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Actes de l'Université d'été de Saint-Flour
Le calcul sous toutes ses formes
Les aspects expérimentaux en théorie des nombres
Don Zagier,
Collège de France, Paris
Comme toute science, les mathématiques s’expérimentent pour découvrir des réalités. Parfois
l’expérience montre, par un contre-exemple bien choisi, qu’une conjecture qui avait été posée était fausse (on en
verra de nombreux exemples dans la suite). Il convient alors de rejeter la conjecture, et l’affiner si c’est possible
pour aboutir à un résultat correct. Le plus souvent les expériences fournissent des idées de conjectures, qui ne
pourront être établies que par des raisonnements directs. Ici expérimenter, par exemple aujourd’hui avec des
ordinateurs, ne peut servir à démontrer une propriété, mais seulement à lui donner quelques apparences de
vraisemblance. Le domaine de la théorie des nombres est l’un de ceux où le recours à l’expérience a toujours joué
un rôle majeur pour son avancement.
Seuls certains exemples, plus longuement traités devant l’assistance, sont présentés ci-dessous, parfois
de manière abrégée.
I. Nombres premiers et sommes de deux carrés
Les premières questions sur les nombres datent de Diophante ; elles sont soulevé l’intérêt de Fermat au dixseptième siècle qui a énoncé un très grand nombre de résultats dont il n’a publié presque aucune preuve, mais qui
se sont révélés exacts à une exception près. Parmi elles, la suivante fut d’une grande importance :
À quelle condition un nombre premier est-il somme de deux carrés ?
Nombres
Premiers
2
3
5
7
11
13
17
19
Sommes
de deux
carrés
1² + 1²
Non
2² + 1²
Non
Non
3² + 2²
4² + 1²
Non
Nombres
Premiers
23
29
31
37
41
43
47
Sommes
de deux
carrés
Non
5² + 2²
Non
6² + 1²
5² + 4²
Non
Non
L’idée naturelle qui se dégage de ce tableau est qu’un nombre premier p n’est somme de deux carrés que si, et
p-1
seulement si, p ou
est pair. Cette condition est visiblement nécessaire pour des questions de parité. En fait, la
2
table laisse penser qu’elle est aussi suffisante : un premier p du type 4k+1 est toujours somme de deux carrés.
C’est exact, et cela a notamment été prouvé par Fermat et Euler. Il existe un très grand nombre de preuves de ce
fait : le conférencier en a lui-même écrit une tenant sur une seule ligne (ou plutôt consistant en une seule
affirmation, mais suffisamment détaillée pour que l’énoncé contienne en lui-même sa solution). Cette
démonstration, sans doute la plus courte connue, repose sur une fonction involutive (c’est-à-dire dont le carré est
l’identité) explicitement définie sur l’ensemble fini S des triplets d’entiers vérifiant l’égalité 4ab  c 2  p avec a
et b positifs. Le problème revient alors à chercher des points fixes de cette involution.
Voici l’un des énoncés possibles (voir aussi le livre “Proofs of the Book » de chez Springer) :
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a) Montrer que S est la réunion disjointe de ses deux sous-ensembles S1 et S 2 respectivement définis par
a  b  c et a  b  c ,
b) Etablir une bijection explicite entre eux : (a,b,c)  (b, a,c ) ,
c)
d)
e)
f)
g)
h)
Montrer que f définie sur S1 par f (a, b, c)  (a  b  c, b,2b  c) est une involution,
Exhiber un point fixe de f (en utilisant que p est du type 4k+1),
Montrer qu’il est unique (en utilisant que p est premier),
En déduire que le cardinal de S est du type 4k+2,
Montrer que 4 divise le cardinal du sous-ensemble S 3 de S défini par a  b ,
Conclure.
II. Le "problème de Bâle"
En 1644, Pierre Mengoli (1625-1686) posait déjà la question : calculer la somme des inverses des carrés des entiers
naturels. Dans son "Tractatus de seriebus infinitis" publié à Bâle en 1689, Jacques Bernoulli relançait le problème :
même si l'on savait que le résultat était proche de 1,6 (en dépit de la relative lenteur de la convergence), le
problème resta entier jusqu'à 1735 où Euler (1707-1783) donna la réponse.
Son travail peut se décomposer en trois parties :
a) améliorer (dès 1731) de manière significative la technique de calcul approché de la somme de cette série
qui converge lentement ; la méthode qu’il a mise au point porte son nom ainsi que celui de MacLaurin ;
b) analyser la structure de ce que donnait l’utilisation de ses calculs devenus bien plus exploitables ;
c) comprendre et démontrer ce que l’expérience lui avait permis de conjecturer.

