Séance 2. Histoire des idées politiques. Pouvoir et vérité chez Platon. La République de Platon ne signifie pas un système politique. Le terme « république » est à comprendre comme la chose publique, l’Etat (la politeïa) ou la constitution. Les Grecs ont rédigé de nombreuses constitutions (Aristote en avait rassemblé 180, il en reste une, celle d’Athènes.) L’écriture des constitutions était une pratique des cités grecques. La république est une cité constituée autour d’une constitution. Platon a (comme Aristote) un statut unique dans l’histoire de la philosophie occidentale : source, origine, lieu de problèmes constamment repris. Les interprétations du texte de Platon diffèrent. Une actualité: Popper aurait trouvé chez Platon des ancêtres du totalitarisme. Le christianisme est aussi incompréhensible si l’on ne connaît pas la pensée grecque. Dans La République, le modèle qui est présenté est une division en classe sociale ou en race. La République idéale n’est pas une société sans divisions mais une société en trois groupes. La tripartition de Platon a eu une importance considérable dans la pensée occidentale. Chez Platon, on peut voir soit un héritier d’un mythe indo-européen où il existe des mythologies diverses qui séparent la société en trois classes (prêtres, guerriers, paysans) soit quelqu’un qui aurait propulsé cette mythologie puisque des auteurs de l’époque médiévale ont repris à leur compte cette tripartition comme bon ordre dans la société. La pensée de la République a été résumée dans le Timée, traduit en latin. Cette division en trois groupes, on la retrouve jusqu’à la Révolution française (noble, prêtre, tiers-état aux Etats généraux). Platon est un auteur à l’œuvre abondante qui n’a pas toujours dit la même chose. Il n’a pas constamment défendu la même thèse. Platon croit que la vérité existe et que l’homme peut la connaître. I)La figure de Socrate. a) Socrate s’oppose aux sophistes pour qui « l’homme est la mesure de tout chose » Il y a une diversité de l’image de Socrate. Il est connu non par ce qu’il a écrit mais pas ce qu’il a dit et qu’on a rapporté de lui. C’est un philosophe qui n’écrivait pas. Il est devenu le support d’une pensée qu’on lui attribue. Il y a une figure de Socrate chez Platon qui n’est pas la même chez Xénophon. Socrate discute avec d’autres personnages sur un mode polémique. Platon est dans une relation agonistique (joute) avec Socrate. Dans les dialogues socratiques, on voit Socrate s’adresser à quelqu’un à travers des questions du type : « Quel sens donnes-tu au terme que tu emploies ? » Socrate a une tendance à produire des définitions. Il est possible de trouver la vérité dans et à travers le langage. Socrate s’oppose alors à l’école philosophique des sophistes. Ce sont des professionnels de la manipulation de la parole. Les sophistes soutenaient qu’on devait être capable de démontrer une thèse puis de démontrer le contraire. Leur présupposé est qu’il n’y a pas de vérité absolue : ce qui est pertinent et ce qui est utile à quelqu’un. Il y a une vérité changeante pour chaque homme. Ce relativisme peut être alimenté par des expériences quotidiennes. Il y a une instabilité du monde : on ne peut pas éprouver quelque chose de stable ou de définitif. L’homme politique n’a pas à chercher la justice mais par le pouvoir. Or Platon croit qu’il y a un ordre juste et que l’homme a une capacité à connaître le vrai. Socrate va attaquer les sophistes en montrant que leur refus de chercher la vérité va les conduire à produire des discours qui n’ont pas de consistances. Socrate ne va pas pour autant affirmer la vérité : « Je ne sais qu’une chose : que je ne sais rien. » Ne croyons pas savoir, mais cherchons à construire un savoir vrai ? Socrate met en action différentes méthodes pour arriver au savoir vrai en posant des questions sur les mots, dans la République : qu’est ce que la justice ? La philosophie de Platon s’intéresse à la définition de concept abstrait et qui va donner une réponse métaphysique ou ontologique. La parole, la discussion, le dialogue sont les moyens de reconnaître qu’on ne sait pas la vérité ou alors de s’élever à la vérité. b) Ironie et dialectique La dialectique suppose que le langage qui est aussi la raison permet d’arriver au savoir. Le savoir est quelque chose que l’on peut atteindre par un cheminement, il n’est pas lié à une intuition ni à un apprentissage, le savoir peut se dévoiler par un usage réglé de la parole. Il y a une proximité, voire une identité entre vérité et langage. Avec ses interlocuteurs, Socrate fait apparaître des contradictions pour les obliger à aller plus loin. Le plus loin vers lequel il faut aller c’est de dépasser les constations empiriques pour essayer de trouver une définition de la beauté. c) La mort de Socrate : il obéit à l’ordre supérieur de la Cité Du point de vue de la philosophie de l’âme, la mort pour Platon est le début de la véritable vie. Socrate est condamné à mort pour avoir corrompu la jeunesse de la cité. Il refuse de s’évader et bois la ciguë. L’âme de Socrate continuera à exister. Il n’a pas peur de la mort car elle permet la libération de l’âme. Les citoyens d’Athènes ne considéraient pas comme légitime la désobéissance y compris à un ordre injustice. Ils n’ont pas de position critique vis-à-vis de l’ordre : mieux vaut subir une injustice que de commettre un désordre. Socrate obéit à la loi de la cité parce qu’il croit à un ordre juste. II)La vérité de Platon. A)Où est le vrai ? Est vrai ou faux une proposition (une phrase). Une proposition est vrai si effectivement à un énoncé type sujet+prédicat correspond à une réalité. Mais si le monde est entièrement