Première partie 3
Les inégalités sociales et scolaires 3
définition, histoire, sociologie 3
« L’égalité », politique ou sociale : une valeur fortement ancrée dans notre société...
et difficile à définir 3
« Egalité » : de « droit », de « conditions » ou de « chances » ? 3
Différents types « d’inégalités » : revenu, pouvoir, liberté, qualité de vie... « bonheur » 6
Inégalité et ressentiment d’inégalité (ou « d’injustice ») 6
Le sentiment « d’inégalité » (ou « d’injustice ») comme distance entre l’aspiration et la
réalisation (ou non) de cette aspiration 7
L’aspiration individuelle ne coïncide pas forcément avec l’exploitation optimale des
potentialités 8
L’idée d’accomplissement historique de l’égalité sociale 9
Les notions que nous discuterons dans la thèse 10
Perspectives anthropologiques des notions « d’égalité » 10
Une brève histoire de l’idée d’égalité et des inégalités scolaires et sociales 11
Des vertus de la discipline d’Histoire 11
De la difficulté à établir une histoire des inégalités scolaires et sociales 11
Les « inégalités sociales » au paléolithique 12
Le néolithique : dentarisation, premières industries, partage du travail, comptables et
scribes 14
Les civilisations antiques pré-monothéistes : Inde, Égypte, Chine 14
Athènes, Rome, Gaule romaine 15
Les monothéismes judaïque et chrétien : la fraternide tous les hommes et l’École pour
tous 15
Le Moyen-Âge : un utilitarisme analogue à celui du monde antique 16
« L'École pour tous » de la Réforme protestante 17
La contre-offensive catholique ; Charles Démia, Jean-Baptiste de la Salle, l’Ordre des
Jésuites 17
La sécularisation de « l’École pour tous » au XVII siècle 18
L’accomplissement de « l’École pour tous » ; Jules Ferry 19
Le XX° siècle : du souci d’obligation scolaire à celui d’égalité de réussite 20
La sociologie des inégalités socio-scolaires depuis 1960 21
L’enquête de l’INED, le rapport Coleman et les pays socialistes 21
Les innéistes : Jensen, Herrnstein 24
Les explications culturalistes : Baudelot, Bourdieu, Bernstein 25
Le type de pédagogie : Viviane Isambert-Jamati 27
Sociologie de l’action et mobilité sociale : Christopher Jencks, Raymond Boudon 29
Les limites des politiques de réduction des inégalités socio-scolaires 29
Les mesures politiques 30
Les résultats 31
Réflexion sur les causes de ces résultats 33
Pierre Bourdieu et les « déterminants sociaux » : arguments et limites 34
La sociologie de Pierre Bourdieu 35
« L’habitus », phénomène réel ou construction intellectuelle ? 35
L’action de l’individu est-elle déterminée par des entités qui le transcendent ? 36
2
« L’explication » de la reproduction des différences sociales éclaire-t-elle l’origine de ces
différences ? 36
La corrélation exprime-t-elle une causalité ? 37
Les trajectoires « atypiques » : des anomies marginales qui menacent le corps entier de la
théorie bourdieusienne 38
L’élève bourdieusien, sans cerveau ni génotype ; l’impasse sur le champ de la
neurobiologie 39
L’a priori implicite, partagé avec le lecteur, d’identité et de virginité cognitives à la
naissance 39
Une théorie douteuse au total 40
La question de la « causalité sociologique » : ce que Durkheim ne pouvait pas savoir
en son temps 40
Sur quoi se fonde l’hypothèse sociologique de « causalité » ? 41
La corrélation statistique, base du fondement sociologique établi par Durkheim dans « Le
Suicide » 41
Le type de religion pratiquée exerce-t-il un effet de causalité sur la propension au
suicide ? 42
Suicide, neurotransmetteurs et génétique des populations 43
Pourquoi une population donnée produit-elle une religion donnée ? 45
Comment la corrélation, visible aux yeux du sociologue, peut cacher un tiers phénomène,
invisible, qui est la véritable cause des deux phénomènes visibles 46
Le port de lunettes est-il culturel ? 47
Échec scolaire, « milieu social », troubles de l’attention et neurobiologie 47
La réussite scolaire est-elle « déterminée » par le milieu d’origine ? 48
Raymond Boudon : nominalisme et agrégation des actions individuelles 49
La sociologie de l’action : filiation nominaliste 50
Un modèle théorique agrégatif pour expliquer « reproduction » et mobilité 50
Le modèle explicatif de mobilité de Raymond Boudon 51
De l’effet du développement scolaire sur les inégalités devant l’école 51
Des effets de la « démocratisation » scolaire sur la mobilité sociale 55
Récapitulation des phénomènes décelés par R. Boudon 56
Quels sont les facteurs de la réussite sociale et scolaire ? 58
La réussite sociale déterminée par la réussite scolaire et l’ambition 58
La réussite scolaire, mélange de compétences cognitives et de motivation 58
La délicate question des facteurs naturels 59
Les compétences cognitives, émulsion de facteurs environnementaux et naturels 60
