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RECONSTRUCTION ACETABULAIRE
PAR ALLOGREFFE ET ARMATURE METALLIQUE.
TECHNIQUE ET RESULTAT A LONG TERME.
M. Kerboull
M. Hamadouche
L. Kerboull
Au début des années 70, après 5 années d’utilisation d’une prothèse métal-métal,
nous étions confrontés à un nombre important de descellements cotyloïdiens. Ces
descellements s’accompagnaient parfois de destruction osseuse importante. Après
quelques essais infructueux de reconstruction comblant les pertes de substance
osseuse par du ciment ou de grosses pièces cotyloïdiennes, il nous a semblé que la
reconstruction osseuse par de l’os était absolument indispensable. La nécessité
d’obtenir de grandes quantités d’os, nous a fait recourir aux allogreffes et réactiver en
74 notre banque d’os qui existait depuis 1955, pour y mettre les têtes fémorales
prélevées lors d’arthroplasties totales. Le comblement d’une grosse perte de
substance par une tête fémorale taillée en forme, s’avérait parfois possible sans
fixation métallique, mais l’existence, pas si rare, d’une solution de continuité trans-
cotyloïdienne, nous a obligé à trouver un moyen de fixation solide.
Nous avions depuis 1970 une croix hémisphérique à 4 branches, plus ou moins
longues. En 1974, devant un cas de ce type, j’ai eu l’idée de recourber la branche
inférieure en crochet pour l’agripper à la marge inférieure du cotyle, de couper les
branches antérieure et postérieure à la longueur adéquate et de fixer la branche
supérieure, par vissage, à l’os iliaque sus-cotyloïdien. Cette ostéosynthèse, associée
à un comblement des défects osseux par des greffons, a obtenu en un an la
consolidation de la pseudarthrose trans-cotyloïdienne. Une prothèse a alors été
implantée en laissant l’armature en place. 24 ans après, malgré une fracture du
crochet survenue dès la troisième année, une usure cotyloïdienne importante mais
sans ostéolyse majeure, la fixation du cotyle est encore très correcte et la fonction de
la hanche satisfaisante. En 1976, j’ai donc fait faire cette armature en acier
inoxydable, en forme de croix hémisphérique, à quatre branches, à crochet inférieur
et à palette supérieure percée de 4 orifices pour les vis. Elle était plus rigide et mieux
adaptée. D’abord unique et symétrique de taille moyenne, elle permettait la synthèse
solide d’une solution de continuité trans-cotyloïdienne et maintenait en place les
greffons provenant d’une tête fémorale cryo-conservée, taillés en forme de cubes ou
de tranches pour réparer exactement les défects osseux. La solidité de l’ensemble
nous a paru suffisante pour implanter dans le même temps une prothèse. En 1984,
cette armature est devenue asymétrique avec une branche antérieure plus courte
que la postérieure pour éviter tout conflit avec le tendon du psoas et donner à la
pièce cotyloïdienne une antéversion de 15°. Elle s’est également multipliée et il
existe actuellement une série droite et une série gauche de 6 pièces pour des cotyles
de 40 à 60 mm de diamètre. D’abord uniquement destinée aux solutions de
continuité trans-cotyloïdienne, nous l’utilisons depuis plus de 20 ans, d’une façon
presque systématique, chaque fois qu’une reconstruction osseuse est nécessaire et
elle nous sert à la fois de guide et de renforcement à la reconstruction. Comme elle
est ouverte, elle reste suffisamment flexible pour faire corps mécaniquement avec
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l’os et ne pas perturber l’élasticité de la cavité osseuse. Elle a en outre l’avantage de
recentrer automatiquement la hanche.