  La méthode de convergence accélérée
6
consiste en approximer S par des expressions corrigées comme :
Le résultat est bien connu : la somme S vaut
N
1
n
n 1
2

1
1
1
1
1
1





2
3
5
7
N 2N
6N
30 N
42 N
30 N 9
■ Sans l’accélération de la convergence, les résultats fournis étaient trop instables :
Somme avec 10 termes :
1.54976
Somme avec 100 termes :
1.63498
Somme avec 10 000 termes : 1.6448340
Somme avec 1 000 000 termes :
1.644933068.
■ Avec celle-ci, dix termes suffisent pour obtenir , ce qui n’a sans doute pas permis, même à un
calculateur hors de pair comme Euler, de reconnaître la valeur cherchée, mais lui a permis d’être certain d’un
résultat obtenu par ailleurs en confirmant une technique de calcul hardie qui avait donné la bonne valeur, ce que les
moyens techniques de l’époque ne permettaient pas de justifier complètement.
sin x
comme un polynôme de degré infini dont les racines
x

x
x
) (1 
) : il ne reste plus alors qu’à
sont les multiples de  par les entiers relatifs, donc égal à  (1 
n
n
1
identifier les termes en x 2 .
Il suffira de dire ici qu’Euler avait considéré le quotient
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Les preuves aujourd’hui reconnues reposent bien entendu sur des techniques d’analyse tout à fait indépendantes de
ces calculs approchés : citons par exemple une démonstration extraordinaire écrite en 1975 par E. Calabi, dont
voici le schéma général.
On justifie facilement les égalités


3S
1
 1 x 2 n dx  1 y 2 n dy  , ce qui peut être considéré



2
0
 0

4 n0 (2n  1)
n 0 
comme une somme infinie d’intégrales doubles, puis d’une intégrale double d’une somme, plus précisément celle
1
sur le carré formé des couples de réels entre 0 et 1. Or cette intégrale est
1 x2 y2
sin u
sin v
calculable par le changement de variable de x en
et de y en
qui la transforme en l'intégrale de la
cos v
cos u
de la fraction rationnelle
fonction constante 1 sur le triangle formé des (u,v) avec u et v positifs et u  v 

2
.
Euler n’en est pas resté là, et a notamment obtenu les résultats analogues :
1 1
1
4
1 + 4 + 4 +…. + 4 +… =
2 3
n
90

