Théorie monétaire II – Chapitre 1 Partie 21 Il existe différents modèles utilisés par les économistes en théorie monétaire. L’existence de ces modèles s’explique en grande partie par le clivage keynésiens/classiques. Toutefois, un consensus existe sur le LT: il existe, à long terme, une corrélation forte entre monnaie et prix. Sur le court terme, par contre, les choses se compliquent. Ce qui nous amène à l’étude modèles différents, dont le modèle VAR et les modèles structurels. Les modèles VAR sont un outil très utilisé aujourd’hui en économie. Ils sont apparus à partir des années 1980, suite notamment à la critique de Lucas. Remarquons tout d’abord quatre problèmes posés par cette méthode: 1. Quelle forme faut-il utiliser pour la matrice de décomposition des résidus ? (ex : forme linéaire eYt + µeXt) 2. Ce modèle est une sorte de moyenne mobile, il est donc difficile de définir quand commence ou quand s’arrête le modèle. Pbl de la dynamique du modèle, i.e. du nombre de retard(s) à incorporer dans le modèle. 3. On a souvent utilisé la base monétaire M1 comme instrument de politique monétaire. Or, cela ne se vérifie pas empiriquement car M1 ne représente environ que 15% de l’activité économique et que M1 n'est pas le seul instrument de politique monétaire (taux d’intérêt, taux de change, etc…) On a donc un choix à la base qui n’est pas neutre. 4. Le modèle présenté est simplifié, c’est un modèle à 2 dimensions (l’output et la monnaie). On pourrait envisager de créer des VAR à 6, 7 ou plus de dimensions (X, M, ou à peu près tout agrégat monétaire présentant un intérêt quelconque). Dans un modèle simplifié, on doit changer de modèle selon l’agrégat auquel on s’intéresse. Voir ci-après pour plus de détails. 2.3.2 Résultats importants des VAR : 1. Si la politique monétaire porte sur le taux d’intérêt, alors une augmentation de i va de pair avec une baisse de Y (càd une baisse de l’activité). 2. Le premier résultat serait logique si on supposait que l’augmentation de i était la conséquence d’une baisse de M. Cependant, les VAR semblent montrer qu’une augmentation de M entraîne une augmentation de i, et ensuite une baisse de Y (CAR SI i monte => I baisse => Y baisse : mécanisme keynésien traditionnel). Cela permet plusieurs conclusions. On pourrait par exemple en déduire que le modèle VAR est incomplet (il manquerait des variables, un « chaînon manquant » qui permettrait d’expliquer ces variations contre-intuitives). 3. M => i => P (en même temps qu’une baisse de Y). Ce résultat est encore une fois surprenant. Il est en tout cas contre-intuitif, du point de vue du mode de pensée 1 Rappel : notes de cours d'étudiants relues par le chargé d'enseignement : Etienne Farvaque, Université de Lille 1, France. 1 Keynésien. Introduire une réflexion à partir d’un modèle d’offre pourrait déjà être une piste intéressante: si l’on considère les coûts de production, il n’est pas aberrant d’envisager qu’une hausse de i puisse entraîner une hausse de P (via des effets de type: hausse des coûts de production de la firme répercutés sur les prix à la vente). On pourrait aussi noter que ces modèles ne peuvent intégrer toute l’information détenue par la banque centrale, et qui lui permet d’anticiper autrement qu’en fonction des chiffres du passé. Le fait que les résultats 2 et 3 soient contre-intuitifs pourrait s’expliquer par l’aspect incomplet du modèle (toute l’information, et notamment toute l'information utilisée par la banque centrale lors de sa prise de décision monétaire, n’étant pas prise en compte). 2.3.3 Critiques de la méthodologie VAR : La première conclusion envisagée en 2.3.2 était que les modèles VAR étaient peut-être incomplets. On pourrait cependant envisager que, au contraire, ce soient les intuitions économiques de bases qui sont erronées. Où se trouve la vérité ? La représentation économique dans les modèles VAR n’est pas celle utilisée traditionnellement en économie. Dans les VAR, la politique économique est considérée comme un choc exogène. La méthodologie des VAR travaille sur le « non anticipé ». En réalité, il semblerait plutôt que la méthode VAR s’adapte mieux aux problèmes non anticipés (Dans les VAR, la politique économique est en quelque sorte considérée comme un choc exogène.) qu’aux situations « normales » où les marchés financiers essaient d’anticiper les actions de la banque centrale, supposant que celle-ci agit en suivant une "fonction de réaction" par rapport à certaines variables économiques (inflation, chômage, …). 