Jean-Pierre Blaché Lycée Gerbert
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L’action humaine est libre c’est-à-dire non déterminée par l’instinct. La raison se repré-
sente des fins ; elle a pour fonction de discerner ce qui est vraiment bon (ou mauvais) pour
nous. Ces fins nous les évaluons. On appelle morale ou éthique l’interrogation sur la valeur
des fins de l’action humaine.
Est-ce que la vertu —la qualité morale d’un homme— ce serait l’aptitude à discerner par la
raison ce que nous désirons vraiment le bonheur et donc à pouvoir l’atteindre ? Pour
Platon « nul n’est méchant volontairement » ce qui veut dire que l’homme immoral en faisant
le mal, fait son propre malheur parce qu’il ignore ce qui est vraiment bon. La vertu ce serait
donc dans cette perspective (qui est celle des Grecs en général et pas uniquement de Platon) :
savoir quelle vie est vraiment bonne pour l’homme et vivre cette vie-là, être heureux. Dans ce
cas-on parlera d’éthique : ce n’est pas la volonté qui prime mais la connaissance (Spinoza
propose une éthique).
Mais suffit-il de connaître le juste pour être juste comme le dit Platon (Gorgias), de con-
naître le Bien pour être bon ? Ne faut-il pas plutôt s’obliger par la volonté à vouloir le Bien ?
La vertu c’est alors de faire son devoir. L’idée du devoir enferme celle d’une difficulté : faire
le bien n’est pas la même chose que faire son bonheur ; être vertueux ce serait même renon-
cer à son bonheur, renoncer en tout cas à ses aspirations immédiates, ses désirs, ses passions.
De plus liée à l’idée du devoir il y a la notion de faute ou de péché : je manque à mes devoirs
et je me sens coupable, ma conscience morale me punit en quelque sorte. Dans ce cas-là on
parlera de morale.
I. L’éthique : bonheur et vertu
Nous allons d’abord présenter l’éthique aristotélicienne qui se définit par la recherche du
bonheur et nous verrons que la vertu est au cœur du bonheur, qu’il ne peut y avoir de bonheur
sans vertu.
a. La vertu au cœur du bonheur
Nous commentons les textes n° 2 et 3 pages 410 & 411 dans le manuel Philosophie.
La vie morale est donc pour Aristote recherche du bonheur : c’est un eudémonisme ; à ne
pas confondre avec l’hédonisme recherche du plaisir (thèse d’Epicure).
Texte n° 2 1° alinéa
Aristote montre que le bonheur est le Souverain Bien : pour cela il lui faut préalablement
faire une analyse du bien en général. A noter que les grecs appelle bien ce que nous appelle-
rions plutôt bon. Dans toute activité montre Aristote, il y a un bien : c’est ce qui est visé par
l’activité en question ; pour l’architecte c’est la maison qui est visée et qui est le bien ; pour le
médecin c’est la santé qui est le but et qui est le bien. Le médecin est un bon médecin s’il at-
teint son but.
Texte n°2° alinéa
Mais le but d’une activité est presque toujours un moyen en vue d’un autre but. Il faut donc
distinguer ce qui est bon en soi et ce qui est bon en vue d’autre chose : la maison est bonne en
vue de la protection du froid et donc de la santé ; mais la santé est bonne en soi. Par ailleurs si
la santé est bonne en soi elle ne suffit pourtant pas : nous ne pouvons nous contenter d’être en
bonne santé et pauvre ou mal considéré ; nous la voulons donc pour autre chose. Le Bien qui
se suffit à lui-même, à la fois bon en soi et autosuffisant nous l’appelons le Souverain Bien.
Quel est ce Bien qui se suffit, qui n’est recherché que pour lui et non pour autre chose ? Nous
l’appelons le bonheur.
Texte n°3 1° alinéa
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Tout le monde est d’accord du moins en monde grec pour dire que le bonheur est le
souverain bien, mais par contre les désaccords surgissent dès qu’il s’agit de définir le bon-
heur. L’éthique a donc pour tâche de définir le bonheur : comment pourrait-on atteindre ce
que l’on n’a pas au préalable déterminé ?
Aristote procède encore par comparaison avec les arts : dans chaque art le réussi, le bien
dépend de la fonction ; si la fonction du médecin est de guérir, le réussi est la guérison. La vie
heureuse étant la vie humaine réussi, il faut pour définir le bonheur savoir quelle est la fonc-
tion de l’homme.