1 1
1
6 + 6 +…. +
6 +…=
2 3
n
945
1 1
1
8
1 + 8 + 8 …. + 8 + …=
.
2 3
n
9450
6
1+
Ce sont des valeurs particulières de la fonction zêta de Riemann (1826-1866), encore aujourd’hui objet de
recherches très profondes. Il n’y a pas d’équivalent connu pour des exposants impairs.
Notons encore qu’au vu des décimales 1.644934 de nombreux logiciels modernes répondent très vite que ce
nombre est proche de
2
6
, et qu’ils auraient incomparablement facilité le travail d’un calculateur du dix-huitième
siècle qui n’aurait pas eu la vision d’Euler à partir de la fonction sinus. Cela dit, nous verrons plus loin que l’aide
de tels logiciels, si précieuse soit-elle, peut être mise en défaut même après des vérifications expérimentales très
poussées.
III. Un produit infini d’Euler
Euler avait déjà utilisé des produits infinis pour l’établissements de certaines des formules ci-dessus (qui servirent
au démarrage des travaux de Riemann). Mais ce ne sont pas les seuls. Ainsi il aurait calculé les (cinquante premiers
termes des) cinquante premiers polynômes de la forme :
(1-x) = 1-x
(1-x) (1-x²) = 1-x-x2+x3
(1-x) (1-x²) (1-x3) = 1-x-x2+x4+x5-x6
(1-x) (1-x²) (1-x3) (1-x4) = 1-x-x2+2x5-x8-x9+x10
(1-x) (1-x²) (1-x3) (1-x4) (1-x5) = 1-x-x2 +x5+x6+x7-x8-x9-x10 +x13+x14-x15
Dans le quatrième exemple ci-dessus, apparaît un coefficient 2 pour x 5 , mais il disparaît aussitôt après. Se basant
sur les résultats de ces calculs, Euler a conjecturé que la « limite » de ce produit ne contenait, comme coefficients,
n
que des 0, des 1 et des –1. Plus précisément, le coefficient de x est nul, sauf s’il existe une entier m , positif ou
négatif, tel que n 
m(3m  1)
, auquel cas il vaut (1) m (Ces nombres sont appelés nombres pentagonaux
2
généralisés). Ici encore, le résultat est exact, même si sa démonstration est un peu technique. Notons simplement
qu’un produit fini comme le cinquième de la liste ci-dessus donne, de manière irréversible, les bons coefficients
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des x n jusqu’à une certaine valeur, ici n  9 , ce qui permet d’obtenir expérimentalement une liste, déjà longue, de
coefficients définitifs sur lesquels on peut dès lors poser une conjecture suffisamment crédible.
Il appartient en fait à la théorie des partitions d’un entier en des sommes d’entiers positifs, chantier combinatoire
fécond et difficile, qu’il a très largement contribué à créer. Le lien avec cette théorie devient clair si l’on note que
l’inverse du produit infini d’Euler (1  x n ) est un autre produit infini, qui peut s’écrire sous la
n
forme 
n
1
   x kn   P(m) x m qui rend plausible le fait que P (m ) soit le nombre de partitions de l’entier
n
n k
m
1 x
m.
En effet une telle partition est une décomposition telle que m  p  q  r  s  ... , définie modulo une