Le but de cette reconstruction osseuse est naturellement de revenir à une anatomie
normale, c’est-à-dire à un cotyle osseux en situation normale et de dimension
normale, le choix de l’armature à implanter est donc fixé par deux références
possibles. Un côté opposé sain ou une ancienne radio du côté pathologique avant
toute destruction. En l’absence de ces éléments, il faut choisir l’armature qui permet
de redonner aux parois détruites une épaisseur de 7 mm minimum. La première
chose à faire, après avoir nettoyé complètement le cotyle osseux, c’est de mettre en
place l’armature choisie, le crochet sous la marge inférieure du cotyle dans sa partie
postérieure, la palette supérieure un peu antérieure de manière à ce que la branche
longitudinale de la croix soit verticale. On incline alors l’armature à 45°. Si, en ce
faisant, le crochet a tendance à s’expulser c’est que l’armature ou bien est trop
grande, essayer alors la taille inférieure, ou bien la marge inférieure du cotyle est trop
épaisse, ce qui peut arriver lorsque le cotyle primitif a été implanté d’emblée trop
haut, amincir alors l’os à ce niveau. Troisième possibilité, la marge inférieure est
partiellement détruite, commencer alors par la réparer. En cas de perte de substance
structurelle du toit, la palette supérieure reste à distance de l’os. Il ne faut pas
chercher à la verticaliser, ni l’ouvrir, ni tordre la palette pour l’amener au contact de
l’os sinon l’armature perd son rôle de guide à la reconstruction. Une fois l’armature
en bonne place, on peut aisément évaluer l’importance de la perte de substance
osseuse, la taille et la forme des greffons nécessaires à sa reconstruction. S’il existe
une perte de substance de la marge inférieure du cotyle, on commence par la
réparer avec un fragment de forme adéquate coincé entre les bords du défect
osseux pour donner une prise correcte au crochet obturateur. Puis on comble par un
greffon, si possible unique, la perte de substance du toit. Ce fragment est taillé avec
soin aux dimensions et à la forme du défect osseux et à la convexité de l’armature de
manière à ce que sa face externe représentée par la zone d’appui de la tête fémorale
soit au contact de la palette de l’armature. On visse alors celle-ci en commençant par
la vis inférieure dont le trajet dans le greffon a été foiré, vis dirigée en haut et en
arrière pour mettre l’armature sous tension. Une deuxième, habituellement
antérieure, est nécessaire pour stabiliser parfaitement l’armature. On termine alors la
reconstruction osseuse en coinçant des tranches de tête fémorale taillées en forme,
entre les branches antérieure et postérieure de l’armature et ce qui reste des parois
osseuses. Les pertes de substance cavitaires du pubis et de l’ischion, ainsi que les
interstices entre les greffons structuraux, sont comblées par du spongieux impacté
pour empêcher toute fuite de ciment entre les greffons. L’existence d’une solution de
continuité trans-cotyloïdienne change peu la technique opératoire. Toutefois, en cas
d’écart important, il est souhaitable de le resserrer et ceci se fait très simplement en
utilisant l’armature. Après avoir inséré le crochet sous la marge inférieure du cotyle,
un mouvement de levier grâce à un clou de Steinman introduit dans l’un des orifices
de la palette, permet de ramener les deux berges osseuses au contact. On fixe alors
d’emblée la position de réduction par une ou deux vis sus-cotyloïdiennes et on fait la
reconstruction osseuse en coinçant des greffons osseux entre les branches de
l’armature et le reliquat des parois osseuses. Quand la reconstruction est terminée,
un cotyle de dimension adéquate est scellé dans cette cavité osseuse reconstruite et
armée. Sur une vue de face de la hanche, l’armature doit apparaître en profil strict, le
crochet obturateur au contact de la marge inférieure du cotyle et les vis, obliques en
haut et en arrière traversant les greffons, prennent appui dans l’os sain au voisinage
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de l’articulation sacro-iliaque. Si vous souhaitez plus de détails, vous les trouverez
dans l’encyclopédie médico-chirurgicale ou dans le traité de Techniques
d’Orthopédie-Traumatologie de l’Efort.
Cette technique nous a permis depuis 26 ans, de faire face à toutes les situations
rencontrées sur plus de 2000 cas à Cochin et personnellement sur à peu près 700.
En voici quelques exemples :
1/ Dans ce cas, avec une perte de substance majeure du toit et une solution de
continuité trans-cotyloïdienne, la réparation osseuse a été effectuée par un
volumineux greffon unique.
2/ Ici, une volumineuse protrusion acétabulaire, une prothèse de Beechtol et sa
réparation à 9 ans.
3/ Le même patient, du côté opposé, avec une prothèse identique, des dégâts
osseux importants et la réparation plus simple 8 ans après.
4/ Troisième échec consécutif, avec des dégâts osseux relativement importants. La
radiographie 3 ans après la reconstruction cotyloïdienne.
5/ Ici un descellement d’une prothèse cotyloïdienne sans ciment, en situation très
haute, reconstruction osseuse en deux étages d’un volumineux défect supérieur et
implantation du cotyle en situation anatomique.
6/ Volumineuse perte de substance avec destruction complète du toit, de la paroi
interne et de la marge inférieure du cotyle. Reconstruction interne par une épaisse et
large tranche de tête fémorale. Le résultat à 1 an.
