Conférence de presse du 25 juin 2012 Salaires des managers : dix ans de données statistiques Pour la huitième fois, Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante de 170’000 travailleuses et travailleurs, a analysé, dans le cadre de son enquête sur les salaires des managers, les écarts salariaux de 27 entreprises suisses. Aujourd’hui encore, l’information laisse à désirer : l’indication de la rémunération de chaque membre de la direction du groupe n’est pas obligatoire, l’évaluation des actions recèle divers enjeux et le salaire le plus faible est le plus souvent divulgué sur demande seulement, pour autant qu’il le soit. Stéphanie Bäumler, collaboratrice de projet, Travail.Suisse Depuis 2005, Travail.Suisse observe l’évolution des conditions de rémunération et des salaires des managers. Grâce à sa base de données qui remonte jusqu’à 2002, Travail.Suisse peut documenter l’évolution des dernières années et par conséquent livrer une contribution importante au débat actuel. 27 entreprises de diverses branches Travail.Suisse analyse les rapports de gestion de 27 entreprises suisses actives dans diverses branches1. Ainsi, l’observation porte sur six firmes de l’industrie des machines et quatre de la chimie et de la pharma, dont Novartis et Roche. Quatre assurances et les deux grandes banques, Credit Suisse et UBS, font partie du sondage, tout comme trois anciennes entreprises publiques, trois groupes du commerce de détail, deux groupes de l’industrie alimentaire ainsi qu’un groupe du secteur de la construction, de la branche du voyage et de l’industrie horlogère. Des 27 groupes analysés, 23 sont cotés en bourse, deux sont organisés en coopérative, une entreprise est en possession de la Confédération et la Poste est un établissement de droit public indépendant. 1 Les entreprises analysées sont ABB, Ascom, Bâloise, Bobst, Clariant, Coop, Credit Suisse, Georg Fischer, Helvetia, Implenia, Kuoni, Lindt & Sprüngli, Lonza, Migros, Nestlé, Novartis, Oerlikon, La Poste, Roche, RUAG, Schindler, Swatch, Swiss Life, Swisscom, UBS, Valora und Zurich. Ecart salarial et cartel des salaires L’analyse porte sur la politique de rémunération des entreprises. L’accent est mis sur le calcul de l’écart salarial, qui représente un indicateur du rapport entre le salaire le plus élevé et le plus bas dans l’entreprise. L’écart salarial recèle une force d’expression considérable sur le plan social et sociétal car il permet de jauger son évolution avec les années précédentes et la comparaison avec les autres entreprises. A chaque fois, trois écarts salariaux sont calculés : 1. Le rapport entre la rémunération moyenne d’un membre de la direction du groupe et le salaire le plus bas dans l’entreprise 2. Le rapport entre la rémunération globale la plus élevée et le salaire le plus bas dans l’entreprise. 3. Le rapport entre la rémunération moyenne d’un membre du conseil d’administration et le salaire le plus bas dans l’entreprise. En outre, Travail.Suisse publie chaque année l’affiche « Le cartel des salaires », sur laquelle sont représentés les managers qui gagnent au moins cent fois plus qu’une collaboratrice ou un collaborateur le plus faiblement payé·e. Dans les annexes, outre les documents susmentionnés, on trouve un tableau du chiffre d’affaires et des résultats annuels des entreprises analysées. D’où viennent les données ? Les chiffres émanent en première ligne des rapports de gestion. Lorsque les données nécessaires n’y figurent pas, les entreprises sont directement interpellées. Les salaires minimaux, notamment, procèdent de ces démarches. Dans le petit nombre de cas où les firmes interrogées ne donnent aucun renseignement (cette année il s’agissait de Bobst, Nestlé, Oerlikon et Lonza), les données de l’année précédente ou celles provenant de l’enquête suisse sur la structure des salaires 2008 de l’Office fédéral de la statistique sont utilisées comme base. Les chiffres de l’année 2011 ont été adaptés à l’aide des résultats des négociations salariales par branche. Rapports de gestion et évaluation des actions L’analyse fait apparaître diverses difficultés. Un des défis réside dans l’évaluation des actions. Leur valeur est certes indiquée conformément aux prescriptions du droit des obligations mais le plus souvent à leur valeur fiscale, beaucoup plus basse que leur valeur marchande. Afin de favoriser la comparaison entre les entreprises, Travail.Suisse a calculé la valeur marchande des actions et des obligations lorsqu’il y avait des lacunes. Les rapports doivent être dépouillés avec soin pour trouver les indications nécessaires, qui sont généralement cachées dans les notes de bas de page ou dans les annexes. Il faut relever quelques améliorations sur le plan de la transparence. Ainsi, le salaire du CEO est indiqué séparément, contrairement à ce qu’on constatait il y a une dizaine d’années. De plus, certaines entreprises livrent des informations qui vont au-delà des prescriptions légales. Par exemple, Novartis commence à communiquer la valeur marchande des actions en sus de leur valeur fiscale. Mais les standards de transparence varient beaucoup d’une entreprise à l’autre. Clariant, notamment, se signale comme un contre-exemple flagrant en matière d’évaluation des papiers-valeurs. Il est absolument impossible de tirer quoi que ce soit des indications de cette entreprise pharmaceutique. La conversion des monnaies utilisées recèle d’autres problèmes, avant tout lorsque, comme la Zurich, certaines valeurs sont indiquées en dollar US et les autres en francs suisses sans indication du taux de change. Dans ce tels cas, les données ont été calculées par le biais du taux de change moyen annuel de la Banque nationale suisse. La transparence : un voeu pieux La réglementation actuelle n’oblige à dévoiler que la rémunération la plus haute d’un membre de la direction du groupe. Pour toutes les autres, il suffit de déclarer la rémunération moyenne, ce qui est tout à fait insatisfaisant puisque les salaires peuvent être très différents au sein de la direction d’un groupe. Mais ABB, Bâloise, Novartis et Roche prouvent qu’on peut faire autrement : ces quatre entreprises publient spontanément la rémunération de chaque membre. Les règles de transparence devraient être adaptées afin que la publication individuelle du salaire de chaque membre de la direction du groupe soit obligatoire.