
A l’inverse, les défenseurs de la soutenabilité forte considèrent que le capital physique
et le capital naturel sont complémentaires, notamment en raison des phénomènes
d’irréversibilité qui caractérisent la nature (ressources épuisables, disparition d’espèces,
etc.). Il est donc nécessaire de préserver intégralement les ressources non renouvelables pour
assurer une réelle équité intergénérationnelle, c’est la « règle d’or verte » défendue par les
courants conservationnistes. Comme le progrès technique ne peut permettre que la production
d’un objet se fasse sans déperdition de matière et d’énergie selon les lois de la
thermodynamique, la croissance économique devient impossible à terme
.
D’autres approches permettent de dépasser cette opposition entre le diktat du présent
et le diktat du futur. Il peut s’agir par exemple de déterminer un critère de bien-être qui
permet de définir, par pondération, un arbitrage entre ces deux extrêmes, ou bien de
distinguer, au sein du capital naturel, ce qui relève du capital naturel critique, dont la
dégradation est a priori irréversible et qui doit être préservé, de ce qui peut être traité selon le
raisonnement économique utilitariste.
2 : Définir des indicateurs pertinents
L’émergence du concept de développement durable dans le champ démocratique, appelle
inéluctablement une réflexion sur les indicateurs qui guident les politiques publiques.
Bien qu’il continue à occuper une place centrale à ce niveau, l’indicateur utilisé pour
mesurer la croissance, le PIB s’avère particulièrement mal adapté à cette nouvelle
donne. Deux de ses défauts
apparaissent en effet rédhibitoires :
- Il ne permet pas d’assurer une juste comptabilité de la consommation du patrimoine
naturel. Les biens environnementaux ne font pas tous l’objet d’échanges monétaires et
le caractère non renouvelable de certains d’entre eux ne se reflète que très
imparfaitement dans leur valeur actuelle.
- Il enregistre toutes les dépenses de manière positive sans tenir compte des effets
externes négatifs de certaines activités en termes sociaux (insécurité, inégalités) ou
environnementaux (pollution). Pour une politique visant exclusivement la croissance
du PIB, la production d’un bien par un processus polluant l’environnement pourrait
ainsi être jugée préférable à un mode de production sans impact environnemental,
puisque le premier nécessiterait une production supplémentaire pour permettre la
restauration de l’environnement.
Bien évidemment, les décisions publiques tiennent compte d’autres indicateurs que le PIB et
différentes batteries d’indicateurs environnementaux et sociaux sont régulièrement examinées.
Pour autant, l’élaboration d’un indicateur synthétique, apte à simplifier la
compréhension de la situation et ainsi à éclairer le débat public, est apparue nécessaire.
Les propositions actuelles visent soit à rectifier le PIB, soit à proposer un indicateur alternatif.
Nicholas Georgescu-Roegen a eu le premier l’idée de marier l’économie et les sciences physiques en
introduisant notamment le concept d’entropie dans sa théorie. Son ouvrage The Entropy law and the Economic
Process (1971) est ainsi considéré comme fondateur par les partisans de la décroissance.
Voir la fiche n°1 « Les défis de la croissance » pour une présentation plus complète des limites du PIB comme
indicateur de croissance.