De la NEP à la perestroïka
Après la Révolution de février, Nicolas II abdique le 2 mars et est remplacé par un
gouvernement libéral dirigé par Kerenski qui décide de continuer la guerre et refuse
d’effectuer une réforme agraire d’où la révolution d’octobre et la guerre civile qui s’ensuit
(contre les Blancs soutenus par les puissances occidentales). Pour répondre à ce contexte
catastrophique est mise en place en 1922 la NEP (Nouvelle Politique Economique) qui
signifie un retour partiel au capitalisme. On se trouve donc dans une situation apparemment
paradoxale : alors que la régulation planifiée a pour but de pallier les défaillances du marché,
le marché corrige en URSS les failles de l’économie planifiée. À travers l’exemple de
l’URSS, quels rôles respectifs peut-on alors accorder au marché et à la régulation étatique ?
1. De la NEP à la Seconde Guerre mondiale : le marché comme
préalable à la planification (1922-1941).
Échec du communisme de guerre et mise en place de la NEP
Les huit années de guerre causent des dizaines de millions de morts, aggravées par la famine
de l’hiver 1921-1922. La réquisition des produits alimentaires est mal acceptée par les
paysans malgré le partage des terres qui s’effectue dans certaines régions. Après le traité de
Riga et la révolte des marins de Cronstadt, Lénine prend conscience de la nécessité de
réformes intérieures et met en place la NEP théorisée par Boukharine : « un pas en arrière,
deux pas en avant » et conçue dès l’abord comme ponctuelle. Les mesures prises pendant la
Révolution et la guerre civile sont abroes, la monnaie est réinstallée, le marché (sur lequel
les paysans peuvent vendre leur surplus) et l’initiative privée redeviennent la règle.
La distribution de lopins instaure un retour à une certaine propriété privée. Pour s’assurer le
soutien des paysans, Lénine fixe des impôts modérés.
L’économie s’améliore sensiblement ; niveau de vie et productions agricole et industrielle
remontent. Le cheptel qui avait diminué de 25 % durant la guerre remonte de 42 % pendant la
NEP qui met fin aux famines et permet de répondre à la demande en produits de première
nécessité, y compris produits du futur secteur B. Le niveau de production global rattrape celui
de 1914 (en 21, la P industrielle atteignant 15% de celle de 13). Cependant une bourgeoisie
(les koulaks) réapparaît et les soviets perdent de leur pouvoir => contentement de l’aile
gauche du Parti et des ouvriers.
La mise en place de la planification stalinienne
Les plans quinquennaux sont inaugurés en 1928 pour favoriser le développement industriel et
transformer le pays domine l’agriculture en puissance moderne. Staline met en place le
Gosplan (organisme de décision en matière de planification) qui définit sur cinq ans les
besoins de la population et les objectifs de production, objectifs productivistes et centrés sur
le secteur A de l’industrie lourde (sidérurgie, métallurgie, énergie, extraction minière,
construction) au détriment du secteur B (biens agricoles, d’équipement des ménages et de
consommation). Les taux de croissance atteignent 10 % par an, le taux de croissance de
l’investissement se maintient au-dessus de 14 %, la production houillère quadruple entre 1928
et 1940. La politique de grands travaux se traduit par la construction d’infrastructures.
Pourtant la collectivisation (kolkhozes -3/4 des terres- et sovkhozes) est mal acceptée dans les
campagnes (d’où une démotivation), ainsi que l’exode rural massif et forcé pour développer la
main-d’œuvre industrielle. La production agricole connaît d’énormes fluctuations et la
population souffre des restrictions en biens de consommation (la croissance n’est pas le
développement) : les Russes ne retrouvent qu’en 54 le niveau de C de 28.
2. De la Seconde Guerre mondiale au XX° congrès du PCUS : le
choix idéologique de la planification malgré la réussite d’une
économie mixte
La Seconde Guerre mondiale : nécessité d’une seconde pause
L’attaque surprise de Hitler et les difficultés militaires soviétiques se traduisent par des pertes
énormes de territoire, notamment du « grenier à blé » ukrainien, désastreuses aussi bien pour
l’idéologie (les Pays Baltes accueillent les Allemands en libérateurs) que pour la production.
Staline est contraint d’aménager la planification pour garder le soutien du peuple (« grande
guerre patriotique ») ; la hâte dans laquelle se fait le déplacement de l’appareil productif dans
l’Oural et la tactique des terres brûlées auraient de toute façon rendu impossible tout contrôle.
