1. Introduction
Avec la mise en place de l’euro, les ajustements au sein de l’Union monétaire face à des chocs
ou à des évolutions asymétriques sont devenus plus complexes du fait de la fixation des
parités intra-européennes. Or, depuis le lancement de l’euro, les divergences dans les
évolutions des économies européennes ont été plus importantes qu’il n’était généralement
attendu. Le ralentissement observé après 2001 a été d’une ampleur inégale selon les pays. Le
blocage de la croissance dans les grands pays du centre, tout particulièrement en Allemagne
avant le rebond des années récentes, a contrasté avec les performances plus enviables
d’économies plus périphériques comme l’Irlande ou la Finlande. La France et, plus encore,
l’Italie sont enlisées dans la croissance lente tandis que l’Espagne a été portée par un boom
immobilier. Les divergences en matière d’inflation ont également été significatives. Un tel
environnement a redonné de l’actualité aux questions traditionnelles concernant le
fonctionnement d’une Union monétaire, la place des mécanismes d’ajustement et les
difficultés soulevées par les évolutions asymétriques. Face à ces asymétries, la conduite de la
politique économique s’avère délicate au niveau national avec un instrument budgétaire
contraint par le Pacte de stabilité et au niveau européen avec une politique monétaire
commune mal adaptée aux différences de conjoncture entre pays.
Les mécanismes d’ajustement en Union monétaire, entendus au sens large comme les
mécanismes permettant à un pays, après un choc, de retourner à la situation initiale, voire au
plein emploi, sont de plusieurs ordres. La flexibilité des salaires et des prix relatifs a été, dès
le départ, mise en avant par les promoteurs de la monnaie unique pour servir de substitut, au
moins partiel, au taux de change (Commission européenne, 1990). La mobilité des facteurs,
particulièrement celle du travail, est présentée comme un autre mode d’ajustement potentiel,
conformément aux théories traditionnelles des zones monétaires optimales. Les politiques
budgétaires sont également susceptibles d’intervenir au niveau national, dans la limite des
marges de manœuvre fixées par le Pacte de stabilité, et au niveau fédéral, si le cadre
institutionnel le permettait. Enfin des marchés de capitaux bien intégrés, avec diversification
des portefeuilles, transferts de revenus du capital et crédits intra-zone, peuvent constituer un
dernier mécanisme d’ajustement important.
Ces questions ont donné lieu depuis les années 1990 à un grand nombre de travaux
empiriques qui relativisent la portée de ces mécanismes d’ajustement, particulièrement dans le
cas de la zone euro. La flexibilité des prix et des coûts relatifs ne permet qu’un rééquilibrage
incomplet et très lent. La mobilité inter-régionale de la main d’œuvre est très limitée en
Europe et, même dans le cas américain, son rôle doit être nuancé comme mécanisme
d’ajustement de court terme. La politique budgétaire a un effet stabilisant et redistributif dans
le cadre d’un état fédéral comme les Etats-Unis mais n’a pas d’équivalent dans le cas
européen.
Les mécanismes d’ajustement liés à des marchés de capitaux intégrés ont fait l’objet d’une
abondante littérature dans le cadre de l’approche du « risk sharing ». Ils sont largement
utilisés par la Commission européenne et la BCE pour plaider en faveur d’un
approfondissement de l’intégration financière au niveau de l’UE afin d’accroître le rôle du
canal financier et des mécanismes de marché dans les ajustements macroéconomiques face à
des chocs asymétriques. Une analyse des fondements théoriques et des résultats empiriques de
cette approche du « risk sharing » met cependant en évidence des limites importantes qui,
selon nous, rendent difficile de tirer des conclusions assurées.