COMPTE-RENDU PRÉSENTATION HDS « MUTUELLES DE SANTÉ AU NORD ET AU SUD » 3 ET 4 MAI 2004 CONTEXTE Suite à la publication du dossier de l’Horloge du Sud, le GNSESS a décidé de mettre en perspective et d’ouvrir le débat sur la question des mutuelles de santé au Nord et au Sud. La forme optée était celle d’une présentation des articles par les auteurs, suivie d’un débat ouvert avec les personnes présentes, autour de croissants et de café. L’ambiance se voulait conviviale, pour permettre un échange de vues profond et constructif. La première rencontre a eu lieu à Charleroi, avec le soutien de M. l’échevin Léon Casaert ; la seconde à Bruxelles, dans les locaux de SAW. ETAIENT PRÉSENTS (cf. dossier annexe) INTERVENANTS Graziella Ghesquière, Louvain Développement Christian Legrève, Intergroupe liégeois des maisons médicales Michèle Parmentier, Maison médicale du Maelbeek Valérie Van Belle, Mutualités chrétiennes Didier Cornet, Mutualité chrétienne du centre de Charleroi David Gabriel, Groupe Terre Patrick Bodart, Periferia Denis Stokkink, SAW Chantal Vandermeiren, AADC INTRODUCTION Dans le respect du savoir-faire et du « faire-savoir », le GNSESS se situe dans une optique de partage des bonnes pratiques. Convaincus que nous avons à apprendre des expériences du Sud et que la mise en commun des innovations notamment sociales et économiques, sert l’intérêt du plus grand nombre, les structures fondatrices du GNSESS proposent en 2004 une série d’événements axés sur les acteurs de la base avec une mise en perspective critique. Des échanges bilatéraux entre l’Afrique, l’Amérique latine et la Belgique marqueront la saison. La globalisation doit avoir pour pendant la solidarité globalisée. Le GNSESS se situe comme un soutien et un « activateur » d’échanges entre personnes de la base. Sa vision est la suivante : il faut stimuler les échanges et la globalisation autour de bases solidaires. L’économie sociale représente une alternative aux effets pervers du néolibéralisme. La construction d’un monde plus solidaire passe par une série d’alliances : entre ES, syndicats, Nord et Sud. EXPÉRIENCES Les expériences reprises ci-dessous sont autant de manières de voir les systèmes de soins au Nord et au Sud, et d’envisager le partage des bonnes pratiques. 1. Maisons médicales et observation dans le Sud Pour rappel, les maisons médicales ont été créées dans un esprit révolutionnaire, des médecins à la fin des années voulaient opter pour un nouveau type de soins de santé. Ce mouvement révolutionnaire s’est atténué et a permis d’accéder à un système de soins de santé de qualité. Les valeurs fondatrices continuent à l’heure actuelle de régir ce type nouveau de soins : MUTUELLES DE SANTÉ NORD – SUD GNSESS 3/5 ET 4/5/2004 1. 2. 3. 4. globalité (vision de la personne comme formant un tout) intégration continuité dans le suivi accessibilité (géographique, financière et psychologique) du centre de santé Le patient est au centre des soins, l’équipe fait en sorte de lui donner un pouvoir de concertation et d’action sur le fonctionnement général. L’enjeu actuel des maisons médicales est de passer le relais à des personnes conscientes de la démarche, car une partie du personnel arrive aux maisons médicales motivée par la qualité et le confort et non en concordance avec les valeurs. L’ancrage local, l’appui sur le réseau local, fait également partie des priorités. Par ailleurs des personnes de maisons médicales se sont rendues à l’étranger pour observer et s’inspirer de pratiques étrangères. Elles ont constaté de grosses différences culturelles notamment autour de la notion relative de confidentialité, de secret (ce qu’on cache, qu’on ne dit pas, les portes que l’on ferme, etc.) et de l’argent. L’immersion visait avant tout à observer les pratiques et modes de fonctionnement, afin de remettre en question leurs propres pratiques, leur façon de s’exprimer et de se gérer ou s’autogérer. Cela a permis également d’améliorer l’accueil et les soins aux étrangers en Belgique. L’observation est réciproque et les échanges bilatéraux. A l’heure actuelle ils réfléchissent à une façon de faire prendre conscience aux patients belge que la mutuelle est basée sur la solidarité. Il faut retourner aux racines historiques du système de santé pour réaliser que l’affiliation est un acte de solidarité, acquis par des luttes sociales importantes. 