La « motivation », déterminée également par l’environnement et des traits de caractère
constitutionnels 60
Les réussites sociale et scolaire, mélanges de facteurs naturels et environnementaux 62
Résumé de la première partie 63
3
Première partie
Les inégalités sociales et scolaires
définition, histoire, sociologie
ou
« Qu’est-ce que les ‘inégalités socio-scolaires’ ? »
« L’égalité », politique ou sociale : une valeur fortement ancrée dans
notre société... et difficile à définir
Les différentes valeurs « d’égalité » - politique, sociale, scolaire sont une préoccupation
centrale de notre société. « L’égalité » est l’un des trois mots d’ordre de la devise de la
République fançaise. Il n’est pas un parti politique qui n’évoque le bien-fondé et la nécessité
« d’égalité des droits », de « justice sociale » ou d’atténuation des inégalités. « L’égalité » est
une valeur politique et morale consensuelle et quasi-unanime parmi la (les) société(s) des
hommes. Seuls quelques groupuscules d’extrême-droite, ultra-minoritaires, sont susceptibles
de défendre ouvertement un « idéal » d’inégalité des statuts ou des droits. Cependant, cette
« égalité » - l’égalité politique, l’égalité sociale, l’égalité scolaire recouvre des acceptions
relativement floues, et qui diffèrent notamment selon la préférence politique. On peut essayer
de distinguer entre quelques grandes catégories d’acception, mais sans pour autant espérer
parvenir à une définition « objective » et consensuelle. C’est ce qui fait l’une des difficultés
- mais en même temps l’une des richesses anthropologiques - de cette question.
« Egalité » : de « droit », de « conditions » ou de « chances » ?
« L’égalité » est tout d’abord appréciée comme étant politique, comme étant celle des
« droits ». Elle signifie qu’aucun citoyen n’a plus de droit, de privilège, de poids de vote ou de
pouvoir de décision qu’aucun autre citoyen. Cette acception est adoptée et revendiquée par
4
quasiment tous les partis politiques français
1
. Elle est établie par le premier article de la
Déclaration des Droits de l’Homme.
Toutefois, cette égalité politique n’est pas jugée suffisante par certaines obédiences
politiques, notamment de « gauche ».
Une autre acception de « l’égalité », en effet, économique, va plus loin, qui revendique
l’égalisation voire l’égalité « sociale », à savoir l’égalisation des statuts, des conditions et
des revenus. Sa version radicale, extrémiste, ultra-égalitaire, fut promue pendant la Révolution
Française par les « Enragés » et les « Hébertistes ». Elle le fut également par les « socialistes »,
« communistes » et « anarchistes » depuis le siècle dernier jusqu’aujourd’hui. L’égalisation
économique est une valeur défendue, à différents degrés, par l’ensemble du camp politique
actuel dit « de gauche », ou « progressiste ». L’idée d’une forte (ou très forte) réduction des
inégalités de conditions sociales est défendue encore aujourd’hui par certaines franges de
l’extrême-gauche, comme Lutte Ouvrière, la Ligue Communiste Révolutionnaire, le Parti des
Travailleurs, la Ligue Trotskyste Française et, de façon plus tempérée, le Parti Communiste
Français. Des sensibilités plus modérées de la gauche, comme le Parti Socialiste, le Parti des
Radicaux de Gauche, les Verts ou le Mouvement des Citoyens défendent également de façon
plus modérée cette orientation.
Enfin, une exigence intermédiaire entre celles d’égalité politique et économique est celle
d’égalité des « chances ». Mais ce vocable se décline et se nuance entre deux acceptions. La
première, plus proche du souci gaucher d’égalisation économique, prône une atténuation des
inégalités de condition (tout en admettant une relative diversité des hommes). On la trouve
revendiquée surtout par le Parti socialiste et le Parti des Radicaux de Gauche. La seconde,
plus droitière et soucieuse de liberté individuelle, entend par « égalité des chances » la
reconnaissance et l’épanouissement des « mérites
2
» et potentialités de chacun. On la trouve
revendiquée depuis l’Union pour la Démocratie Française jusqu’au Rassemblement pour la
République, en passant par Démocratie Libérale. Au total, la notion « d’égalité des chances »
admet une certaine diversité des hommes (dans leurs talents et aspirations) et une relative
diversité sociale avec néanmoins un souci de « justice » au sens de la reconnaissance des
talents et « mérites » individuels (l’aile gauche de « l’égalité des chances » restant préoccupée
d’une certaine égalisation des conditions). On rencontre donc cette acception de l’égalité sur
l’échiquier politique depuis le centre du parti socialiste jusqu’aux partis de droite, démocrates,
libéraux et républicains.
