Lettre à Landois, Diderot

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Lettre à Landois, Diderot
C'est ici, mon cher, que je vais quitter le ton de prédicateur pour prendre, si je
peux, celui de philosophe. Regardez-y de près, et vous verrez que le mot liberté est
un mot vide de sens ; qu'il n'y a point et qu'il ne peut y avoir d'êtres libres ; que
nous ne sommes que ce qui convient à l'ordre général, à l'organisation, à
l'éducation et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous
invinciblement. On ne conçoit non plus qu'un être agisse sans motif, qu'un des bras
d'une balance agisse sans l'action d'un poids, et le motif nous est toujours extérieur,
étranger, attaché ou par une nature ou par une cause quelconque, qui n'est pas
nous. Ce qui nous trompe, c'est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à
l'habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le
libre. Nous avons tant loué, tant repris, nous l'avons été tant de fois, que c'est un
préjugé bien vieux que celui de croire que nous et les autres voulons, agissons
librement. Mais s'il n'y a point de liberté, il n'y a point d'action qui mérite la
louange ou le blâme; il n'y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou
châtier. Qu'est-ce qui distingue donc les hommes ? la bienfaisance et la malfaisance.
Le malfaisant est un homme qu'il faut détruire et non punir; la bienfaisance est une
bonne fortune, et non une vertu. Mais quoique l'homme bien ou malfaisant ne soit
pas libre, l'homme n'en est pas moins un être qu'on modifie; c'est par cette raison
qu'il faut détruire le malfaisant sur une place publique. De là les bons effets de
l'exemple, des discours, de l'éducation, du plaisir, de la douleur, des grandeurs, de
la misère, etc.; de là une sorte de philosophie pleine de commisération, qui attache
fortement aux bons, qui n'irrite non plus contre le méchant que contre un ouragan
qui nous remplit les yeux de poussière. Il n'y a qu'une sorte de causes, à
proprement parler; ce sont les causes physiques. Il n'y a qu'une sorte de nécessité;
c'est la même pour tous les êtres, quelque distinction qu'il nous plaise d'établir
entre eux, ou qui y soit réellement. Voilà ce qui me réconcilie avec le genre humain;
c'est pour cette raison que je vous exhortais à la philanthropie. Adoptez ces
principes si vous les trouvez bons, ou montiez-moi qu'ils sont mauvais. Si vous les
adoptez, ils vous réconcilieront aussi avec les autres et avec vous-même : vous ne
vous saurez ni bon ni mauvais gré d'être ce que vous êtes. Ne rien reprocher aux
autres, ne se repentir de rien : voilà les premiers pas vers la sagesse.
Dans cette lettre adressée à Landois et datée du 29 Juin 1756, Diderot traite de la question de la liberté
humaine. Le problème auquel se confronte le philosophe français du XVIII e siècle est le suivant : sommesnous libres ou déterminés ? La thèse que développe Diderot dans ce texte s’attache à l’idée de
déterminisme, il démontre ainsi que les hommes ne sont pas des êtres libres. En effet, l’homme est sous
l’illusion d’être libre, mais les phénomènes de la nature sont les causes de chacun des actions de l’homme.
L’homme n’est pas libre car toutes ses actions ont des causes physiques. La démonstration du
déterminisme de l’homme se développe ici en trois temps. Premièrement Diderot énonce sa thèse (lignes 1
à 11) : l’homme se croit libre mais il est seulement le résultat d’une chaîne d’événements. Diderot montre
après que l’existence d’une cause a toutes nos actions ne nous prive pas d’une responsabilité (lignes 12 à
16) ; ce n’est pas parce que nous ne sommes pas libres qu’on ne peut pas condamner ni récompenser un
homme. Enfin, dans le dernier paragraphe du texte (lignes 17 à 23), les causes de notre déterminisme sont
détaillées. Diderot commence par affirmer que l’homme n’est pas libre avant de le démontrer.
