Congrès de la FSU Quelle cohérence alternative ? Le thème 3 du rapport préparatoire, consacré aux alternatives, commence bien. Il pointe le système capitaliste, et indique justement que sa perspective est celle de "l'émancipation de toute forme d'exploitation, notamment celle du travail par le capital"… et ensuite les choses se gâtent. Le texte de la direction nationale traite comme souvent d'une grande variété de questions, cette année la question écologique tient un rôle important. Mais tout cela reste subordonné à une logique d'ensemble qui ne se situe pas dans une perspective anticapitaliste. Derrière les mots Lorsqu'on se penche attentivement sur ce que nous propose la direction de la FSU, la critique du capitalisme semble finalement assez formelle. Pour preuve, cette perspective est aussi définie comme étant celle du "développement durable" (sic), de "la croissance écologiquement et humainement soutenable" (re-sic), etc. le keynésianisme habituel d'UA est ici tenté de vert, mais ne débouche pas sur un projet de rupture avec le capitalisme. Cela ne signifie pas que les revendications soient absentes, au contraire. Souvent marquées par l'influence du Front de Gauche ("pôles publics", audit citoyen de la dette pour en supprimer une partie, droit de vote des immigré-e-s aux élections locales…), elles en présentent la force (opposition de principe à l'austérité) mais aussi les faiblesses – voire peuvent s'inscrire dans une logique d'accompagnement (financement de la Sécurité sociale par la CSG, "sécurité sociale professionnelle"…). C'est que la direction de la FSU – comme toute bureaucratie – s'accommode de la société capitaliste, et donc des gouvernements capitalistes. Il est logique que ses "alternatives" butent sur deux questions : peut-on changer la société sans rompre avec la propriété capitaliste des grands moyens de production (la lutte contre la "marchandisation" des services publics n'en est qu'un aspect) ? Et peut-on la changer sans rompre avec les institutions politiques du système capitaliste (Ve République, Union Européenne, FMI, etc.) ? Combattre le capitalisme "vert" On l'a dit, la question écologique occupe une place de choix cette année. Son approche reste marquée par les limites générales de la direction de la FSU. Mais faute d'une perspective socialiste (osons le terme !), nous avons droit à une approche qui n'est radical ni d'un point de vue écologique ni d'un point de vue social. D'une part, les questions que posent une écologie radicale sont esquivées : la lutte contre l'idéologie et le mode de vie quotidien liés au capitalisme (publicité, système médiatique, atomisation et rupture des liens sociaux…), contre son empreinte sur le cadre de vie modelé selon les seules logiques du profit (Notre-Dame-des Landes !)… est absente. D'autre part, à aucun moment la question écologique n'est abordée d'un réel point de vue de classe, comme enjeu de la lutte sociale Certaines formulations tendent même à mettre dans le même sac l'ensemble de "l'Humanité" dans une réalité commune qui s'auto-détruirait en détruisant l'environnement. Du coup, les perspectives de la direction de la FSU ne permettent pas de faire face à la logique du capitalisme "vert", et tracent peu de pistes concrètes. Pourtant elles ne manqueraient pas, à commencer par le combat concernant les programmes d'enseignement. Même sur le nucléaire, on se contente d'une formule interrogative concernant la sortie du nucléaire. Des évolutions à concrétiser Les textes de la FSU sont souvent assez positifs dans le mouvement syndical sur les questions des libertés, de la lutte contre la répression policière, les sans-papiers… reflet de l'investissement de militant-e-s dans ces domaines. C'est à nouveau le cas, par exemple sur la laïcité qui est mieux traitée que d'habitude même si certains points sont inacceptables (refus de la nationalisation laïque ou de s'opposer à la "morale laïque" promue par Peillon). Cela étant, même là il y aurait à redire (un seul exemple parmi tant : le texte se limite à réclamer le droit de vote aux élections locales pour les immigré-e-s, alors que la question fondamentale est celle de l'égalité des droits dans tous les domaines et donc le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections). En revanche, sur ces questions le principal problème n'est pas seulement celui des mandats de la Fédération, mais aussi celui de les faire passer dans la réalité. Autrement dit, celui d'impulser l'action syndicale quotidienne sur ces questions comme composante à part entière de l'action syndicale globale, et non comme "supplément d'âme" assuré par quelques militante-s. De ce point de vue, il y a encore du chemin à faire ! Quentin Dauphiné