Texte n°3 alinéa 2
La fonction de l’homme est d’agir avec raison (puisqu’il est par nature animal raison-
nable) ; avec raison et « en accord avec la vertu ». la vie heureuse sera donc celle du sage qui
réalise en lui l’humanité en agissant raisonnablement et en accord avec la plus parfaite des
vertus, la vertu politique. La vertu est donc bien au cœur du bonheur.
b. La connexion vertu bonheur dans l’éthique grecque
D’autres philosophes grecs ont identifiés purement et simplement le bonheur et la vertu :
c’est ce que montre Kant, en montrant aussi qu’ils ont emprunté deux voies opposées.
« Parmi les anciennes écoles grecques, il n’y en a à proprement parler que deux qui
ont suivi dans la détermination du concept du souverain bien, une même méthode, en tant
qu’elles n’ont pas admis la vertu et le bonheur comme deux éléments différents du souve-
rain bien, qu’elles ont par conséquent cherché l’unité du principe, suivant la règle de
l’identité; mais, sur ce point, elles se sont séparées à leur tour en choisissant différem-
ment leur concept fondamental. L’épicurien disait : avoir conscience de sa maxime con-
duisant au bonheur, c’est la vertu; le Stoïcien : avoir conscience de sa vertu, voilà le
bonheur. Pour le premier la prudence équivalait à la moralité; pour le second, qui choi-
sissait une plus haute dénomination pour la vertu, la moralité était seule la sagesse véri-
table. » Kant Critique de la raison pratique
Pour les épicuriens comme pour les stoïciens il y a donc identité entre bonheur et vertu :
l’homme moral est heureux et l’homme véritablement heureux est moral. Mais l’identité est
obtenue de deux façons opposées : pour les épicuriens l’éthique se définit par la recherche du
plaisir véritable ; l’homme capable du bonheur est donc vertueux (moral). Pour les stoïciens
au contraire c’est la vertu qui amène au bonheur.
Précisons : Pour Epicure, le véritable bonheur c’est l’absence de trouble, de désir. Il faut
donc satisfaire les désirs : c’est une morale du plaisir. Mais les plaisirs s’ils sont satisfaits
n’importe comment entraînent d’autres désirs encore plus impérieux et plus difficiles à satis-
faire ; la course aux plaisirs est donc source de déplaisir et de malheur. Il n’y a de vrai plaisir
que si je me contente des plaisirs les plus simples. Voilà le vrai bonheur et voilà la vertu :
être vertueux c’est savoir être heureux.
Pour les stoïciens (lire le texte 4 page 411) la vertu consiste à ne vouloir que ce qui dé-
pend de moi ; la vertu c’est la liberté et je suis esclave si je recherche ce que je ne peux obte-
nir par moi-même (esclave des autres, des circonstances, de l’argent etc. ). Qu’est-ce qui ne
dépend que de moi : mes jugements et mes sentiments. Il ne dépend pas de moi d’être ou non
malade à tel moment, mais il dépend de moi de l’accepter plus ou moins bien. La vertu (vou-
loir ce qui m’arrive) est le bonheur car ainsi j’évite d’être affecté, d’avoir de la rancœur, de
la jalousie etc.
II. La disjonction vertu bonheur : le devoir
L’éthique grecque repose sur l’idée d’harmonie, d’équilibre , de bonne vie car le monde
grec est Cosmos, Ordre, Beauté, stabilité. La civilisation judéo chrétienne au contraire repose
sur l’idée que l’équilibre et le bonheur originels ont été rompus par la faute, le pécqui a
précipité l’humanité dans le malheur. La conscience morale naît comme conscience de la
faute : elle est dès l’origine une conscience malheureuse. La mal est, le Bien doit être : le de-
voir s’oppose à la réalité comme tension et dépassement.
