi, pour exister durablement des liens et une intégration
politique élargis »2.
Notre analyse suggère donc qu'en période de crise majeure, le hiatus
entre union monétaire achevée et union politique imparfaite (symbolisé
par la rupture, officialisée par le traité de Maastricht, entre la monnaie et
les finances publiques) est de conséquence grave et doit être résolu.
3.7. Mesurer la monnaie
La définition de la monnaie comme ensemble des moyens de paiement
généralement acceptés montre bien que ce sont les comportements des
agents économiques qui définissent la monnaie. Un actif devient
monétaire parce que les agents pensent qu'il sera accepté en paiement
par les autres. Les actifs ayant joué un tel rôle ont varié dans le temps et
varient encore.
Les banques centrales cherchent à mesurer au mieux la quantité de
monnaie en circulation. Pour cela, elles utilisent différents agrégats
monétaires. Leur définition est devenue plus difficile depuis les années
1980 du fait des nombreuses innovations financières. À partir des
années 1980, la plupart des banques centrales ont modifié, parfois à
plusieurs reprises, leurs mesures de la monnaie. La France n'a pas
échappé à ce mouvement. En outre, la création de l'Union monétaire a
imposé une harmonisation préalable des agrégats monétaires nationaux
qui a permis ensuite de définir la batterie d'agrégats monétaires utilisés
par la BCE.
2. Hans Tietmeyer, « L’entrée dans l'Union monétaire exige une
intégration politique élargie », Le Monde, 16 février 1995.
L’histoire monétaire récente de l'Irak montre qu'une monnaie de
papier peut avoir de la valeur même si elle ne bénéficie pas de la
garantie de l'État. Cela a été clairement montré par le gouverneur
actuel de la Banque d'Angleterre, Mervyn King, à l'occasion de la
conférence Richard Ely qu'il a donnée en 2004 devant l'Association
américaine de sciences économiques.
Immédiatement après la première guerre du Golfe, l'Irak se trouve,
de fait, divisé en deux. Saddam Hussein exerce son pouvoir sur le sud
du pays, le nord est contrôlé par les Kurdes. Au mois de mai 1993,
une réforme monétaire est annoncée par la Banque centrale d'Irak.
Les Irakiens ont trois semaines pour échanger leurs billets de 25
dinars contre des nouveaux, appelés « dinars Saddam » parce qu'ils
sont à l'effigie du président en place. Cette mesure est destinée à
faciliter le financement des dépenses publiques en utilisant la
création monétaire. En quatre ans, le montant des billets en
circulation passe de l'équivalent de 22 milliards de dollars à 581. Sur
la même période, l'inflation s'accélère et s'élève au total à 250 %.
Au Nord, les anciens billets continuent de circuler. On les appelle les
« dinars suisses» - en raison de l'origine des presses ayant servi à
lesimprimer.lls conservent toute leur valeur alors qu'ils ne
bénéficient ni de la garantie de l'État irakien - ils n'ont plus cours
légal-, ni de celle d'une autorité publique quelconque au Nord - il n'y
a pas d'État kurde. Bien plus, leur valeur comparée à celle des dinars
Saddam s'envole: au printemps 2003, un dinar suisse s'échange
contre 300 dinars Saddam.
Encadré 3.4
Quelle peut être la valeur d'une monnaie fiduciaire ne
bénéficiant pas de la garantie de l'État?
Cela n'est pas étonnant: le montant des dinars suisses est fixé en
circulation - on n'en imprime plus - alors que celui des dinars
Saddam explose. Cela veut-il dire qu'une monnaie fiduciaire est
viable sans aucune garantie de l'État? Sans doute pas. Dans le cas
présent, on explique la valeur du dinar suisse de la façon suivante:
dans la partie nord de l'Irak ses détenteurs s'attendaient à ce que
sa valeur soit officiellement reconnue un jour ou l'autre par un
nouveau pouvoir politique. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé: le 7
juillet 2003, Paul Brenner –l’administrateur provisoire nommé par
les États-Unis à la suite de la chute du régime de Saddam Hussein a annoncé la création d'un nouveau dinar échangeable contre les
deux dinars existants à un taux impliquant une conversion d'un
dinar suisse contre 150 dinars Saddam.
* Mervyn King, « The institutions of monetary policy », Richard T. Ely, Lecture,
American Economie Association, 4 janvier 2004. Le texte de cette conférence
peut être trouvé sur le site de la Banque d'Angleterre, à l'adresse suivante :
http://www.bankofengland.co.uk!publications/speeches/speaker.htm#king.
L'évolution de la mesure de la monnaie en France Les critères
utilisés pour définir les agrégats monétaires officiels sont soit de nature
économique, soit de nature institutionnelle, En France, les critères
institutionnels l'ont très longtemps emporté. Au cours des années 1980,
les critères économiques prennent de plus en plus d'importance jusqu'à
devenir dominants à partir de 1986. En 1994, la construction des
agrégats monétaires est entièrement justifiée par des arguments
économiques mettant l'accent sur les fonctions de la monnaie.
Environnement financier traditionnel: une définition de la monnaie
fondée sur des critères institutionnels.
Traditionnellement, la définition officielle de la monnaie incluait en
France outre les moyens de paiement détenus par les agents non
financiers « leurs placements liquides ou à court terme inscrits au passif
des institutions financières qui assuraient leur conversion immédiate en
moyens de paiement sans risque de perte en capital (la seule
pénalisation étant la réduction des intérêts perçus) et sans prélèvement
sur les moyens de paiement d'un autre agent économique.3 »
3. « Les Agrégats Monétaires », Note d'Information n" 75, Banque de
France, avril 1988, p. 1.
La prise en compte d'un critère institutionnel dans cette définition était
justifiée par le fait que seules les institutions financières proposaient des
placements liquides. Les autres placements possibles étaient constitués
par des actions et des obligations à moyen et long terme faisant
supporter un risque en capital. Il n'existait pas de placements à
échéance courte négociables sur un marché secondaire. Un classement
des actifs monétaires en sous-ensembles était établi sur la base d'un
critère institutionnel justifié par le cloisonnement administratif et
juridique du système financier français. On distinguait les placements
auprès des institutions financières selon qu'ils étaient gérés par des
institutions financières bancaires ou par des institutions financières non
bancaires - Caisse des Dépôts et Consignations et réseau des Caisses
d'Épargne; Crédit Foncier; Crédit National; Crédit Coopératif.
Nouvel environnement financier: une définition de la monnaie fondée
sur des critères économiques.
Dans la seconde moitié des années 1980, les mutations qu'a connues la
sphère financière sont venues éroder la confiance que les autorités
pouvaient avoir dans les agrégats traditionnels larges. On a assisté à un
développement spectaculaire des organismes de placement collectif en
valeurs mobilières (OPCVM) qui offrirent des possibilités de placement
courts - actions de SICAV; parts de fonds communs de placement - bien
rémunérés et assortis d'un risque en capital limité. Par ailleurs, les vides
existant traditionnellement pour certaines échéances furent comblés
par l'apparition de nouveaux titres de créances négociables (certificats
de dépôt; billets de trésorerie; bons du Trésor négociables et bons des
institutions financières spécialisées; bons des sociétés financières et des
maisons de titres). Désormais, il existait un véritable continuum de titres
à l'intérieur duquel il devenait beaucoup plus difficile de tracer une
frontière nette entre les placements monétaires et les placements non
monétaires.
En réaction à ces transformations, la Banque de France a procédé à une
redéfinition des agrégats monétaires. Une première réforme (1986) a
élargi le champ couvert par les agrégats en y incorporant les titres de
créances négociables et l'activité des OPCVM traitée selon un principe
de transparence: les actifs monétaires inclus dans leurs portefeuilles
étaient supposés détenus directement par les agents non financiers
titulaires de parts ou d'actions d'OPCVM. L'adoption de ce principe ne
résultait d'ailleurs pas d'un choix délibéré des autorités, mais était
dictée par l'impossibilité pratique dans laquelle elles se trouvaient, à
l'époque, d'appréhender différemment l'activité des OPCVM. À la suite
de l'amélioration de l'information statistique dans ce domaine, une
seconde réforme (annoncée à l'automne 1990) est intervenue: les titres
d'OPCVM court terme détenus par les agents non financiers ont été
inclus directement dans les agrégats. Dès lors, la nouvelle définition
officielle de la monnaie retenue en France évacue toute préoccupation
de nature institutionnelle. Elle inclut « outre les moyens de paiement,
tous les placements que les agents non financiers considèrent comme
une réserve de pouvoir d'achat immédiatement disponible parce qu'ils
peuvent être convertis facilement et rapidement en moyens de
paiement, sans risque important de perte en capital4. »
4. « La réforme des agrégats de monnaie et le nouveau cadre d'analyse
conjoncturelle des évolutions monétaires et financières », Bulletin
trimestriel de la Banque de France, janvier-février 1991, pp. 41-43.
Cette nouvelle définition de la monnaie fait référence simultanément
aux trois fonctions essentielles de la monnaie (que nous soulignons). Elle
n'établit plus la césure entre la monnaie et les autres actifs à partir de la
nature de l'entité gestionnaire. On trouve désormais dans les agrégats
monétaires aussi bien des placements effectués auprès d'établissements
de crédit que des placements effectués sur les marchés des titres. À
l'inverse, certains placements effectués auprès des institutions
financières, nécessairement pris en compte dans la définition
traditionnelle de la monnaie, sont exclus de la nouvelle définition.
Tableau 3.1 : Évolution de la notion de « monnaie » en France depuis
1973 : la définition des agrégats de monnaie
Année
Contenu de la réforme
1973
Définition par « lettre » des agrégats: M 1 correspond aux
disponibilités monétaires, M2 à la masse monétaire, M3
aux liquidités; M3-M 1 comprend l'épargne liquide ou à
court terme (il s'agit de placements qui peuvent être
aisément et sans risque de perte en capital transformés en
monnaie)
1984
Le contenu des agrégats est limité aux seuls avoirs des
agents non financiers résidents (M 1 R, M2R, M3R)
1986
Les innovations financières conduisent la Banque de France
à réformer ses agrégats monétaires : M 1 englobe les
moyens de paiement; M2 = M 1 + les placements à vue en
francs rémunérés, dont les taux sont réglementés,
effectués auprès des établissements de crédit bancaires ou
du Trésor, et non susceptibles d'être mobilisés par
émission de chèques; M3 = M2 + les placements à terme
non négociables, émis ou gérés par les établissements de
crédit bancaires; L = M3 + épargne contractuelle gérée par
les établissements de crédit bancaires.
