Les petites économies - Caribbean Trade Reference Centre

ORGANISATION MONDIALE
DU COMMERCE
WT/COMTD/SE/W/4
23 juillet 2002
(02-4066)
Comité du commerce et du développement
Session spécifique
LES PETITES ECONOMIES: LITTERATURE SUR LE SUJET
Note du Secrétariat
Le paragraphe 35 de la Déclaration ministérielle de Doha dispose ce qui suit:
"Nous convenons d'un programme de travail, sous les auspices du Conseil général,
pour examiner les questions relatives au commerce des petites économies. Ces
travaux ont pour objectif de définir des réponses aux questions liées au commerce
identifiées pour intégrer davantage les petites économies vulnérables dans le système
commercial multilatéral, et pas de créer une sous-catégorie de Membres de l'OMC.
Le Conseil général réexaminera le programme de travail et fera des recommandations
en vue d'une action à la cinquième session de la Conférence ministérielle."
À sa réunion du 1er mars 2002, le Conseil général a chargé le CCD d'établir un programme de
travail sur les petites économies, à mener dans le cadre de sessions spécifiques.
1
Le Conseil général a
également donné pour instruction au Secrétariat de l'OMC de fournir les informations et les analyses
factuelles pertinentes, entre autres choses, sur les contraintes auxquelles les petites économies doivent
faire face ainsi que les insuffisances de leurs capacités institutionnelles et administratives, y compris
dans le domaine des ressources humaines, et sur les effets de la libéralisation du commerce sur les
petites économies. La présente note, établie par le Secrétariat, sous sa propre responsabilité et sans
préjudice des positions des Membres de l'OMC ni de leurs droits et obligations dans le cadre de
l'OMC, vise à répondre à certains aspects de ces demandes et à donner un aperçu général de la façon
dont la question de la petite taille a été traitée dans les études économiques publiées en la matière.
_______________
1
Document WT/L/447.
WT/COMTD/SE/W/4
Page 2
LES PETITES ECONOMIES: LITTERATURE SUR LE SUJET
I. INTRODUCTION
1. Il y a plus de 40 ans à présent que les questions relatives aux petits pays sont étudiées (les
travaux de de Vries, 1973, Kuznets, 1960 et Scitovsky, 1960 figurent parmi les premiers sur ce sujet),
mais il n'existe pas encore de consensus sur ce que signifie le terme "petit". On a proposé plusieurs
façons de définir la taille et les seuils. Une définition appropriée pourrait prendre en compte un
certain nombre de facteurs, en particulier la population, le revenu par habitant et la ventilation des
revenus (Srinivasan, 1986). Bien sûr, un pays très pauvre peut avoir une population importante tout
en ayant un marché limité, en raison d'une demande potentielle réduite.
2. Cependant, c'est la population à laquelle on a eu le plus couramment recours dans la
littérature pour déterminer la taille d'un pays. Certains ont proposé un seuil de 1,5 million d'habitants
(Groupe de travail commun Secrétariat du Commonwealth-Banque mondiale, 2000), d'autres un seuil
de 5 millions ou même davantage (Streeten, 1993, Collier et Dollar, 1999, Brautigam et Woolcock,
2001), et d'autres encore ont fait une proposition intermédiaire (Armstrong et al., 1998).
3. Sur les 207 pays figurant en 2002 sur les World Development Indicators de la Banque
mondiale, 63 ont une population inférieure à 1,5 million et 97 une population inférieure ou égale à
5 millions, dont 36 États insulaires et neuf pays enclavés. Le tableau A1 de l'Appendice dresse la liste
des pays dont la population est inférieure à 5 millions. Parmi les 49 pays que les Nations Unies
classent en 2001 comme étant les moins avancés (PMA), 13 ont une population inférieure à
1,5 million d'habitants, 19 en ont moins de 5 millions et onze sont des États enclavés ou insulaires
(petits ou très petits). Toutefois, les petits pays ne sont pas nécessairement pauvres. Si nous prenons
la liste des petits pays que le Groupe de travail commun Secrétariat du Commonwealth-Banque
mondiale propose en avril 2000
2
, sur 45 il n'y en a que sept ayant un PNB par habitant inférieur à
760 dollars EU (le seuil pour qu'un pays soit considéré comme ayant un faible revenu, selon la
méthode de l'Atlas de la Banque mondiale) et seulement 14 sont également classés dans les PMA
(tableau A2).