***
Dans ce texte Diderot adopte un raisonnement par abduction, c’est-à-dire il part de sa conclusion que
l’homme n’est pas libre puis ensuite en déduit les causes de ce déterminisme. Dans un premier temps
Diderot affirme que « le mot liberté est un mot vide de sens » (ligne 2) et qu’il n’y a pas « d’êtres libres »
(ligne 3). Diderot attaque donc dans ce texte l'idée de liberté et y substitue l'idée d'un ordre universel. Dès
les premières lignes de ce texte on voit que Diderot soutient la thèse selon laquelle la liberté est une illusion,
voire une invention de l'être humain. La thèse de Descartes est très similaire à la thèse de Spinoza qui
soutient l’idée que la conscience nous donne l’illusion de notre liberté. Diderot critique la théorie du libre
arbitre et se pose en défenseur du déterminisme. La thèse déterministe de Diderot s’oppose à la thèse de
Descartes. Pour Descartes, nous faisons l’expérience évidente d’une liberté infinie, parfait et sans limite.
Ensuite, pour pouvoir soutenir sa thèse Diderot a recours à des exemples. Diderot explique à l’aide une
métaphore que comme une balance agit seulement sous « l’action d’un poids un être agit toujours avec un
motif bien que ce motif soit extérieur à l’homme. Il montre que rien ne peut se produire sans causes, et ainsi
qu'on ne peut être "cause de soi". S’il existe toujours une cause bien précise à nos actions alors d’après
Diderot nos actions et nos conduites sont toutes déterminés comme les phénomènes de la nature. Dans le
premier paragraphe de ce texte Diderot ne détaille pas les causes précises de nos actions, il les qualifie de
« quelconque » (ligne 6).
Pour pouvoir construire une démonstration rigoureuse, Diderot doit expliquer pourquoi on se croit libres. La
cause de notre une ignorance est selon Diderot à la fois « la prodigieuse variété de nos actions » (ligne 7) et
« l’habitude » (ligne 7) de nos actions. L’expérience de nos propres actions qu’on croit qu’on a choisit nous
pousse à attribuer une liberté aux sujets. Cependant, selon Diderot, même si nous avons une certaine
volonté nous ne sommes pas libres. L’homme est « volontaire » (ligne 8) c’est-à-dire qu’il a une certaine
liberté de pouvoir, une capacité de réaliser ses volontés. L’homme est sous l’illusion d’être libre car il croit
que sa liberté de pouvoir lui donne des choix ; or Diderot explique que « le volontaire » n’implique pas la
présence de choix. Nous avons le droit juridique et moral de faire une action ou une autre mais notre
déterminisme nous pousse vers un de ces actions. Nous avons la possibilité de dire oui ou non mais ce
qu’on dit est déterminé par la nature.
Diderot affirme que la liberté n'existe pas et donc par conséquent que les hommes ne sont pas libres. Il nous
dit que nous ne sommes pas libres puisque nous devons rentrer dans un moule pour pouvoir vivre en
harmonie avec autrui, que l'on doit respecter les lois, on peut donc se demander si les lois ne nous
empêchent pas d'être libres ? Nous sommes ce que la société veut que nous soyons (déterminisme sociale),
nous avons étés éduquer pour correspondre à l'image que l'on attend de nous. On peut donc penser que
Diderot nous dit que nous n'avons pas de libre arbitre et que nous devons nous contraindre aux carcans de
la société.
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Si l’homme n’est pas libre, il semble logique qu’on ne peut ni condamner un homme ni le récompenser. En
effet si la thèse de Diderot exclut toute liberté, comment fonder conceptuellement la responsabilité pénale et
morale de l’homme ? Dans le deuxième mouvement du texte Diderot explique pourquoi l’homme peut-être
condamner même il n’est pas responsable de ses actes.
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L’absence de liberté chez l’homme a évidement des conséquences, que Diderot reconnait à la fin du premier
paragraphe : si l’homme n’est libre pas alors logiquement « il n’y a point d’action qui mérite la louage ou le
blâme » (ligne 10). Comment expliquer alors qu’on punit l’homme mais on ne punit pas les autres êtres de la
nature ? Qu’est-ce qui distingue l’homme ? Diderot débute son argument par la présupposé que le critère de
différentiation entre les hommes est leur liberté, cependant si l’homme n’est pas libre, le nouveau critère
qu’apporte Diderot pour pouvoir différencier les hommes est leur « bienfaisance » ou leur « malfaisance »
(ligne 12). La thèse de Diderot s’oppose à celui Kant qui croyait que « la liberté est une propriété de la
volonté » et donc un critère de distinction de l’homme.