La consolidation des greffons à l’os adjacent et entre-eux se fait habituellement en
moins d’un an, comme en témoigne la disparition du liseré entre le greffon et l’os
adjacent en 6 mois sur cette radio.
Dans cet autre cas la reconstruction a nécessité plusieurs fragments, la
consolidation est évidente à 1 an et parfaite à 4 ans.
Ici, la reconstruction supérieure est réalisée par deux volumineux fragments
superposés, le résultat à 18 mois et 3 ans.
Le remodelage des greffes qui commence vers la deuxième année se poursuit
pendant 5 à 6 ans, aussi bien en zone d’appui comme le montrent ces radiographies
4 et 7 ans après la reconstruction, qu’au niveau de la paroi interne le remodelage
à 2 ans est déjà très avancé.
Ces images radiologiques suggèrent fortement l’incorporation biologique et
mécanique des greffes.
A long terme, il n’y a eu, jusqu’à présent, que très peu de problèmes. Ici un cas à 8
ans avec un très beau remodelage osseux. Un autre avec une reconstruction étagée
dont on voit les étapes du remodelage osseux à 6 ans et à 10 ans.
Une pseudarthrose trans-cotyloïdienne et son résultat à 19 ans.
Une autre et son résultat à 20 ans.
Sur cette hanche gauche, remodelage progressif d’un greffon supérieur avec ses
radiographies à 1 mois, à 10 ans et 18 ans.
Hanche droite et même patient, importante protrusion acétabulaire, résorption
partielle d’un greffon interne trop volumineux et remodelage à 10 ans et 18 ans.
Les résultats à long terme de cette technique ont été étudiés, il y a 3 ans, par
Moussa HAMADOUCHE et publiés dans le Clinical Orthopaedics.
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La série compte 53 ans patients d’un âge moyen de 58 ans, opérés entre 1976 et
1986. Ils représentent une série continue de 60 reconstructions acétabulaires. Il
s’agissait la plupart du temps d’arthroplastie totale, plus souvent métal-plastique que
métal-métal et chez presque la moitié d’entre eux d’un échec récidivé.
La destruction cotyloïdienne, classée suivant les critères de la SOFCOT et de
l’AAOS, était de type III pour 48 d’entre eux et de type IV pour 12. Suivant la
classification de PAPROSKY, tous étaient de type III, A pour 23 d’entre eux et B pour
37.
La surveillance post-opératoire a été régulièrement effectuée à 6 semaines, 3 mois, 6
mois, 1 an puis tous les 2 ou 3 ans.
Le recul moyen de la série est de 10 ans et 4 mois.
8 patients sont décédés en moyenne 5 ans après l’intervention, aucun n’a été perdu
de vue.
Les complications ont été dans l’ensemble peu nombreuses : une pseudarthrose du
trochanter, une thrombose veineuse profonde, un volumineux hématome qui a
être évacué, enfin une paralysie transitoire du sciatique poplité externe. Il n’y a pas
d’infection, ni de luxation dans cette série.
Les résultats cliniques, appréciés suivant la cotation de Merle d’Aubigné, sont
excellents ou bons pour 53 sur 60, c’est-à-dire 88 %, la fonction globale moyenne
passant de 11,7 avant l’intervention à 17,7 après.
Radiologiquement, 57 peuvent êtres considérés comme des succès en raison de
l’absence de résorption des greffes et de descellement cotyloïdien. Trois sont des
échecs (5 %) en raison de la résorption des greffes. Survenant tôt, avant 3 ans, il
s’agit presque toujours d’un problème immunologique chez un sujet ayant développé
des anticorps anti-tissulaires ; survenant tard, vers 10 ans, d’une ostéolyse
réactionnelle aux débris d’usure du polyéthylène. Cette résorption conduit à la
rupture de l’armature ou de ses vis de fixation et au descellement cotyloïdien. 2 ont
été réopérés avec succès par la même technique, le troisième, en raison d’un état
cardio-vasculaire très précaire, n’a pu être réopéré. Voici l’un d’entre eux : le premier
signe anormal apparaît à 3 ans, c’est une rupture de l’armature à sa partie
supérieure ; 5 ans plus tard, sans gêne fonctionnelle importante, la résorption
osseuse est complète, l’armature fracturée en deux endroits et le cotyle descellé. Il
sera réopéré en 93 par la même technique dont on voit le résultat à 1 an et à 7 ans.
Avec une survie de la fixation du cotyle de 92 % à 16 ans et malgré ces quelques
échecs, je pense que cette technique peut être considérée comme tout à fait fiable,
même à long terme.
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