Les intermédiaires financiers permettent aussi le partage du risque en
permettant aux épargnants de diversifier leur portefeuille, et ainsi de
diminuer le risque auquel ils sont exposes. La diversification, que l’on
peut résumer par l’adage « ne pas mettre tous ses œufs dans Ie même
panier », consiste à investir dans un assortiment (un portefeuille) d'actifs
qui ne sont pas exposes aux mêmes risques (c'est-a-dire dont on peut
attendre que les rendements ne varient pas de la même manière face à
chacune des situations futures envisageables), de manière à ce que le
risque du portefeuille soit moindre que le risque des actifs particuliers. La
encore, la diversification est permise par la faiblesse des couts de
transaction des intermédiaires financiers, qui peuvent réunir un
portefeuille d'actifs et en faire un actif global qu'ils vendent aux
épargnants.
6.3. Information asymétrique : anti-sélection et risque moral
La présence de couts de transaction sur les marches financiers explique
en partie pourquoi les intermédiaires financiers sont si importants. Une
autre raison, peut-être encore plus importante, est qu'il est fréquent que
les prêteurs connaissent trop peu les emprunteurs et leurs projets pour
pouvoir prendre les bonnes décisions. Cette situation porte le nom
d'asymétrie d'information. De manière générale, un entrepreneur qui
veut emprunter pour réaliser un projet connait mieux le rendement
potentiel et le risque associes à ce projet que le prêteur, Cette inégalité
d'information crée deux problèmes différents, avant la transaction et
après (ces deux problèmes sont également cruciaux dans les activités
d’assurance).
Lanti-sélection (en anglais adverse selection) est le problème que crée
l’asymétrie d'information avant qu'une transaction n'ait lieu. Il y a anti-
sélection sur un marche financier lorsque les emprunteurs les plus
susceptibles de conduire a. de mauvais résultats (les plus risques) sont
ceux qui recherchent le plus activement du crédit et qui ont le plus de
chance d'en obtenir (d'être sélectionnés). En raison de l'anti-sélection,
beaucoup de prêts risques sont accordes, mais si les prêteurs craignent
trop de ce fait de perdre leur argent, ils peuvent décider de ne pas prêter
du tout alors même qu'il y a parmi les candidats de bons emprunteurs
potentiels.
Pour comprendre le mécanisme d'anti-sélection, supposons qu'un
investisseur puisse prêter a. deux entrepreneurs qu'il connait. Le premier
est une personne très prudente qui n’emprunte que si elle est sure de
réussir le projet qu’elle a en tête. Le second est un joueur invétéré qui
veut emprunter de 1'argent pour aller le dépenser sur un projet mirifique
mais sans doute fumeux. Lequel de ces deux entrepreneurs a le plus de
chance de venir demander un prêt a notre investisseur ? Sans aucun
doute le second, d' abord parce que les investissements surs sont plus
rares que les idées fumeuses, ensuite parce qu'il est prêt à payer un taux
d'intérêt élevé pour obtenir de l'argent, puisque le gain élevé qu'il espère
lui permettra aisément de rembourser. Pourtant, l'investisseur n'a pas
intérêt a. lui prêter, et il ne le fait pas s'il sait que le risque est élevé, et
qu'il est donc probable que rien ne lui sera remboursé du tout.
Tant que l'investisseur connait les deux emprunteurs, il n'a pas de
difficultés et attend seulement que le sérieux vienne le voir. Mais s'il ne
les connait pas bien (si l'information est asymétrique), il risque de prêter
au second, qui est toujours a demander et est prêt a payer un taux
d'intérêt élevé, Mais s'il connait cette histoire et se montre un peu
méfiant, le prêteur peut décider de ne pas prêter du tout, et risque alors
de laisser passer l' occasion de prêter a la première personne, bien
qu'elle soit particulièrement sure et qu'elle fasse un excellent débiteur.
L'information asymétrique peut ainsi interdire la réalisation d'échanges
mutuellement avantageux.
Le risque moral (en anglais moral hazard) est le problème crée par
l'asymétrie d'information après la réalisation d'une transaction. Le risque
moral sur un marche financier est le risque que l’emprunteur s’engage
sans prévenir (et donc « immoralement ») dans des activités considérées
comme in désirables par le prêteur parce qu'elles augmentent le risque
du projet auquel est consacre le prêt et diminuent donc la probabilité
qu'il soit rembourse. Du fait que le risque moral augmente le risque de
pertes, les prêteurs peuvent décider de ne pas prêter, alors même que le
projet initial est bon et même si, en réalité, les emprunteurs ne
souhaitent pas augmenter son risque.