permutation près des entiers ( p, q, r ,...) , où 1 apparaît x fois, 2 apparaît y fois et ainsi de suite, de façon que l’on
dispose finalement d’une égalité de la forme m  1x  2 y  3z  ... , parfaitement cohérente avec la formule cidessus.
Il est facile de vérifier que l’on obtient bien ainsi certaines valeurs simples de P (m ) . Ainsi, pour calculer
P (5)  7 , ce qui résulte des égalités
5  1 4  2  3  11 3  1 2  2  111 2  11111,
on peut se contenter de calculer fini le produit des sommes  x kn jusqu’à n  5 et à noter les sept égalités
k
x  x.x  x .x  x.x.x  x.x 2 .x 2  x.x.x.x 2  x.x.x.x.x
5
4
2
3
3
qui correspondent exactement aux précédentes.
IV. Le théorème fondamental des nombres premiers
Après Legendre, Gauss (1777-1855) étudia expérimentalement de manière approfondie la liste des
nombres premiers calculables à la main avec les techniques de son temps.
On sait qu’il parvint à en déduire une formule approchée donnant le nombre  (x ) d’entiers premiers
x
inférieurs ou égaux à x sous la forme  ( x) 
; il affirma même que la formule voisine suivante
ln x
x dt
 ( x)  
fournissait une meilleure approximation (le second membre prend le nom de logarithme
2 ln t
intégral).
Ces conjectures, formulées en termes d’équivalence, sont vraies, mais il fallut attendre 1896 pour que,
indépendamment, Jacques Hadamard et Charles Jean De la Vallée Poussin puissent chacun en donner une
démonstration, aujourd’hui encore assez technique bien qu’elle ait pu être notablement simplifiée.
V. L’hypothèse de Riemann
On appelle ainsi une conjecture portant sur les zéros d’une fonction, notée  (z ) (lire zéta de z) dont la restriction
aux nombres réels strictement supérieurs à 1 s’écrit  ( x) 
1
n
x
, celle-là même dont Euler a calculé certaines
n
valeurs comme  (2) 
2
6
. Elle affirme que les parties réelles de ses zéros non triviaux sont toutes égales à
1
.
2
Telle quelle, cette affirmation est toujours objet de recherches intensives, mais l’on a pu vérifier expérimentalement
sur ordinateur que les premières 1013 racines sont dans ce cas, sans que l’on ait su en déterminer un contre-exemple.
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VI. La moyenne arithmético-géométrique de Gauss
On connaît au moins deux moyennes de deux nombres a et b : la moyenne arithmétique
ab
et la moyenne
2
géométrique ab . Gauss a eu en 1799 l’idée de s’appuyer sur elles pour inventer une nouvelle moyenne, notée
M ( a, b) , appelée moyenne arithmético-géométrique, définie comme étant la limite commune aux deux suites
adjacentes (a n ) et (bn ) liées par les relations a0  a , b0  b et a n 1 
a n bn , bn1 
an  bn
.
2
La convergence est très rapide. On peut le vérifier par exemple pour le nombre M (1, 2 ) , que l’on peut comparer
à l’inverse de la valeur de l’intégrale elliptique
2
1