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C’est la naissance de la science au XVII° siècle qui va définitivement ruiner l’idée de
Cosmos et d’équilibre : Galilée montre non seulement que la terre n’est pas le centre du
monde, mais surtout qu’il n’y a pas de centre du tout car le monde est infini, que le soleil
n’est qu’un soleil parmi tant d’autres. L’homme ne peut plus habiter le monde, il n’y a plus
une place. Descartes pense ainsi l’homme comme sujet pensant conscient, point d’Archimède
qui donne sens au monde (c’est l’idéalisme). Tout le sens dépend du sujet. Le sujet est res-
ponsable du sens. Le sujet ne peut plus chercher le sens de sa vie hors de lui dans la beauté,
l’ordre et l’harmonie du Cosmos— : il doit trouver ce sens en lui, dans sa raison. C’est ce que
va théoriser Kant : seule l’obéissance à la loi de la raison en moi donne sens à la vie ; c’est
l’idée de devoir.
a. Le bonheur ne peut fonder une morale
Texte n°9 page 415 & 416
Kant montre d’abord que l’on ne peut pas prendre le bonheur comme principe moral de
conduite. Qu’est-ce que la morale ? C’est soumettre ma vie empirique (mon expérience hu-
maine) à un principe qui déborde l’expérience (ce que Kant appelle un principe a priori ce
qui veut dire indépendant de l’expérience). Je soumets ce qui est en fait à ce qui doit être. Le
bonheur peut-il être ce principe ? Kant répond non.
Pour une raison essentielle : le principe auquel je dois soumettre ma vie doit être détermi-
or le bonheur est justement indéterminé.
L’idée de bonheur est en effet l’idée de la totalité présente et future du bien-être possible
pour un homme. Ce bien-être est constitué d’éléments empiriques (la richesse, la santé, les
honneurs, la connaissance, le plaisir, l’amour etc.) : ces éléments sont empiriques, ils ne peu-
vent donc être déterminés à l’avance par la seule raison, ils doivent être « rencontrés » et cette
rencontre dépend en partie de la chance (l’heur en vieux français), c’est un bon heur. Mais en
plus le bonheur suppose l’idée d’un Tout. Or comment un être dont la connaissance est limi-
tée (finie) peut-il penser cette totalité ? Et si je ne la pense pas comment puis-je l’atteindre, si
ce n’est par hasard (mais alors nous ne sommes plus dans la morale) ?
« On ne peut donc pas agir , pour être heureux, d’après des principes déterminés, mais seu-
lement d’après des conseils empiriques (…) » (Kant voir texte n°9 en bas de page 415)
Si le bonheur n’est pas le bien qui peut guider ma vie où trouver ce bien ?
b. La volonté bonne : seul bien absolu
Texte n° 7 page 401
Il nous faut d’abord distinguer le bien relatif (l’utile) et le bien en soi, absolu (le bien mo-
ral). Qu’est-ce qui pourra être dit absolument bon ?
Seule une volonté bonne est bonne absolument. Cela veut dire que le Bien moral n’est pas
à chercher hors de l’homme mais dans la volonté humaine. Si le Bien, l’Absolu était hors de
moi, soit il me faudrait le connaître et seuls les philosophes ou les sages pourraient être mo-
raux (c’est la morale platonicienne), soit il faudrait qu’il me soit révélé par la grâce divine,
mais ma moralité ne dépendrait pas essentiellement de moi (c’est la morale chrétienne, sur-
tout protestante) : pour Kant l’acte moral ne doit dépendre ni de ma connaissance ni de la
grâce, mais seulement de ma liberté. La moralité est donc à chercher dans l’intention de la
volonté.
Kant montre d’abord dans ce texte que tout ce qui m’est donné par la nature (qui ne dépend
donc pas de ma liberté, de ma volonté) n’est pas absolument bon. Les dons de la nature se
divisent en deux : les talents de l’esprit (discernement, aptitude à juger) et qualités du tempé-
rament (courage, décision) que l’on appelle souvent qualités « morales ». Ces talents et quali-
tés sont bons mais pas absolument car si la volonté est mauvaise —c’est la cas de l’individu
immoral, du brigand par exemple ces dons de nature sont mis au service d’une action mau-
vaise. Distinguons au passage le tempérament qui est un don de l’esprit qui est ma nature et
le caractère qui est ce que je me fais par ma liberté (dans le langage courant nous appelons
caractère ce que Kant appelle tempérament) : par exemple on peut avoir un tempérament peu-
reux et par caractère (par devoir moral) devenir dans certaines circonstances courageux. J’ai
un tempérament, je suis mon caractère : je suis ce que je me fais.