1994
La Banque de France adapte une nouvelle fois la
définition des agrégats monétaires au nouveau contexte
financier. La nouvelle définition prend en compte la
nouvelle classification des OPCVM adoptée par la
Commission des opérations de Bourse.M1 comprend les
moyens de paiement utilisables en France; M2 = M 1 + les
placements à vue effectués sur livrets à taux réglementé.
M3 = M2 + certains placements en devises, les
placements à terme non négociables sur un marché, les
titres de créance négociables émis sur le marché
monétaire par les établissements de crédit et détenus par
les résidents non financiers, les parts de fonds communs
de créances à moins de cinq ans et les titres d'OPCVM
monétaires détenus par les résidents non financiers; M4
= M3 + les bons du Trésor émis par l'État et les billets de
trésorerie et les bons à moyen terme négociables émis
par les sociétés.
Harmonisation des agrégats monétaires européens La création de
l'Union monétaire européenne a nécessité une harmonisation préalable
des statistiques monétaires nationales pour que la Banque centrale
européenne dispose d'agrégats monétaires européens cohérents et de
qualité. Cette nécessité était d'autant plus forte que - comme nous le
verrons au chapitre 20 -la stratégie de politique monétaire de la BCE leur
accorde une grande importance, ce qui est l'une de ses originalités. Ce
travail d'harmonisation a été conduit par l'Institut monétaire européen qui a préparé l'entrée en fonction de la BCE. Il a été effectué à trois
niveaux :
- L'harmonisation de la définition du secteur créateur de monnaie: il
regroupe les institutions financières monétaires (IFM) définies
comme «les établissements de crédit résidents et toutes les autres
institutions financières résidentes dont l'activité consiste à recevoir
des dépôts et/ou de proches substituts de dépôts d'entités autres
que les IFM et qui pour leur propre compte consentent des crédits
et/ou effectuent des placements de valeurs mobilières» (leur rôle
dans la création monétaire fait l'objet du chapitre 17). Elles
comprennent les banques centrales, les établissements de crédit
résidents (essentiellement les banques et les caisses d'épargne), et
les autres institutions financières résidentes (spécialement les
OPCVM monétaires).
- L'harmonisation de la définition du secteur détenteur de monnaie: il
regroupe tous les agents économiques - à l'exception des
administrations publiques centrales résidant dans la zone euro qui ne
sont pas des IFM.
- L'harmonisation des définitions des catégories d'engagements des IFM
: elle permet de distinguer les différentes catégories d'engagements
des IFM en fonction de leur degré de « monétarité » tout en prenant
en compte les caractéristiques des systèmes financiers nationaux qui
restent encore très différentes.
Les banques centrales nationales se sont alors chargées, en relation avec
la BCE, d'établir la liste des IFM dans leurs pays respectifs. Elles ont pu
ensuite communiquer à la BCE les informations statistiques nécessaires
à l'élaboration d'un bilan monétaire consolidé au niveau de l'ensemble
de l'Union. C'est à partir de ce bilan que la BCE calcule les montants des
agrégats monétaires dans la zone euro. Actuellement, les mesures de
l'offre de monnaie utilisées au niveau européen, habituellement
appelées agrégats monétaires, sont au nombre de trois, du plus étroit
(Ml) au plus large (M3), construits par emboîtements successifs. Ces
agrégats sont mesurés à partir des actifs à caractère monétaire figurant
au passif des institutions financières monétaires.
La mesure la plus étroite de la monnaie, Ml, inclut le numéraire (pièces
et billets) et les dépôts à vue dans les institutions financières
monétaires. Ces actifs sont clairement de la monnaie car ils sont
directement des instruments de paiement.
L'agrégat intermédiaire M2 inclut (1) Ml, (2) les placements disponibles à
tout moment mais qui ne peuvent servir directement à effectuer des
paiements (et doivent donc préalablement être convertis en dépôts à
vue), et (3) les dépôts à terme dont le terme est inférieur à 2 ans (ou 3
ans si remboursables dans un délai fixé). Ces placements comprennent
en particulier en France les comptes sur livrets réglementés tels que les
livrets A, les livrets bleus, les comptes d'épargne logement (CEL), les
comptes pour le développement industriel (CODEVI), les livrets
d'épargne populaire (LEP).
L'agrégat large M3 inclut (l) M2, (2) les instruments négociables émis par
les institutions financières monétaires: accords de rachat, titres du
marché monétaire et titres représentatifs de placements sur le marché
monétaire (spécialement en France les SICAV monétaires), et (3) les
obligations à moins de 2 ans émises par des IFM.
Tableau 3.2: Les agrégats monétaires de la zone euro (en milliards d'euros)
Valeur en
Janvier 1999 Janvier 2010
Ml = Monnaie fiduciaire
314
757
+ Dépôts à vue
1 492
3 801
1 806
4 558
Total Ml
Tableau 3.2: Les agrégats monétaires de la zone euro (en milliards d'euros)
(suite)
* On parle de prise en pension pour désigner le transfert provisoire de propriété
d'un titre de créance de son détenteur initial vers celui qui l'acquiert (voir
chapitre 2). Cette opération joue un rôle important dans la politique monétaire
de la Banque centrale européenne (voir chapitre 18).
Source: BCE, www.ecb.int.
Révision du calcul de l'agrégat M3 de la zone euro en 2001
Quand les agrégats monétaires ont été définis, avant le lancement
de la monnaie unique, il est apparu qu'une identification du lieu de
résidence des détenteurs des instruments négociables à court terme
était difficile, voire impossible. Cela n'était pas très ennuyeux car les
encours de ces instruments étaient assez faibles et ne progressaient
qu'à un rythme modéré. Il a donc été décidé d'inclure dans la
définition de M3 l'ensemble des instruments négociables émis par
les IFM de la zone euro.
Après l'entrée en vigueur de la phase III de l'UEM, les instruments
négociables inclus dans M3 ont connu une très vive expansion. Dans
un premier temps, l'effet sur la croissance de M3 est resté limité.
Mais, au début de l'année 2001, il est apparu que cette forte
progression était à l'origine d'un biais haussier sur le taux de
croissance annuel de M3 de l'ordre de trois quarts de point de
pourcentage*.
Un système de déclaration relatif aux avoirs des non-résidents en
instruments négociables a alors été mis en place par l'Eurosystème.
À partir de mai 2001, les titres d'OPCVM monétaires détenus par les
investisseurs non résidents de la zone euro ont été exclus de l'agrégat.
Puis, à partir d'octobre 2001, les statistiques publiées de M3 n'ont
plus intégré les avoirs des non-résidents de la zone euro en titres de
créance à court terme (à savoir, les instruments du marché
monétaire et les titres de créance d'une durée initiale inférieure ou
égale à deux ans). Les données rétropolées prenant en compte ces
ajustements sont disponibles à compter de janvier 1999.
* « Calcul de l'agrégat M3 de la zone euro: questions relatives à
J'inclusion des instruments négociables », Bulletin mensuel de la BCE,
mai 2001, pp. 9-10.
** « Correction de M3 de l'incidence de la détention d'instruments
négociables par les non-résidents de la zone euro », Bulletin mensuel
de la BCE, novembre 2001, p. 10.
Encadré 3.5
M3 a pour objet de mesurer les avoirs monétaires des résidents de la
zone euro. D'un point de vue conceptuel, les instruments
négociables détenus par les non-résidents de la zone euro devraient
en être exclus car ils n'exercent pas la même influence sur l'évolution
de la dépense à l'intérieur de la zone.
Du fait que l'on peut mesurer la quantité de monnaie de plusieurs
manières différentes, et que la réflexion théorique ne permet pas à elle
seule de choisir entre ces mesures, il est logique de se demander si les
agrégats monétaires varient parallèlement. Si c'est le cas, on peut
légitimement penser que l'utilisation d'un agrégat ou d'un autre pour
prédire les évolutions futures de l'économie ou pour mener la politique
monétaire a peu d'importance, et que l'incertitude sur la mesure précise
de la monnaie est sans gravité. Mais si les agrégats varient de différentes
manières, alors ce que disent les variations d'un agrégat peut contredire
ce que semble indiquer un autre, rendant plus difficiles les choix de
politique économique.
La figure 3.1 montre les évolutions de Ml, M2 et M3 telles que la Banque
centrale européenne les a reconstruites a posteriori pour l'ensemble de la
zone euro. Même si elles sont aujourd'hui nécessaires pour mener une
politique
monétaire
européenne
unique,
ces
statistiques
sont
évidemment problématiques dans la mesure où elles regroupent
jusqu'en 1999 des agrégats nationaux influencés par des politiques
monétaires et des organisations financières toutes différentes les unes
des autres.
Figure 3.1 – Taux de croissance des trois agrégats de monnaie de la zone
euro, 1971-2009,
Source : BCE,www.ecb.int.
Remarque : il convient de bien noter d’une part que les statistiques
antérieures à 1999 ne sont que l’agrégation de statistiques nationales
qui seules ont une véritable cohérence ; d’autre part qu’après 1999 elles
font référence à la zone euro selon sa définition du moment (la Grèce est
incluse à partir de 2001, la Slovénie de 2007, Chypre et Malte de 2008 et
la Slovaquie de 2009).
Malgré leurs défauts, ces statistiques permettent de faire quelques
remarques qui seraient confirmées par l'étude des statistiques nationales
antérieures ou de celles d'autres pays. Elles mettent ainsi en évidence la
tendance nette à la baisse du taux de croissance de la quantité de
monnaie des années 1970 aux années 1990. Cette tendance est
commune aux trois agrégats mesurés, suggérant qu'à long terme leurs
comportements
sont
semblables.
Néanmoins,
des
différences
substantielles sont également visibles: ainsi la croissance de M1 est-elle
sensiblement inférieure à celles de M2 et M3 dans les années
1970, ce qui suggère un développement des formes les moins liquides
et les plus rémunératrices de détention de monnaie, mais devient très
supérieure dans les années 1995-2005. De 2006 à 200S, la croissance de
Ml diminue beaucoup tandis que celles de M2 et M3 s'accélèrent,
traduisant l'attractivité des placements monétaires plus rémunérateurs,
alors que l'évolution inverse brutale de 2009 reflète la fuite vers la
liquidité due à la crise.
