La deuxième raison est liée à l’impressionnante diversité de définitions et de phénomènes qui
y est attachée. Le mot a une histoire dans le vocabulaire psy
francophone, une histoire liée à
celle des modèles dominants en thérapie au siècle dernier. On peut avoir le sentiment qu’il est
aujourd’hui utilisé à tort et à travers pour désigner tout et n’importe quoi au point qu’on peut
se demander s’il n’est pas préjudiciable à l’avancée de la compréhension des phénomènes
qu’il recouvre (Jureidini, 2004). Il m’a semblé indispensable de passer du temps à préciser ce
dont il est question quand on l’utilise. Cette première étape généalogique, plus longue que je
ne l’avais anticipée, m’a conduit à proposer, dans le premier temps de ce travail, une
nomenclature, une charte de nommage, pour clarifier les contours de la notion et éviter
l’enlisement dans des querelles qui ne seraient que sémantiques.
La dernière raison du choix de ce thème est la résultante de la combinaison des deux
précédentes catalysée par la lecture d’un article présentant le livre de Colin A. Ross (2001),
psychiatre canadien faisant l’hypothèse, pour expliquer l’extrême fréquence de la co-
morbidité en psychiatrie, qu’une majorité des souffrances psy qui s’expriment sous forme
dissociative sont en fait post-traumatiques. Autrement dit, la dissociation, compte tenu du
caractère polyvalent en intensité et en nature de ses manifestations, conduirait à de
nombreuses erreurs diagnostiques : sans tomber dans le piège d’une explication
pantraumatologique miracle, la question se pose de savoir si bon nombre de symptômes ne
sont pas en réalité des conséquences secondaires, dissociées, de traumas. Par exemple, est-ce
que la si problématique catégorie « borderline » ne devient pas plus claire si on la reprend à
partir de cette hypothèse ? Si la notion de dissociation permettait de mieux modéliser la
souffrance psychique, soit en subsumant sous un processus unique des symptômes
J’utilise ce diminutif qui pourrait paraître familier parce que c’est le seul qui puisse nommer simplement
l’ensemble hétérogène des communautés psychologiques, psychiatriques, psychanalytiques, psychothérapiques
ayant pour objet commun les souffrances symboliques, systémiques ou événementielles non directement
somatiques (mais qui ont pourtant un support biologique).