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Kant analyse ensuite les dons de la fortune (fortune au vieux sens de ce qui arrive sans que
je l’ai voulu ou qui ne dépend pas entièrement de moi) : bien entendu puisque ces dons ne
dépendent pas de ma volonté, ils ne peuvent pas faire ma moralité. Dirait-on de quelqu’un de
riche qu’il est bon (valable, moral) parce que riche, alors que cette richesse ne dépend qu’en
partie de sa volonté ?
L’être moral c’est donc celui qui atteint le Bien en soi c’est-à-dire qui a une volonté bonne.
Qu’est-ce qu’une volonté bonne ? Qu’est-ce qui fait qu’une volonté est bonne ? Ce ne peut
être ses œuvres, ce qu’elle fait, car cela dépend de la fortune, de mon pouvoir et des talents de
mon esprit : ce qui fait la volonté bonne ne peut être qu’intérieur à cette volonté, non pas la
réussite, mais l’intention.
Ce qui fait qu’une volonté est bonne est qu’elle se détermine à vouloir par pur respect pour
la loi, par devoir. Il faut donc pour savoir ce qu’est une volonté bonne analyser la notion de
devoir.
c. Le devoir
Qu’est-ce que le devoir : c’est ce qui est à faire par suite d’une obligation morale ou de la
loi morale. Par exemple : « tu ne mentiras pas » ; « tu tiendras ta promesse ». Il faut donc dis-
tinguer tout d’abord loi morale et loi sociale : la loi sociale (le droit) nous est imposé par la
société qui nous contraint à y obéir si nous n’acceptons pas de la respecter librement. La loi
morale par contre vient de notre conscience morale, de notre intériorité, de notre for inté-
rieur ; et si la loi sociale peut s’accommoder de la contrainte, ce n’est pas le cas pour la loi
morale : le devoir suppose la liberté ; je suis moral si je fais librement ce que je dois sans que
personne ne m’y contraigne. Quand je fais mon devoir quand je tiens ma promesse
j’obéis librement à la loi morale qui est en moi —ou que j’entends en moi—, je m’obéis donc
à moi même et c’est cela l’authentique liberté : l’autonomie (auto : soi-même ; nomos : la
loi).
Kant analyse le devoir et donc la volonté bonne en trois temps.
Premier temps : une action est morale si elle est faite non pas seulement conformément au
devoir mais par devoir. Le commerçant qui est honnête par exemple, agit bien : mais son ac-
tion est-elle morale ? On ne peut pas répondre « oui » car même s’il ne voulait pas être hon-
nête, il y a tout intérêt pour conserver sa clientèle. Par contre si pour faire son devoir il va
contre ses intérêts on pourra dire qu’il agit par devoir uniquement et donc que son action est
morale. A condition bien sûr que le mobile de son action ne soit pas l’orgueil, le désir d’être
considéré ou un autre sentiment. Kant veut montrer que l’action authentiquement morale
c’est celle la volonté se décide par pure obéissance pour la loi morale. Y a-t-il concrète-
ment des actions aussi pures ? Le problème n’est pas : il s’agit pour Kant de déterminer ce
qui fait la moralité d’une action.
Deuxième temps :
« Voici la seconde proposition : une action accomplie par devoir tire sa valeur morale
non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d’après laquelle elle est
décidée; elle ne dépend donc pas de la réalité de l’objet de l’action, mais uniquement du
principe du vouloir d’après lequel l’action est produite sans égard à aucun des objets de
la faculté de désirer. » Kant
Ce deuxième temps résulte directement du précédent ce n’est pas un objet extérieur à la
volonté qui peut faire la moralité de l’action car alors elle obéirait à une loi extérieure des
codes moraux prescrivant tels ou tels actes précis) : elle ne serait plus authentiquement libre,
elle serait hétéronome (hétéro : autre ; nomos : la loi). La moralité de l’action ne peut donc
pas venir des buts que l’on se fixe car un but c’est toujours un objet visé par la faculté de dé-
sirer ou de vouloir. Ce qui fait la valeur morale de mon acte (je tiens ma promesse) c’est donc
la façon dont ma volonté se détermine, ce que Kant appelle la maxime. Si par exemple je
tiens ma promesse pour être respecté, « pour être respecté » est ma maxime : mais mon action
n’est pas morale, j’agis pour un but social extérieur à ma volonté. Mon action est morale si
j’agis par devoir, parce que je le dois.