changé de telle sorte qu’à chaque fois qu’on dit quelque chose de vrai, c’est immédiatement faux. Si on fait l’hypothèse que le monde soit instable, il n’y aurait de vrai que le changement. Pour Platon il y a une théorisation sur la nature de l’être : il y a des êtres à la fois permanent et stable. Les hommes politiques peuvent soutenir que ce ne sont pas eux qui ont changé mais le monde qui a changé. Mais chez Platon s’il est vrai que le monde change, c’est le monde d’ici-bas. Il explique quand même une réalité supérieure, il y a des êtres à un degré supérieur, supérieur au monde sensible. Il existe une réalité qui est la beauté en soi. La beauté en soi ne se dégrade pas, seules les caractéristiques des êtres changent. L’idée de beauté, de justice ne sont pas soumises au devenir. Tous les objets du monde change mais pas l’idée. On va donc qualifier ses entités, formes ou idées, en parlant de la beauté en elle-même. La beauté en elle-même ne devient jamais l’être. Les objets qu’on qualifie de beau participe à l’idée de beauté. Il faut que nous renversions notre intuition. Pour nous, ce qui existe et ce que nous percevons. Socrate et Platon vont en revanche renoncer à cette croyance en affirmant qu’il y a une autre réalité que le monde qui nous apparaît. Le monde tel qu’on le voit est un monde de phénomène. Le phénomène est ce qui se voit. Dans l’allégorie de la caverne, Socrate présente un schéma au niveau phénoménal et projette une série d’ombres qui a une éternité et qui n’est pas voué à la dégradation. Il existe des essences qui ne sont pas soumises à la détérioration. Nous ne voyons que la projection de ces identités. Il faut donc une sorte de conversion philosophique dans la pensée de Platon et en tirer des leçons. Par les mythes que produit Platon, il y a le mythe que les âmes des hommes seraient éternelles. Elles auraient contemplé la vérité humaine et gardé une trace de leur vision des idées en soi et que cette trace pourrait être réactivé. L’exercice de la philosophie serait d’aller réanimé dans l’âme humaine les vérités humaines qu’elle a contemplé. La philosophie serait un exercice par la parole de travail permettant de faire revenir à la surface des traces d’une mémoire de ce que leur âme a vu. Socrate compare son travail à celui d’une sage-femme qui met ses enfants au monde. La vérité n’est pas quelque chose qu’il faut transmettre mais il faut permettre l’apparition de la vérité. La philosophie n’est pas un art de transmission du savoir, mais le philosophe doit faire émerger un savoir qu’il ignore qu’il sait. Par le dialogue, le philosophe aide le sujet à récupérer son savoir. Le savoir est donc une réappropriation, un ressouvenir ou une réminiscence. B)Le problème de Ménon. Socrate soutient donc que savoir c’est resouvenir. Il va le montrer. Socrate va interroger un esclave. Bourdieu montre de façon convaincante que le capital culturel des individus dépend de leur domaine familiale. Le capital scolaire de la mère est un signe de ce que deviendront les enfants. Socrate prend un individu qui ne présente que des caractéristiques négatives (un esclave sans nom, un individu quelconque). On a faire à un jeune esclave d’où l’hypothèse suivante que si la démonstration fonctionne sur une individu quelconque elle fonctionnerait sur un individu à statut plus élevé. Socrate pose une seule question au propriétaire : l’esclave parle-t-il le grec. Socrate pose un problème de géométrie à l’esclave : « étant donné un carré de coté un comment construire un carré qui a une surface double que ce carré ». Après une série de tâtonnement, il va construire un carré qui a une surface double du carré initial. L’esclave aura d’abord doublé le côté avant que Socrate lui explique qu’il faut utiliser la diagonale. L’esclave du Ménon résout un problème mathématique d’une très grande technicité, donc quelqu’un qui est ignorant sans capital culturel a dans son âme à la vérité. Chez Platon, il y a une thèse démocratique : tous les individus possèdent un capital culturel équivalent. N’importe quel humain a une âme innée. N’importe quel esprit humain possède les mêmes compétences. Le savoir inné va varier en fonction du milieu. La rationalité est donc ancrée dans l’homme. Cette tradition a été réactivé dans la pensée de Descartes. Chomsky a soutenu que quelle que soit la façon dont on pose une question dans n’importe quelle langue il n’y a pas de différences dans les compétences. Platon en déduit qu’il n’y a pas d’inégalités fondamentales entre Platon et l’esclave. Platon présente au final le corps comme une prison dont il faut s’échapper. III)Le savoir vrai et le pouvoir dans Le politique. a) Différents modèles de l’homme politique dans Le Politique de Platon Platon cherche à trouver une définition de l’homme politique. La métaphore du politique comme guide d’un troupeau. Platon va théoriser la légitimité politique : au nom de quoi est ce qu’on peut commander ? b) La légitimité du politique idéal repose sur la détention du savoir vrai Ce qui devrait faire l’homme politique est celui qui détient le savoir vrai ce qui a pour conséquence qu’il n’y a pas d’homme politique. c) Les régimes politiques sont classés selon le nombre de gouvernants et leur qualité, et selon l’existence ou non d’une constitution écrite Il y a chez Platon plusieurs classifications des régimes politiques. Dans Le politique, une thèse est qu’il y a une coupure entre régime politique avec constitution écrite et ceux sans constitutions. Les régimes sans constitution sont imparfaits, ils sont les plus mauvais. Les moins mauvais sont les régimes où il existe une règle qui sert de moyen à maintenir en ordre la cité.