Prolongement poème Valeur

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Paratexte
Citation
« Être vivant suffisait à son bonheur »
Mendiants et orgueilleux, Albert Cossery
Tout doit disparaître, Mikaël Ollivier
Hugo a accompagné sa grand-mère lors des soldes, l’expérience l’a dégoûté : il
stigmatise ceux qui courent dans les magasins lors de ces démarques alors qu’ils ont déjà
tout chez eux. Le contraste avec la vie à Mayotte où les gens sont dans le dénuement
matériel accentue ce malaise. Dans un courriel adressé à Françoise, il confie son
exaspération. Sa confidente lui répond et joint un poème de Erri de Luca, un auteur
italien contemporain :
Valeur
J’attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.
J’attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.
J’attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la
fatigue de celui qui ne s’est pas épargné, à deux vieux qui s’aiment.
J’attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd’hui
vaut encore peu de chose.
J’attache de la valeur à toutes les blessures.
J’attache de la valeur à économiser l’eau, à réparer une paire de souliers, à se
taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s’asseoir, à
éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.
J’attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une pièce, quel est le
nom du vent en train de sécher la lessive.
J’attache de la valeur à l’usage du verbe aimer et à l’hypothèse qu’il existe un
créateur.
Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.
Erri de Luca, poème extrait de Œuvre sur l’eau. Traduit de l’italien par Danièle Valin, éditions
Seghers, 2002.
Cité dans Tout doit disparaître (chapitre 8), Mikaël Ollivier. Ed. Thierry Magnier, 2007.
Quels liens peut-on tisser avec ces citations empruntées au film Himalaya, la
terre des femmes dans ce commentaire en voix off de Marianne Chaud : « tout est
éphémère comme les corolles de glace formées pendant la nuit par la respiration des
plantes, détruites par les premiers rayons du soleil. » ou encore ces paroles qu’aiment
répéter les Zanskaris : « Nous naissons pour mourir, nous rencontrons les gens pour les
quitter, nous possédons les choses pour les perdre » ?
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