On lance une politique d’assouplissement assez similaire à la NEP. Les lopins accordés aux
paysans sont étendus, on les autorise à vendre leur surplus sur le marché pour éviter le
développement d’une économie souterraine. La guerre permet donc le développement de la
propriété privée et la reprise de l’initiative individuelle.
Le retour à une planification impérative
L’URSS a vu sa superficie accrue à l’Est comme à l’Ouest après 1945. La planification a été
théoriquement reconduite durant la guerre mais de façon moins autoritaire et centrée
uniquement sur la production d’armement. Jusqu’en 1948, on procède à une expropriation
massive des nouveaux propriétaires. La planification reprend, encore plus stricte. Le IV° plan
vise à reconstruire du pays par les mêmes moyens que dans les années 30. L’URSS connaît
avec cinquante ans de retard la deuxième RI, la production d’électricité et de pétrole double
entre 1945 et 1950. Pourtant le niveau de vie stagne en dépit d’une hausse de la surface
ensemencée. La croissance est liée à la reconstruction. Dès les années 50, le système de la
planification semble bloqué. C’est dans ce contexte que Khrouchtchev annonce en 1956 des
réformes.
3. L’échec final de la planification conduit au retour au marché
L’ère Khrouchtchev (1956 – 1964)
Il lance la déstalinisation économiquement comme idéologiquement : un nouveau plan est
lancé en 1959 qui donne une place plus importante au secteur B : développement de la
production industrielle de biens de consommation, hausse du parc immobilier de 80 % entre
53 et 63, développement de l’agriculture, abaissement de l’âge de la retraite. Mais le « secteur
A » a pris beaucoup trop d’importance, les combinats sidérurgiques ne sont pas
transformables en usines d’industrie légère…
L’URSS doit importer des produits alimentaires (échec des opérations « terres vierges » au
Kazakhstan, augmentation des malfaçons du fait du mécontentement des paysans expropriés).
Une réforme qui tente de concilier collectivisation de la terre dans des sovnarkhozes et accès
des paysans à des lopins individuels échoue, car les paysans se consacrent entièrement à leur
lopin => la production alimentaire chute dramatiquement.
La stagnation brejnévienne (1964 1982)
L’accession au pouvoir de Brejnev illustre l’impossibilité de la réforme. Le système de
régulation hérité de Staline est maintenu avec tous les problèmes qu’il engendre :
-L’existence d’une « économie de pénurie » (expression de Janos Kornaï) : l’allocation des
ressources n’est pas optimale, la hausse des salaires (réforme Liberman de 65) n’influe pas sur
la satisfaction des travailleurs du fait des pénuries dans le secteur B (taux d’épargne énorme)
=> manque de conscience professionnelle et de motivation. La D est continuellement
supérieure à l’O. La régulation ne se fait pas par les prix (fixés autoritairement, ceux-ci ne
jouent pas leur rôle d’indicateurs de rareté), mais par les quantités.
-Le complexe militaro-industriel (que Gorbatchev se targuera de ramener à 25%) concentre
une part importante des ressources et gêne le développement.
-Le surinvestissement de capacité dans le secteur A entraîne une chute de la productivité et
freine le progrès technique, en même temps qu’il empêche l’investissement de se répartir de
façon optimale.
Les premières tentatives de réforme (Kossyguine : introduction de critère qualitatifs) n’ont
qu’une efficacité très limitée. Le système se sclérose. L’URSS, exportatrice de blé avant 14,
devient le premier importateur mondial de céréales. La croissance est systématiquement
surestimée par l’existence comme principal indicateur du produit matériel net (de 13% de
TCAM en 51, il passe à 5% en 75 et 3% en 84). En 85 la Banque mondiale évalue le PNB de
l’URSS à 46% de celui des Etats-Unis. Pour Aganbeguian
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, la croissance entre 80 et 84 est
proche de zéro.
De la perestroïka à l’effondrement de l’URSS
Gorbatchev arrive au pouvoir en 1985 et lance en avril la perestroïka pour moderniser
l’économie, c’est-à-dire mettre fin à la pesanteur de l’appareil bureaucratique et instaurer le
libéralisme politique par la transparence (glasnost), sans pour autant abandonner le
socialisme. On revient donc à une économie mixte. Par la loi du 6 mars 90 sont instaurés
plusieurs régimes de propriété ; en 1991, les prix sont libéralisés et régulés par le marché. A
court terme, cette politique aboutit à un véritable chaos économique. En 1990, la production
recule de 4 % alors que l’inflation atteint 20 %. Les prix sont multipliés par 3,5 en janvier
1991 (réforme Gaïdar). Mais si cette transition s’avère être une catastrophe à court terme, elle
est nécessaire au développement à long terme.
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Conseiller de Gorbatchev
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