Séance 4 : Le modèle soviétique.
Pb : Comment et pourquoi ce modèle s’est-il effondré ?
Le modèle communiste soviétique a toujours été considéré, depuis sa mise en place dans les
années 20, comme une alternative au modèle libéral. Mais la dictature de Staline a établi un
contrôle très strict sur la population et la vie intellectuelle. Au lendemain de la guerre, on
assiste à une expansion du modèle de par le monde et plus particulièrement en Europe
orientale, qui devient très vite une réplique copie conforme du modèle soviétique, sauf dans
un pays, la Yougoslavie.
1953, marque un tournant fondamental dans l’évolution du modèle avec la mort de Staline.
Khrouchtchev est le nouveau maître du pays. La déstalinisation est lancée mais l’URSS n’est
pas encore prête à accepter l’instauration de communismes nationaux dans les démocraties
populaires. Avec Khrouchtchev, lemodèle tente de se moderniser, mais ses réformes
constituent un échec qui plonge de nouveau le modèle dans une ère de stagnation avec
Brejnev. Il faut attendre 1985, pour voir Gorbatchev lancer la Perestroïka dont les difficultés
de mise en place entraînent sa chute et par la même occasion celle du modèle en 1991.
I. Le modèle soviétique et son expansion après la guerre.
En 1945, l’URSS malgré des pertes considérables est le second supergrand. Le pouvoir
dictatorial de Staline s'impose au pays autant qu’avant la Guerre, mais désormais aussi aux
pays d’Europe de l'Est.
A. Le totalitarisme d’un seul homme : Staline .
1. Le renforcement de la dictature au lendemain de la guerre .
Pendant la guerre, le régime dictatorial s’est un peu assoupli pour rallier tous les peuples
contre l’Allemagne. Mais cette libéralisation est de courte durée. La guerre finie, Staline
rétablit son système répressif et le climat de terreur et de méfiance d’avant-guerre. Par rapport
aux années 30, la dictature se renforce. En effet, la période 1945-1953, marque l’apogée du
pouvoir personnel et sans partage de Staline. Les organes constitutionnels et le propre PCUS
ne jouent qu’un rôle secondaire. Staline cumule tous les pouvoirs, chef de gouvernement, chef
des armées, secrétaire général du PCUS, chef de l’Etat. Il ne convoque qu’un seul congrès, en
1952, que pour porter le culte de sa personnalité à un niveau presque religieux. Juge absolu de
la vie économique, politique, sociale et culturelle, il se veut le théoricien du socialisme : ses
écrits et ses discours deviennent des dogmes. Staline ne tolère aucune opposition d’où une
répression sans commune mesure.
2. Les aspects de la dictature .
La dictature se caractérise surtout par la répression des tendances nationalistes : aucune
aspiration nationale des peuples non russes n’est tolérée. Les peuples baltes et d’autres
minorités sont durement réprimés; des milliers de déportés sont envoyés au Goulag. Pour
Staline, le peuple russe doit être le peuple dirigeant et tous les autres doivent se réunir autour
de lui et le glorifier. Toute culture non russe est interdite.
La répression des minorités est aussi religieuse, surtout en Ukraine, Beaucoup d’orthodoxes et
de juifs sont persécutés. Des centaines d’intellectuels juifs sont arrêtés et même exécutés
("Complot des blouses blanches" qui impliquaient jusqu’aux médecins du Kremlin).
A la suite de la Seconde Guerre mondiale, de nouvelles purges ont lieux dans l’armée. Elles
visent surtout les généraux qui ont joué un rôle décisif dans les victoires soviétiques. Joukov,
le libérateur de Berlin est exilé, car très populaire. Les autres éliminés. Staline ne veut en
aucun cas remettre en cause son prestige et sa popularité.