4. Davenport (2001) propose une autre définition des petites économies, liée aux échanges
commerciaux. Les petits États, bien qu'ils soient très ouverts aux échanges, ne représentent qu'une
très faible part du commerce mondial. Pour cet auteur, au lieu de prendre en compte des critères
purement démographiques ou d'élaborer des indices de vulnérabilité pour identifier les petits États, on
pourrait simplement fixer comme seuil une part du commerce mondial et considérer comme étant une
petite économie tout pays dont la part d'exportation est inférieure à ce seuil.
3
On peut appliquer le
principe de minimis soit à l'ensemble des flux commerciaux soit à un secteur donné pour tenir compte
2
Le rapport du Groupe de travail commun Secrétariat du Commonwealth-Banque mondiale examine
les pays pouvant bénéficier d'une aide publique, dont un pays en transition (l'Estonie) et des pays en
développement, figurant sur la Liste des bénéficiaires d'une aide utilisée pour les flux 1997 et 1998, établie par
le Comité d'aide au développement de l'OCDE, dont la population est inférieure à 1,5 million. Des États un peu
plus importants (la Jamaïque, le Lesotho, la Namibie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée) sont également retenus
car ils partagent de nombreuses caractéristiques avec les petits États.
3
Davenport envisage la possibilité de fixer la part minimum du commerce mondial à 0,03 pour cent,
qui était le seuil auquel l'OMC avait recours auparavant comme niveau minimum pour qu'il lui soit versé des
contributions budgétaires. Selon l'auteur, la sélection des pays selon ce critère impliquerait également l'octroi
d'un traitement spécial et différencié qui aurait des effets de réorientation des échanges et de création d'échanges
négligeables. On a demandé à un tiers des 59 pays Membres de l'OMC dont la population est inférieure à
5 millions d'habitants de verser, au titre de la contribution au budget 2002 de l'OMC, le taux minimum de
0,015 pour cent.
WT/COMTD/SE/W/4
Page 3
des pays qui ont un ensemble de flux commerciaux modeste mais dont la production est très
significative dans un domaine spécifique. D'autres auteurs (Encontre, 1999) ont proposé de se
focaliser sur les petits États insulaires. On retrouve dans ces pays, petits et éloignés, des
caractéristiques et des besoins similaires.
5. Quels que soient les critères retenus pour définir les petites économies, toute liste va
comprendre des pays qui se distinguent des autres par certains aspects et pourra être facilement
critiquée dans la mesure l'analyse des caractéristiques communes se révèle difficile. En raison de
la grande diversité qui existe entre les petits États, il est difficile de distinguer dans la petite taille "un"
élément caractéristique qui soit essentiel et permette de les distinguer des pays de taille importante.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant qu'un consensus ne se soit pas dégagé à ce sujet.
6. En 1998, un Groupe de travail commun Secrétariat du Commonwealth-Banque mondiale (le
Groupe de travail commun) a été créé pour les petits pays, dans le but de répondre à la demande d'un
traitement spécial formulée par des petits pays du Commonwealth. Le Groupe de travail commun
avait aussi pour objet de traiter des questions de transition entraînées par les changements intervenus
dans le système commercial international, avec la mise en œuvre des Accords du Cycle d'Uruguay et
la venue à expiration de la Convention de Lomé IV de l'Union européenne. En avril 2000, le Groupe
de travail commun a diffusé un rapport qui offre "un cadre unique et un programme permanent
d'action et d'analyse à réaliser par les États eux-mêmes et par les organisations internationales et
autres entités qui apportent une aide extérieure et favorisent le développement de ces États".
7. Cet intérêt particulier porté aux petits États provient de la croyance très répandue que
certaines caractéristiques de ces États les rendent particulièrement vulnérables et que cette faiblesse
inhérente risque de leur être fatale dans le cadre du processus de mondialisation. Pourtant, tous les
spécialistes ne sont pas d'accord sur ce point. Certains estiment que le fait d'être petit dans un monde
de grandes dimensions constitue un handicap. Les petits États ne peuvent bénéficier des économies
d'échelle tant au niveau de la production qu'à celui de l'administration. Ils ne sont pas
internationalement compétitifs et, dans la plupart des cas, ils ne peuvent pas mener de politique de
substitution aux importations. Ils sont particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles et aux
chocs économiques. Selon d'autres études, la petite taille est un atout dans un monde dynamique et en
changement. Les petits États peuvent procéder rapidement et facilement aux ajustements qu'impose
une économie internationale qui se transforme. Le processus de décision peut être plus rapide et plus
souple lorsque la population gagne en homogénéité. De nombreux petits États ont de bons indicateurs
sociaux et en matière d'éducation, et la croissance de leur PIB dépasse celle d'États aux dimensions
importantes.