3.8. Quelle est la fiabilité des données monétaires?
Du fait d'une part des innovations financières, d'autre part des
contraintes réglementaires et fiscales qui pèsent sur les différentes
composantes de la masse monétaire, et de leurs variations importantes
dans le temps, les différents agrégats monétaires sont loin d'être
parfaitement homogènes dans le temps. Outre cette difficulté, qui
affecte leur interprétation, la fiabilité des données monétaires dépend
de l'efficacité des systèmes statistiques nationaux et de la complexité de
la réalité financière qu'ils doivent retracer. Aux États-Unis, du fait de
l'existence d'un grand nombre de petites banques qui ne sont pas
soumises aux mêmes obligations d'information envers la Banque
centrale, et parce que les révisions pour correction des variations
saisonnières ont un impact parfois important, les taux de croissance
mensuels des agrégats monétaires peuvent être considérés comme des
indicateurs très imparfaits, à la différence des taux de croissance
annuels. Habituellement beaucoup plus satisfaisants. Ceci suggère qu'on
ne devrait pas porter une attention excessive aux mouvements de court
terme de l'offre de monnaie.
Les agrégats monétaires de la Banque centrale européenne sont
publiés chaque mois dans le bulletin de la BCE. La Banque de
France publie également ces statistiques et leur ajoute une
mesure de la contribution française aux indicateurs monétaires
européens
(http://www.banque-france.fr/fr/publications/bulletin/bulletin.htm). Dans la mesure où la monnaie
déposée dans les banques françaises est utilisable partout dans
la zone euro et où la monnaie des banques de la zone euro hors
de France est utilisable en France, la contribution française aux
agrégats monétaires de la zone euro n'a plus le même sens que
les agrégats monétaires nationaux antérieurs à l'Union
monétaire. En particulier, leur utilisation dans des modèles
macroéconomiques nationaux n'est plus pertinente.
Lire la presse financière
Les agrégats monétaires
On s'intéresse aussi souvent, du fait du rôle majeur des ÉtatsUnis dans l'économie mondiale, aux publications statistiques de
la Réserve fédérale américaine. Celles-ci ont lieu tous les
vendredis pour Ml, M2 et M3 et sont disponibles par exemple
dans le Wall StreetJournal, à la fois en données seasonally
adjusted (sa), c'est-à-dire ajustées pour les variations
saisonnières (par exemple pour l'augmentation des dépenses
avant Noël), et en données non ajustées.
Les données monétaires pour la zone euro sont disponibles rapidement,
sur une base mensuelle. Elles comptent parmi les meilleures données
statistiques économiques disponibles pour la zone euro.
Résumé
1. Pour les économistes, le terme monnaie doit être distingué de
revenu et de patri- . moine. La monnaie comprend tout ce qui est
généralement accepté en paiement de biens et services ou en
remboursement de dettes.
2. La monnaie remplit principalement trois fonctions: intermédiaire
des échanges, unité de compte et réserve de valeur. Comme
intermédiaire des échanges, elle résout le problème de la double
coïncidence des besoins d'une économie de troc, diminue les coûts
de transaction, et facilite la spécialisation et la division du travail.
Comme unité de compte, la monnaie réduit le nombre de prix
nécessaires dans une économie, ce qui diminue également les coûts
de transaction. La monnaie sert aussi de réserve de valeur, mais ne
remplit que médiocrement cette fonction si sa valeur est réduite par
l'inflation.
3. Le système de paiement a beaucoup évolué dans l'histoire. Jusqu'au
XIXe siècle, les métaux précieux y tenaient une place importante.
L'introduction de papier-monnaie, spécialement de billets de
banque, a réduit les coûts de transport de la monnaie.
L'introduction du chèque a encore diminué les coûts de transaction.
L'évolution actuelle vers la monnaie électronique au détriment du
papier permet d'autres gains d'efficacité, mais des obstacles
ralentissent l'avènement d'une société sans argent et le
développement de nouvelles formes de monnaie électronique.
4. Les banques centrales définissent des mesures quantitatives de
l'offre de monnaie. La Banque centrale européenne a défini les
agrégats Ml, Ml et M3. Ces mesures ne sont pas équivalentes, et
leurs changements ne sont pas toujours identiques, si bien qu'on ne
peut pas les utiliser de manière interchangeable pour la conduite de
la politique monétaire. L'obtention d'une mesure précise et exacte
de la monnaie est essentielle pour celle-ci.
1. Une économie comporte trois biens, produits par trois individus.
Bien
Producteur
Salades
Maraîcher
Chocolats
Chocolatier
Pain
Boulanger
Si le maraîcher n'aime que le chocolat, le chocolatier que le pain,
et le boulanger que les salades, des échanges ont-ils lieu dans une
économie de troc strict? Comment l'introduction de la monnaie
facilite-t-elle la vie des trois individus?
2. Pourquoi les hommes des cavernes n'avaient-ils pas besoin de
monnaie?
3. Pourquoi certaines personnes au XIXe siècle préféraient-elles être
payées par chèque plutôt qu'en or, alors même qu'elles savaient que
certains chèques pouvaient être sans provision ?
4. Dans la Grèce ancienne, pourquoi utilisait-on l'argent comme
monnaie plutôt que le vin ?
5. La monnaie était-elle une meilleure réserve de valeur en France au
XIXe siècle ou dans les années 1970 ?
6. Seriez-vous prêt à abandonner votre carnet de chèques et à n'utiliser
que des moyens de paiement électronique s'ils étaient disponibles?
Pourquoi?
7. Classez les actifs suivants du plus liquide au moins liquide:
a. Compte-chèques.
b. Maisons.
c. Numéraire.
d. Machines à laver.
e. Cigarettes.
f. Comptes d’épargne.
g. Actions.
8. Pourquoi certains économistes ont-ils parlé de la monnaie durant les
phases d’hyperinflation comme d'une « patate chaude» ?
9. Dans le Brésil des années 1980 où l'inflation était importante, nombre
de transactions étaient conduites en dollars et non dans la monnaie
nationale, le real. Pourquoi?
10. Supposons qu'un économiste découvre que, sur les vingt dernières
années, une mesure de la dette totale dans l'économie européenne
est un meilleur instrument pour prédire l'inflation et les cycles
économiques que les agrégats monétaires Ml, M2 ou M3. Cela
implique-t-il qu'il faille redéfinir la monnaie comme cette mesure de
la dette totale?
11. Pourquoi l'évolution du système financier a-t-elle nécessité une
redéfinition des agrégats de monnaie par la Banque de France ?
12. Examinez dans le bulletin de la Banque centrale européenne les taux
de croissance récents de Ml, M2et M3. Ont-ils été identiques? Quelles
implications ont ces taux de croissance pour la conduite de la
politique monétaire?
13. Lequel des agrégats monétaires Ml, M2 et M3 est composé des actifs
les plus liquides? Lequel est le plus large?
14. Indiquez l'agrégat monétaire auquel appartient chacun des actifs
suivants:
a. Numéraire.
b. SICAV monétaire.
c. Compte d'épargne logem.ent.
d. Compte à vue.
e. Bon du Trésor à 3 mois.
Exercices sur Internet
1. Analyse des évolutions à.long terme des agrégats monétaires dans
la zone euro.
Allez sur le site Internet de la Banque centrale européenne à
l'adresse: http:// www.ecb.intlhomelhtml/index.en.html. Là, cherchez
les séries statistiques de longue période portant sur les agrégats
monétaires (Monetaryaggregates).
Dégagez, sur un graphique, les évolutions tendancielles des
différents agrégats monétaires. Quelles modifications traduisentelles dans les comportements?
2. Analyse des évolutions à court terme des agrégats de monnaie dans
la zone euro.
Allez sur le site de la Banque centrale européenne et sur celui de la
Banque de France, et cherchez à retracer sur des graphiques les
évolutions des agrégats monétaires et de leurs contreparties au
cours des 5 dernières années en données mensuelles. Lisez les notes
du Bulletin de la Banque de France et de celui de la Banque centrale
européenne. Concluez sur les principales caractéristiques de
l'évolution monétaire récente dans la zone euro et en France, en
particulier durant la crise financière démarrée en 2008.
Chapitre 4
Les taux d’intérêt
 Les taux d'intérêt font partie des variables économiques les plus
attentivement surveillées par les observateurs de l'économie. Leurs
variations sont rapportées quotidiennement dans les médias car ils
affectent directement à la fois notre vie quotidienne et la santé de
l'économie. Ils influencent les choix des particuliers entre
consommation et épargne, leur décision d'acheter une maison ou des
obligations, ou d'investir dans un compte d'épargne. Les taux
d'intérêt affectent aussi les choix d'investissement des entreprises.
 Il convient en premier lieu de définir précisément les termes taux
d'intérêt. On montre dans ce chapitre que le concept de taux
actuariel est la mesure la plus précise du taux d'intérêt au sens que
souhaitent les économistes. On étudie comment le taux actuariel est
calculé, et on examine les autres moyens, moins précis, utilisés pour
parler des taux d'intérêt. On montre que le taux d'intérêt d'une
obligation ne suffit pas à indiquer si elle constitue un bon placement,
dans la mesure où ce qu'elle rapporte finalement (son rendement)
n'est pas nécessairement égal à son taux d'intérêt. Enfin, on étudie les
notions de taux d'intérêt réel et de taux d'intérêt nominal, c'est-à-dire
ajusté ou non pour l'inflation.
 L'assimilation de ces concepts est un préalable essentiel à la
compréhension de la suite de cet ouvrage, comme de la vie
économique dans son ensemble.
1. Mesurer les taux d'intérêt
Les différents instruments de crédit diffèrent profondément par les flux
de paiements qu'ils impliquent comme par la durée de ces paiements.
Pour les comparer, un concept essentiel existe: celui de valeur
actualisée.
1.1. Valeur actualisée
L'idée à la base du concept de valeur actualisée est qu'un euro à recevoir
dans un an a moins de valeur qu'un euro reçu tout de suite, ne serait-ce
parce qu'un euro reçu aujourd'hui peut être placé dans un compte
d'épargne qui rapporte un intérêt, et permet donc d'avoir plus d'un euro
dans un an.
