Un nouveau mécanisme “suppresseur de tumeur“ spécifique des épithéliums
polarisés identifié
L’Equipe dirigée par Alain Mauviel, Directeur de Recherche à l’Inserm
travaillant à l’Institut Curie (Equipe Labellisée Ligue Contre le Cancer),
s’intéresse depuis de nombreuses années à un facteur de croissance, le
Transforming Growth Factor-ß (TGF-ß), aux implications multiples dans le
cadre de la progression tumorale. Une nouvelle publication vient apporter un
éclairage sur ce phénomène, identifiant un nouveau mécanisme « suppresseur
de tumeur » (Developmental Cell du 9 mars 2015).
La liaison de Transforming Growth Factor-ß (TGF-ß) à ces récepteurs
membranaires, de type sérine-thréonine kinases, induit la phosphorylation des
protéines SMAD2/3 et leur accumulation nucléaire rapide, conduisant à l’activation
transcriptionnelle de leurs gènes-cibles (Javelaud et al, 2011). Parmi ces fonctions
importantes, le TGF-ß peut induire une transition épithélio-mésenchymateuse,
processus cellulaire au cours duquel les cellules épithéliales acquièrent un
phénotype migratoire et invasif qui favorise la progression métastatique (Javelaud et
al, 2012; Perrot et al, 2013).
Ces dernières années, il a été montré que la voie de signalisation Hippo joue
également un rôle important dans le développement des cancers (Mauviel et al,
2012). Activée notamment par les contacts cellule-cellule, la signalisation Hippo
contrôle l’inhibition de contact, un phénomène selon lequel les cellules normales
arrêtent de proliférer quand elles sont serrées les unes contre les autres. Il est admis
que le mécanisme sous-jacent est dû à l’exclusion nucléaire des effecteurs de la voie
Hippo, YAP et TAZ qui agissent principalement comme co-activateurs
transcriptionnels des facteurs de transcription de la famille des TEADs, favorisant
ainsi la prolifération cellulaire. Au cours du développement tumoral, cette inhibition
de contact est perdue et les cellules transformées maintiennent YAP/TAZ dans le
noyau et continuent à proliférer, indépendamment de leur densité cellulaire.
Dans un récent travail publié dans Developmental Cell (9 mars 2015), l’Equipe
d’Alain Mauviel (http://umr3347.curie.fr/fr/equipes-de-recherche/alain-mauviel), en
collaboration avec celle du Pr. Edward B. Leof (Mayo Clinic, Rochester, MN, USA), a
étudié l’influence de la densité cellulaire sur la réponse au TGF-ß dans plusieurs
types cellulaires d’origines variées. Les auteurs démontrent que l’établissement
d’une polarité baso-apicale dans les cellules épithéliales, caractérisée par la
formation de jonctions intercellulaires étanches aux macromolécules, abolit les
réponses au TGF-ß quand celui-ci est présenté aux cellules depuis leur pôle apical.
Ceci est dû à une relocalisation basolatérale exclusive des récepteurs au TGF-ß au
cours de la polarisation de ces cellules. Ce phénomène est hautement spécifique
des cellules épithéliales polarisées puisque dans tous les autres types cellulaires
étudiés, la réponse au TGF-ß n’est pas affectée par les changements de densité
cellulaire. Par contre, il semble que l’activation de la voie Hippo par les contacts
cellule-cellule soit ubiquitaire, mais n’interfère pas avec la signalisation du TGF-ß
(Nallet-Staub et al, 2015).
Ces résultats apportent un éclairage nouveau sur la relation entre la densité
cellulaire et la réponse au TGF-β, indépendamment de l’activation de la voie Hippo