2.4 Modèles structurels : Il s’agit à nouveau de se poser la question des possibilités qu’a une banque centrale d’agir sur l’économie. En supposant un modèle simple où : Yt = f ( Y(t-1) , u(t-1) , i(t-1) , … ) Ce modèle permet de supposer que, par exemple, une certaine augmentation de i permettra d’augmenter Y d’une valeur déterminée par le modèle (selon le coefficient qui se trouvera devant le i dans l’équation…). La banque centrale pourrait donc s’en servir pour faire de la politique monétaire (= fonction de réaction). Vient alors la critique désormais habituelle de Lucas :un tel modèle est impossible, puisque en vertu des anticipations rationnelles les coefficients ne peuvent être stables. Les néo-keynésiens répondront à cela en développant des modèles structurels à anticipations rationnelles (ce qui nécessite certains outils, voir chapitres suivants du cours) .Les modèles 2 structurels sont en quelque sorte une reprise des équations de St-Louis, ce qui a été fort critiqué par Lucas, car pour lui il est impossible d’avoir des paramètres constants en présence d’agents rationnels. C’est pour cela que la nouvelle macroéconomie keynésienne a développé des modèles structurels à anticipations rationnelles, qui sont utilisés de nos jours par l’INSEE (Institut national des statistique en France), l’OCDE, et l’UE. 2.5 Etudes de cas: des chercheurs ont envisagé des méthodes alternatives qui reposent sur l’étude de cas particuliers. 1. Etudes narratives Ceci se base principalement sur les études de Boschen & Mills (1995) et celles de Romer & Romer2 (1989).3 Leur idée est de faire des études de cas, de partir des faits et de mesurer l’impact de la politique monétaire. Pour ce faire, ils vont principalement analyser les « minutes »4 des réunion du Comité de Politique Monétaire (FOMC) de la Réserve Fédérale américaine. Ils vont les utiliser de façon systématique pour construire des indicateurs de politique monétaire, par exemple sous forme d’indice. Par exemple, ils vont regarder dans quelle mesure une augmentation ou une baisse du taux d’intérêt aura été le fruit d’une décision énergique, ou éminemment politique, ou s’il s’agit simplement de mouvements qui allaient de soi dans la conjoncture économique. Le contexte (expansion, récession, statu quo) joue donc un rôle extrêmement important5. 2.Etudes des hyperinflations et désinflations Thomas Sargent a étudié en 1986, 4 grandes phases de « désinflation » faisant suite à des hyperinflations historiques (dont l'Allemagne des années 1920). Il constate que, du moins dans ces cas extrêmes, des baisses radicales de l’inflation (en fin de période d’hyperinflation) sont loin d’entraîner une hausse du chômage de même ampleur (ce que prédit généralement la théorie économique). Ce comportement des agents (qui ont dû pour se faire anticiper d’euxmêmes une baisse drastique de l’inflation, notamment en ne réclamant pas des salaires plus élevés) reste assez mystérieux. En réalité, sur les cas étudiés, la tendance générale va à une hausse de l’emploi et à une hausse du revenu national. Dans des cas plus « communs », comme la baisse générale de l’inflation que les pays de l’OCDE ont connue dans les années 80 et 90, on constate cependant que la baisse de l’inflation entraîne une hausse (pas si importante) du chômage. Ce qui a permis de calculer un « sacrifice ratio » : 0,5 ≤ ∆Y / ∆∏ ≤ 0,8 Un des deux est la femme de l’autre, mais lequel ? R : Christina Romer bien entendu, puisqu’elle a pris le nom de son mari, David… 3 Voir par exemple, leur plus récent : Romer Ch. D., Romer D. H., 2003, "A new measure of monetary shocks : derivation and implications", Working Paper, University of California, Berkeley, June . 4 Les « compte-rendus » de réunions. 5 Enfin, un rôle important quoi . Le « extrêmement » c’était pour ajouter un côté dramatique à ma prose. 2 3 Ce qui peut se traduire en français comme suit: « une baisse de l’inflation entraîne une baisse de l’output moins que proportionnelle » Ebauche de conclusion sur les modèles VAR : Il existe un consensus sur les relations de long terme en politique économique (qui rejoint la théorie quantitative de la monnaie). Il existe par contre de réels désaccords sur les relations de court terme : désaccord sur les effets de la politique monétaire, sur la quantification de ces effets, … On passe des équations de Saint-Louis à une situation dans laquelle les banques centrales ne peuvent se contenter d’être des machines inspirées par les chiffres du passé. En tout cas, une seule chose est sûre sur notre belle planète : si la théorie monétaire n’a pas besoin du monde, en tout cas le monde a besoin de la théorie monétaire. Post-scriptum : Il est cité dans le plan une certaine « méta analyse », qui ne sera pas étudiée au cours6. Une des conclusions intéressantes présentée par cette méta-analyse est que la politique monétaire fonctionne de façon plus efficace en Europe qu’aux Etats-Unis… 6 De Grauwe P., Costa Storti C., 2004, "The effects of monetary policy : A meta-analysis", CESifo Working Paper, n° 1224, June 4