Supposons qu'un emprunteur demande un crédit pour lancer un projet
qui semble sur, mais qu'au lieu de réaliser cet investissement il joue aux
courses le montant du prêt, S'il gagne, il pourra rembourser aisément et
aura encore gagne beaucoup, mais s'il perd, ce qui est le plus probable, il
ne pourra pas rembourser et ne perdra guère que sa réputation. Si le
prêteur sait que l'emprunteur risque d'aller jouer le prêt, il peut l'en
empêcher, et éviter 1'accroissement de son risque. Mais s'il ne le sait
pas, ou ne connait pas toutes les ruses grâce auxquelles l’emprunteur
parviendra à aller jouer malgré l'interdiction, il risque de tout perdre. S'il
l'anticipe, il peut préférer ne pas prêter, De nouveau, l'information
asymétrique peut interdire la réalisation d’échanges mutuellement
avantageux.
Les problèmes d'anti-sélection et de risque moral crées par l'asymétrie
d'information sont d'importants obstacles au bon fonctionnement des
marches financiers. Les intermédiaires financiers permettent de régler en
partie ces problèmes.
Quand des intermédiaires financiers existent, les investisseurs peuvent
leur prêter leur argent en courant moins de risques qu'en prêtant
directement a des entrepreneurs ou a des particuliers. En effet, ils savent
que les intermédiaires financiers sont mieux équipés qu'eux-mêmes pour
sélectionner les bons emprunteurs et éviter les « mauvais risques », ce
qui réduit les risques d'anti-sélection. Par ailleurs, les intermédiaires
financiers sont aussi des experts de la surveillance des emprunteurs, ce
qui réduit Ie risque moral. Parce qu'ils sont spécialisés dans ces taches de
réduction de I’ asymétrie d'information, les intermédiaires financiers
peuvent payer un intérêt aux déposants ou leur fournir des services tout
en gagnant de l'argent.
En résumé, les intermédiaires financiers jouent donc un rôle important
dans l'économie en fournissant des services de liquidité, facilitant le
partage de risques, réduisant les couts de transaction et les problèmes
d'asymétrie d'information. C'est la raison pour laquelle dans toutes les
économies développées, les particuliers et les entreprises confient des
sommes importantes aux intermédiaires financiers. Ces intermédiaires
jouent un rôle essentiel pour la bonne circulation des capitaux des
prêteurs vers les emprunteurs et le bon fonctionnement de l’économie
en général. Leur rôle sera plus particulièrement développé au chapitre 9.
7. Les catégories d'intermédiaires financiers
Maintenant que les rôles des intermédiaires financiers sont bien établis,
il convient d'examiner quels sont ces intermédiaires et comment ils
remplissent ces rôles. On peut distinguer trois catégories
d'intermédiaires financiers: les institutions de dépôt (également
appelées institutions financières monétaires par la Banque centrale
européenne, établissements de crédit par la Banque de France, et plus
couramment banques), les établissements d'épargne contractuelle
(comme les compagnies d'assurance vie et les fonds de pension) et les
entreprises d'investissement (également appelées intermédiaires de
placement), qui facilitent les placements en actifs financiers (notamment
les banques d'affaires, les fonds collectifs d'investissement, les sociétés
financières). L'activité de ces différentes catégories d'intermédiaires est
résumée dans Ie tableau 2.5.
Tableau 2.5 : Actifs et passifs des principaux intermédiaires financiers
Leur importance relative dans la zone euro et aux Etats-Unis est mesurée
dans les tableaux 2.6 et 2.7. Comme la zone euro n'existe que depuis
peu, il n'y a pas grand sens a étudier révolution sur Ie long terme de
l'importance relative des différentes catégories d'intermédiaires en son
sein, spécialement dans la mesure ou les différences de structure
financière entre pays étaient (et sont encore) considérables, Même
actuellement, les catégories utilisées n'incluent pas des institutions en
tout point identiques, dans la mesure ou l'espace financier européen ne
se traduit pas (encore?) par une homogénéité complète des régulations
dans l' ensemble de la zone euro.
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