8. Les sections suivantes résument la façon dont la littérature a analysé les questions qui se
posent à propos des petits États. La section 2 examine l'importance des économies d'échelle dans le
secteur public et dans le secteur privé. L'incidence sur les petites économies des secousses d'origine
externe, économiques et naturelles, fait l'objet de la section 3. Les conséquences de l'éloignement et
de l'isolement sont examinées dans la section 4. La section 5 est consacrée à un débat sur les indices
utilisés pour mesurer la vulnérabilité. La section 6 traite de la question des petits États dans le
contexte international et la section 7 traite d'un certain nombre d'études empiriques.
II. PETITE TAILLE ET ECONOMIES D'ECHELLE
9. Avec les économies d'échelle, le coût de production, dans le secteur privé comme dans le
secteur public, peut être réduit, à la condition que la production soit suffisamment importante. Les
petits pays ont peu de chances de réaliser des économies d'échelle.
WT/COMTD/SE/W/4
Page 4
1. Le secteur public
10. La taille d'un pays se caractérise par un compromis évident entre les économies d'échelle que
permettent les grandes organisations et le coût généré par l'hétérogénéiinhérente aux populations
importantes. Un bon nombre de services publics et de fonctions gouvernementales sont indivisibles
(les fonctions gouvernementales, le système judiciaire, les services sanitaires, éducatifs, sociaux,
fiscaux et la sécurité, etc.) et en conséquence leur coût par habitant est moindre s'il est possible de le
répartir entre de nombreux contribuables. Mais une population importante implique l'encombrement
des services et une plus grande diversité que les pouvoirs publics doivent gérer.
11. En utilisant un modèle reliant les préférences individuelles et la localisation géographique et
les habitants ne peuvent pas aller à l'étranger, Alesina et Spolaore (1997) trouvent que, lorsque ce
compromis est explicitement pris en compte, un processus de démocratisation conduit à un grand
nombre de pays, qui n'est pas le nombre optimal. Dans beaucoup de pays insulaires en particulier, la
forte dispersion des territoires va nuire à la qualité des services publics et la fourniture de services
sanitaires, éducatifs et sociaux peut devenir très onéreuse. En raison de ressources insuffisantes, les
petits États doivent recourir à l'enseignement à l'étranger pour une formation plus poussée ou
spécialisée, courant de ce fait le risque que le personnel ainsi formé décide de rester à l'étranger.
Toujours en raison de la faiblesse des ressources, les fonctionnaires doivent souvent traiter tout un
éventail de questions, alors que les ministres et les hauts fonctionnaires ont généralement en charge
des tâches plus larges et plus complexes que dans des États d'une taille plus importante, dont les
ressources financières et en personnel permettent des fonctions administratives et professionnelles
mieux séparées (Farrugia, 1993). Mais le fait que les fonctionnaires agissent en ayant une vision plus
large du système constitue un avantage manifeste. Comme les fonctionnaires des petits États ont des
fonctions plus diverses, les rémunérations du secteur public, par rapport au PIB, sont généralement
supérieures à celles de pays en développement de taille plus importante (31 pour cent au lieu de
21 pour cent; rapport du Groupe de travail commun, 2000).
2. Le secteur privé
12. Dans les petites économies, c'est presque par définition qu'il sera difficile de réaliser des
économies d'échelle au niveau de la production et de la distribution (Armstrong et al., 1993). Cela
entraîne des coûts unitaires élevés et éventuellement peu de concurrence, dans la mesure où le marché
domestique, vu sa taille limitée, ne permet pas qu'il y ait beaucoup de producteurs dans le même
secteur. Aussi peut-on s'attendre à ce que les petites économies aient des prix élevés pour les produits
intermédiaires comme pour les produits finals. Cependant, ainsi que le note Srinivasan (1986), la
population n'est pas nécessairement un bon indicateur de la taille du marché et même des pays de
grandes dimensions peuvent avoir un marché domestique limité et souffrir de l'impossibilité d'obtenir
des économies d'échelle.