Le déterminisme de Diderot, ne soutient pas l’idée qu’il ne faut pas de justice. Même si l’homme n’est pas,
selon Diderot responsable de ses actes il est modifiable. En effet c’est par des structures de la société
comme la justice que selon Diderot on peut détruire « le malfaisant » (l.15) chez l’homme. Ce texte nous
montre que malgré le manque de liberté chez l’homme Diderot a foi en l'homme car il pense que celui-ci
peut changer grâce aux bienfaits de « l’exemple, des discours, de l’éducation » (l.15-16).
***
Diderot affirme au début du texte que l’homme n’est pas libre, mais si toutes les actions de l’homme ne sont
pas choisit par lui-même quelles sont les causes de ses actions ? Si l’homme est déterminé alors qu’est-ce
qui le distingue de tous les autres êtres vivants ?
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Dans ce texte Diderot mène un raisonnement déductif à l’inverse c'est-à-dire il affirme que l’homme n’est
pas puis il démontre cette manque de liberté en montrant les causes de nos actions à la fin du texte. Les
causes qui sont qui sont qualifiées de « quelconque » (ligne 6) au début de son argument son ensuite
détaillées à la fin du texte. Ce sont, selon Diderot les « causes physiques » (ligne 17) qui sont origine de nos
actions. On peut donc dire que le monde matériel détermine l’ensemble des actions de l’homme ; l’homme
n’est pas libre car toutes ses actions sont gouvernées par la nature.
Pour Diderot toutes les actions d’un être ont une origine matérielle donc pour lui la cause prédominante des
actions de l’homme est la nature ; cependant Diderot reconnaît qu’il existe une variété de différents types de
causes. Par exemples les instincts proviennent de la nature physique de l’homme. Certains philosophes
comme Sartre a proposé un contre-augmente à la philosophie du déterminisme naturelle de Diderot en
montrant qu’il existe aussi chez l’homme un déterminisme social. Diderot reconnait que parfois la société
peut exercer une pression sur l’homme mais comme la société est aussi déterminée par la nature, l'homme
est avant tout guidé par le monde matériel et ne peut la renier. En effet on voit que souvent on agit sans
qu’on sache exactement les motifs exacts de nos actions. Diderot explique ceci par le fait que l’homme est
déterminé par la nature et donc il ne sait pas les causes exactes de ses actions.
Par sa thèse du déterminisme naturel de l’homme Diderot critique le fait que l’homme se croit supérieur au
sein de la nature. Au contraire de philosophes comme Kant et Descartes qui soutiennent l’idée de supériorité
de l’homme au sein de la nature dans ce texte Diderot critique le fait que l'homme se croit en haut de
l'échelle du règne animale. Les différences que l'homme s'efforce de voir entre lui et les autres animaux
comme notamment la liberté de choix n’existe pas. L’homme comme les autres êtres de la nature est soumis
au déterminisme naturel : tout dans la nature, résulte de causes nécessaires. Tous les êtres vivants sont
menés par leur instinct et déterminés par leur nature profonde. L’unique nécessité de l’homme et de vivre et
de se reproduire. En effet même si l’homme nie le fait que veut seulement se reproduire dans la vie on
constate que la reproduction est le seul point commun entre l’ensemble des sociétés humaines. Malgré la
critique de Diderot des hommes il pense donc qu'il faut accepter le déterminisme humain et exhorter à la
bienveillance et « à la philanthropie » (ligne 20) pour que le genre humain vive en harmonie. Par sa thèse du
déterminisme c’est une vraie philosophie de vie que propose Diderot dans ce texte qui fondée sur la nature
de l'homme.
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Ce texte permet à Diderot de démontrer que l’homme n’est libre mais comme les autres êtres de la nature il
est déterminé par le monde matériel. Comme les causes de nos actions sont extérieures à nous elle nous
échappe souvent, d’où le fait que l’homme est sous l’illusion de la liberté.
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