0
dx
1 x4
 0.83462... : il y a égalité. C'est ce que Gauss,
guidé par des calculs numériques, a pu démontrer. Cette découverte a ouvert des champs de
recherche d'une grande importance et qui sont toujours d'une grande actualité, notamment la théorie des formes
modulaires, aujourd'hui centrale en théorie des nombres.
VII. Des exemples paradoxaux
Dans ce qui suit, nous verrons que des coïncidences numériques, même poussées jusqu’à un très grand nombre de
décimales, peuvent se révéler trompeuses.
a) C’est le cas par exemple pour le nombre exp
 163
3
, pratiquement égal à l’entier 640320 car leurs
logarithmes ont leurs 19 premières décimales égales, ce qui conduit à une égalité à 10 14 près ! Ce n’est
évidemment pas tout à fait un hasard, et l’on a été conduit à examiner ce presque-entier par une théorie
difficile dite de la multiplication complexe.
b) De la même manière, exp
 3502
est pratiquement égal à un produit de la forme 2 ABCD (à 10 80 près)
6
1071
 92 34 et des égalités analogues pour les trois derniers facteurs
avec A  a  a 2  1 où a 
2
(exemple découvert par D. Shanks). Mais dans aucun de ces deux cas il n’y a égalité entre les deux
membres
c) De la même manière, la suite (bn ) définie par bn 
n
(2n  k )!
 (2n  2k )!(3k  1)! semblerait bien ne jamais
0
prendre de valeurs entières, comme le montre le calcul de plusieurs valeurs : 5/4, 51/14, 277/20, 1497/26,
4045/16… En fait il n’en est rien, mais il faut attendre n  2755452 pour obtenir une valeur entière de
l’ordre de 10 2019025 qui fournit un contre-exemple.
n 1
d) C’est exactement le cas opposé pour la suite définie par les relations c n 
tableau des premiers résultats :
c1 = 2
c2 = 3
c3 = 5
c4 = 10
c5 = 28
c6 = 154
c7 = 3 520
c8 = 1 551 880
c9 = 267 593 772 160
c10 = 7 160 642 690 122 633 501 504
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2   c k2
1
n
. Voici en effet un
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Le calcul sous toutes ses formes
et c11 = 4 661 345 794 146 064 133 843 098 964 919 305 264 116 096.
Les cn ont donc l'air d'être entiers.
Ici encore le premier contre-exemple, obtenu pour n  43 , correspond à un entier énorme (de l’ordre de 10 porté à
la puissance 178485291567).
VIII. Parfois, une conjecture apparemment extravagante est quand même vraie
…
Soit ( an ) la suite très particulière définie par les relations :
a n  1 pour n  5 , et an5 
an 4 an1  an3 an 2
.
an
Voici les premiers résultats, clairement tous entiers :
a0 = 1, a1 = 1, a2 = 1, a3 = 1, a4 = 1, a5 = 2, a6 = 3, a7 = 5, a8 = 11, a9 = 37, a10 = 83, a11 = 274,
a12 = 1 217, a13 = 6 161, a14 = 22 833, a15 = 165 713, a16 = 1 249 441, a17 = 9 434 290,
a18 = 68 570 323, a19 = 1 013 908 933.
Ici la conjecture serait la suivante : tous les a n sont entiers. Mais cette fois-ci elle est vraie ! (Exemple découvert
par M. Somos).
Toutefois la démonstration est assez difficile ; comme pour quelques exemples ci-dessus, on peut trouver des
indications sur le site Internet de l’université écossaise de Saint Andrews à propos d’un Colloque tenu en 1996
auquel a participé l’auteur de cette conférence.
IX. Une belle formule due à Viète
Il est intéressant d’examiner expérimentalement les valeurs successives données par la suite ci-dessous, de limite 2,
où le nombre n de radicaux est successivement égal à 1, 2, 3… :
u n  2  2  2  2  2  2  2  ...
De manière plus précise, on a u1 
2 et u n1  2  u n .
Les calculs des produits successifs de la forme u1u 2 u 3 ...u n montre qu’ils doublent approximativement à chaque
étape. De manière plus précise, 2  n u1u 2 u 3 ...u n admet une limite, égale à
produit v1v 2 v3 ...v n où v1 
1
2
et vn 1 
2