13. D'ailleurs, la taille optimale d'un pays ne dépend pas seulement de l'existence d'économies
d'échelle, mais aussi du degd'intégration économique. Supposons qu'un pays soit complètement
fermé au commerce international. Les économies d'échelle auront une grande importance car le
niveau de productivité de l'économie dépendra de la taille du marché. Au contraire, si le pays est
totalement ouvert, sa taille cesse d'être importante car la taille du marché dépend aussi des partenaires
étrangers. Il n'est plus déterminant, dans ces conditions, d'être un pays de grande taille (Alesina et
Spolaore, 1997). Il est évident que les biens et services ne faisant pas l'objet d'échanges
commerciaux, en particulier les infrastructures, ne sont pas concernés par cette règle et s'ils
représentent une part importante des intrants dans la production des biens faisant l'objet d'échanges
commerciaux, la compétitivité des petits États sur les marchés internationaux pourrait s'en trouver
affectée (Srinivasan, 1986). Les économies d'échelle importantes constituent aussi une caractéristique
de la recherche-développement et la petite taille a donc des conséquences sur le développement d'une
technologie nationale. Aussi les petits États doivent-ils s'en remettre à des technologies développées à
WT/COMTD/SE/W/4
Page 5
l'étranger. La taille d'un pays et son éloignement géographique peuvent donc avoir une incidence sur
sa capacité effective d'importer des améliorations technologiques (Milner et Westaway, 1993).
14. Les différences de structures économiques entre les États de petite et de grande taille ont des
implications au niveau du système fiscal. Codrington (1989) a sélectionné 12 petits États en fonction
de trois critères (une population inférieure à 1,5 million, une superficie n'atteignant pas 31 000 km2 et
un PIB de moins de 1,5 milliard de dollars EU) et onze grands États (une population supérieure à
25 millions, une superficie dépassant 700 000 km2 et un PIB d'au moins 30 milliards de dollars EU).
Il s'est aperçu que les États de grande taille imposaient en moyenne davantage le revenu, l'emploi et la
propriété foncière, alors que les petits États imposaient plutôt le commerce extérieur et les divers. En
effet, au moment de l'enquête, quelques petits États ne disposaient même pas d'une imposition sur le
revenu des personnes physiques et des sociétés, ce qui était également vrai pour l'imposition sur la
fortune. Alors que dans les pays de grande taille un impôt sur le revenu était perçu pour toute une
série d'activités, dans les petits États, 84 pour cent des rentrées fiscales provenaient du commerce
extérieur et des revenus liés au commerce extérieur. L'auteur en arrive ainsi à la conclusion que la
taille entraîne des différences de structure économique et d'organisation sociale et administrative, et
que ces différences ont elles-mêmes des implications au niveau des régimes fiscaux. À cet égard, les
petits États sont, pour plusieurs raisons, plus ouverts que ceux de grande taille. Il leur est donc plus
aisé que dans les États de grande taille d'imposer les exportations et les importations, qui sont par
ailleurs plus faciles à taxer que le revenu.
III. LA VULNÉRABILITE
15. Dans son rapport (2000), le Groupe de travail commun indique que l'écart type de croissance
réelle annuelle par habitant est supérieur d'environ 25 pour cent dans les petits États à ce qu'il est dans
les pays de grande taille. On peut attribuer cette plus grande volatilité des petits États à différents
facteurs, certains liés à des spécificités naturelles, d'autres correspondant à des caractéristiques
économiques.
1. Les catastrophes naturelles
16. Les catastrophes naturelles touchent les petits comme les grands pays, en particulier ceux qui
sont situés dans des zones géographiques particulièrement exposées. Toutefois, l'incidence des grands
ouragans et des tremblements de terre dévastateurs, au niveau des dégâts rapportés au nombre
d'habitants et à la superficie, est bien plus forte dans les petits pays.
17. La Banque mondiale soutient un programme de gestion des catastrophes naturelles aux
Caraïbes. Le but de ce programme est d'améliorer le cadre réglementaire afin de réduire l'impact des
catastrophes, de favoriser l'implication de l'assurance privée dans le partage des risques, d'aider à
l'amélioration des techniques de construction et à la planification de l'utilisation des sols, de renforcer
les performances des agences nationales de gestion des secours, de favoriser la formation des
communautés locales et l'investissement dans la protection des infrastructures et des installations. Au
début de l'année 2000, plusieurs agences intervenant dans la gestion des catastrophes naturelles et
dans la réduction de leur impact, dont la Banque mondiale elle-même, se sont réunies pour créer
ProVention Consortium dont l'objectif est d'aider les pouvoirs publics nationaux à réduire les risques
liés aux catastrophes naturelles et d'améliorer leurs moyens d'anticiper et de réagir devant ces
catastrophes lorsqu'elles se produisent.
18. Les États peuvent se protéger eux-mêmes contre les catastrophes naturelles, par exemple en
détenant un montant approprié de réserves en devises, susceptibles d'être utilisées pour des
importations durant les périodes difficiles. Il est clair que toute forme d'assurance a un coût qui est
supporté par l'économie. D'autres formes d'assurance peuvent se révéler particulièrement onéreuses
1 / 28 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!