Prenons l'instrument de crédit le plus simple, le prêt simple. Dans un tel
prêt, l'emprunteur reçoit un montant (nommé le principal) qu'il doit
rembourser au prêteur à la date dite d'échéance, augmenté d'un
montant d'intérêt. Un prêt simple de 100 euros à un an à 10 % implique
au bout d'un an le remboursement des 100 euros et le versement d'un
intérêt de 10 euros. Le taux d'intérêt est calculé comme le montant de
l'intérêt rapporté au principal. On l'appelle l'intérêt simple, noté i, et l'on
a:
i=
10 euros = 0,1 = 10 %
100 euros
Le prêteur qui a réalisé ce prêt dispose en fin d'année de 110 euros, que
l'on peut écrire comme:
100 euros x (l + 0,1) = 110 euros
S'il prête de nouveau ce montant dans les mêmes conditions, il obtient à
la fin d'une deuxième année:
110 X (l + 0,1) = 121 = 100 x (l + 0,1) x (l + 0,1)
= 100 x (l + 0,1)2
S'il continue une année supplémentaire, il obtient à la fin de la troisième
année:
121 x (1 + 0,1) = 100 x (1 + 0,1)3 = 133
En généralisant, on peut écrire qu'après n années, ces 100 euros
deviennent, toujours en supposant le taux d'intérêt stable i = la % chaque
année:
100 x (1 + i)n
Pour un taux d'intérêt de 10 %, il est donc équivalent de recevoir 100
euros aujourd'hui ou 110 dans un an, 121 dans deux ans, etc. On peut
aussi lire cette ligne temporelle en sens inverse et considérer par
exemple que 133 euros dans trois ans valent 100 aujourd'hui, car:
133 = 100
(1+0,1)3
Ce calcul de la valeur aujourd'hui de montants à recevoir dans le futur
s'appelle l'actualisation. On peut généraliser ce procédé en désignant
par VA la valeur aujourd'hui (valeur actualisée ou actuelle) (ci-dessus 100
euros), par VF la valeur future (ci-dessus 133), par i le taux d'intérêt (cidessus 0,1 ou 10 %), et par n la maturité (3 ci-dessus), ce qui conduit à la
formule générale de l'actualisation:
VA= VF
(1 + i)n
Le concept de valeur actualisée est très utile car il permet de calculer la
valeur aujourd'hui d'un instrument de crédit pour un certain taux
d'intérêt comme la simple somme des valeurs actualisées des paiements
qu'il doit fournir dans le futur. Il permet ainsi de comparer la valeur de
différents instruments de crédit dont les paiements sont répartis
différemment dans le temps.
Illustration - Calcul d'une valeur actualisée simple
Quelle est la valeur actuelle de 250 euros recevables dans deux ans si
le taux d'intérêt est de 15 % par an ?
Solution:
La valeur actuelle est de 189,04 euros. En effet, si on utilise l'équation
1
VA= VF
(1 + i)n
Avec VP = montant du flux futur, ou de la valeur future = 250
i = taux d'intérêt annuel = 15 %
n = nombre d'années = 2
VA = 250/(1 + 0,15)2 = 189,04
Illustration - Combien vaut vraiment le gros lot?
Le gagnant d'une loterie dont le gros lot est de 20 millions d'euros se
voit annoncer que la somme lui sera payée à raison de 1 million par an
pendant vingt ans. Combien a-t-il réellement gagné?
Solution: En utilisant le concept de valeur actualisée, et en supposant
un taux d'intérêt de la %, la valeur actualisée du premier " paiement,
immédiat, de 1 million est bien de 1 million, celle du versement de
l'année suivante de 1/(1 + 0,1) = 909090 euros, celle du versement
suivant de 1/(1 + 0,1)2 = 826446 euros, etc. La somme des 20
paiements atteint en valeur actualisée seulement 9,4 millions, bien
moins que les 20 annoncés.
1.2. Quatre principaux instruments de crédit
Il existe quatre principaux types d'instruments de crédit si on les
distingue par la manière dont leurs flux de paiements se répartissent
dans le temps.
1. Le prêt simple, on l'a vu, comprend le prêt d'un montant pour une
période donnée, appelée maturité, au terme de laquelle le principal
est remboursé, augmenté d'un intérêt. Beaucoup d'instruments du
marché monétaire sont de ce type.
2. Le crédit à versements constants (ou à mensualités ou annuités
fixes) prévoit que l'emprunteur effectue une série de versements de
montants égaux à chaque période (mensuelle ou annuelle) pendant
la durée du prêt. Ces montants incluent à la fois le remboursement
du principal et les intérêts. Par exemple, un emprunt de 1 000 euros
peut être remboursable en 25 annuités de 126 euros. Les crédits à la
consommation, les crédits automobiles et les crédits immobiliers
sont en général de ce type.
3. L'obligation classique prévoit le paiement annuel d'un montant fixe
correspondant aux intérêts jusqu'à la maturité du prêt, et le
règlement à cette date d'un montant correspondant en général au
remboursement du principal. On nomme valeur faciale, valeur
nominale ou pair le montant de la dette nominale, en général celui par
rapport auquel on calcule l'intérêt (et qui était autrefois inscrit sur la
face du titre en papier représentant l'obligation), coupon le montant
payé annuellement (le porteur détachait autrefois un coupon de
papier fixé au titre et l'envoyait à l'émetteur pour paiement), taux
nominal ou taux de coupon le ratio du coupon sur la valeur faciale en
pourcentage, prime de remboursement la différence entre le montant
payé à maturité et la valeur faciale, et prime d'émission la différence
entre la valeur faciale et le montant effectivement remis par le
prêteur à l'emprunteur lors de l'émission de l'obligation. Par
exemple, une obligation de 1 000 euros (valeur faciale) peut payer
des coupons annuels de 100 euros pendant dix ans et être
remboursée au pair (à 1 000 euros) à l'échéance de ces dix ans.
Une obligation est identifiée habituellement par trois informations:
le nom de l'entité (société ou collectivité publique) qui l'émet; la
date d'échéance; le taux nominal. Dans notre exemple, le taux
nominal est de 100/1 000 = la %. Une grande part des emprunts à
moyen et long terme des entreprises et des collectivités publiques
sont réalisés sous forme d'obligations de ce type.
4. L'obligation zéro-coupon est émise à un prix inférieur à sa valeur
faciale, ne verse pas de coupons, et est remboursée à échéance à sa
valeur faciale. En référence à la pratique bancaire traditionnelle de
l'escompte, qui consiste à racheter des créances avant leur maturité
à un prix inférieur à leur valeur faciale, on parle en anglais de
discount bonds pour ces obligations. Par exemple, une obligation à
zéro-coupon de valeur faciale 1 000 euros peut être émise à 900
euros pour un an et remboursée à maturité à 1 000 euros. Nombre
de bons du Trésor à court terme émis par les gouvernements sont
de ce type, ainsi que, plus récemment, quelques obligations à long
terme.
Ces quatre types d'instruments prévoient des paiements à des moments
différents: les emprunts simples et les obligations zéro-coupon
seulement à l'échéance, les crédits à versements constants et les
obligations classiques durant toute la vie du crédit jusqu'à l'échéance.
Comment peut-on comparer ces instruments? La meilleure solution est
d'utiliser le concept de valeur actualisée pour construire un concept
unique de taux d'intérêt valable pour ces différents types d'instruments
financiers.
1.3. Le taux actuariel
Parmi les différentes manières de calculer un taux d'intérêt, le taux
actuariel ou rendement actuariel ou encore taux de rendement interne
(yield to maturity) est la plus importante. Il s'agit du taux d'intérêt qui
égalise la valeur actualisée des flux de paiements futurs imposés par un
instrument financier et sa valeur actuelle. Comme ce concept a un sens
économique clair, c'est lui que les économistes ont en général en tête
quand ils parlent de taux d'intérêt. Examinons comment il est calculé
pour nos quatre types d'instruments.
Prêt simple Le taux actuariel d'un prêt simple est facile à calculer. Si on
reprend l'exemple d'un prêt à un an de 100 euros remboursable par un
versement de 110 euros à l'échéance (remboursement de 100 euros et
versement simultané de 10 euros d'intérêts), on calcule le taux actuariel
en égalisant la valeur actualisée du paiement futur de 110 euros et la
valeur actuelle du prêt, 100 euros le jour de sa réalisation. Cela donne:
Prêt à versements fixes Comme précédemment, on cherche le taux
d'intérêt qui égalise la valeur actualisée des versements (fixes) futurs et
la valeur actuelle du prêt. Si on reprend notre exemple d'un prêt de 1
000 euros remboursé en 25 versements annuels de 126 euros, on peut
calculer la valeur actualisée de la manière suivante: à la fin de la
première année a lieu un premier versement de 126 euros, dont la
valeur actuelle est de 126/( 1 + i) ; à la fin de la deuxième année a lieu un
autre versement de 126 euros, dont la valeur actuelle est de 126/(1 + i)2;
et ainsi de suite jusqu'au dernier versement, après vingt-cinq ans, dont
la valeur actualisée est de 126/(1 + i)25. Pour égaliser la valeur actuelle et
la valeur actualisée des paiements futurs, on pose:
De manière générale, pour un prêt à versements fixes; on calcule le taux
actuariel i comme la valeur qui permet de résoudre l'équation:
où V est le montant du versement annuel et n le nombre d'années jusqu'à
la date de maturité. Le calcul du taux actuariel est possible si la 'maturité,
V et la valeur actuelle du prêt sont connus. Il n'est pas simple mais
disponible sur de nombreuses calculatrices où il suffit d'entrer ces
variables. Dans l'exemple précédent, le taux actuariel est de 12 %. Dans
de nombreux métiers, par exemple agent immobilier ou banquier, il faut
pouvoir calculer rapidement le montant des mensualités ou des annuités
d'un prêt à partir du taux actuariel.
