fermes, où les seules activités autorisées seraient désormais l'agriculture, la forêt et… la
friche.
Un article de la Loi permet à la Commission de protection du territoire agricole de prendre
en compte l'état de l'agriculture et les conditions de développement économique et social
d'une communauté, dans les prises de décisions relatives à des demandes d'autorisation
d'usages autres qu'agricoles. Toutefois, fortement centralisée à Québec et d'abord et
avant tout dédiée à la protection de la zone agricole permanente, la LPTAAA n'a pas su
faire preuve de la souplesse que l'évolution des situations requérait depuis 1978 et des
besoins des communautés rurales en difficulté.
Lent étranglement
Enferré dans des conceptions et des institutions qui ne correspondent plus aux réalités et
aux problématiques actuelles de l'agriculture et de la ruralité, l'UPA est la cause de
l'effondrement, de l'étranglement lent de ce secteur pourtant névralgique de notre
économie. Elle fait aussi obstacle à la redynamisation des campagnes par sa résistance,
son opposition, à la définition d'amendements à la LPTAAA en vue d'un assouplissement
des contraintes à des usages autres qu'agricoles et à une procédure décisionnelle ouvrant
la porte à une certaine décentralisation sur les demandes d'autorisation d'usages non
agricoles, au profit des MRC
Au cours de mes années universitaires, le «zonage agricole» a été un de mes thèmes de
recherche et de publication. Dans un article publié dans Le Soleil du 21 septembre 1981,
j'écrivais: «La Loi 90 (protection du territoire agricole) qui confère une vocation agricole
exclusive à plus de 80% du Québec habitable, constitue une pièce législative foncière
particulièrement efficace dans la lutte à l'étalement anarchique des villes, mais apparaît
un outil fort mal adapté pour les territoires ruraux en difficulté. Zoner ces territoires où
l'agriculture a démontré au cours des 30 dernières années son incapacité à retenir les
populations du fait principalement des sérieuses contraintes à s'adapter aux exigences de
l'agriculture d'entreprise, c'est contribuer à amplifier l'exode et la pauvreté, c'est zoner la
misère. Ces communautés rurales en difficulté ont besoin d'un développement polyvalent
(agriculture, forêt, PME, développement résidentiel et touristique, etc.). Et le défi de
l'aménagement est alors d'assurer une harmonie entre ces fonction dans le respect de la
spécificité rurale.
J'arrive d'un séjour en France où j'ai participé aux Troisièmes Rencontres européennes de
Développement rural. J'y étais invité comme expert en développement rural et
gouvernance locale hors Europe, pour apporter l'éclairage canadien et québécois sur des
problématiques et politiques de développement territorial discutées en forum.
Ouverture à la cohabitation
Un des thèmes traités portait précisément sur la diversification économique en milieu
rural et plus précisément sur le rôle de plus en plus significatif de «l'économie
résidentielle». L'approche qui prévaut dans plusieurs pays européens est l'ouverture à la
cohabitation des fonctions en milieu rural et à la multifonctionnalité sur les fermes
(nouvelles formes d'agriculture, transformation, artisanat, tourisme…). Le réflexe n'est
pas d'interdire, de bannir, mais d'encadrer et de réglementer afin que la cohabitation soit
harmonieuse tout en injectant un dynamisme économique et social nécessaire. Ainsi, un
bâtiment de ferme pourra être cédé à un artisan ébéniste et transformé en atelier;
quelques unités résidentielles pourront être construites sur un espace peu propice à
l'agriculture, soumises cependant à des prescriptions urbanistiques et architecturales qui
assurent l'harmonisation au patrimoine local et au paysage. Cette ouverture à la
polyvalence tient au constat que l'activité agricole ne peut plus assurer la viabilité et la
pérennité d'un nombre croissant de communautés rurales.