2. Mutuelles, mutualités régionales et coopération internationale Mutualités chrétiennes et socialistes ont innové dans leur secteur en créant un service de coopération internationale. Elles soutiennent par ce service des mutuelles de santé dans des pays du Sud et d’Europe centrale et de l’est. Leur soutien est de type partenarial, elles ne créent donc pas de structures mais apportent leur aide financière et structurelle à des projets locaux qui émergent. Par ailleurs, elles offrent à la population belge une information complète sur les mutuelles dans ces pays (cf. www.concertation.org : site inventaire des mutuelles de santé en Afrique). Les mutualités chrétiennes offrent un appui à 13 pays en Afrique de l’Ouest et Europe Centrale. Leur soutien est de différents types : gestion de l’assurance obligatoire et complémentaire, assurer que les soins de santé soient accessibles et de qualité, promotion de la santé auprès d’enfants. Ils appuient des structures en place : technique, locaux, salaires, outils d’animation. Par ailleurs, 20 mutualités régionales belges ont développé de leur côté des partenariats dans les pays du Sud. Les mutualités régionales ont mis en place des comités de partenariat qui s’engagent à, minimum une fois par an, diffuser de l’information en Belgique sur le partenariat, accueillir un partenaire, participer à une mission sur place, organiser une activité. 3. Association pour l’action du développement communautaire - AADC L’AADC est une ONG active au départ dans le micro-crédit au Bénin. A partir des besoins émergeant de la population locale, ils apportent aujourd’hui des études de faisabilité pour des mutuelles de santé. L’approche adoptée est participative et la mise en place se fait par la population locale. 4. Louvain Développement L’objectif de Louvain développement est d’améliorer le pouvoir de négociation politique, social et économique et d’améliorer les conditions de vie des populations du Sud. Equité, solidarité et participation démocratique sont leurs maîtres mots. Les mutuelles de santé sont en ce sens proches de leurs valeurs. MUTUELLES DE SANTÉ NORD – SUD GNSESS 3/5 ET 4/5/2004 Ils offrent tout d’abord un appui technique et financier aux partenaires. Les projets émergent de la base et Louvain Développement est partenaire. Les décisions concernant les cotisations, le stage d’attente, etc. sont prises par les partenaires locaux tandis que des aides sont apportées en gestion financière et administrative, en marketing social notamment. Deuxièmement, ils accordent une grande importance à la sensibilisation, sur un an, pour permettre à la population locale de s’approprier ce nouveau type de soins de santé. Troisièmement, des « comités d’initiatives » sont constitués par organes communautaires. Leur but est de s’organiser pour parer aux changements internes et externes à la mutuelle, en se tenant informés. Ils essaient de favoriser la présence des femmes, sans pour autant fixer de quota. Finalement ils stimulent les synergies entre les caisses de micro-crédit et les mutuelles : l’affiliation à la mutuelle de santé oblige à prendre part à la caisse de crédit. RÉFLEXIONS COMPLÉMENTAIRES L’expérience du groupe Mélusine : groupe de discussions, d’activités de femmes souffrant de troubles psychosomatiques. L’approche de dialogue et d’écoute réciproque a permis une réduction des visites des maisons médicales de la région. La création et le fort développement du système social ont eu pour effet pervers de faire perdre aux bénéficiaires la conscience que le système est basé sur la solidarité. Le lien de solidarité s’est institutionnalisé et les patients ne s’en rendent plus compte. Les mutuelles cherchent, pour leur part, à réhabiliter la conscience de cet acte de solidarité qu’est la cotisation et l’affiliation à une mutuelle, ils voudraient améliorer la participation des affiliés dans les prises de décision relatives à leur mutuelle. Les notions de prise en compte globale du patient et d’organisation collective des besoins sont récentes chez nous. Habituellement, l’action thérapeutique en