Obligation classique Égalisons de nouveau la valeur actualisée des
versements futurs et la valeur actuelle du crédit, c'est-à-dire le prix de
l'obligation le jour de son émission. On a de nouveau la somme d'une
série de valeurs actualisées à calculer, plus précisément la somme des
valeurs actualisées des coupons, à laquelle s'ajoute la valeur actualisée
du paiement final. Reprenons l'exemple de l'obligation ayant des
coupons de 100 euros, une maturité de la ans et un versement final de
1000 euros. La valeur actualisée du coupon versé à la fin de la première
année est de 100/(1 + i) ; celle du deuxième coupon de 100/(1 + i)2; et
ainsi de suite jusqu'au dixième et dernier coupon dont la valeur
actualisée est de 100/(1 + i)lO. S'y ajoute la valeur actualisée du
versement final, soit 1000/(1 + i)lO. On égalise avec le prix actuel de
l'obligation, noté P, ce qui donne:
Plus généralement, pour toute obligation classique:
où P est le prix de l'obligation, C le coupon annuel, F la valeur du
paiement final, n le nombre d'années avant la date de maturité. Si on
connaît toutes ces variables, on peut calculer le taux actuariel i. Les
calculatrices permettent en général de réaliser ce calcul quand on ne
trouve pas de solution algébrique simple. Le tableau 4.1 donne quelques
exemples de taux actuariels en fonction du prix actuel:
Tableau 4.1 : Taux actuariels pour une obligation de valeur nominale 1 000 euros, au
coupon de 100 euros, à 10 années de maturité et remboursable au pair (1 000 euros),
en fonction de son prix actuel
Prix de l’obligation
Taux actuariel (%)
1 200
7,13
1 100
8,48
1 000
10
900
11,75
800
13,81
Trois observations méritent d'être faites:
1. Quand le prix actuel est égal à la valeur du remboursement final et à
la valeur nominale, le taux actuariel est égal au taux nominal, ici 10 %.
2. Le prix actuel d'une obligation et son rendement actuariel sont
corrélés négativement: quand le taux actuariel augmente, le prix de
l'obligation baisse, et vice versa.
3. Le taux actuariel est supérieur au taux de coupon nominal quand le
prix de l'obligation est en dessous de sa valeur faciale.
Ces trois observations sont valables pour toute obligation classique et ne
doivent pas surprendre. En effet, la première correspond à ce que l'on
observe par analogie sur un compte bancaire qui paie un intérêt de 10 %
: y verser 1 000 euros permet de retirer chaque fin d'année 100 euros
d'intérêt et de toujours disposer des 1000 euros. Acheter notre
obligation de 1 000 euros versant un coupon de 10 % et remboursée à 1
000 euros revient au même. Si l'obligation est achetée au pair à 1 000
euros, son taux actuariel doit être de 10 %.
Il est logique que le prix de l'obligation et le rendement actuariel soient
reliés négativement. Quand le taux actuariel i augmente, les
dénominateurs dans l'équation (3) augmentent, donc le prix de
l'obligation doit baisser pour maintenir l'égalité. Un taux d'intérêt plus
élevé implique que la valeur des paiements futurs est plus faible, donc le
prix actuel doit être plus bas pour être égal à leur somme.
Un cas particulier d'obligation mérite une mention spéciale, parce que
son taux actuariel est très simple à calculer: il s'agit des obligations
perpétuelles. Celles-ci sont des obligations dont la maturité est infinie et
qui ne sont donc jamais remboursées, de sorte qu'elles paient
uniquement des coupons annuels, et ce jusqu'à l'infini. De telles
obligations ont été fréquemment émises par les gouvernements, surtout
au XIXe siècle, où elles portaient en France le nom de rentes perpétuelles.
Comme ces obligations ne comprennent pas de remboursement du
principal, l'équation (3) se simplifie dans leur cas en:
Soit en posant x =
1
(1 + i)
.
Dans le cas de la rente perpétuelle, la relation négative entre le taux
d'intérêt et le prix apparaît immédiatement. Par exemple, une obligation
qui verse un coupon de 100 euros par an à perpétuité vaut 1 000 euros
quand le taux d'intérêt est de 10 % et 500 quand le taux monte à 20 %.
De la même manière, le rendement actuariel d'une rente perpétuelle se
calcule aisément:
Obligation zéro-coupon Le taux actuariel pour une obligation zérocoupon est identique à celui d'un prêt simple. Reprenons le cas d'une
obligation remboursable à 1 000 euros dans un an. Si le prix d'achat
actuel est de 900 euros, égaliser la valeur actualisée du remboursement
et le prix actuel donne:
De manière générale, le taux actuariel d'une obligation zéro-coupon à un
an peut s'écrire:
où F est la valeur de remboursement et P le prix actuel de l'obligation. En
général, le prix de telles obligations reste donc inférieur à leur valeur
faciale (de remboursement), ce qui est la condition pour que leur taux
d'intérêt soit positif. Cependant, des exceptions sont apparues
récemment au Japon pour des bons du Trésor (voir encadré 4.1). On
retrouve par ailleurs pour ces obligations la relation négative entre le
taux actuariel et le prix soulignée précédemment.
Des taux d'intérêt négatifs? Les États-Unis après le Japon
Encadré 4.1
On suppose habituellement que les taux d'intérêt sont toujours positifs.
En effet, des taux négatifs impliqueraient que l'on est prêt à payer
aujourd'hui pour recevoir une somme plus faible dans le futur, ce qui
semble impossible puisqu'on peut toujours détenir de la monnaie qui a la
même valeur
dans le futur et aujourd'hui.
.
Ce raisonnement n'est pas tout à fait juste, comme on a pu l'observer au
Japon, où en novembre 1998 les taux d'intérêt sur les bons du Trésor
japonais à 6 mois sont devenus négatifs, avec un taux actuariel de -0,004
%. Cet événement extraordinaire s'est reproduit en septembre 2008 où
le rendement des bons du Trésor américain à 6 mois est devenu
brièvement négatif. Il s'explique de la manière suivante. D'une part, la
faiblesse d'une économie et la fuite vers la liquidité et les meilleures
signatures durant une crise financière peuvent amener les taux d'intérêt
à de très bas niveaux, surtout quand le niveau des prix stagne, voire
recule. Cependant, ces facteurs ne sauraient expliquer des taux négatifs.
L'explication tient dans le fait que les gros investisseurs ont trouvé plus
pratique d'avoir des bons du Trésor à 6 mois que des billets, car les bons
du Trésor peuvent être détenus électroniquement en montants
importants, ce qui n'est pas le cas des billets, alors que détenir cet argent
en comptes à vue faisait courir le risque d'une faillite de la banque
détentrice. Cela explique des taux très légèrement négatifs, mais met un
frein à toute descente significative en dessous de zéro.
1.4. Conclusion
Le concept de valeur actualisée dit qu'un euro demain a moins de valeur
qu'un euro aujourd'hui parce qu'on peut toujours placer l'euro détenu
aujourd'hui et obtenir un intérêt. De ce fait, un euro dans n années vaut
aujourd'hui seulement 1/(1 + i)n euro. La valeur actualisée d'un actif
rapportant une série de revenus futurs est égale à la somme des valeurs
actualisées de ces flux de revenus futurs.
Le taux actuariel d'un instrument de crédit est le taux d'intérêt qui
égalise la valeur actualisée des futurs revenus d'un actif et son prix
actuel. Cette manière de mesurer les taux d'intérêt est la plus cohérente
économiquement et donc la plus utilisée par les économistes lorsqu'ils
parlent de taux d'intérêt.
Le calcul des taux actuariels pour les principaux types d'instruments
financiers utilise montre que le prix de ces instruments est inversement
corrélé avec leur taux actuariel : leur prix monte quand le taux baisse, et
vice versa.
2. Le taux d'intérêt apparent
Le taux actuariel est la meilleure manière de mesurer les taux d'intérêt
au sens économique du terme. C'est donc en général ce que l'on
entendra par taux d'intérêt dans cet ouvrage. Il convient cependant de
savoir que l'on emploie souvent les termes taux d'intérêt pour désigner
une mesure différente, d'ailleurs parfois utile quand le taux actuariel est
difficile à calculer: le taux d'intérêt apparent. L'emploi de l'expression
taux d'intérêt en ce sens est fréquent, même dans la presse financière,
et il convient donc de comprendre exactement ce qui distingue ces deux
concepts.
Le taux d'intérêt apparent est une approximation du taux actuariel qui
est souvent utilisée sur les marchés obligataires car il est aisé à calculer.
On le définit comme le rapport du coupon sur le prix d'un titre:
ic = C
P
où ic est le taux d'intérêt apparent, P le prix de l'obligation et C le
coupon versé annuellement. Cette équation est la même que l'équation
(5) que l'on a déterminée pour les obligations perpétuelles. Donc, pour
ces obligations, le taux apparent et le taux actuariel sont identiques.
Toutes les obligations très éloignées (disons 20 ans) de leur échéance
peuvent être considérées en première approximation comme des
obligations perpétuelles. Ceci est spécialement vrai quand les taux
d'intérêt sont relativement élevés, car la valeur actualisée des
paiements effectués dans le futur éloigné devient relativement
négligeable. On peut alors utiliser le taux apparent comme une
approximation du taux actuariel. Ceci n'est plus vrai quand l'échéance se
rapproche, et l'erreur commise pourrait alors devenir importante.
On a également vu que lorsque le prix d'une obligation est égal à sa
valeur faciale et de remboursement, le taux actuariel est égal au taux
nominal (le rapport du coupon à la valeur nominale). Comme le taux
apparent est égal au rapport du coupon sur le prix, il est donc aussi égal
au taux nominal et au taux actuariel quand le prix de l'obligation est au
pair. De sorte que plus le prix d'une obligation est proche du pair, plus
son taux apparent est une bonne approximation de son taux actuariel
(du moins si son pair, sa valeur nominale, est égal au prix de
remboursement, ce qui est le cas habituellement).
L'équation 7 nous montre aussi que le taux d'intérêt apparent est
négativement relié au prix de l'obligation. On a vu que c'est également
vrai du taux actuariel. En fait, le taux apparent et le taux actuariel
varient toujours dans le même sens. Une hausse du taux apparent
signifie donc toujours une augmentation du taux actuariel.
Au total, le taux d'intérêt apparent (le coupon annuel d'intérêts rapporté
au prix de l'obligation) est une approximation d'autant plus acceptable
du taux actuariel que l'échéance est éloignée et que le prix est proche
du pair. Dans tous les cas, les deux changent toujours dans la même
direction.