. Ce nombre est aussi la limite du
1  vn
puisque u n  2v n .
2
On obtient ainsi la première formule explicite donnant le nombre  sous la forme d’un produit infini.
Viète l’a publiée dans ses Variorum de Rebus Mathematicis Responsorum Liber VIII (Tours, 1593).
X. Un exercice posé au Colloquium de Saint Andrews de 1996
Montrer que, si
a2  b2
est un entier positif comme a et b , alors c’est un carré parfait.
ab  1
Cet énoncé a été indiqué à Saint-Flour, sans autre indication. Le lecteur est invité à chercher une solution; il peut
aussi la trouver sur le site Internet déjà cité.
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a2  b2
Remarque : tous les carrés peuvent intervenir comme des quotients
d'une infinité de manières : on a les
ab  1
solutions (0, k ) , (k , k 3 ) , (k 3 , k 5  k ) , … , (an , an+1),… où a0  0 , a1  k et a n  2  k 2 a n 1  a n .
Dans cet ordre d’idées, a été présenté lors de ces journées sur le calcul un autre problème (absent à Saint Andrews),
posé par l’auteur :
Montrer que, si
a2  b2
est un entier positif comme a et b , alors il est égal à 5.
ab  1
Remarque :
Ici aussi, le nombre peut se produire d'une infinité de manières, à savoir (a,b) = (un , un+1) , où …,
u –1=3, u0 = 1 , u1 = 2 , … avec un+1 + un-1 = 5un.
XI. Autour du petit théorème de Fermat
a) Pour tout entier premier p , tout entier a est tel que p divise a p  a . Il peut être intéressant
d’expérimenter sur l’ensemble A des entiers n divisant tout nombre de la forme a n 1  a . On obtient
assez vite que A n’a l’air de contenir que les cinq nombres 1, 2, 6, 42 et 1806.
Cette conjecture est correcte, et la démonstration est relativement facile ; on remarquera la règle de
formation de ces éléments (par exemple, 1806 est égal au produit 42 43 comme 42 est égal au produit 6 7),
et l’on pourra prouver que tout diviseur premier p d’un élément n de A est tel que p  1 divise
également n , cette propriété caractérisant A . La chaîne s’arrête là car 13 divise 1807.
b) À la demande de l’un des participants, a été abordé le problème suivant (d’après l’un des 250 exercices de
théorie élémentaire des nombres de Waclaw Sierpinski, Hachette 1972, Gabay 1992 et 2004) :
Que peut-on dire des entiers n divisant 2 n  1 ?
La remarque la plus simple est que le produit par 3 d’un tel entier appartient aussi à l’ensemble : c’est très
facile à voir.
Une démonstration est alors faite des remarquables possibilités du programme PARI, conçu à Bordeaux par
une équipe dirigée par Henri Cohen que l’on trouve librement – avec son manuel – sur internet. Voici la
ligne qui engendre tous les éléments de l’ensemble jusqu’à 100 000 en quelques secondes :
for(n=1,100000,if(Mod(1+2^n,n),,print1(" "n)))
Voici la liste complète des vingt-cinq résultats renvoyée par le logiciel (il y en aurait 40 pour 1000000) :
1, 3, 9, 27, 81, 171, 243, 513, 729, 1539, 2187, 3249, 4617, 6561, 9747, 13203, 13851, 19683, 29241,
39609, 41553, 59049, 61731, 87723 et 97641.
On y retrouve effectivement des progressions géométriques de raison 3, appliquées à un certain nombre de
« racines » comme 1, 171, 3249, 13203, 61731 et 97641. La recherche des facteurs premiers de ces
nombres (où l’on trouve toujours au moins 3 2 à partir du second) peut servir de point de départ pour
énoncer des conjectures sur cet ensemble, qui mérite une étude plus approfondie.
XII. Quelques mots sur les courbes elliptiques
La théorie moderne des équations diophantiennes repose en bonne partie sur l’étude des remarquables propriétés
arithmétiques de certaines courbes dites elliptiques (en gros, la plupart des cubiques et certaines courbes qui s’y
ramènent immédiatement). Ce sont elles qui ont permis la démonstration du grand théorème de Fermat.
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Le calcul sous toutes ses formes
Dès 1847, Sylvester étudia ainsi une famille d’équations du type x 3  y 3  p où p est premier, cette égalité
définissant effectivement une courbe elliptique. Sur une telle courbe, il peut y avoir des points entiers (c’est-à-dire
des couples formés d’entiers) comme pour p  19  33  (2) 3 , aucun point entier mais des points rationnels
2
3
7
3
3
3
3
x  y  3z est impossible si xyz n’est pas nul).
comme pour p  13  ( ) 3  ( ) 3 , et enfin aucun point rationnel comme pour p  3 (c’est-à-dire que l’équation
Pour p  1789 , la plus petite solution rationnelle utilise des nombres ayant plus de 15 chiffres : voir par exemple
la cassette video (ou le texte imprimé) de la leçon inaugurale au Collège de France de mai 2001 donnée par le
conférencier.
On y trouvera aussi des indications sur une certaine fonction L , définie par une somme de série de la forme
an
, qui donne des informations capitales pour l’existence de solutions rationnelles : ainsi l’on sait que
s
n n
c’est le cas si 1 est une racine simple de l’équation L( s )  0 (ainsi encore sans doute si c’est une racine multiple),
mais qu’il n’y a pas de solutions si L(1)  0 .
L( s )  
Ces questions sont liées à une fameuse conjecture posée en 1965 par les mathématiciens anglais Birch et
Swinnerton-Dyer selon laquelle une courbe elliptique possède une infinité de points rationnels si, et seulement si,
une certaine égalité encore écrite sous la forme d’une égalité L(1)  0 est vraie.
Démontrer (ou infirmer) cette conjecture est aujourd’hui l’un des problèmes les plus importants des
mathématiques, notamment relevé en 2000 par le Landon Clay Institute (et associé à une prime d’un million de
dollars). Aucun logiciel d’ordinateur ne sera évidemment capable de résoudre cette énigme, mais c'est avec les
ordinateurs que l'on a pu déceler la vérité contenue dans cette merveilleuse conjecture.
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