géant Unilever. C’est alors la préhistoire du marketing
et la percée des méthodes de publicité
et de vente de certaines firmes américaines qui offrent l’occasion de construire des ’’marques’’
et de susciter des stratégies de persuasion et d’établissement de modes de perception positive –
et la diffusion du Coca Cola dès 1933 entre-ouvre le marché du ’’prêt-à-boire’’
, tandis que
l’American Milk Products installe une usine de lait concentré et de lait en boîte en France
en
1923. De même, Gillette est présent en France dès 1905 (avec une usine de lames à Paris) et y
conquiert un capital de renommée : le directeur parisien offre ainsi un rasoir Gillette à
Lindbergh
à son arrivée en 1927...
L’équipement des ménages lui-même n’échappe pas à une première forme de pénétration de la
technique américaine, essentiellement par le biais des machines à coudre Singer (avec filiale
française
créée entre 1868 et 1873 et une usine en région parisienne, à Bonnières-sur-Seine
ouverte dans les années 1920) bien que des gammes françaises résistent à cette emprise
: les
ventes françaises de Singer pèsent 5,3 % du total des ventes du groupe en 1912, soit le
cinquième débouché mondial derrière la Russie (24,5 %), les Etats-Unis (17,2 %), l’ensemble
Allemagne-Autriche-Hongrie (12 % et le Royaume-Uni (5,5 %)
. American Radiator Company
dispose de plusieurs entités en Europe en 1914, dont une en France, avec une usine à Dôle (avec
presque 700 salariés)
. Enfin, Eastman Kodak, qui a fait de Londres sa base européenne
, s’est
implantée dans le pays dès 1891-1897 et y diffuse par exemple son appareil photo de poche
pliant au tournant du siècle puis son Brownie : la France se couvre elle aussi de boutiques à
l’enseigne Kodak, qui distribuent les films négatifs. Un accord autorise la société Pathé à
commercialiser les films positifs en France et les films négatifs en Europe et dans les colonies ;
sa rupture en 1909-1912 fait perdre à Kodak un partenaire utile ; puis le destin de Pathé aboutit
en avril 1927 à la création de Kodak-Pathé, détenue à 51 % par Kodak et 49 % par Pathé (puis à
100 % par Kodak en 1931) : tandis que Pathé se recentre sur la production cinématographique,
Kodak-Pathé gère la fabrication et la vente des pellicules, en s’appuyant sur une usine à
Vincennes pour fabriquer les films et assurer leur développement
.
La force de l’industrie américaine de la construction mécanique et de la mécanique de précision
constitue un acquis essentiel. La civilisation française de l’automobile attire les investissements
américains, de Ford
aux fabricants de pneumatiques (avec une usine Goodrich, dès avant
1914), aux roulements à billes
et aux pétroliers, tel Caltex ou Esso Standard
. Malgré la
Marc Meuleau, « De la distribution au marketing (1880-1939) : une réponse à l’évolution du marché », Entreprises
& histoire, n°3, 1993, pp. 61-74.
L’histoire officielle de Coca Cola indique cette date de 1933. Mais M. Wilkins (Mira Wilkins, The Maturing of
Multinational Enterprise, p. 51) évoque la création d’une usine en France au lendemain de la Première Guerre
mondiale, qui a été fermée dès 1919-1920 ; la société abandonne alors la stratégie d’investissement direct au profit
d’une alliance avec des embouteilleurs locaux.
Mira Wilkins, The Maturing of Multinational Enterprise, p. 63.
Gordon McKibben, Cutting Edge. Gillette’s Journey to Global Leadership, Boston, Mass., Harvard Business
School, 1998, p. 24.
Indication fournie par Andrew Godley.
Monique Peyrière, “L’industrie de la machine à coudre en France, 1830-1914”, in La révolution des aiguilles.
Habiller les Français et les Américains, 19e-20e siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 1996, pp. 95-114. Judith Coffin,
’’Credit, consumption, and images of women’s desires: Selling the sewing machine in late nineteenth-century
France”, French Historical Studies, n°18-3, 1994, pp. 749-783.
Andrew Godley, “Selling the sewing machine around the world: Singer’s international marketing strategies, 1850-
1920”, Enterprise and Society, June 2006, n°7 (2), pp. 266-314 (tableau A2).
Mira Wilkins, The Maturing of Multinational Enterprise, p. 5.
Mira Wilkins, The Maturing of Multinational Enterprise.
Michel Rémond (et François Sauteron), Histoire d’une aventure. Kodak-Pathé Vincennes, 1896-1927-1986, Kodak,
1986. L’usine de Vincennes ferme en 1986. Jacques Kermabon (dir.), Pathé, premier empire du cinéma, Paris,
Centre Georges Pompidou, 1994. Cf. le site [www.kodak.com/US/en/corps/kodakHistory]. Un bureau a été établi en
France dès 1891, transformé en filiale en 1896, indique ce site.
Cf. le texte de Patrick Fridenson dans ce même ouvrage. Cf. Hubert Bonin, Thierry Grosbois, Nicolas Hatzfeld &
Jean-Louis Loubet, Ford en France et en Belgique, Paris, P.L.A.G.E, 2004.
Une usine Timken est établie en France en1928 après la reprise de Timken UK par Timken US en 1927. Puis la
politique américaine de démantèlement des trusts ou cartels trop puissants contraint Timken à vendre ses filiales