Illustration - Lire les marchés obligataires dans La Tribune
Il est désormais possible d'appliquer les concepts précédents de taux
d'intérêt à la réalité économique. On peut ainsi mieux comprendre les
pages financières des journaux. Par exemple, La Tribune publie
quotidiennement un cahier intitulé « La cote» qui comprend une page
sur le marché obligataire organisé par Euronext. Les titres mentionnés
sont principalement des titres d'État (français), des titres du secteur
public et semi-public (Caisse nationale des autoroutes, EDF, etc.) et
des obligations foncières ou assimilables.
Pour chaque émetteur, sont indiquées à gauche du nom sa notation
par l'agence Standard & Poor's (A.AA étant la meilleure note possible,
dont bénéiicie J'État français) et à droite celles données par Moody's
et Ficht. En dessous, la première colonne indique le nom du titre
concerné, qui
inclut son coupon nominal et la date de
remboursement. La suivante mentionne son code de référence, lequel
permet de simplifier la passation des ordres de Bourse et d'éviter
toute confusion; cela est spécialement nécessaire dans le cas des très
gros émetteurs comme l'État, dont plusieurs emprunts ont des noms,
voire d'autres caractéristiques (taux, échéances) identiques. Les OAT
(obligations assimilables du Trésor) sont des emprunts émis par l'État
auprès de spécialistes, et dont la particularité est qu'ils peuvent être
émis progressivement, au fur et à mesure des besoins de l'État et en
fonction de l'état du marché obligataire, sans que ces émissions
successives soient différenciées: elles sont assimilées (d'où leur nom)
les unes aux autres (au sein de chacune des lignes cotées ici), ce qui
permet de leur garantir une liquidité supérieure. Pour certains titres,
le nom est trop abrégé pour que l'ensemble des caractéristiques
soient claires, et il faut recourir à d'autres sources, en particulier sur
Internet.
Le cours de clôture du jour (c'est-à-dire le dernier cours avant la
clôture de la Bourse). est ensuite indiqué (« Dernier»). Il se mesure en
pourcentage de la valeur nominale. Ainsi l'emprunt d'État zéro-coupon
(taux nominal 0 %) 25/04/2023 cote 59, soit 59 euros à débourser
pour un remboursement prévu de 100 en 2023. La colonne suivante
mentionne le coupon couru, c'est-à-dire le montant du coupon de
l'année en cours déjà couru. Il est très proche du coupon total pour les
titres dont l'échéance annuelle est proche de la date du jour, plus
faible sinon. Ainsi, pour deux OAT de même coupon 5,5 % ayant
comme échéance l'un avril et l'autre octobre, le premier coupon couru
est au 20 mars 2010 de 5,138 et l'autre de 2,381. La colonne suivante
fournit le taux actuariel, qui tient compte de l'ensemble des
caractéristiques de l'emprunt et est calculé, comme nous l'avons
indiqué précédemment, en tenant compte des dates précises de
versement des coupons et de remboursement. La dernière colonne
indique le mois et l'année de remboursement.
On peut vérifier en comparant la colonne taux actuariel et les taux
d'intérêt nominaux plusieurs des résultats présentés ci-dessus. Ainsi
l'emprunt d'État zéro coupon remboursable en 2023, qui cote 59 et
promet un remboursement de 100 a-t-il un taux actuariel facile à
calculer: i = 000/59)(1113) -1= 4,14 % (un peu plus qu'indiqué, car il
reste en fait à l'emprunt 13 ans et un mois à courir). On observe bien
que, à mesure que l'échéance se rapproche (et que la maturité se
raccourcit), le cours d'un tel emprunt se rapproche du pair: l'emprunt
à échéance avril 2010 (auquel il reste un mois à courir) cote 100,3 et
ne rapporte que 0,6 % (grâce au coupon restant à verser), un taux qui
peut paraître faible mais qui se compare favorablement à celui de
l'Euribor à un mois du même jour (0,4 %). Toujours avec le même
coupon, l'OAT à échéance 2029 cote 119,95, nettement au-dessus du
pair parce que son rendement nominal est très supérieur au taux
actuariel (3,99 %). Une OAT de même échéance mais de coupon plus
bas cote naturellement beaucoup moins, comme le zéro coupe
mentionné ci-dessus. Toujours à la même échéance, l'OATi (indexée)
vaut encore plus cher malgré un coupon de seulement 3,4 % car le
rendement actuariel exigé es: plus faible du fait de l'indexation:
seulement 2,8 %.
3. La distinction entre taux d'intérêt et rendement
On pense parfois qu'acheter des obligations à taux d'intérêt élevé est la
seule chose qui importe pour faire un bon placement. En fait, tout
dépend de l'évolution des taux d'intérêt pendant qu'on les détient,
comme on va le voir maintenant. En réalité, la mesure correcte de ce
qu'on a gagné en détenant un titre durant une période donnée est
appelée le rendement, plus exactement le taux de rendement. Le
rendement de la détention d'un actif se définit comme la somme des
paiements versés durant la période de détention et du gain en capital
lors de la revente finale (ou du remboursement) rapportée au prix initial.
Par exemple, calculons le rendement résultant de l'achat d'une
obligation de valeur nominale 1000 euros, de taux nominal 10 %,
achetée 1 000 euros et revendue après un an pour 1 200 euros. Au cours
d'une année de détention, cette obligation paye un intérêt de 100 euros
(10 % de 1 000). Achetée 1 000 et revendue 1 200, elle fournit un gain en
capital de 200 euros (1 200 -1 000). Son rendement est donc égal à :
(100 + 200) = 300 = 30 %
1 100
1000
On remarque que le rendement est différent du taux nominal (10 %) et
du taux actuariel (également 10 % puisque l'obligation est achetée au
pair, de sorte que son taux actuariel est égal à son taux nominal). Le
rendement résultant de la détention d'une obligation peut donc être
différent de son taux d'intérêt. Le rendement est le résultat a posteriori
d'un placement, alors que le taux d'intérêt actuariel est celui auquel
peut s'attendre a priori quelqu'un qui s'apprête à détenir un actif jusqu'à
son échéance.
De manière générale, le rendement résultant de la détention d'un actif
durant une période de t à t + 1 peut s'écrire:
(9)
Où
R est le rendement de la détention de t à t + 1.
Pt est le prix en t.
Pt+ 1 est le prix en t + 1.
C est le coupon payé.
On peut séparer ce rendement en deux termes:
Soit la somme du taux d'intérêt apparent ic = C et du taux de gain en
P
capital ou plus-value
. Donc,
(10)
Où ic est le taux d'intérêt apparent et g le taux de gain en capital. Ceci
confirme que même pour un titre pour lequel le taux d'intérêt apparent
est proche du taux actuariel, le rendement peut différer sensiblement
de celui-ci si des fluctuations importantes des prix des titres produisent
des gains (ou des pertes) importants en capital. Le tableau 4.2 montre
les rendements sur un an quand le taux d'intérêt passe de 10 à 20 %,
pour des obligations différant seulement par leurs maturités.
(1) Nombre
d’année avant
l’échéance
lors de l’achat
(2) Taux
d’intérêt
apparent lors
de l’achat (%)
(3) Prix d’achat
(euros)
(4) Prix de
revente*
(euros)
(5) Taux de
gain e capital
(%)
(6) Taux de
rendement
(2+5) (%)
30
20
10
5
2
1
10
10
10
10
10
10
1000
1000
1000
1000
1000
1000
503
516
597
741
917
1000
-49,7
-48,4
-40,3
-25,9
-8,3
0
-39,7
-38,4
-30,3
-15,9
+1,7
+10
* Le prix de revente est calculé en utilisant l'équation (3), en supposant que les
coupons annuels de 100 euros (10% de 1 000) sont versés et conservés
jusqu'à l'échéance et que l'obligation est remboursée au pair à l'échéance,
et que le taux actuariel lors de la revente est égal à 20 %.
Le tableau 4.2 permet plusieurs observations importantes:
 La seule obligation dont le rendement est égal au taux d'intérêt
initial est celle dont la durée avant l'échéance est égale à la durée
de détention sur laquelle est calculé le rendement CI an ici, dernière
ligne).
 Même si une obligation a un taux d'intérêt initial substantiel, elle
peut produire un rendement négatif si les taux d'intérêt
augmentent.
 Une hausse du taux d'intérêt conduit à une baisse du prix dans
l'année jusqu'à la revente, ce qui conduit à une perte en capital
dès que la maturité dépasse la durée de détention.
 Plus la maturité est longue (l'échéance éloignée), plus la variation
de prix résultant d'une variation donnée de taux d'intérêt est
importante (497 euros de baisse pour 30 ans contre 83 euros pour
2 ans).
 Plus la maturité est longue, plus faible est le rendement qui
résulte de la détention pendant une période où a lieu une
augmentation de taux d'intérêt.
Il peut sembler surprenant qu'une hausse des taux d'intérêt conduise à
une perte pour les détenteurs d'obligations. La raison en est que la
hausse des taux d'intérêt fait baisser le prix des obligations émises avant
cette hausse. Ceci se comprend si on considère (dans le cas par exemple
de rentes perpétuelles) que lorsque le taux d'intérêt passe de la % à 20
%, un épargnant peut obtenir un intérêt annuel de 200 euros en
épargnant 1 000 euros, si bien que les 100 euros que rapporte une
obligation émise à 10 % ne sont plus attractifs, à moins de pouvoir se les
procurer pour 500 euros (auquel cas leur intérêt redevient 100/ 500 = 20
%). Ainsi, la hausse des taux d'intérêt conduit à des pertes en capital qui
peuvent entraîner des rendements négatifs si elles excèdent les intérêts.
On peut certes éviter de réaliser de telles pertes en prolongeant la
détention d'une obligation jusqu'à maturité. Il ne s'agit pas moins de
pertes en comparaison d'un placement en dépôts bancaires (sans risque
de perte en capital) qui aurait permis d'acheter des obligations au taux
de 20 % au lieu de la %.
3.1. Maturité et volatilité du prix des obligations: le risque de
taux d'intérêt
Le fait que les prix des obligations à maturité éloignée réagissent
davantage aux changements des taux d'intérêt permet d'expliquer une
caractéristique bien connue des marchés financiers: la volatilité
supérieure des cours des obligations à long terme par rapport à celle des
titres à plus court terme. Des variations de prix de +20 % ou-20 % sont
fréquentes pour des obligations à 20 ans, avec les effets que l'on imagine
sur les rendements pour leurs détenteurs.
