Pour l'Allemagne, c'est une grande première ; pour la France, presque une habitude. Les deux principales
puissances de la zone euro devaient être invitées par la Commission européenne, mercredi 13 novembre,
à mettre un peu d'ordre dans leurs économies.
José Manuel Barroso, le président de la Commission, et son équipe devaient ouvrir une enquête
approfondie sur les excédents des comptes courants engrangés par l'Allemagne. Une perspective
longtemps rejetée bec et ongles par la chancelière Angela Merkel. Quant à la France de François
Hollande, elle doit, d'après Bruxelles, accélérer encore ses efforts de réforme pour redresser la
compétitivité de son économie.
" Si la France et l'Allemagne mettaient réellement en application les recommandations du Conseil
européen, elles rendraient un grand service à la zone euro ", a prévenu ces derniers jours Olli Rehn, le
commissaire chargé des affaires économiques et monétaires.
Ce double avertissement est sans précédent depuis la mise en place, voici deux ans, du " mécanisme
d'alerte " destiné à prévenir l'émergence de déséquilibres macroéconomiques au sein de l'Union
européenne et de la zone euro. A ce titre, la Commission surveille déjà les faiblesses de l'économie
française, mais elle a longtemps hésité avant de pointer du doigt les excédents allemands.
Au grand dam de la France, de l'Espagne ou de l'Italie, la prudence de Bruxelles à l'égard de Berlin
tranchait jusqu'ici avec les positions prises par les Etats-Unis, et le Fonds monétaire international (FMI),
qui réclament de longue date à l'Allemagne de rééquilibrer son économie pour la rendre moins
dépendante des exportations, et stimuler sa demande intérieure.
" Personne ne veut critiquer les succès des entreprises allemandes dans la concurrence mondiale. Il
s'agit plutôt de maîtriser les évolutions qui pourraient mettre en danger sur la durée la poursuite de cette
réussite ", a justifié M. Rehn pour préparer les esprits outre-Rhin. Pour le commissaire, il est temps de
réagir dans la mesure où les excédents allemands vont se situer, cette année comme en 2012, à 7 % du
produit intérieur brut (PIB), c'est-à-dire au-dessus du seuil de 6 % identifié lors de la mise en place, en
2011, de cet instrument de surveillance macroéconomique. A l'époque, Berlin avait tout fait pour éviter
d'être mis en cause.
Cette fois, la Commission renvoie dos à dos Allemagne et France pour mieux défendre son approche
auprès des deux pays. Afin d'apaiser la première, M. Rehn rappelle que treize Etats ont fait l'objet, en
2012, d'enquêtes approfondies diligentées par Bruxelles, dont la France, le Royaume-Uni, l'Italie, les
Pays-Bas, la Suède ou l'Espagne, pour des raisons diverses.
" En Allemagne, il s'agit de réduire les goulets d'étranglement de la consommation intérieure : diminuer
les impôts des plus modestes, accroître les investissements publics et privés, améliorer la concurrence
dans les services ", plaide M. Rehn. Une façon, à ses yeux, d'encourager l'activité outre-Rhin, pour le plus
grand bénéfice de l'ensemble du continent.
A la France, le commissaire rappelle cependant que l'Allemagne n'est pas le seul pays à influer sur la
prospérité de la zone euro. Pour lui, l'Hexagone détient, lui aussi, " la clé d'un retour à la croissance et à
l'emploi ", à condition d'approfondir les réformes engagées par M. Hollande.
Le parallèle s'arrête là. L'Allemagne reste la référence au sein de l'union monétaire. L'enquête
approfondie annoncée mercredi doit être menée d'ici à mars 2014. Elle pourrait déboucher sur des
recommandations non contraignantes.
En revanche, la France est de plus en plus montrée du doigt. Vendredi 15 novembre, la Commission
devrait dire ce qu'elle pense du programme économique présenté début octobre par Paris, en échange du
délai de deux ans consenti pour ramener les déficits en deçà du seuil de 3 % du PIB, d'ici à 2015.
Sur le plan budgétaire, la Commission s'apprête à décerner un satisfecit au projet de loi de finances
français pour 2014 : il serait " globalement satisfaisant ", a jugé, mardi, M. Barroso. Bruxelles devrait
toutefois indiquer que les marges de manoeuvre du gouvernement français sont désormais quasiment
inexistantes, et qu'il ne faut pas relâcher l'effort. " La politique fiscale de la France a atteint les limites de