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Troisième temps :
« Quant à la troisième proposition, conséquence des deux précédentes, je
l’exprimerais ainsi : le devoir est la nécessité d’accomplir une action par respect pour la
loi. » Kant
Le devoir se définit donc comme l’action qui ne résulte que du commandement de la loi en
moi à l’exclusion de tout autre sentiment : orgueil, désir d’être aimé, reconnu et bien entendu
recherche de l’intérêt ou du plaisir etc. Le seul sentiment qui peut entrer en jeu dans l’acte
moral est le respect, le sentiment que provoque sur ma subjectivila loi morale. Reste à ex-
pliquer que le devoir soit « la nécessité d’accomplir une action » : cela semble en contradic-
tion avec l’idée de liberté. Pour que je puisse faire mon devoir il faut bien sûr que je sois
libre, non déterminé par la nature. Je peux donc faire mon devoir ou ne pas le faire : je peux
tenir ma promesse ou ne pas la tenir. Mais le devoir, lui, n’est pas facultatif : il me com-
mande impérativement, il me dit « tu dois ». La nécessité n’est pas naturelle, elle est la né-
cessité morale : le devoir est impératif. L’action est moralement nécessaire, je dois tenir ma
promesse, et pourtant je peux en fait ne pas la tenir. Cette nécessité veut dire que si je
suis libre de faire mon devoir ou non, je ne suis pas libre de choisir mon devoir.
d. La loi morale
Il nous reste à répondre à la question : qu’est-ce que la loi morale (qu’il ne faut surtout pas
confondre avec les lois sociales) ? Et tout en répondant nous devrons répondre aussi à cette
difficulté : si la loi morale commande nécessairement comment puis-je m’obéir à moi-même
en lui obéissant ? Comment puis-je être libre ?
La loi morale est un impératif catégorique : « tu feras ou tu ne feras pas, absolument par-
lant ». L’impératif hypothétique n’est pas une loi morale : « si tu veux être respecté tiens tes
promesses ».
Mais que commande la loi morale, l’impératif catégorique : il ne peut comme nous
l’avons vu— commander une action ou tel ou tel type d’action, car cela voudrait dire que le
Bien absolu résiderait dans des actions extérieures à la volonté. Si la Loi ne peut commander
aucun acte ni aucun but que peut-elle commander ? Elle ne peut commander qu’une chose :
la forme même de toute loi, l’universel. Elle me commande que tout ce que je fais puisse va-
loir comme loi universelle donc pour tout le genre humain.
« Agis toujours de telle manière que la maxime de ton action puisse être érigée en loi uni-
verselle »
Puis-je ne pas tenir ma promesse dans ce cas particulier la tenir m’est très défavorable,
d’autant plus que la personne à laquelle j’ai promis est malhonnête et ne la tiendrait pas si
elle était dans ma situation ? Si je dis : « dans certains cas » (maxime de ma volonté) je
m’abstiens de tenir ma promesse, cette maxime est-elle universalisable ? Non, car cela ruine
l’idée même de promesse —sur laquelle d’ailleurs repose toute vie sociale— : si l’on peut ne
pas tenir sa promesse, la promesse n’existe plus.
Du même coup je comprends qu’en obéissant à la loi je m’obéis à moi-même car cette loi
ne me vient pas d’ailleurs, elle est la loi de ma raison, elle est ma raison même. Obéir à la
loi morale c’est m’obéir en tant que je suis un être de raison. C’est donc être pleinement libre.
Et pourtant le devoir est nécessaire : car il est nécessaire de me rendre pleinement humain,
pleinement libre. Il est nécessaire que par mon action je commence à donner naissance à un
monde véritablement humain où chacun ne s’autorise à faire que ce que qui vaut pour tous.
III. Conclusion
Le devoir contredit donc le bonheur puisque agir par devoir c’est par définition agir contre
ses aspirations sensibles, c’est refuser les possibilités fugitives de bonheur personnel au nom
de l’universel, de l’humanité. N’est-ce pas inhumain ? Kant lui-même remarque qu’un tel di-
vorce est intenable ; si la recherche du bonheur n’est pas vertu (comme pour Epicure) ni la
vertu condition suffisante du bonheur (comme pour les stoïciens), il faut quand même que
nous puissions espérer être heureux. La volonté bonne est le Bien en soi, la vertu morale,
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