Les variations des taux d'intérêt rendent donc risqués les placements en
obligations à long terme. On appelle ce risque le risque de taux d'intérêt.
Protéger contre ce risque est un souci constant des gestionnaires des
institutions financières et des investisseurs (voir encadré 4.2).
À l'inverse, les titres à court terme ont peu de risque de taux d'intérêt.
Ceux dont la durée de détention est égale à la maturité n'en comportent
même aucun puisque leur valeur en fin de détention est fixée, de sorte
qu'elle ne peut pas être affectée par les variations des taux d'intérêt, et
que le rendement pour une telle détention est égal au taux actuariel
calculé lors de l'achat1. En revanche, ne placer son épargne qu'en titres à
court terme pour éviter le risque de taux d'intérêt présente un risque de
réinvestissement : celui de devoir replacer son argent à la fin d'une
période pour la période suivante, à un taux d'intérêt qui n'est pas encore
connu2.
1. L'affirmation selon laquelle il n'y a pas de risque de taux d'intérêt à détenir
un titre jusqu'à maturité n'est entièrement exacte que pour un prêt simple
ou une obligation zéro-coupon, c'est-à-dire des titres pour lesquels il n'y a
aucun paiement pendant la période de détention. En effet, quand une
obligation verse un coupon pendant la période de détention, on a besoin de
savoir si ce coupon est réinvesti et comment pour calculer le rendement.
Puisque le taux d'intérêt auquel ce réinvestissement donnera lieu est
incertain au moment de l'achat de l'obligation, et dépend de l'évolution des
taux d'intérêt durant la détention, un risque de taux d'intérêt demeure.
Néanmoins, l'impact de ces coupons réinvestis sur le rendement total de
l'obligation est en général assez faible, de sorte que l'on peut
approximativement généraliser aux obligations à coupons l'affirmation
selon laquelle la détention jusqu'à maturité permet d'éliminer le risque de
taux d'intérêt.
Encadré 4.2
2. Supposons ainsi qu'un investisseur qui souhaite épargner pour une durée de
deux ans choisisse d'acheter un bon à un an de 1000 euros payant un
intérêt de 10 %. S'il l'achète au pair, il obtient un rendement de 10 % la
première année. S'il veut replacer les 1 100 euros qu'il possède alors en
bons à un an pour la seconde année, il le fait au taux en vigueur. Si le taux à
un an est à ce moment de 20 %, il obtient au total un rendement de l 100 (l
+ 0,2)11 000 = 32 % sur deux ans, soit 14,9 % par an (car 1 + 0,149)2 = 1,32).
Ceci est certainement supérieur au taux à deux ans qu'il aurait obtenu à la
date initiale: réaliser des placements à court terme successifs plutôt qu'un
placement à moyen ou long terme permet de bénéficier des hausses des
taux d'intérêt. Cela conduit aussi à supporter les risques de baisse. On en
déduit que lorsque la durée de placement est supérieure à la maturité des
titres achetés, le rendement est incertain du fait que le taux d'intérêt
auquel sera effectué le futur réinvestissement n'est pas connu: c'est le
risque de réinvestissement.
Aider les épargnants à choisir le bon risque de taux d'intérêt
Beaucoup d'épargnants souhaitent savoir à quel risque de taux d'intérêt
ils sont exposés. Pour les satisfaire, un certain nombre d'intermédiaires
financiers ont mis au point des instruments leur offrant un choix
informé en la matière. Ainsi, il existe aux États-Unis des fonds communs
de placement spécialisés par maturité, dont certains affichent
explicitement dans leur publicité le montant des variations de cours que
l'on peut attendre pour différents types de placements d'une variation
de 1 % des taux d'intérêt. Ils permettent au public de prendre
conscience du fait qu'investir dans des obligations de maturité faible (1
à 3 ans) conduit à moins de risque de taux d'intérêt que d'investir dans
des titres à long terme (15 à 30 ans).
3.2. Taux équivalent et taux proportionnel
Les taux que l'on a calculés jusqu'à présent s'appliquent à une année
entière. En pratique cela ne convient pas quand on achète un titre en
cours de vie, ou lorsqu'on veut calculer un rendement sur une période
qui n'est pas un nombre d'années entier. Il y a deux manières de
considérer des périodes infra-annuelles.
- Le taux proportionnel calcule la fraction de coupon couru en
considérant que le: intérêts ne se capitalisent pas au sein de l'année.
Si i est le taux annuel et j le nombre de jours considérés, le taux
proportionnel est:
- Le taux équivalent suppose au contraire que les intérêts sont capitalisés
au jour le jour au sein de l'année. Il vaut donc:
3.3. Conclusion
Le rendement d'un titre est le gain réalisé lors de la détention d'un titre
et rapporté à son prix d'acquisition. Il est égal au taux d'intérêt actuariel
quand la durée de détention et la maturité du titre sont égales. Les titres
dont la maturité excède la durée de détention font courir à leur
détenteur un risque de taux d'intérêt, qui résulte du fait que les
variations des taux d'intérêt affectent le prix du titre lors de sa revente,
conduisant à des plus ou moins-values qui peuvent jouer fortement sur
le rendement. Le risque de taux d'intérêt est important pour les titres à
long terme, qui ne sont donc pas des placements sûrs pour des périodes
brèves.
4. La distinction entre taux d'intérêt réel et taux d'intérêt
nominal
4.1. Les taux d'intérêt réels
Les taux d'intérêt considérés jusqu'à présent ne tiennent pas compte de
l'inflation: il s'agit de taux d'intérêt nominaux. Ils se distinguent des taux
d'intérêt réels qui sont calculés en en déduisant le taux d'inflation
anticipé pour mieux refléter le coût ou le revenu réels d'un crédit3. On
peut définir plus précisément le taux d'intérêt réel par l’équation de
Fisher, du nom d'un célèbre économiste du début du xx- siècle. Celle-ci
dit que si le taux d'intérêt nominal est i, le taux d'intérêt réel ir et l'inflation
anticipée πa, on peut écrire:
simplifie habituellement en :
(11)
Car pour de petites valeurs de i r et de n a, le terme en ir x πa est très
petit et peut être négligé (ce n'est pas le cas néanmoins quand ils
dépassent 10 % par an). Autrement dit, le taux d'intérêt réel est égal au
taux d'intérêt nominal diminué du taux d'inflation anticipé. Ainsi, un
épargnant qui fait un prêt simple d'un an à 5 % (i = 5 %) et anticipe une
hausse des prix de 3 % pour l'année à venir (πa = 3 %) prévoit d’obtenir
en termes réels, c'est -à -dire en pouvoir d'achat de biens réels, un
intérêt de 2 % (ir = i - na = 5 % - 3 % = 2 %).
Si le taux d'intérêt augmente jusqu'à 8 %, mais que le taux d'inflation
anticipé atteint 10 %, la hausse du taux d'intérêt nominal est plus que
compensée par la hausse de l'inflation, de sorte que malgré un
patrimoine en augmentation de 8 %, l'épargnant qui s'attend à devoir
payer les biens 10 % plus cher voit sa situation se détériorer avec un taux
anticipé de -2 % (8 % - 10 % = -2 %). Un prêteur souhaite moins faire un
prêt dans ce cas, car en termes réels il obtient un taux d'intérêt négatif
de 2 %. Mais un emprunteur est gagnant puisque le montant qu'il doit
rembourser, intérêt inclus, est de 2 % inférieur à ce qu'il a reçu en
termes de pouvoir d'achat. Ainsi, quand les taux d'intérêt réels sont bas,
il y a beaucoup d'incitations à emprunter et peu à prêter.
De la même manière, on peut distinguer les rendements réels des
rendements nominaux. Les rendements nominaux, qui ne tiennent pas
compte de l'inflation, sont ceux que l'on a définis précédemment comme
rendements. Si on en déduit l'inflation réalisée, on en déduit le
rendement réel, c'est-à-dire la quantité de biens supplémentaires que
l'on peut acheter grâce à un placement.
La distinction entre taux d'intérêt réels et nominaux est importante, car
c'est elle qui doit au mieux refléter les incitations à emprunter ou à
prêter. Il semble en effet que les taux d'intérêt réels permettent de
mieux comprendre les évolutions du marché du crédit. Ainsi, la figure
4.1, qui représente les taux d'intérêt nominaux et réels, montre que les
taux nominaux et réels n'évoluent pas toujours dans le même sens.
Ainsi, dans les années 1970, les taux d'intérêt nominaux montaient
tandis que les taux d'intérêt réels étaient bas, voire négatifs. En
examinant les taux nominaux, on aurait pu croire que le marché du
crédit était restrictif et que l'emprunt était coûteux. En réalité, les
estimations de taux réels montrent que le coût anticipé de
l'endettement était faible.
3. Ce taux d'intérêt réel est également appelé taux d'intérêt réel
anticipé ou ex ante, car il est calculé à partir de la valeur anticipée de
l'inflation. C'est ce taux qui a la plus grande importance pour les
décisions économiques telles qu'épargner ou investir. On le distingue
du taux d'intérêt réel ex post qui est calculé en déduisant du taux
d'intérêt le taux d'inflation effectivement constaté au cours d'une
période donnée. Cette méthode est néanmoins plus adaptée au calcul
du rendement réel, qui mesure le gain obtenu après l'achèvement
d'un placement.
Figure 4.1 – Taux d’intérêt nominal et taux d’intérêts réels (titres garantis
par le gouvernement), France, 1961 – 2009.
Pour le taux d’intérêts réel, il s’agit du taux ex post : taux d’intérêts
nominal – taux d’inflation réalisé de décembre de l’année t-1 et le mois
de décembre de l’année t.
Sources : OCDE et Banque de France.
Jusque récemment, les taux d'intérêt réels n'étaient pas directement
observables dans la plupart des pays. Cela a changé depuis quelques
années: le Trésor américain depuis 1997, le Trésor français depuis 1998
émettent des obligations indexées sur l'inflation, dont les intérêts et le
principal sont ajustés en fonction de la variation des prix (voir encadré
4.3). Depuis 2003, le Trésor français émet aussi des obligations indexées
sur l'inflation de la zone euro.
