Cours : Littérature française, complément de texte sur le Siècle des Lumières
Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif, 1764, article Guerre (extrait)
Des peuples assez éloignés entendent dire qu'on va se battre, et qu'il y a cinq à six sous par
jour à gagner pour eux s'ils veulent être de la partie: ils se divisent aussitôt en deux bandes
comme des moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer.
Ces multitudes s'acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avoir aucun intérêt
au procès, mais sans savoir même de quoi il s'agit.
Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux
contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres,
s'unissant et s'attaquant tour à tour ; toutes d'accord en un seul point, celui de faire tout le mal
possible.
Le merveilleux de cette entreprise infernale, c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses
drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain.
Denis Diderot, Extraits de l’Encyclopédie, 1751.
Préambule
Le but d'une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la
terre; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre
aux hommes qui viendront après nous; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été
inutiles pour les siècles qui succèderont; que nos neveux devenant plus instruits, deviennent
en même temps plus vertueux et plus heureux; et que nous ne mourions pas sans avoir bien
mérité du genre humain.
Article Chine
CHINE, (la) Géog. grand empire d’Asie, borné au nord par la Tartarie, dont elle est séparée
par une muraille de quatre cents lieues ; à l’orient par la mer ; à l’occident par des hautes
montagnes & des deserts ; & au midi par l’Océan, les royaumes de Tunquin, de Lao, & de la
Cochinchine.
La Chine a environ sept cents cinquante lieues de long, sur cinq cents de large. C’est le pays
le plus peuplé & le mieux cultivé qu’il y ait au monde ; il est arrosé de plusieurs grandes
rivieres, & coupé d’une infinité de canaux que l’on y fait pour faciliter le commerce. Le plus
remarquable est celui que l’on nomme le canal royal, qui traverse toute la Chine. Les Chinois
sont fort industrieux ; ils aiment les Arts, les Sciences & le Commerce : l’usage du papier, de
l’Imprimerie, de la poudre à canon, y étoit connu long-tems avant qu’on y pensât en Europe.
Ce pays est gouverné par un empereur, qui est en même tems le chef de la religion, & qui a
sous ses ordres des mandarins qui sont ies grands seigneurs du pays : ils ont la liberté de lui
faire connoître ses défauts. Le gouvernement est fort doux. Les peuples de ce pays sont
idolatres : ils prennent autant de femmes qu’ils veulent. Voyez leur philosophie à l’article de
Philosophie des Chinois.(1) Le commerce de la Chine consiste en ris, en soie, étoffes de
toutes sortes d’especes, &c.