Texte 19 Texte 20 J'entends par idée un concept rationnel nécessaire auquel nul objet qui lui corresponde ne peut être donné dans les sens. [...] Par exemple, les choses du monde doivent être comme si elles tenaient leur existence d'une intelligence suprême. De cette manière, l'idée n'est proprement qu'un concept heuristique et non un concept ostensif ; elle montre non pas comment est constitué un objet, mais comment, sous sa direction, nous devons chercher la nature et l'enchaînement des objets de l'expérience en général. Texte 21 Dès les temps les plus anciens de la philosophie, ceux qui étudiaient la raison pure ont déjà conçu en dehors des choses sensibles ou phénomènes (Phaenomena) qui composent le monde des sens, des êtres intelligibles particuliers (noumena) qui constitueraient un monde intelligible, et confondant phénomène et apparence, ce qui est bien excusable, en des temps encore incultes, ils n'attribuèrent de réalité qu'aux êtres intelligibles. En effet, si comme il convient, nous ne considérons les objets des sens que comme de simples phénomènes, nous reconnaissons cependant aussi par là qu'ils ont comme fondement une chose en soi, bien que nous ignorions comment elle est constituée en elle-même, et que nous n'en connaissions que le phénomène, c'est-à-dire la façon dont nos sens sont affectés par cette chose inconnue. L'entendement donc, justement parce qu'il accepte des phénomènes, reconnaît aussi par là l'existence de choses en soi, et dès lors nous pouvons dire que la représentation de ces êtres qui servent de fondement aux phénomènes, donc de purs êtres intelligibles, n'est pas seulement admissible, mais encore inévitable. Notre déduction critique n'exclut nullement de telles choses (noumena), mais limite bien plutôt les principes de l'esthétique de telle sorte qu'au moins ils ne s'étendent pas à tout, ce qui transformerait toute chose en simple phénomène, mais qu'ils soient valables seulement pour les objets d'une expérience possible. L'on admet de cette manière des êtres intelligibles, mais en insistant sur cette règle qui ne souffre point d'exception, que nous ne savons absolument rien de déterminé au sujet de ces purs êtres intelligibles et que nous n'en pouvons rien savoir, parce que nos purs concepts d'entendement, comme nos intuitions pures, ne portent que sur des objets d'une expérience possible, par suite simplement sur des êtres sensibles et que sitôt qu'on s'en écarte, ces concepts ne conservent plus la moindre signification (Prolégomènes. 8889). Texte 22