Encadré 4.3
les obligations assimilables du Trésor indexées permettent
l'observation des taux d'intérêt réels
Le Trésor français n'a pas été un pionnier dans l'émission d'obligations
indexées. En réalité, de tels titres vont contre l'ancienne philosophie
de l'État français qui les lui interdisait depuis de nombreux siècles au
nom du nominalisme monétaire (mais aussi de manière à garder le
pouvoir de définir la valeur réelle des emprunts enjouant sur la valeur
de la monnaie). Des titres indexés à long terme mais aussi à court
terme ont été émis avant la France dans des pays comme le RoyaumeUni, le Canada, l'Australie, la Suède et les États-Unis.Ces titres ont
acquis une place sur le marché financier et ont permis aux États
d'emprunter davantage. Ces titres sont très utiles pour les
responsables de la politique économique, et spécialement de la
politique monétaire, car ils permettent d'observer les anticipations
d'inflation: en soustrayant leur taux d'intérêt de celui de titres non
indexés, on calcule l'anticipation d'inflation du marché, une
information essentielle. Par exemple, fin janvier 2010, le taux d'intérêt
d'une OATi (indexée) à échéance 2029 était de 1,733 %, tandis que
celui d'une OAT non indexée de même échéance était de 4,045 %. On
peut en déduire que l'anticipation de taux d'inflation moyen pour les
vingt-deux années suivantes était de 2,31 % (4,045 - 1,73).
Figure 4.2 - Taux d'intérêt sur des obligations du Trésor indexées et non
indexées et anticipation d'inflation (annuelle) à l'horizon 2009 en
résultant (1998-2009) ; même chose à l'horizon 2020 (2003-2010).
L'inflation anticipée est égale à la différence entre le taux des OAT non
indexées et celui des OAT indexées. On l'appelle aussi « point mort
d'Inflation » parce qu'elle signale le niveau pour lequel il y a équivalence
entre les deux types d'obligations pour l'État en termes de coût de
financement.
Source: D'après Agence France-Trésor, www.aft.gouv.fr.
4.2. Les taux d'intérêt nets d'impôt
Les intérêts obtenus sur un placement sont imposables au titre de
l'impôt sur le revenu et sont frappés de prélèvements sociaux (la CSG et
la CRDS). Le véritable gain que prévoit le prêteur n'est donc pas le taux
d'intérêt réel déduit de l'équation de Fisher, mais bien le taux d'intérêt
réel net d'impôt (ou après impôt), qui est égal au taux d'intérêt nominal
après impôt moins le taux d'inflation anticipé. Ainsi, si le taux
d'imposition est égal à t = 30 %, le taux d'intérêt nominal net d'impôt
d'un prêt de taux d'intérêt i = 10 % est =gal à 7 % (= 10 % X (1 - 0,3)). De
manière générale, le taux d'intérêt réel net est égal à :
i (1-t) - πa
La formule du taux d'intérêt réel net donne une meilleure indication du
coût effectif du crédit pour les entreprises dans la mesure où elles
peuvent en général déduire de leurs profits imposables les intérêts payés
sur leur dette. En effet, une entreprise dont le taux d'imposition est de
30 % et qui est endettée au taux nominal de 10 % peut déduire les
intérêts qu'elle paye de ses profits et donc diminuer ses impôts de 30 %
du montant correspondant. Net d'impôt, son emprunt lui coûte
seulement 7 % (= 10 % (1- 0,3)). Si elle anticipe une inflation de 5 %, il lui
coûte réellement 2 %.
Les taux d'intérêt réels nets sont toujours inférieurs aux taux d'intérêt
réels bruts. Pour un même taux d'intérêt réel brut, plus l'inflation est
élevée, et donc le taux nominal est élevé, plus le prélèvement fiscal est
important par rapport au taux réel net. Dans certains cas, elle peut
même changer le signe du taux d'intérêt. Ainsi, pour un même taux réel
de 2 % et un taux d'imposition de 50 %, si l'inflation anticipée est de 10 %
et donc le taux nominal de 12 %, le taux nominal net est de 6 % (= 12 x (1
- 0,5)), donc le taux réel net de -4 %. Si l'inflation anticipée est de 0 % et
donc le taux nominal de 2 %, le taux nominal net est de 1 % et le taux
réel net est de 1 %. On observe également que plus le taux d'imposition
est élevé, plus l'écart introduit par l'inflation entre taux nominal et taux
réel est accentué lorsqu'on passe aux taux nets d'impôt.
Résumé
1. Le taux d'intérêt actuariel est la mesure la plus générale du taux
d'intérêt. Il est égal au taux d'actualisation tel que la valeur actualisée
des paiements futurs permis par un instrument financier est égale à la
valeur actuelle de celui-ci. Cette définition révèle que les prix des
obligations et les taux d'intérêt sont reliés négativement: quand les
taux d'intérêt augmentent, le prix des obligations baisse, et vice versa.
2. L'autre mesure du taux d'intérêt qui est couramment utilisée est le
taux d'intérêt apparent, qui est égal au coupon versé par une
obligation divisé par son prix. Il est d'autant plus éloigné du taux
actuariel que la maturité est courte et que le prix est éloigné du pair.
3. Le rendement d'un titre indique a posteriori combien a gagné le
détenteur d'un titre au cours d'une période donnée. Il peut différer
sensiblement du taux actuariel mesuré initialement. Les titres à long
terme, dont les prix varient beaucoup avec les taux d'intérêt,
comportent un risque de taux d'intérêt. Les plus et moins-values qui
en résultent peuvent être importantes et modifier sensiblement le
rendement. C'est ce qui fait que les obligations à long terme ne sont
pas considérées comme des placements sûrs.
4. Le taux d'intérêt réel est défini comme la différence entre le taux
d'intérêt nominal et le taux d'inflation anticipé. Il mesure mieux les
incitations à emprunter ou à prêter que les taux nominaux.
1. Un euro demain vaut-il davantage pour vous aujourd'hui si le taux
d'intérêt est de 20 % ou s'il est de la % ?
2. Vous venez de gagner 20 millions d'euros à la Loterie nationale, qui
annonce qu'elle va vous les payer à raison d'un million par an
pendant vingt ans. Avez-vous réellement gagné 20 millions?
3. Si le taux d'intérêt est de 10 %, quelle est la valeur aujourd'hui d'un
titre qui versera 1100 euros l'année prochaine, 1210 dans 2 ans et 1
331 dans 3 ans?
4. Si le titre étudié à la question 3 se vend 3 500 euros, son taux
actuariel est-il supérieur ou inférieur à 10 % ? Pourquoi?
5. Écrivez la formule qui permet de calculer le taux actuariel d'une
obligation à 20 ans de coupon 10 % et de valeur faciale 1 000 euros,
qui se vend actuellement pour 2 000 euros.
6. Quel est le taux actuariel d'une obligation zéro-coupon de valeur
faciale 1000 euros dont l'échéance est dans un an et qui se vend
aujourd'hui 800 euros? .
7. Quel est le taux actuariel d'un prêt simple d'un million d'euros qui
implique un remboursement de 2 millions dans 5 ans?
8. Vous avez emprunté 1 000 euros pour lesquels vous devrez
rembourser 126 euros par an pendant vingt -cinq ans, mais vous ne
devrez commencer à rembourser que dans deux ans. Pourquoi le
taux actuariel est-il nécessairement inférieur à 12 %, taux d'un
emprunt de même montant et de même paiement annuel
remboursable sur vingt-cinq ans à partir d'aujourd'hui?
9. Laquelle des deux obligations suivantes a le taux actuarielle plus
élevé: une obligation à 20 ans vendue 800 euros et dont le taux
d'intérêt apparent est de 15 %, ou une obligation à un an vendue
800 euros et de taux d'intérêt apparent 5 % ?
10. Choisissez cinq obligations dans la page « Obligations» du journal La
Tribune, et calculez leur taux apparent. Dans quels cas le taux
apparent est-il une bonne approximation du taux actuariel?
11. Si les taux d'intérêt baissent, lequel de ces titres avez-vous intérêt à
détenir: un bon du Trésor à court terme ou une obligation à long
terme? Pourquoi?
12. Un conseiller financier vous dit que les obligations à long terme sont
nécessairement un bon placement car leur taux est supérieur à 20
%. A-t-il nécessairement raison?
13. Si les taux d'intérêt sur les crédits immobiliers passent de 5 à 10 %
tandis que l’anticipe une croissance des prix immobiliers qui passe
de 2 à 9 %, peut-on s'attendre à ce que plus ou moins de gens
souhaitent acheter leur logement?
14. Les taux d'intérêt étaient plus bas à la fin des années 1980 que dans
les années 19; mais beaucoup d'économistes affirment que les taux
d'intérêt réels étaient en f;. plus élevés dans les années 1980.
Comment l'expliquez-vous?
15. Reprenez le tableau sur les prix d'obligations de la section « Lire la
presse financière ». Comparez les obligations émises par le Crédit
lyonnais et les OATi aux autres OAT. Comment expliquez-vous les
différences de rendement actuariel?
Exercices sur Internet
1. Allez sur le site Internet de l'INSEE (www. indices. inseefr). Cherchez les
séries é, taux d'intérêt à court terme et à long terme en France, et
représentez-les SOL forme d'un graphique.
Cherchez les indices des prix à la consommation harmonisés. Calculez
les taux d'inflation annuels par périodes de douze mois révolus.
Représentez-les soc forme d'un graphique.
Calculez les taux d'intérêts réels ex post à long terme et à court terme.
2. Allez sur le site Internet de l'Agence France-Trésor (www. aft.gouvfr).
Cherchez ], taux de l'échéance constante à 10 ans (TEC10). Que
signifie précisément ce taux?
3. Allez sur le site Internet de l'agence d'information financière
Bloomberg (www.bloom- 1 berg.com/markets/). Cherchez les taux des
titres d'État à 1 an et à 10 ans pour le; États- Unis, le Royaume- Uni,
l'Allemagne et le Japon, et comparez-les au taux français obtenu dans
l'exercice 2. Essayez de calculer des taux d'intérêt réels comparables
pour les États-Unis et la France. Sont-ils plus proches que les taux
d'intérêt; nominaux? Pourquoi?
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