La dictature intellectuelle s’exerce jusqu’à la mort de Staline, par le biais de son idéologue :
Jdanov. Cette dictature se caractérise par des directives données à tous les intellectuels et
artistes pour leur imposer le "Réalisme socialiste". Toute création artistique doit avant tout
servir la propagande du système et glorifier Staline. Jdanov orchestre toute cette propagande
et s’en prend même aux musiciens, Chostakovitch, mais surtout Prokofiev auquel il fallait
"donner une leçon de piano communiste". La science est mise au service du socialisme et doit
se soumettre aux idées de Lyssenko, "botaniste" pseudo scientifique qui avait les faveurs de
Staline. Il affirme que la nature doit obéir à l’homme d’où le projet utopique de détournement
de l’Ob vers la Mer d’Aral et la Caspienne. Mais plus grave encore, Lyssenko affirme
"l’hérédité des caractères acquis" et fait croire à Staline qu’à partir de la génétique "on peut
agir sur l’homme pour créer un homme nouveau". L’imposition du lyssenquisme explique le
retard scientifique de l’URSS dans certains domaines. Mais les scientifiques soviétiques
poursuivent leurs recherches dans la clandestinité.
Enfin, tous les opposants sont expédiés au Goulag. Le KGB, sous la direction de Beria, traque
tous les suspects. En 1953, certains affirment que la population des camps de concentration
atteint 12 millions.
B. L’expansion du modèle à l’Europe centrale et de l’est
1. La formation du bloc politique .
En 1945, l’essentiel de l’Europe centrale et orientale se trouve sous le contrôle de l’Armée
rouge. Militaires et diplomates bolchévisent la zone d’occupation soviétique suivant la
"stratégie du salami" : partout sont mis en place des gouvernements de coalitions dominés par
les communistes qui détiennent les ministères clés (intérieur, défense, justice, information) ; le
passage à la démocratie populaire se fait par étapes en provoquant des manifestations
populaires, puis en éliminant les uns après les autres, les autres tendances politiques (Coup de
Prague en février 1948), pour que finalement les communistes puissent gouverner seuls.
Dès 1946, l’URSS met en place le Kominform de manière à contrôler l’action de tous les
partis communistes du monde entier. Il s’agit de s’aligner sur les consignes de Staline.
2. La formation du bloc économique et la satellisation .
Dès 1945, l’URSS établit des liens bilatéraux avec chacun des pays occupés. Entre 1945 et
1948, partout sont imposées une planification et une socialisation de l’économie. En 3 ans,
l’Europe de l’est adopte le modèle soviétique. Les terres sont partout collectivisées (sauf en
Pologne car l’agriculture y est le fait de petits paysans), les industries et les activités
commerciales sont nationalisées, les plans quinquennaux mis en place. Dès 1949, est mis en
place le CAEM (Conseil d’Aide Économique Mutuelle) qui est organisé en fonction des
intérêts économiques de l’URSS.
Politiquement et économiquement, les démocraties populaires deviennent des satellites de
l’URSS.
3. Les aspects de la stalinisation dans les pays satellites.
Le système dictatorial de l’URSS est étendu aux pays satellites et grâce au Kominform la
mise au pas est réalisé en 2 ou 3 ans. Tous les partis communistes sont épurés de leurs
éléments les plus anciens, au profit de jeunes qui doivent tout à Staline. La tâche de ces PC
épurés est de répandre la doctrine de Staline, ce qui a pour conséquences une
homogénéisation des PC calqués sur le modèle du PCUS.
Seule la Yougoslavie du maréchal Tito, qui s’est libérée sans l’aide soviétique, rejette ce
système. En 1948, la Yougoslavie est exclue du Kominform. Tito ouvre la voie d’un
communisme national et fait figure de précurseur du non-alignement.
II. Remise en cause du modèle avec Krouchtchev.
A la mort de Staline, le 5 mars 1953, le niveau de vie des soviétiques reste bas et la pénurie
des biens de consommation est mal perçue par la population. Il y a une grande aspiration à de
profonds changements.
A. La déstalinisation .
1. Le contexte.
Khrouchtchev devient secrétaire général du PCUS. Beria est arrêté puis exécuté. La
préparation d’un Congrès du parti est lancée. Pour les nouveaux dirigeants, relever les
secteurs de l’économie en retard devient une priorité. Or, cette nouvelle politique ne peut se
concilier avec des dépenses excessives d’armement d’où la nécessité d’une détente
internationale, en particulier avec les Etats-Unis. La rupture avec la Chine en 1960 favorise
l’URSS dans le sens où celle-ci n’avait pas les moyens d’aider massivement un pays comme
la Chine quand elle voulait relever le niveau de vie des soviétiques.