On pourrait dire, en résumé, que la valeur d’égalité politique de « droit » est affirmée par
l’ensemble de l’échiquier politique (en faisant abstraction du cas discutable de l’extrême-
droite), que l’égalité (ou l’égalisation) « économique et sociale » des conditions et statuts est
défendue essentiellement par le camp politique de gauche, et que l’égalité des « chances » à
exploiter pleinement ses aspirations et potentialités réunit l’ensemble de la droite
1
Elle n’est pas très claire pour l’extrême-droite française, qui affirme « l’égalité des droits » mais à la fois la
« préférence nationale », c’est-à-dire l’exclusion des non-Français. Il s’agit donc d’une « égalité de droit »
limitée, puisqu’en sont exclus certains citoyens, sur des critères qui ouvrent à débat politique, moral et
philosophique.
2
la notion de « mérite » ayant encore différentes acceptions selon que l’on est de « gauche » ou de « droite ».
5
démocratique et la moitié centriste de la gauche (la moitié gauchère de la gauche estimant que
« l’égalité des chances » recouvre une relative « égalisation sociale »).
« L’égalité des chances » recouvre-t-elle une notion univoque et cohérente ?
Nous voyons que « l’égalité des chances » demeure une notion floue, puisque chacun, selon
son opinion politique, confère au mot « chance » une acception différente : le militant
d’extrême-gauche considère « l’égalité des chances » comme celle d’égaliser les revenus ; le
chef d’entreprise libéral (sans être pour autant inégalitariste ou ségrégationniste) considèrera
de son côté « l’égalité des chances » comme celle pour chacun d’exploiter et épanouir
pleinement ses potentialités dans l’intérêt général. Entre ces deux extrémités se déclinent
nombre de nuances. « L’égalité des chances » recouvre un sens différent selon le locuteur et
on peut se demander si elle peut avoir un sens exact ou « objectif ».
La seule chose à peu près certaine au sujet de « l’égalité des chances » est qu’elle est
incompatible avec un inégalité des droits politiques. Ceci pose au passage un problème pour
l’extrême-gauche : « l’égalité des chances » telle que l’entend le militant d’extrême-gauche
respecte-t-elle l’égalité des droits politiques à exploiter ses potentialités ou créer une
entreprise ?
On voit donc que les différentes acceptions de « l’égalité des chances » peuvent s’opposer :
« l’égalité des chances ». « L’égalité des chances » selon certains est l’ennemi et le contraire
de « l’égalité des chances » selon d’autres. C’est que, comme le formule le prix Nobel
Amartya Sen
3
, « l’exigence d’égalité sur une variable tend à entrer en collision avec la
volonté d’égalité sur une autre ».
L’idéal d’égalité des conditions sociales est-il aboli ?
Le sociologue Raymond Boudon estime que « l’hypothèse d’une société non stratifiée, qui
ne fut pas toujours perçue comme une utopie, est aujourd’hui généralement considérée
comme telle » et que « l’idéologie qu’on peut qualifier d’égalitarisme absolu (tous les hommes
égaux) tend à être remplacée par l’égalitarisme relatif (égalité des chances) qui, loin
d’impliquer l’égalitarisme absolu, suppose au contraire la stratification sociale, c’est-à-dire
l’inégalité
4
». L’idéal d’une « société sans classe », sans différences de statuts et de revenus
tend-il à disparaître au fil de l’histoire de l’humanité ? Notons que cette vision participe de la
supposition d’un progrès axiologique, moral et politique des hommes, d’un avènement de
nouvelles valeurs considérées de manière universelle comme étant bien-fondées et
irréversibles. Nous demeurons pour notre part prudent et sceptique par rapport à la
supposition d’obsolescence de l’idéal socio-égalitaire. Le rêve socio-égalitaire, en effet, ne
semble pas construit par l’acteur sur la base uniquement de connaissances et de raisonnements
objectifs, « froids », mais se nourrit également d’affects, de passions, de colères, d’intérêts, de
soif de pouvoir et peut-être même « d’instincts » et mécanismes cognitifs encore obscurs qui
ne sauraient disparaître miraculeusement de l’esprit et de la nature des hommes. Saurait-on
dire par exemple que les utopies khmères ou albanaises, anciennes seulement de trente ans sur
3
2000, Repenser l’inégalité, Paris, Seuil.
4
1973, L’Inégalité, p. 194 ;
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