Belgique est individuelle et on ne traite que d’un aspect de la personne à la fois. Pourtant la souffrance physique va de pair avec la souffrance sociale, soit l’une induit l’autre soit il y a renforcement réciproque. C’est pour cette raison que le personnel accueillant tient une place primordiale, les accueillants doivent être capables de remettre en contexte les patients que la souffrance rend désagréables. L’économie sociale n’est pas directement active dans la santé, et pourtant dans l’optique des mutuelles et maisons médicales d’une part et dans les valeurs de l’économie sociale d’autre part, il s’agit de mettre l’être humain au centre des préoccupations. Le système social belge est bien structuré au niveau national, mais il faudrait améliorer la structure locale. On constate en effet qu’il y a une ignorance de la réalité de terrain, provoquant une inadéquation entre les besoins de la personne (âgée notamment) et les structures en place. De plus, il y a un problème de respect de l’usager : équipe de soignants qui se relaient tous les jours, absence d’équipe permanente, les usagers ne peuvent pas établir une relation de confiance avec les soignants. Au Sud, les mutuelles de santé ne reçoivent pas d’argent de l’état, elles trouvent alors des techniques pour s’autogérer et s’autofinancer. Le problème est donc bien différent. Bénévolat : un des moyens de réduire les charges financières, mais problème de rotation d’équipes, de structure de leurs actions et ne pas négliger le coût néanmoins inévitable à l’encadrement des bénévoles. Facteurs culturels et religieux : il faut être prudents dans nos échanges Nord – Sud, aux traditions médicales qui sont liées à la culture et aux croyances. Il est possible de combiner les ressources : « pour tel type de maladie allez chez le guérisseur, pour d’autres rendez-vous au centre de santé. » Par ailleurs, en Afrique on rencontre souvent la difficulté de s’associer aux politiques locales, réticentes à cet apport nouveau. Il est donc important que les ressources humaines issues de la société civile (mutuelles, ONG, etc.) aillent vers les autorités politiques locales, les sensibilisent à la démarche. Car les considérer peut amener la population à accorder sa confiance au centre de santé local. MUTUELLES DE SANTÉ NORD – SUD GNSESS 3/5 ET 4/5/2004 PROBLÈMES RENCONTRÉS 1. faiblesse de l’accueil, expliquée par une forte rotation du personnel. 2. faible capacité contributive de la population. 3. faible soutien des états au Sud. 4. la gestion et l’organisation reposent souvent sur le bénévolat, d’où dépendance à la bonne volonté des gens. 5. personnel mal payé, qui fait ses fins de mois en vendant des médicaments parallèles et avec per diem, le barème des consultations étant fixé ils négligent l’accueil. CONCLUSIONS Importance en Belgique et ailleurs, de la prise de parole et de participation dans le système de soins de santé choisi par les comités d’usagers, les assemblées générales des usagers. Importance en Belgique, de développer le niveau local, communautaire. De nombreux besoins persistent, en particulier chez les personnes âgées et handicapées. Il faut en outre rester attentif à la prise en charge du nombre grandissant des exclus des soins de santé. A notre système social institutionnalisé, il faudrait ajouter le dynamisme inspiré des expériences du Sud. Les relations entre Sud et Nord permettent d’ouvrir les yeux sur sa propre histoire, de revenir aux sources de notre système de santé. De tels échanges dépassent la simple prise en compte de l’autre, ils s’établissent sur des bases respectueuses et réalistes de partenariat. Points positifs existent, d’excellentes expériences existent, elles ont mis l’importance sur la fonction d’accueillant et la volonté et la ténacité de médecins qui veulent changer le système. Le concept d’économie sociale rejoint ces préoccupations : ancrage local, l’humain au centre, la globalité et la transversalité, le respect et la dignité, la mutualisation des besoins, la participation des membres, etc. Les mutuelles de santé ont trouvé une alternative socioéconomique, comme l’a fait l’économie sociale : les ponts sont à renforcer ! MUTUELLES DE SANTÉ NORD – SUD GNSESS 3/5 ET 4/5/2004