2. Le XXème Congrès du PCUS et ces conséquences .
Lors du XXème Congrès du PCUS, en février 1956, Khrouchtchev souligne l’importance de
la détente internationale et reconnaît que les modalités pour édifier le socialisme peuvent être
différentes suivant le pays considéré. Le Kominform est donc aboli. Khrouchtchev reconnaît
l’insuffisance des résultats économiques et dénonce le stalinisme dans une séance réservée
aux seuls délégués des soviets.
La déstalinisation commence de manière très concrète : disparition des portraits de Staline de
tous les édifices publics, Stalingrad devient Volgograd, le Pic Staline est rebaptisé Pic
Communisme, les statues de Staline disparaissent, une certaine libéralisation du système
semble se mettre en place. Mais celle-ci demeure toutefois limitée car les déstalinisateurs sont
tous d’anciens staliniens. Les opposants au régime sont toujours poursuivis, mais ils ne sont
plus internés dans les camps de concentrations sinon dans des hôpitaux psychiatriques.
3. Les changements économiques et sociaux sous Khrouchtchev.
La déstalinisation, c’est aussi réformer un système économique peu efficace. Il faut "rattraper
et dépasser les Etats-Unis" dit Khrouchtchev en 1957.
Sur le plan scientifique et technologique, l’URSS devance les Etats-Unis dans le domaine de
la conquête spatiale . En 1957, Spoutnik, le premier satellite, est mis sur orbite. En 1960, Yuri
Gagarine est le premier homme dans l’espace.
Les ouvriers, à partir de 1956, peuvent désormais choisir de changer d’entreprise et de région.
La retraite est fixé à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes. La semaine de travail
passe de 48 à 42 heures. Le nombre de logements augmente. La vie quotidienne semble
s’améliorer
Dans les campagnes les kolkhozes sont regroupés en unités de production plus vastes.
Khrouchtchev lance l’opération des terres vierges du Kazakhstan où 40 millions d’hectares
sont défrichées. Les cultures céréalières (blé, mais surtout maïs) sont développées, ainsi que
l’élevage.
Sous l’impulsion de l’économiste Libermann, qui dénonce les lourdeurs de la planification
centralisée, Khrouchtchev stoppe le plan quinquennal en cours pour le remplacer par un plan
septennal. Pour remédier à la centralisation sont créés 104 conseils économiques régionaux,
les sovnarkhozes dotés de plan autonome coordonnés sur le Gosplan.
B. Les limites de la déstalinisation dans les pays satellites
Dès la mort de Staline, en juin 1953, des émeutes ouvrières éclatent à Berlin-est contre les
exigences du régime (+10% de normes de production). Les grèves gagnent tous le pays et
seule l’intervention des chars de l’Armée rouge rétablit l’ordre. Mais avec la déstalinisation
une certaine désatellisation semble-t-elle possible ? Deux cas nous prouve que l’URSS des
années 50 n’est pas encore prête à accepter le moindre changement. Par contre la Chine de
Mao rejette en bloc la déstalinisation.
1. Le cas de la Pologne .
Après des émeutes ouvrières en juin 1956 à Poznan, Khrouchtchev accepte le retour au
pouvoir d’un communiste non-stalinien : Gomulka. Il réussit à canaliser l’agitation et rétablit
l’autorité du parti communiste polonais. Les staliniens sont exclus du comité central du PC
polonais, ce qui constitue un véritable coup d’Etat.
2. Le cas de la Hongrie .
Les évènements de Hongrie, en 1956, sont beaucoup plus graves. En octobre de violentes
émeutes éclatent à Budapest où le PC a presque perdu toute autorité. Les hongrois réclament
le retour d’un communiste anti-stalinien (Imre Nagy), mais aussi une réorientation de leur
politique étrangère avec un statut de type yougoslave. Moscou, malgré le rapprochement
soviéto-yougoslave à la suite du XXème Congrès du PCUS et la réhabilitation de Tito, craint
une dislocation du bloc oriental et intervient brutalement par une intervention militaire. Nagy
est écarté et remplacé par Kadar, un communiste fidèle à Moscou.
Khrouchtchev est le seul dirigeant soviétique qui ne soit pas resté à son poste jusqu’à sa mort.
Nombreux sont les échecs qui précipitent sa chute : échec de la politique agricole et des
sovnarkhozes, inertie de la société, résistance des membres du Parti face à des réformes qui
remettent en cause leurs privilèges. Le 13 octobre 1964, Khrouchtchev, affaibli politiquement
par la crise de Cuba, est exclu du secrétariat général du PCUS et redevient un simple citoyen
jusqu’à sa mort en 1971.
III. De la stagnation à l’effondrement du régime (1964-1991) .
Après l’exclusion de Khrouchtchev, est mis en place une direction collégiale à trois : la
"troïka". Leonid Brejnev occupe le poste de Secrétaire général du PCUS, Podgornyï celui de
Président du Præsidium du Soviet Suprême (chef d’Etat) et Kossyguine celui de Président du
Conseil des Ministres (chef du gouvernement). Mais au début des années 70, Brejnev cumule
petit à petit tous les postes.
A. La période Brejnev (1964-1982)
1. Le retour au culte de la personnalité avec Brejnev .
En 1977, Brejnev cumule les fonctions de chef d’Etat, chef du gouvernement, des armées, et
Secrétaire général du PCUS. Brejnev finit par être l’homme le plus décoré de l’URSS, son
œuvre écrite est éditée plusieurs fois et son nom est entouré de louange. Il semble que l’on
revient au bon vieux temps du stalinisme et du culte de la personnalité. Brejnev favorise les
membres du Parti (la Nomenklatura) et n’hésite pas à pratiquer le népotisme ; son propre fils
(Yuri) devient ministre. Le modèle soviétique semble donc incapable de se réformer.
2. Bilan économique et social de la période Brejnev.
Sur le plan économique, l’ère Brejnev est marqué par une plus grande autonomie des
entreprises et la poursuite des réformes Libermann, et abandonne l’idée de dépasser
l’économie américaine. Mais les résultats sont mauvais et dès 1978, on en revient à une
centralisation et une planification autoritaire. Les entreprises ne peuvent plus réviser le plan
qu’à la hausse et des sanctions sont prises en cas de non réalisation du plan. Le
bureaucratisme est de nouveau roi. La production stagne et est de mauvaise qualité. Les
équipements sont vétustes car la priorité est donnée au complexe militaro-industriel ce qui
oblige l’URSS a exploité et exporté ses ressources naturelles de Sibérie (pétrole, gaz, or) et à
importer des produits manufacturés.
Sur le plan social, les conditions de vie se dégradent. L’espérance de vie diminue. La
population pratique de plus en plus l’absentéisme, la résistance passive quand elle ne sombre
pas dans l’alcoolisme pour ne pas collaborer avec un régime dans lequel seuls les membres de
la Nomenklatura sont les détenteurs du pouvoirs et des privilèges.
Avec Brejnev, la déstalinisation est stoppée et la répression reprend (contre ceux qui pensent
autrement, les dissidents, surtout des intellectuels : Soljenitsyne déchu de sa nationalité et
banni, Sakharov placé en résidence surveillée). En Europe de l’est la main mise de Moscou
persiste. En 1968, en Tchécoslovaquie, Dubcek est persuadé que le communisme est
compatible avec le respect des libertés. Ainsi, d’autres partis politiques se forment,
l’information se libéralise et la censure est donc abolie. Toutes ces mesures constituent ce
qu’on appelle le "Printemps de Prague", dans le but de créer un "socialisme à visage humain".
Jugeant l’expérience beaucoup trop dangereuse pour le reste du bloc, Brejnev écrase par la
répression (normalisation) le "Printemps de Prague" en avril 69.
A partir de 1970, l’URSS doit affronter la contestation qui se développe en Pologne sous la
direction de Lech Walesa à la tête d’un syndicat libre (Solidarnosc) soutenue par l’Eglise
catholique. Rapidement, ce syndicat indépendant du pouvoir officiel compte plus de 10
millions d’adhérents ouvriers et agriculteurs. Le 13 décembre 1981 le général Jaruzelski , sous
la pression de Moscou, fait un coup d’Etat pour mettre fin à l’évolution pernicieuse afin de
rétablir l’autorité du Parti et l’orthodoxie de Moscou. Walesa est arrêté et Solidarnosc dissout.
En 1982, la Pologne semble être rentrée dans le rang.
Brejnev meurt en novembre 1982. S’ouvre alors une période de transition durant laquelle le
pouvoir est assuré successivement par Youri Andropov et Sergueï Tchernenko, pour
finalement aboutir entre les mains de Mikhaïl Gorbatchev élu secrétaire général du PCUS en
1985.
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